*Les
chrétiens du monde entier ont célébré, le dimanche 25 décembre dernier, la fête
de nativité. A Kinshasa, différentes églises catholiques et protestantes ont
commémoré cette venue du Messie avec faste. Dans son homélie de la messe de
réveillon de Noël, à la Cathédrale Notre-Dame du Congo, l’Archevêque de
Kinshasa, le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, s’est voulu très contextuel.
Le Prélat catholique a exhorté le peuple de Dieu de la RDC à entretenir ‘‘la
paix au quotidien’’. Une paix, souligne-t-il, qui est un héritage que le Christ
a légué au monde après avoir accompli, par son sacrifice rédempteur, la
réconciliation de l’homme avec Dieu et des hommes entre eux. Cette paix,
renchéri le Cardinal, n’est possible que s’il y a la justice, l’amour et la vérité.
‘‘La volonté du Seigneur est, en effet, que la paix puisse régner entre les
hommes, dans l’unité, la réconciliation, la justice et donc dans la vérité. Il
n’y a pas de paix sans la justice ni la vérité. La vérité fait que cette
justice soit authentique et véridique’’, a martelé le Cardinal de la RD-Congo.
Ce, avant d’en appeler à la solidarité et au partage. ‘‘Sans solidarité et
partage, le combat pour la dignité humaine, la réduction de la pauvreté dans le
monde, le développement intégral de l’homme, demeurent une vue de l’esprit.
Notre souci des pauvres, des déshérités et des démunis sera toujours
inopérant’’, a-t-il soutenu. Nonobstant la tension politique ambiante qui couve
en République Démocratique du Congo, les chrétiens catholiques ne se sont pas
fait prier pour converger dans leurs paroisses respectives en vue de la
célébration de la fête de nativité. De retour de Rome, l’Archevêque de
Kinshasa, le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya a dit, lui-même, la messe de
minuit, avancée de quelques heures pour raison de sécurité. C’était dans une
Cathédrale Notre Dame du Congo de Lingwala, bourrée comme un œuf. Les
circonstances du pays obligent, dans sa prédication, le célébrant a insisté sur
la paix. Cette paix qui résume l’amour de Dieu dans l’histoire du salut, doit
être cultivée au quotidien. Sans la moindre ajournement, le Prélat catholique a
fait savoir que seuls la justice, l’amour et la vérité peuvent donner corps à
cette paix. «La volonté du Seigneur est, en effet, que la paix puisse régner
entre les hommes, dans l’unité, la réconciliation, la justice et donc dans la
vérité. Il n’y a pas de paix sans la justice ni la vérité. La justice nous rend
conforme à Dieu. La vérité fait que cette justice soit authentique et
véridique», a-t-il prêché en évoquant une phrase du Pape Benoît XVI, à savoir
que ‘‘la paix des hommes qui s’obtient sans la justice est illusoire et
éphémère’’. Le prédicateur a mis en relief cette exigence car, selon lui, la
paix peut être retardée sinon détruite par ‘‘nos péchés, nos manques de foi et
nos divisions’’. Pour lui, la paix, cette valeur eschatologique, est un
processus de longue haleine que l’homme n’a pas fini de découvrir, de vivre et
de reconstruire. Une dignité incomparable ! Plus loin dans son sermon, Laurent
Monsengwo Pasinya a, par ailleurs, parlé de la dignité incomparable, une
dignité divine que le Christ a donné à tout être humain. «Voilà la racine
théologique du combat pour l’homme et pour sa dignité, pour l’instauration de
régimes politiques respectueux de la dignité de la personne et de ses droits
fondamentaux. », a expliqué le Cardinal avant de préciser que sans solidarité
et partage, le combat pour cette dignité humaine, la réduction de la pauvreté
dans le monde, le développement intégral de l’homme, la mondialisation de la
charité, demeurent une vue de l’esprit. L’archevêque de Kinshasa a émis le vœu
de voir la mondialisation de la charité et l’instauration d’un autre ordre
économique mondial, celui qui devra permettre, à tous les hommes et à toutes
les femmes, d’avoir une vie humaine dans la justice et la paix. «A vous tous
(tes) qui êtes rassemblée dans cette église, à tous les membres de notre
communauté diocésaine et tout le peuple congolais, j’adresse mes vœux
chaleureux de joyeux Noël et heureuse année 2012, dans la justice, la
réconciliation et la paix. Veuille Jésus, « le Prince de la Paix », par
l’intercession de sa Mère et notre Mère, accorder la paix et la joie à notre
peuple », a conclu l’Archevêque de la ville de Kinshasa. Rappelons que, cette
homélie du Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya a été lue à toutes les messes de
minuit et du jour de Noël dans toutes les églises, de l’Archidiocèse de
Kinshasa et aussi, aux lieux de culte public. Laurent Monsengwo en a profité
pour dire à ses frères et sœurs qu’il n’avait pas fuit Kinshasa comme certaines
langues l’ont affirmé. Il était parti à Rome pour célébrer son anniversaire de
consécration et pour plusieurs autres raisons personnelles. Il a saisi cette
opportunité pour pardonner à tous ceux qui ont raconté n’importe quoi sur sa
personne. Lisez, ci-après, in extenso, l’homélie du Cardinal Laurent Monsengwo
Pasinya, dite en marge du réveillon de la fête de nativité, célébrée le
dimanche 25 décembre 2011. La Paix au Quotidien ‘‘Et le Verbe s’est fait
chair’’ (Jn 1, 14) ‘‘Il est notre Paix’’ (Ep 2, 14) ‘‘Justice et paix
s’embrassent’’ (Ps 84, 11) NOEL 2011 Cathédrale Notre Dame du Congo, 24-25
Décembre 2011 Homélie Chers frères et sœurs, 1. En venant dans ce monde, Jésus,
le Verbe incarné, amenait avec lui la paix, l’abondance des biens messianiques,
la plénitude de tous les biens que Dieu avait promis à l’humanité : «paix aux
hommes qu’il (Dieu) aime » ( Lc 2, 14). La paix résume l’amour de Dieu dans
l’histoire du salut : «car éternel est son amour» (Ps 136, 1ss). En fait, il ne
pouvait en être autrement, car les temps étaient accomplis (cfr Gal 4,4) et le
Messie devait déverser sur l’humanité la paix perdue par suite du péché
originel de même que la victoire promise par la première annonce du salut
(Proto-évangile). 2. Avant sa passion et son départ de ce monde, le Christ nous
laisse en héritage la paix, car il venait d’accomplir, par son sacrifice
rédempteur, la réconciliation de l’homme avec Dieu et des hommes entre eux : «
Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » (Jn 14, 24). Il donne sa paix,
pas celle du monde, parce que c’est par son sacrifice que cette paix et la
rédemption ont été opérées. Personne d’autre que lui ne pouvait la donner. 3.
Enfin, au soir de sa résurrection il dit par deux fois aux disciples : « Paix à
vous !... ». Ensuite il les envoie comme le Père l’a envoyé, puis il leur donne
l’Esprit Saint pour la rémission des péchés. La paix de la rédemption
proviendra de la rémission des péchés par la puissance de l’Esprit Saint. Aussi
le prêtre, après avoir donné l’absolution, dit-il au pénitent : «Va en paix »
(Rituel). Il s’agit de l’actualisation de la rédemption dans le temps et dans
l’espace. Ainsi donc, à toutes les étapes de sa vie, Jésus apporte la paix : La
paix à Noël, la paix à Pâques, la paix à tout instant. 4. L’Eglise a tellement
compris et intériorisé ce message de paix qu’au cours de chaque célébration
eucharistique, non seulement elle souhaite plusieurs fois la paix au peuple
croyant : «La paix soit avec vous », mais surtout elle implore instamment la
paix au Seigneur : après le Pater (embolisme) : « Donne la paix à notre temps
», à l’Agnus Dei : Donne-nous la paix », et encore dans la prière avant
l’échange de paix : « Donne-lui la paix et conduis-la vers l’unité parfaite » (Ordinaire
de la Messe). 5. La volonté du Seigneur est, en effet, que la paix puisse
régner entre les hommes, dans l’unité, la réconciliation, la justice et donc
dans la vérité. Il n’y a pas de paix sans la justice ni la vérité. La vérité
fait que cette justice soit authentique et véridique. «La paix des hommes qui
s’obtient sans justice est illusoire et éphémère », dit Benoît XVI. La justice
des hommes qui ne prend pas sa source dans la réconciliation par la « vérité de
l’amour » (Eph 4,15) demeure inachevée : c’est l’amour de la vérité, - la
vérité tout entière à laquelle l’Esprit seul peut nous conduire (Cf. Jn 16, 13)
– qui trace le chemin que toute justice humaine doit emprunter pour aboutir à
la restauration des liens de fraternité dans la famille humaine, communauté de
paix, réconciliée avec Dieu par le Christ » (Benoît XVI, Africae munus, n. 18).
6. Les prières de l’Eglise dont nous avons parlé ci- avant montrent que la paix
peut être retardée sinon détruite par nos péchés, nos manques de foi et nos divisions.
C’est pourquoi l’Eglise demande au Seigneur de ne pas regarder nos péchés, mais
la foi de son Eglise et de lui donner plutôt sa paix conformément à sa propre
volonté. 7. Si l’Eglise demande si souvent la paix au cours de l’Eucharistie,
la prière même de Jésus et de son corps tout entier, c’est d’une part, parce
que l’Eucharistie conduit à la paix et d’autre part, parce que l’homme, par
l’effet de son péché, ne peut à lui seul faire la paix, penché qu’il est vers
la divinité, la violence, le conflit et la guerre. La paix est un fruit de
l’esprit (Gal 5, 22). La paix et la réconciliation sont des fruits de cœurs
convertis (metanoia). 8. En implorant tous les jours la paix à Dieu, l’Eglise
nous apprend aussi que la paix est une valeur qui doit accompagner l’humanité
tout au long de son pèlerinage sur terre, car elle est toujours menacée. La
paix est une valeur eschatologique, un don de Dieu qui est déjà là, mais doit
encore venir, toujours perfectible. Aussi est-ce aux temps eschatologiques
seulement que le prophète Isaïe projette la paix et l’entente entre les
peuples. «Ils forgeront leurs épées pour en faire des socs, dit le prophète, et
leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre
nation, on n’apprendra plus à faire la guerre » (Is 2,4). La paix est un
processus de longue haleine que l’homme n’a pas fini de découvrir, de vivre et
de construire. 9. Cette paix n’est possible que s’il y a la justice, l’amour et
la vérité. «Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent» (Ps
85, 11). «La justice n’est pas désincarnée. Elle s’ouvre nécessairement dans la
cohérence humaine. Une charité qui ne respecte pas la justice est erronée», dit
Benoît XVI (Africae munus, n. 18). 10. En venant dans le monde, Jésus a aussi
révélé la dignité de l’homme. Le Seigneur ne s’est pas entouré de toute sa
magnificence et de son apparat divins (Cf. Phil 2, 6-8). Il est né pauvre,
voire plus pauvre que le plus pauvre des enfants de l’homme. Il n’a eu qu’une
mangeoire comme berceau. Le Christ voulait ainsi nous apprendre que la grandeur
de l’homme n’est pas extérieure à la personne : elle se situe dans sa nature
humaine. C’est cela l’essentiel, tout le reste est accidentel. Aussi la
pauvreté était-elle le mode de vie habituel de Jésus. 11. Il s’est fait pauvre
pour nous enrichir de sa pauvreté (2 Cor 8, 10). Il a embrassé notre pauvreté
humaine pour nous enrichir de sa divinité. Dès lors, le Christ a donné à tout
être humain une dignité incomparable, une dignité divine. Voilà la racine théologique
du combat pour l’homme et pour sa dignité, pour l’instauration de régimes
politiques respectueux de la dignité de la personne et de ses droits
fondamentaux. Saint Paul nous enseigne que ce combat s’accompagne de la
solidarité et du partage (2 Cor 8, 12ss). 12. Sans solidarité et partage, le
combat pour la dignité humaine, la réduction de la pauvreté dans le monde, le
développement intégral de l’homme, la «mondialisation de la charité» (Jean Paul
II) demeurent une vue de l’esprit. Notre souci des pauvres, des déshérités et
des démunis sera toujours inopérant. Chers frères et sœur, 13. L’enfant de la
Crèche de Bethléem nous rappelle certaines vérités essentielles. Tout d’abord,
que la dignité humaine n’est pas fonction de l’avoir, mais de l’être d’une personne.
L’homme ne vaut pas par l’apparat extérieur, mais par sa valeur intrinsèque. Il
attire ensuite notre attention sur la multitude d’enfants pauvres, démunis,
déshérités et nous invite instamment à la générosité, à la solidarité et au
partage avec eux. Comme le dit l’Ecriture : «Se trouve-t-il chez toi un pauvre
d’entre tes frères, dans l’une des villes de ton pays que le Seigneur ton Dieu
te donne ? Tu n’endurciras pas ton cœur ni fermeras la main à ton frère pauvre,
mais tu lui ouvriras ta main toute grande et tu lui prêteras ce qui lui manque.
» (Dt 15, 7-8). 14. Enfin, l’Enfant- Dieu nous exhorte au combat pour la
dignité humaine. Il est plus que temps de mondialiser la charité et d’instaurer
un ordre économique mondial qui permette à tous les hommes et toutes les femmes
d’avoir une vie vraiment humaine, dans la justice et la paix. 15. A vous tous
(tes) qui êtes rassemblés dans cette église, à tous les membres de notre
communauté diocésaine et tout le peuple congolais, j’adresse mes vœux
chaleureux de joyeux Noël et heureuse Année 2012, dans la justice, la
réconciliation et la paix. Veuille Jésus, « le Prince de la Paix », par
l’intercession de sa Mère et notre Mère, accorder la paix et la joie à notre
peuple. Avec mon affectueuse bénédiction, au nom du Père et du Fils et du Saint
Esprit. Amen.
+ Cardinal Laurent MONSENGWO PASINYA, Archevêque de Kinshasa
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