Introduction
Depuis
l’accession de la RD Congo à la souveraineté internationale, son appareil
judiciaire a connu plusieurs problèmes qui ont affecté son fonctionnement et sa
capacité à rendre une justice équitable et accessible
à tous.
A
la suite des conflits politiques qui ont caractérisé l’après indépendance, le
départ massif des magistrats belges, a créé un vide vu qu’il n’avait pas de magistrats congolais formés à cette époque.
Il
a fallu faire recours à la coopération internationale pour que certains
magistrats étrangers viennent combler ce vide. Cette coopération fut accompagnée
des efforts de formation et de recrutement des magistrats congolais. Et un bon
nombre fut effectivement formé au fil des années pendant la première et la deuxième
République.
Dans sa dérive totalitaire, la seconde
République a fait de l’appareil judiciaire congolais, un organe du parti Etat,
le Mouvement populaire de la révolution « Mpr », avec pour
conséquence, la politisation et
l’instrumentalisation à outrance du pouvoir judiciaire.
Cette
situation a paralysé l’indépendance de ce corps, en érigeant le militantisme,
le régionalisme, tribalisme, le clientélisme… en critères de recrutement et de
promotion dans la magistrature.
Tous
les maux et antivaleurs qui ont caractérisé la vie du parti Etat ont affecté profondément
l’appareil judiciaire : la corruption, le clientélisme, l’injustice…au
point que les Magistrats formés furent plus au service du Parti Etat que de la
justice.
La
chute du régime de la deuxième République a suscité beaucoup d’espoirs dans
l’opinion relativement à la réhabilitation de la justice, face à tous les maux
qui ont marqué son fonctionnement et, la distribution de la justice par les
Magistrats clochardisées et corrompus.
Le
régime de l’Afdl a pensé mettre fin à cette situation en procédant à la
révocation illégale et, arbitraire de
trois cents quinze magistrats accusés de corruption et d’autres maux qui
rongent ce corps.
Pendant
la transition de la deuxième à la troisième République, quelques efforts bien
que timides furent fournis par le Gouvernement congolais, dans le sens de l’amélioration de la prime et
de la rémunération des Magistrats. Cette amélioration n’était pas à la hauteur
du minimum vital à même de mettre les
magistrats à l’abri de la corruption.
La
constitution du 18 février 2006 est venue jeter le jalon des reformes à
entreprendre pour l’avènement d’une justice indépendante, gage de la démocratie.
Certaines lois furent prises pour matérialiser le vœu exprimé par le
constituant de décembre 2006. C’est le cas de la loi N° 08/013 du 05
août 2006 portant organisation et fonctionnement du Conseil Supérieur de la
Magistrature, de la loi organique portant statut des Magistrats.
Avant
l’achèvement de la reforme amorcée, plusieurs accusations sont continuellement dirigées
contre pouvoir judiciaire. Ces accusations viennent à la fois du Pouvoir
Exécutif, du Pouvoir législatif, des organisations
de la société civile, des opérateurs économiques et de la population.
Le
Président de la République et le Gouvernement se basant sur ces accusations,
ont pris plusieurs décisions allant des affectations sanction à la
révocation de Magistrats, sous prétexte de mettre fin à l’impunité et à la
corruption dans le secteur de l’administration de la justice. En violation de l’indépendance
de la magistrature et du principe de la séparation des pouvoirs consacrée par
la constitution.
Lesdites
décisions ont été prises sans aucune mesure d’accompagnement visant à voir si
les magistrats maintenus et promis éviteraient
les maux qui ont été reprochés à
leurs collègues retraités et révoqués.
Dans
ce même ordre d’idées, le recrutement de deux mille nouveaux magistrats a été
décidé. Le premier groupe est déjà à pied d’œuvre après les ordonnances n°10/056 du 30 juillet 2010
et n° 11/051 du 20 juillet 2011 prises par
le président de la République. Le deuxième groupe de magistrats qui viennent
d’être nommés et affectés est appelé à
financer seul les frais de transport pour rejoindre le
poste d’affectation.
Plusieurs
accusations sont également dirigées contre les organes qui ont pris la charge
de ce recrutement pour faits de favoritisme, du non respect des conditions ou critères, de la falsification et d’admission
des personnes en dehors du test organisé
en dates de 17, 18 et 19 octobre 2009.
Après
toutes ces mesures, il convient de s’interroger sur les conséquences de ces
interventions sur l’image de la magistrature dans l’opinion et, de la capacité
de l’appareil judiciaire congolais à répondre efficacement aux besoins de
justice ressentis par les justiciables.
Il
y a aussi lieu de se poser la question sur ce qu’il faut faire pour que cette
justice réponde aux besoins des justiciables d’avoir droit à une justice
équitable et responsable.
L’Asadho,
qui a observé la marche du Pouvoir
Judiciaire à travers les différentes
mesures sus évoquées, a initié cette enquête pour faire l’état de lieu actuel la justice. Pour y parvenir, elle s’est
adressée à un échantillon de magistrats, d’avocats, de justiciables, de
greffiers et autres intervenants dans ce secteur pour recueillir leurs points
de vue sur le fonctionnement de la justice. La ville de Kinshasa, les provinces
du Nord Kivu - Goma et Béni - et de Bandundu - Inigo et Kikwit - ont servi
d’échantillon
I. Des
garanties constitutionnelles d’une justice équitable et indépendante en RD Congo
La constitution du 18 février 2006 est venue
pratiquement apporter une révolution en matière de l’indépendance du pouvoir
judiciaire et de l’administration de la
justice.
La
section 4 du chapitre Ier de la
constitution de la République qui contient 20 articles est consacrée au pouvoir judiciaire.
I.1
De l’indépendance du Pouvoir Judiciaire
Les
dispositions de l’article 149 alinéa premier de la constitution consacrent sans
équivoque, l’indépendance du pouvoir judiciaire en ces termes: «Le
pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir
exécutif »
Par
ce principe fort, la volonté du constituant est de garantir et de protéger
l’indépendance du pouvoir judiciaire en consacrant par cette voie la séparation
nette de trois pouvoirs traditionnels, de façon à garantir une justice
impartiale par des juges au dessus de toute manipulation. L’exposé des motifs
reprend ce principe en ces termes : « La
présente constitution réaffirme l’indépendance du pouvoir judiciaire dont les
membres sont gérés par le Conseil Supérieur de la Magistrature désormais
composés de seuls magistrats ».
La
volonté du constituant congolais du 18 février 2006 telle que ressortie à
travers l’exposé de motifs, était non seulement de consacrer le principe de
l’indépendance du pouvoir judiciaire, mais aussi de préserver et de protéger
cette indépendance contre les révisions éventuelles de la constitution.
Cet
esprit est encore mieux exprimé par les dispositions de
l’article 220 de la constitution qui reprend parmi les matières non révisables
quelque que soit les circonstances, celle relative à l’indépendance du pouvoir
judiciaire. L’alinéa premier de cet article est ainsi
libellé : « La forme Républicaine de l’Etat, le principe
du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la
durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir
judiciaire, le pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l’objet
d’aucune révision constitutionnelle».
Le
même constituant a écarté l’exécutif de la distribution de la justice en
mettant le juge à l’abri de toute injonction de la part des membres de
l’exécutif. L’article 151alinéa Ier dispose que « Le pouvoir exécutif ne
peut donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa juridiction, ni statuer
sur les différents, ni entraver le cours de la justice, ni s’opposer à une
exécution d’une décision de justice ».
Nous relevons ici que cette disposition de la constitution a été
plusieurs fois violée, par le ministre de la Justice et le Président de la
République.
I.2 De la séparation entre les trois pouvoirs
traditionnels.
Comme dit ci haut, la
nette séparation des trois pouvoirs traditionnels voulue par le constituant du
18 février 2006 est une réalité sur papier.
En pratique, elle n’est
pas observée. Le Pouvoir Judicaire fait
toujours face aux interférences intempestives de l’Exécutif dans l’administration
de la justice et la gestion des magistrats.
II. Des
mesures gouvernementales d’assainissements de l’appareil judiciaire
Face aux diverses
accusations à tord et à raison dirigées contre les magistrats, aux
mécontentements généralisés dans l’opinion relativement à la conduite des
magistrats dans leur mission de dire le
droit et, au souci des politiques d’instrumentaliser l’appareil judiciaire et, de s’assurer du contrôle de
magistrats, l’Exécutif congolais a pris plusieurs mesures ci dessous.
L’Asadho
a cherché à travers l’enquête réalisée, d’évaluer l’impact de ces mesures par
rapport à l'objectif d’assainissement du
secteur judiciaire congolais et de l’amélioration du comportement du magistrat
congolais face aux différents griefs faits contre lui.
II.1
Des révocations, mise à la retraite, mise en place de magistrats
Dans
son rapport intitulé « le Président de la République récidive dans les
révocations irrégulières des magistrats » publié en date du 30 juillet
2009 l’Asadho avait décrié et dénoncé, les révocations massives, arbitraires et
la mise à la retraite de magistrats en violation de la constitution et de la
loi. Ces mesures à motivation politique étaient
justifiées par le Gouvernement et le Président de la République, par le
souci d’assainir et de moraliser les magistrats.
Il
ressort des avis récoltés au près de certains magistrats victimes de mesures de
révocation de 2009, de magistrats en fonction, des avocats et de certains
justiciables abordés à ce sujet que la situation n’a guère évoluée depuis les
révocations de 2009. La corruption se vit comme auparavant, les jugements ne
sont toujours pas rendus dans le délai de la loi, clientélisme…sont des maux
qui rongent encore la justice.
Le
constat fait par l’Asadho est, qu’au-delà de l’assainissement visé, ces
mesures ont engendré un climat de peur et, de frustration parmi les magistrats
vis-à-vis de politiques, singulièrement de membres de la majorité au pouvoir
actuellement. Cet état des choses justifie en partie la méfiance de magistrats,
à se saisir de certaines affaires lorsque les intérêts de membres de
la majorité présidentielle sont en jeu. Car du sommet à la base, les
magistrats ont peur d’éventuelles révocations qui n’obéiraient à aucun
critère objectif, à l’instar de celles vécues en 2009.
Au-delà
de ce constat malheureux, les investigations menées par l’Asadho ont révélé que les mesures de
révocations susmentionnées, prises par le Président de la République en
violation de la loi, n’ont pas du tout
influencé le comportement de la plupart des magistrats, qui se livrent toujours
à des pratiques négatives qui avaient servi de motifs à ces mesures décriées.
Le
Président de la République, le Gouvernement et le Conseil Supérieur de la
Magistrature, devant cette évidence devront s’accorder avec l’Asadho que les
ordonnances du Chef de l’Etat relatives à ces révocations n’ont pas répondu aux
impératifs d’assainissement et, au besoin de la justice attendue par la
population. Et ce, à cause de leur caractère à la fois illicite et injuste.
Elles devront être rapportées comme recommandé par l’Asadho dans son rapport
sus évoqué.
Ceci
devra ouvrir la voie à la définition d’un mécanisme objectif du contrôle et de
suivi de chaque magistrat, en examinant cas par cas, la situation de tous les
membres du corps, en sanctionnant positivement ou négativement selon le cas,
sur base de la production judiciaire dans le temps et la conduite de chacun des
magistrats, sans bafouer le droit de la défense des magistrats mis en cause.
A
ce sujet, l’Asadho a eu à proposer « la mise sur pieds de l’observatoire
de l’activité judiciaire ». Structure qui sera appelée à
faire le monitoring des décisions judiciaires et autres actes de justice, pour
vérifier leur conformité aux instruments juridiques nationaux régionaux et
internationaux. La finalité étant de mettre à la disposition du Conseil
Supérieur de la Magistrature des informations sur la conduite des magistrats.
II.2 Du projet de loi
relative à la prise à partie.
Après
la dénonciation faite par l’Asadho, relativement aux irrégularités contenues
dans ces ordonnances portant révocation des magistrats, notamment la
condamnation pour prise à partie comme
cause de révocation des magistrats, le Gouvernement a, par le canal du Ministre de la justice, préparé un avant projet de loi tendant à faire
de la condamnation pour fait de prise à partie, un motif de révocation des
magistrats.
Ce
texte a suscité un débat fort animé et a divisé les magistrats. Dans l’opinion,
la majorité des personnes interrogées
adhère à la démarche du Ministre de la justice. Car pour elle, c’est le
moyen le plus efficace de lutter contre l’impunité des magistrats qui abusent
de leur position et pouvoir.
Pour
certains syndicalistes magistrats, cette démarche a pour but de créer une
insécurité de carrière pour les magistrats. Et cela n’est pas de nature à
rassurer le magistrat dans l’exercice de sa mission de dire le droit.
La
question qu’il convient de se poser est de savoir, si cette démarche était
opportune et capable d’apporter des solutions durables aux problèmes qui rongent la magistrature. Avant
cette initiative du Ministre de la justice, plusieurs magistrats condamnés en
prise à partie ont été révoqués, bien qu’aucune législation ne l’autorise. Cela
a-t-il pour autant régler la question de la corruption et de la moralité de magistrats ?
Si
le souci du Gouvernement est de répondre véritablement aux problèmes de fond
qui se posent dans le secteur de la justice, il doit aller au de la des
bénéfices qu’il entend tirer de la condamnation des magistrats pour prise à
partie. La vraie raison du projet
présenté serait de couvrir les irrégularités
constatées dans les ordonnances de révocation des magistrats de
2009.
Après
le vote de cette loi, la situation n’a pas changé. La nouvelle loi n’a influencé
le comportement des magistrats.
En observant le comportement de certains Hauts
Magistrats de la Cour Suprême de Justice, qui statuent en matière de la prise à
partie et, qui ne font pas montrent d’un comportement exemplaire, il y a lieu
de se demander sur l’efficacité de cette procédure.
Le
problème ne se pose pas en termes de carence des lois, mais de la volonté
politique d’assainissement sérieux de cet appareil. L’Exécutif utilise la
justice pour régler les comptes aux opposants ou encore pour se faire octroyer
certains avantages indus tout en s’assurant de l’impunité. La mauvaise
gouvernance, le détournement des deniers public, la corruption et bien d’autres
violations des droits humains mis à charge des gouvernants justifient les
craintes de ces derniers, de voir émerger une justice indépendante en R.D.
Congo. Car celle-ci risquerait de les inquiéter.
Malgré
la condamnation de quelques magistrats par la Cour Suprême de Justice, il n’y a
pas de changements profonds.
II.3.
Recrutement de nouveaux magistrats
Après
les révocations dénoncées ci-haut et, les critiques qui s’en ont suivies, le
recrutement de 2.000 nouveaux
magistrats, appelés magistrats de la tolérance zéro a été décidés. Ceci pour
dire, qu’il s’agissait de magistrats animés d’un nouvel esprit, anti
corruption, anti clientélisme, anti iniquité…
L’Asadho s’est intéressée à tout le processus de leur recrutement,
de la décision de recrutement jusqu’à
leur nomination. Le vœu de recruter de nouveaux magistrats a été exprimé
par l’Assemblée Générale du Conseil Supérieur de la magistrature en 2009.
Après
la révocation surprise et la mise à la retraite de magistrats en 2009, le
Président de la République a annoncé au public à partir de Goma, sa décision de recruter deux milles nouveaux magistrats.
La charge d’enregistrer des candidatures, d’organiser le test d’admission et de
former ces nouveaux magistrats fut
confiée au Conseil Supérieur de la
Magistrature.
L’Asadho s’est intéressé à la réalisation de la volonté du Président, qui du reste, va au de là du
besoin de recruter trois cents magistrats exprimé par Conseil Supérieur
de la Magistrature en 2009. La démarche a consisté à
vérifier l’effectivité du recrutement annoncé, les accusations portées contre
les personnes chargées d’organiser le test et l’encadrement de nouvelles recrues.
Elle
a enregistré durant ses investigations, plusieurs plaintes contre le processus
de recrutement de deux mille Magistrats. Celles-ci portent généralement, sur le
non respect de critères de sélection et sur la falsification de liste de
lauréats admis à la formation.
Certaines sources contactées ont parlé de la sélection
de candidats non détenteurs de diplôme
de licence en droit, dont certains étaient encore étudiants à en droit dans quelques universités du pays.
La présence de mercenaires - personnes ayant présentées frauduleusement le test en lieu et place de certains
candidats Magistrats -. Après vérification, ces accusations se sont révélées
fausses.
Les
dossiers de certains candidats n’ont pas
été examinés avec rigueur dans la mesure
où certains avocats radiés ont été retenus. Tel est le cas de Me Kiluba wa Mwamba radié du
Barreau de Lubumbashi par la décision N° COBL/011 du 26 octobre 2008 pour abus de confiance.
Le
non prise en compte de la moralité des
candidats sélectionnés nous permet de conclure qu’on a mis dans la bergerie des
brebis galeuses, capables d’entretenir des anti-valeurs qui rongent déjà le
corps de magistrats.
Autre
fait grave constaté par l’Asadho est relatif à la falsification de la liste du
deuxième groupe de candidats Magistrats recrutés et admis à la formation
préalable à leur nomination. Quelques candidats parmi ceux-ci, s’étaient vus
écartés de la liste de ceux qui devaient commencer la formation, au profit des
personnes qui n’avaient pas pris part à la sélection. L’Asadho a été saisie par
le collectif de recrues victimes de la falsification en date du 25 mars 2011.
Cette falsification apparait clairement
lorsque l’on compare les noms de candidats admis sur la décision du Conseil
Supérieur N° 002/CSM/SPCSM/D/J/ 2010 du 23 mars 2010 et à la liste du 29
janvier 2011.
Malgré
les dénonciations faites à ce sujet dans la presse et la gravité des faits, les
auteurs de cette falsification, qui constitue un faux en écriture, n’ont été ni inquiétés, ni poursuivis
judiciairement ou disciplinairement. Face à toutes les irrégularités qui ont
entouré le recrutement de ces nouveaux magistrats « dits de la
tolérance zéro », l’Asadho se demande que faudra –t-il attendre de
personnes recrutées dans ces conditions ?
III. De
l’état de lieu de l’administration de la
justice.
III.1 Des conditions de travail de Magistrats
Les
conditions de travail de magistrats congolais ont également intéressées l’Asadho
dans ses investigations sur le fonctionnement de la justice. Les accusations
formulées contre les magistrats congolais, surtout celles venant de politiques -
membres de l’Exécutif et du Parlement -, nous ont
poussées à nous pencher sur le cadre de travail du magistrat, les efforts du Gouvernement tendant à lui faciliter l’accomplissement de sa mission et à
améliorer ses conditions de travail.
Le
constat fait sur le plan d’infrastructure et du cadre de travail de magistrats
est alarmant. La situation n’est pas identique ou la même dans toutes les
juridictions. Elle est variable d’une région à une autre, d’une ville à une
autre et, d’une juridiction à une autre, selon que l’on se trouve en milieu
urbain ou rural.
La
plupart des infrastructures qui existe date de
l’époque coloniale. En dehors de travaux de réhabilitation de certains
juridictions et offices de Parquets financés par l’Union Européenne en 2005, le
Gouvernement congolais n’a pas poursuivi cet effort.
Les
problèmes se posent même à Kinshasa où, excepté la Cour Suprême de justice, le
Parquet Général de la République, le Parquet Général et de Grande Instance de Kinshasa Gombe, les
magistrats travaillent confinés dans les
locaux exiguës et mal aérés dans les
autres juridictions. Certains magistrats manquent de bureau pour leur travail.
Tel est le cas des Cours militaires de Kinshasa Gombe et de Matete où certains
magistrats restent sous le manguier dans la cour de la première juridiction
citée.
|
Concernant le transport, les magistrats ont obtenu des facilités
du Gouvernement pour acquérir des véhicules. Ils ont convenu d’effectuer le
paiement en cash pour la moitié et l’autre sera payée progressivement.
En
ce qui concerne, la rémunération des magistrats, il y a lieu de reconnaître qu’un
effort a été fourni au niveau du Gouvernement dans le sens d’améliorer leur
traitement.
Ce tableau ci-dessous
résumé la situation salariale des
magistrats.
Catégories
|
grades
|
Nature
|
Salaires
actuels
|
|
2ème
catégorie
|
Président CSJ et 1er Avocat Général de République
|
Magistrature
civile
|
972$
US
|
1.200
$ US
|
2ème
catégorie
|
Prés.CSJ §
1er AGR
|
Magistrature
civile
|
821$
US
|
1.021$
US
|
8ème
catégorie
|
Jude
de Paix § 1er Substitut
|
Magistrature
civile
|
556$
US
|
710$
US
|
8ème catégorie
|
Jude
de paix § Substitut
|
Magistrature
militaire
|
494$
US
|
960$
US
|
9ème
catégorie
|
Juge
Assesseur
|
Magistrature
civile
|
217$
US
|
220$
US
|
9ème
catégorie
|
Juge
Assesseur
|
Magistrature
Militaire
|
217$
US
|
220$
US
|
Les
éléments de ce tableau qui n’est pas exhaustif contredit les déclarations du
Président de la République faites à
l’occasion de son discours bilan du 14 septembre 2011 devant les membres de la
majorité présidentielle. Selon lui, le magistrat le moins gradé touchait déjà à
cette date là, le salaire évalué à 1.200 dollars américains.
Ces
salaires ne peuvent pas permettre à un magistrat de vivre décemment. Ils ne
peuvent pas faire face aux besoins vitaux: loyer mensuel, le transport - carburant,
entretien et réparation véhicule -, frais scolaire des enfants, alimentation,
soins médicaux…
Par
conséquence, ils sont appelés à chercher d’autres revenus à ailleurs pour
couvrir d’autres charges familiales.
III.2
la pratique de la corruption dans la distribution de la justice en Rdc
Parmi
les accusations dirigées contre la magistrature, la corruption occupe une place
de choix. A toutes les questions posées, elle revient comme un des maux majeurs
qui minent le fonctionnement de la justice en R.D. Congo.
L’équipe de l’Asadho ne s’est pas seulement entretenue avec les politiques, avocats et justiciables concernant la
corruption dans la magistrature congolaise. Elle s’est aussi entretenue avec
les concernés eux-mêmes, donc les magistrats. Le
constat fait est que tous les magistrats abordés, sur cette question, ont eu
une réaction quasiment identique.
Malgré
que la question les ait beaucoup embarrassés, ils ont tous reconnu
l’existence de la corruption au sein de leur corps. Ils ont défendu cet état de choses en posant
les questions du genre : pourquoi tout le monde ne voit que la
corruption au sein de la magistrature ? Et les grands immeubles qui se
construisent à travers la ville de Kinshasa, à qui
appartiennent-ils ? Avec quel
argent les a-t-on construits ?
Pour quoi la corruption des membres du
Gouvernement passe inaperçu ? Pour
quoi les députés nationaux qui s’étaient fait corrompre, en 2008, par les agents de la Direction Générale des
Impôts n’ont-ils pas été inquiétés ?
Ces
diverses questions posées aux enquêteurs de l’Asadho, constituent
un aveu par rapport à l’existence
de la corruption dans le corps de magistrats ? Ils trouvent injustes que l’opinion mette en
exergue leur corruption, alors qu’il s’agit d’une
pratique généralisée en R.D. Congo.
Cette
réaction de magistrats sans être une excuse, nous semble être fondée. Car la corruption
ne se fait pas entre magistrats. Elle implique l’intervention d’au moins deux acteurs venant de diverses couches de la
population. Ceci doit être mentionné
toutes les fois que l’on parle de la corruption de magistrats.
Ce qui nous amène à nous interroger sur l’attitude des autres acteurs de la corruption dans le
secteur judiciaire.
III. 3 Des acteurs de la
corruption dans l’administration de la justice en Rdc
La
corruption met en exergue deux
comportements. Le premier est celui de la personne qui abuse de sa position de
confiance et d’autorité que lui confie la loi. Le
second est celui de la personne qui, pour arracher une décision judicaire
auprès du magistrat, lui donne un
avantage qui n’est pas du.
De
ce qui précède, le premier acteur de la corruption dans l’administration de la
justice est le magistrat. Ce dernier ayant reçu le pouvoir de rechercher les
infractions ou de dire le droit, il n’est pas obligé
de se faire payer par les justiciables ou les
auxiliaires de la justice pour prendre un acte de son ministère.
Les justiciables sont également les acteurs de prédilection de la
corruption. Ce que nous avons observé est que les justiciables n’attendent pas
d’être sollicités par le magistrat. Dès que leurs dossiers sont confiés aux magistrats ou dès qu’ils sont
pris en délibéré, ils prennent le contact avec le magistrat au motif qu’ils
doivent assurer le suivi du dossier.
Par suivi du dossier, il faut entendre : « rencontres
avec le magistrat pour négocier une issue heureuse de l’affaire et dans le
meilleur délai »
Le
troisième acteur est l’avocat. L’avocat est celui qui
prend le devant, qui organise le rendez vous avec le magistrat pour lui faire
des propositions ou recevoir ses exigences qu’il transmettra à son client.
Souvent, il arrive qu’au jour du rendez vous, l’avocat soit accompagné de son
client. Parfois c’est l’avocat lui-même qui y va en possession de l’argent
destiné à la corruption du Magistrat.
III. 4 De
l’influence du climat général de la corruption sur le comportement des
Magistrats
La
corruption, telle qu’observée dans le secteur de la justice par l’Asadho, n’étonne
plus personne. L’attitude de magistrats
interrogés telle que décrite plus haut s’inscrit dans un climat généralisé
de corruption dans la société congolaise. Elle
est même devenue automatique pour la plus part des
acteurs judiciaires - Avocats et Magistrats -. Telle que vécue dans les
milieux judiciaires, la corruption est devenue un mode de vie, une norme. Un magistrat ou un avocat qui ne s’adonne pas à la
corruption est pris pour un marginal, un extra terrestre.
Ce climat généralisé de corruption dans le pays ne constitue pas
une excuse pour le magistrat.Il est même important de souligner que malgré cette situation
générale, il y a un petit groupe de magistrats et d’avocats qui ne sont pas
impliqués dans les actes de corruption. Nous l’évoquons seulement dans la nécessité de combattre la
corruption dans les milieux judiciaires en la considérant comme un élément de
l’ensemble. La solution doit être globale et non sectorielle.
III.5
De la répression des actes de corruption
dans la magistrature
Une autre question qui a préoccupé les enquêteurs de l’Asadho est
celle de savoir si les actes de corruption dans l’appareil judiciaire congolais
sont réprimés ou pas, vu les proportions inquiétantes que la corruption a prises
depuis plusieurs décennies en R.D. Congo.
Le
constat fait à ce sujet est malheureux, car de toutes les personnes abordées - justiciables, syndicats
des magistrats, les acteurs de la Société Civile et les auxiliaires de la
justice - n’ont pas indiqué seul cas d’un magistrat qui ait été sanctionné pour actes de corruption.
Ce
constat pose un autre problème qui mine la justice congolaise à savoir, l’impunité
des auteurs des comportements répréhensibles. Tout le
monde sait que les magistrats monnaient les décisions judiciaires, mais nul
n’est capable d’ouvrir des poursuites judiciaires contre un magistrat même pour
les cas avérés. Même dans le cas où la dénonciation est faite par voie de la
presse, l’autorité n’est pas intéressée à vérifier l’information par la voie
d’une information judiciaire.
La
jurisprudence sur cette question est presque inexistante soit par ce que les
victimes de la corruption ne saisissent pas l’autorité de poursuite, soit par
ce que l’autorité de poursuite n’agit pas quand elle est saisie.
III.6 De
l’impact du travail des nouveaux magistrats sur l’administration de la justice
Les enquêteurs de l’Asadho se sont aussi entretenus avec les
magistrats nouvellement recrutés et affectés dans les villes de Beni, Goma et
Inongo. Ils ont formulé plusieurs
plaintes concernant la manière dont ils sont traités. Les plaintes ci après ont été formulées:
-
Ils se sont
pris eux-mêmes en charge pour rejoindre
leur lieu d’affection,
-
Ils ne sont
pas logés par le Gouvernement ;
-
Ils
manquent les moyens de subsistance ;
Ce sont les chefs d’office qui essaient de résoudre ces problèmes
avec des moyens financiers réduits.
III.7 L’arrestation des justiciables est le principe, la liberté est une exception
Ce
principe non écrit est tiré de la pratique au niveau des offices de Parquets. Il est le
contraire de celui consacré par les dispositions de l’article 17 alinéa premier
de la constitution : « la liberté individuelle est garantie.
Elle est la règle, la détention l’exception ».
Toute personne qui fait l’objet d’une enquête judiciaire doit être
mise d’abord en détention même si les faits mis à sa charge sont bénins.
Ainsi, elle pourra payer une caution pour obtenir sa mise en liberté
provisoire. Le but d’une telle mise en
détention est purement lucratif.
Pour y arriver facilement, les magistrats ont institué la pratique
d’arrêter les justiciables qui font l’objet d’enquête judiciaire le samedi. Ainsi,
par peur de passer le week end au cachot, le justiciable est contraint de payer
la caution. Ce qui permet au magistrat
d’avoir l’argent pour le week-end.
III.8 De
l’impunité et de la politique de la
tolérance zéro
L’entrée en vigueur de la constitution du 18 février 2006 avait
suscité beaucoup d’espoir chez plusieurs congolais. Ils pensaient que les
magistrats allaient se saisir de l’indépendance
qu’elle leur accordait pour lutter contre l’impunité.
Malgré toutes ces garanties
constitutionnelles, les magistrats n’ont pas été en mesure de mettre fin à
cette impunité ou tout au moins, d’en limiter les effets. Le constat qui est
fait sur terrain en cette matière et, c’est l’avis de
la majorité d’observateurs, est que l’impunité a pris des proportions très
inquiétante.
Le
Président de la République, dans un élan politique de reforme du système
judiciaire congolais, a lancé ce qu’on a appelé «Opération tolérance zéro »,
pour mettre fin à l’impunité. « L’opération tolérance Zéro » est un concept dont les
contours ne sont pas précisés. .
Les tenants de cette opération
ne nous ont pas aidé à mieux comprendre ce concept, car ils ne l’ont
jamais défini ni circonscrit. Nous ne savons pas s’il s’agit d’une politique du Gouvernement ou
d’un slogan tendant à faire croire à
l’engagement du Chef de l’Etat à combattre l’impunité.
Après quelques années de lancement, la tolérance zéro n’est pas
arrivée à bout de l’impunité. On lui reproche de s’occuper des petits citoyens
et de laisser les grands criminels tels que les officiers militaires et les
personnalités politiques en liberté. C’est le cas du Général Bosco Tangada qui
continue à être libre malgré que des
poursuites judiciaires soient ouvertes contre lui sur le plan national et
international. C’est aussi le cas de
certains députés nationaux qui ont été
corrompus dans l’affaire de la Direction
Générale des Impôts en 2008 pour minorer
les recettes de cette régie financière au budget 2009. Bien que les faits
fussent avérés, ils n’ont jamais été inquiétés.
Il faut aussi noter qu’au nom de la tolérance zéro, plusieurs
atteintes aux droits de l’Homme ont été commises par le ministre de la justice
et des droits humains. Plusieurs personnes poursuivies ont été soustraites de
leurs juges naturels, alors que plusieurs autres ont été privées de leur droit
d’appel par ce qu’après leur condamnation elles ont été envoyées dans les
prisons éloignées de leur juridiction d’appel.
Aujourd’hui, certains congolais pensent que l’opération tolérance
Zéro est devenue « Tolérance à effets zéro ».
III.8. Du rôle
de l’Avocat dans l’administration de la justice en Rdc
On
ne peut parler de l’administration de la justice, sans
parler du ministère de l’Avocat dont le rôle est crucial dans la distribution
de la justice. Par sa déontologie
et son indépendance, l’avocat est une
garantie d’une justice équitable. Sa
présence dans une procédure limite les abus des magistrats.
Il
ressort de l’observation faite sur terrain et de
l’avis de certains justiciables que l’avocat ne joue plus ce rôle. Certains justiciables ont
confié à l’Asadho que, c’est souvent l’avocat qui prend contact avec le magistrat pour assurer une issue heureuse
du dossier.
Pour
certains avocats, ce contact est nécessaire. Il permet de se protéger contre
les mauvaises décisions des juges et de rassurer sa clientèle.
Malgré
ce tableau sombre, il y a quelques avocats qui recourent régulièrement à la loi
pour faire face aux déviations des Magistrats. Toutes les fois qu’ils
interviennent dans une procédure, les
magistrats se réservent de commettre des abus, car ils peuvent être dénoncés.
III.9 De l’accès
à la justice
L’accès
à la justice est un des droits consacrés
par le pacte international relatif aux droits civils et politiques et la
constitution de la R.D. Congo, respectivement dans leurs dispositions des articles
14 et 19 alinéa deux. Malgré les garanties légales, l’exercice de ce droit se
heurte à plusieurs obstacles dans la pratique. Les efforts tendant à garantir
le bénéfice de ce droit à la majorité de la population ne sont pas observés.
Le
dysfonctionnement de l’appareil judiciaire congolais, la modicité ou
l’inexistence de moyens destinés au fonctionnement de différents juridictions
et offices de Parquets, le mauvais traitement des agents administratifs, rendent
le coût de la justice trop élevé pour la majorité des justiciables qui sont en
majorité pauvres.
Le
paiement des frais de justice à la banque a entrainé aussi d’autres frais
supplémentaires pour le justiciable. Il
est obligé de payer les frais bancaires dont le montant s’élève à 5000 francs
congolais - 5,4 dollars américains -.
Sans
oublier que l’huissier qui doit signifier à la partie adverse les actes de
procédure est aussi à la charge du justiciable.
Ce tableau résume
les frais qu’un justiciable est obligé de payer pour activer la justice
FRAIS
DE JUSTICE
|
NATURE
|
MONTANT
|
AUTRES
MONTANTS
|
Consignation
|
Officiel
|
5$(1er
degré)
10$(2ème
degré)
|
-
|
Enrôlement/assignation
|
Non
officiel
|
2,2 $ US Minimum
|
-
|
Frais de notification des actes de procédure
|
Non
officiel
|
20 $ ou plus
|
-
|
Enrôlement
plainte/Parquet
|
Non
officiel
|
2,2$ US Minimum
|
-
|
Droits
proportionnels
|
Officiel
|
6% des sommes allouées par le Tribunal
|
|
Il
s’agit là d’un échantillon des frais légaux et illégaux que les justiciables
sont appelés à payer, dans chaque cas d’espèce à l’occasion des diverses actes
de procédure. Non compris ici les frais bancaires que les justiciables doivent
prendre en charge.
Les
justiciables prennent aussi en charge les autres frais relatifs au
fonctionnement de la justice : achat des papiers, stylos, le transport
d’huissiers et greffiers, rémunérations des différentes prestations des
greffiers et huissiers quand ils interviennent dans une procédure.
A ceci, il faut ajouter la difficulté
d’accéder à l’assistance d’un avocat pour une meilleure défense de ses intérêts.
Ce qui est également un handicap majeur pour accéder à une justice équitable.
La
possibilité du bénéfice de la dispense de paiement des frais de justice en
faveur des justiciables reconnus indigents est en pratique inopérante.
L’obtention de l’attestation d’indigence elle-même exige le paiement de certains frais.
Il en est de même de l’obtention de l’ordonnance de dispense de paiement des
frais.
Le
service d’assistance judiciaire gratuite du Barreau
destiné à accorder l’assistance gratuite aux indigents, est dépourvu du budget
pour son fonctionnement. Ce qui fait que les avocats affectés à l’assistance
des indigents ne trouvent pas d’intérêt à travailler dans ces genres des
procédures.
Dans
un pays où la population vit avec moins d’un dollars américain par personne et
par jour, il est difficile à la majorité de citoyens d’accéder à la justice par
ce qu’elle coûte chère.
III.10 De l’exécution des décisions rendues par les juridictions congolaises
Face
aux diverses plaintes enregistrées par l’Asadho au
sujet de l’inexécution de certaines décisions judiciaires, nous nous sommes penchés sur la question, pour
comprendre ce qui se passe à ce sujet.
Pour ce faire, elle s’est adressée à certains Avocats, Magistrats, greffiers et
justiciables pour savoir ce qui se passe en matière d’exécution des décisions
judiciaires.
Le
constat général est que la majorité des décisions judiciaires ne sont pas exécutées.
Cette situation semble justifier par plusieurs raisons : incapacité de
certains justiciables bénéficiaires de décisions judiciaires définitives de
faire face au coût de cette opération, la complexité de la procédure
d’exécution pour les justiciables qui ne
sont pas assistés par un avocat, les manœuvres de certains avocats tendant à
retarder ou à empêcher l’exécution, l’intervention de l’inspectorat général des
services judiciaires, l’interférence des autorités politiques, judiciaires et
ou militaires.
Ce
qui arrive dans certains cas est que les
justiciables ou avocats recourent à l’armée pour faire exécuter une décision judiciaire au
lieu de faire appel aux services prévus par la loi.
Face
à tout ceci, nous concluons que si le conflit peut aboutir à une condamnation
de l’une des parties, l’accès à la justice ne devient effectif qu’avec l’exécution
de la décision judiciaire prise par le juge.
IV.
De
la responsabilité des acteurs
Le
constat fait par l’Asadho dans les lignes qui précèdent est que la situation de
l’appareil judiciaire congolais n’a guerre changé, malgré les garanties
constitutionnelles et légales destinées à garantir aux citoyens une justice équitable
et indépendante en République Démocratique du Congo.
Malgré
les discours politiques et les dénonciations faites par les organisations de la
société civile, la situation de l’appareil judiciaire ne change pas. La justice
est toujours sur les bancs des accusés. Plusieurs facteurs concourent à cet
état de chose. Ceux-ci impliquent et engagent la responsabilité de plusieurs
acteurs : Le Pouvoir exécutif, le Pouvoir législatif, le Conseil Supérieur
de la Magistrature, le Magistrat, l’Avocat et la population.
Au
niveau de l’Exécutif congolais, il faut noter d’abord le manque de volonté politique pour faire fonctionner une
justice indépendante et impartiale. L’implication de beaucoup d’acteurs
politiques dans les crimes économiques et les violations des droits de l’Homme justifierait ce manque de volonté
politique.
La
part du budget consacrée au fonctionnement de la justice soit 0,5% illustre
encore mieux ce manque de volonté
politique. Les interférences du pouvoir exécutif dans la gestion du pouvoir
judiciaire ne sont pas de nature à
favoriser le bon fonctionnement de la justice.
Au
niveau du Parlement, l’administration de la justice n’a pas été le majeur souci
des membres de cet organe. Dès leur entrée en fonction, certains parlementaires
avaient soutenu que les pouvoirs attribués aux magistrats étaient trop
exorbitants avec le risque de se retrouver dans la République des juges. Ils
avaient déjà au début de la législature envisagés la possibilité de la révision
constitutionnelle pour parvenir à la restriction des pouvoirs des magistrats.
Par
solidarité, les membres de l’Assemblée nationale avaient réservé une fin de non
recevoir à la demande de Monsieur le Procureur Général de la République tendant
à obtenir la levée des immunités des poursuites de députés membres de la
commission économico-financière qui avaient été corrompus par les agents de la
Direction Générale des Impôts.
En
tant qu’autorité budgétaire, les députés ne soucient guère lors des discussions
relatives au vote du budget, d’allouer à la justice des moyens pouvant lui
garantir une vraie indépendance. Le
Conseil Supérieur de la Magistrature, en tant qu’organe de gestion de ce
pouvoir, ne joue pas son rôle de garantir l’indépendance de la magistrature.
Il
a aussi négligé la discipline au sein du corps des magistrats en sorte que même
les magistrats qui commettent des abus restent toujours en fonction. Ce qui
fait dire à la population qu’il existe une solidarité négative entre les
magistrats. Ils se protègent les uns les autres.
Cette
faiblesse affichée par le Conseil Supérieur de la Magistrature, place le
Magistrat à la merci de l’exécutif qui les révoque et les promet comme il
l’entend.
Le
magistrat en tant qu’acteur principal de l’administration de la justice, porte
la plus grande responsabilité dans l’image de l’appareil judiciaire actuel. La
majorité des magistrats aujourd’hui n’exerce pas par vocation. Certains se
retrouvent dans ce corps juste pour avoir une occupation. D’autres s’y
retrouvent par envie de gagner
facilement et, à n’importe quel prix, de l’argent. C’est dans cette catégorie
qu’on retrouve les magistrats les plus nuisibles à la justice.
Pour
les magistrats recrutés récemment, le besoin d’avoir une bonne rémunération a
été la grande motivation de leur entrée dans le corps de magistrats. C’est ce qui est
sorti des entretiens que l’Asadho a eus avec certains avocats recrutés comme
magistrats lors du dernier test.
L’Avocat
n’est pas sans responsabilité dans la situation actuelle de la justice. Par sa
complaisance, sa complicité dans la corruption et son abstention à dénoncer les mauvaises pratiques qui minent la justice, l’avocat porte aussi une
part de responsabilité non négligeable.
La
population qui est victime des mauvaises pratiques est aussi
responsable. En donnant de l’argent aux magistrats pour obtenir des décisions favorables et son refus de dénoncer
toutes les pratiques dont elle est victime, elle partage cette responsabilité
avec les autres acteurs.
V.
Recommandations
La justice congolaise
est toujours sur les bancs des accusés. Plusieurs causes sont à la base de
cette situation. Pour y remédier, l’Asadho fait des recommandations
suivantes :
Ø Au pouvoir exécutif :
-
De cesser toute interférence dans la gestion du
Pouvoir Judiciaire ;
-
De respecter les propositions faites par le
Conseil Supérieur de la Magistrature en
ce qui concerne la retraite, la révocation et la promotion des magistrats;
-
De réhabiliter tous les
magistrats irrégulièrement révoqués en septembre 2009 ;
-
De donner des subsides
aux Barreaux pour le fonctionnement des services d’assistance judiciaire
gratuite ;
Ø Pouvoir législatif
-
De doter le Pouvoir
Judiciaire des moyens financiers suffisants pour lui permettre de fonctionner
de manière indépendante ;
-
D’interpeller le
Pouvoir Exécutif sur ses différentes interférences dans la gestion des
magistrats.
Ø Au Conseil supérieur de la magistrature :
-
D’assumer toutes les
prérogatives constitutionnelles et légales lui reconnues dans la gestion de la
magistrature ;
-
De constituer une
commission appelée à définir les critères clairs et objectifs d’appréciation du
travail de tous les magistrats ;
Ø A l’ordre national des avocats :
-
De sensibiliser les avocats afin qu’ils jouent leur rôle conformément à la loi et
qu’ils cessent de s’impliquer dans les actes de corruption des magistrats.
Ø A la population :
-
De dénoncer les
mauvaises pratiques des magistrats
auprès des responsables du Conseil Supérieur de la Magistrature et des
organisations de la société civile.
-
De s’abstenir de tout
acte de corruption des magistrats.
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