Lettre ouverte de
JED au CSAC et à CENI
Campagne électorale dans les médias : Le
fiasco du CSAC
A M.
Jean Bosco Baala Kinshasa,
le 18.11.2011
Président du Conseil Supérieur de
l’Audiovisuel
Et de la Communication (CSAC)
A Monsieur Daniel Ngoy Mulunda
Président de la Commission Electorale
Nationale Indépendante (CENI)
Ci :
Monsieur Lambert Mende
Ministre de la
Communication et Médias
Tous à Kinshasa/ Gombe
Concerne : Campagne électorale dans les médias :
le fiasco
Messieurs les
Présidents, respectivement, du Conseil
Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC), et de la Commission
Electorale Nationale Indépendante (CENI), Journaliste
en Danger (JED), organisation indépendante de défense et de promotion de la
liberté de la presse, souhaite vous adresser cette lettre ouverte, en vos
qualités de Présidents des deux seules institutions d’appui à la démocratie
consacrées par la Constitution, pour attirer votre particulière attention sur
la grave dérive démocratique qui se joue sous nos yeux, et face à laquelle, manifestement
vous avez décidé de tourner vos regards ailleurs.
Faut-il vous
rappeler qu’il ne peut y avoir d’élections
crédibles, transparentes sans une presse indépendante, et que des
élections non crédibles risquent d’être un nouveau détonateur pour des nouveaux
conflits dont les congolais n’ont que trop souffert.
JED voudrait
surtout vous exprimer sa très profonde déception au regard de la manière dont
se déroule la campagne électorale dans les médias depuis son lancement il y a
trois semaine dans votre plus grande indifférence.
Alors que la
période de la campagne électorale constitue le moment par excellence du débat
démocratique dans un pays, comment ne pas s’inquiéter de ce tapage médiatique
assourdissant ponctué par des images en boucle des foules anonymes, des
chansons incitant au culte de la personnalité
et des slogans creux. Un matraquage éhonté qui occulte les vrais débats
de campagne sur les candidats, leurs programmes et leurs réalisations.
Les relevés effectués par le monitoring de JED
révèlent, sans surprise, que les médias congolais sont très majoritairement
engagés en toute connaissance de cause dans une frénésie propagandiste, où les
rares tentatives d’équilibrage ne sont en réalité destinées qu'à déguiser
l'évidence. Ils sont tous - et tout le monde le voit - sous la coupe des candidats
les mieux payants et de leurs intérêts et le déni ne trompe plus personne.
Les invectives et déclarations à la limite de
l’incitation à la haine et à la violence, la dérive propagandiste, les
déséquilibres flagrants et les délires fanatiques sont quotidiens. C'est même
le fond de commerce de certains médias, qui sont devenus des outils de propagande
des forces politiques, et non des organes d'information, bien que par des
astuces et des tours de passe-passe, ils essayent de sauver la face.
Le problème posé à la liberté de la presse et à la démocratie par
ces médias de la propagande sont doubles : disparition quasi totale d'organes
d'information dignes de ce nom en période électorale; et mutation en instruments d'appoint des
organisations politiques. Les Congolais, dans ces conditions, ne peuvent plus
compter que sur les médias internationaux (avec leurs propres défauts et leurs
lacunes, qui existent) pour espérer trouver des informations crédibles sur leur
pays.
Le fiasco de la
campagne électorale congolaise permet de mettre en évidence une situation qui
mine la liberté de la presse et qui inquiète de plus en plus notre
organisation. Il s’agit de la corruption
et la mise en coupe réglée de la parole publique par les partis politiques qui est en train d'effacer la profession de
journaliste du paysage public congolais.
Après trois
semaines de monitoring, JED constate avec grand regret que les grands médias
congolais aussi bien dans le camp de la majorité présidentielle que dans le camp de l’opposition ont décidé de
sacrifier le sacrosaint principe du pluralisme politique et de la pluralité
d’opinion sur l’autel de la pure propagande et du clientélisme sans scrupule.
Conséquence, et au
fil des jours, ces médias jouent à outrance à l’exclusivisme politique conjugué
à la déformation de l’information du camp adverse. Non seulement ils
n’accueillent sur les télévisions que les membres de leurs camps, mais ils se
refusent même à communiquer les informations sur les activités politiques
d’autres candidats à l’élection présidentielle.
Pour JED, le
droit du peuple à l’information est sacrifié alors que ce droit est sacré. Le professionnalisme des médias est relégué au second plan alors
qu’il est socle fondateur du métier d’informer.
C’est pourquoi JED interpelle l’organe de régulation qui a, entre autres
missions, de protéger le droit du peuple à l’information et de promouvoir le
professionnalisme des médias.
Pour JED, l’organe
de régulation se doit de rappeler aux médias que leur rôle pendant la campagne
électorale est de donner la parole à toutes les tendances et à toutes les
opinions sans exclusion aux fins d’aider le peuple à faire des choix
éclairés. Sans le respect du pluralisme,
le droit du peuple à l’information est sacrifié et les élections perdent leur
caractère démocratique; les élections ne sont démocratiques que quand l’information
est plurielle et pluraliste
Au regard de
tout ce qui précède, JED vous demande de sortir de votre torpeur pour mettre
fin à la dérive actuelle inacceptable, et qui risque de conduire le pays dans
le gouffre à moins de deux semaines maintenant de la date claironnée de la
tenue des scrutins tant attendus et en même temps redoutés.
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