Par Connie
Hedegaard, membre de la Commission européenne, chargé de l'action pour le
climat
Novembre
2011 - La
conférence des Nations unies sur le climat qui réunira en Afrique du Sud à la
fin du mois des ministres et négociateurs du monde entier sera une étape
cruciale pour progresser dans la lutte internationale contre le changement
climatique.
Certains
pourraient penser: ne peut-on pas attendre un peu et faire face aux enjeux
climatiques une fois seulement que nous aurons résolu la crise de la dette en
Europe, quand la croissance aura repris? La réponse est non. Les inondations en
Thaïlande ou les sécheresses au Texas et dans la Corne de l’Afrique ne sont que
quelques-uns des récents événements qui nous rappellent que relever les défis
du changement climatique reste une urgence car celui-ci ne fait que s'aggraver.
Le récent rapport de l’Agence internationale de l'énergie - AIE - sur les
Perspectives énergétiques mondiales est également très clair: le temps presse
et la facture s'alourdira si nous n’agissons pas dès maintenant.
Alors, à
quoi pouvons-nous prétendre à Durban? Si l'on se fie aux médias, on pourrait
avoir l'impression qu'il n'y a qu'un critère de succès: obtenir des pays
développés qu'ils s'enrôlent pour une deuxième période d'engagement au titre du
protocole de Kyoto pour faire suite à la première période qui se termine en
2012.
Comprenez-moi
bien: l’UE soutient le protocole de Kyoto. Nous avons fondé notre propre
législation sur ses principes. Nous sommes la région qui s'est fixé l'objectif
le plus ambitieux au titre de Kyoto et nous allons l'atteindre. En fait, nous
sommes sur le point de dépasser notre objectif.
Mais le
protocole de Kyoto repose sur une distinction claire entre les pays développés
et les pays en développement et il n'exige des efforts que des pays
développés. Ne pensez-vous pas que les changements intervenus dans
l'économie mondiale au cours des deux dernières décennies rendent cette distinction
de plus en plus floue?
Prenons
l'exemple de Singapour et de la Corée du Sud. Leurs économies reposent
largement sur l'exportation, bénéficient d'industries compétitives et occupent
un rang impressionnant dans le classement établi par les Nations unies selon
l'indice de développement humain. Et pourtant, dans le cadre du protocole de
Kyoto, ces pays sont considérés comme des pays en développement. Prenons encore
l'exemple d'une économie émergente dynamique comme celle du Brésil. Elle
dispose d'industries florissantes, recèle d'immenses ressources naturelles et
bénéficie d'un revenu par tête nettement plus élevé que celui par exemple de la
Roumanie ou de la Bulgarie.
L'évolution
de la pollution elle aussi brouille cette distinction entre pays développés et
pays en développement. Selon l’AIE, aujourd’hui, l’augmentation des émissions
de CO2 est essentiellement le fait des économies émergentes dépendantes du
charbon. Et cette tendance ne fera qu'augmenter. Jusqu’en 2035, 90 %
de l’augmentation de la demande d’énergie viendra de pays qui ne font pas
partie de l'OCDE. Si l'on considère par exemple la Chine, ses émissions liées à
l’énergie ont triplé depuis 1990, ce qui en fait le plus gros émetteur au
monde. En moyenne, un citoyen chinois émet désormais davantage qu'un Portugais,
une Suédoise ou un Hongrois. Il est donc évident que le monde ne peut
tout simplement pas lutter efficacement contre le changement climatique sans la
Chine et les autres économies émergentes.
Un autre
défi tient à ce que les États-Unis n'ont pas adhéré au protocole de Kyoto – et
ne le feront jamais – et à ce que le Japon, la Russie et le Canada ne cachent
pas qu’ils n’ont nullement l’intention de signer pour une deuxième période
d'engagement. En résumé, cela signifie que, si l'UE devait s'engager pour une
deuxième période avec quelques autres économies développées, cela couvrirait au
plus 16 % des émissions mondiales, alors que la première période de Kyoto
couvrait près du tiers des émissions à l'échelle planétaire. Pourrait-on alors
parler de succès pour le climat?
Autrement
dit, ce critère n'a aucune chance de maintenir la hausse de la température en
deçà de 2°C (ou 3,6°F), ce que la communauté internationale estime devoir être
notre objectif commun.
Pour avoir
une chance d'atteindre cet objectif, ce qu'il nous faut est un cadre d'action à
l'échelle planétaire auquel participent toutes les grandes économies mondiales,
qu'elles soient développées ou en développement. Un cadre d'action qui reflète
véritablement le monde du XXIème siècle et dans lequel toutes les promesses de
dons auront le même poids juridique.
L'Union
européenne est favorable à une deuxième période de Kyoto, pour autant que
l'intégrité environnementale du protocole soit améliorée et que la conférence
de Durban débouche sur un accord concernant une feuille de route et un
calendrier qui soient clairement établis en vue de la finalisation de ce cadre
au cours des prochaines années et de sa mise en œuvre au plus tard en 2020.
J’espère que
tous les pays feront preuve de volonté politique et prendront les initiatives
nécessaires pour engager un tel processus à Durban. À Copenhague, les
dirigeants s'étaient engagés à maintenir la hausse de la température mondiale
en deçà de 2°C. Il est temps aujourd'hui de montrer qu'ils ont véritablement
l'intention de tenir leur engagement.
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