INTRODUCTION
La mission
d’observation électorale de l’Union européenne (MOE UE), dirigée par Mariya
Nedelcheva, députée européenne, disposait, pour ces scrutins présidentiel et
législatif, de 147 observateurs répartis dans l’ensemble des onze provinces de
la République Démocratique du Congo sur 35 bases urbaines et rurales, plus les
9 zones de Kinshasa.
La MOE UE poursuit
son observation des développements post-scrutins, particulièrement la
compilation des résultats et le contentieux. En outre, elle espère que la CENI
respectera son engagement de publier les résultats détaillés par bureau de vote
afin de garantir la transparence du processus électoral.
Cette déclaration
est préliminaire et la MOE UE ne tirera aucune conclusion définitive avant la
fin de la tabulation et l’annonce des résultats. Un rapport final, reprenant
l’ensemble de nos observations, sera rendu public après publication des
résultats définitifs des élections législatives.
Une délégation du
Parlement européen, composée de six membres et dirigée par M. Andrés Perello
Rodriguez, s’est jointe à la Mission et a souscrit aux conclusions de la MOE
UE.
CONCLUSIONS
PRÉLIMINAIRES
Les
élections présidentielle et législatives du 28 novembre marquent une étape
essentielle dans le processus de consolidation démocratique de la République
démocratique du Congo. Après les premières élections libres et pluralistes
organisées en 2006 avec l’assistance de la communauté internationale, les
élections de 2011 ont, au contraire, été largement financées par le
Gouvernement congolais et organisées par la Commission Électorale Nationale
Indépendante (CENI).
Le
cadre juridique est en général conforme aux normes internationales. Il a été
marqué par la révision constitutionnelle de janvier 2011 qui a
institutionnalisé le passage à un scrutin présidentiel à un seul tour
permettant l’élection d’un président par la majorité relative du corps électoral.
La loi
électorale n’a pas prévu de mesures de mise en place pour l’application du
principe constitutionnel de la parité homme-femme.
Mise
en place en février 2011, la CENI n’a reçu qu’au mois d’avril le mandat
d’organiser l’ensemble du cycle électoral 2011-2013, comprenant les scrutins
présidentiel, législatif, provincial et local.
La composition
politique de la CENI, dont quatre commissaires sur sept sont affiliés à la
majorité présidentielle, pourtant réalisée dans un relatif consensus à sa
création, n’a cessé d’alimenter de fortes critiques à l’approche des scrutins,
notamment au sein d’une partie de l’opposition congolaise.
Le
fichier électoral biométrique, comprenant 32.024.640 inscrits (dont 49,68% de
femmes), ne fait pas l’objet d’un consensus parmi les partis politiques et son
intégrité reste encore contestée à ce jour par les partis d’opposition.
Cette
élection présidentielle compte onze candidats. Aucune femme n’a cependant
brigué l’investiture suprême alors qu’elles étaient quatre candidates en 2006.
Sur les 18.864 candidats, on ne compte que 12 % de candidatures féminines, en
légère diminution par rapport à 2006.
Les
préparatifs électoraux ont connu de nombreuses difficultés en raison
d’infrastructures insuffisantes et d’un calendrier très serré. La CENI n’est
pas parvenue à tenir les délais légaux pour la publication des listes des
électeurs et leur l’affichage par bureau de vote avant le scrutin. La
cartographie électorale a été communiquée tardivement aux partis politiques ;
la liste détaillée des bureaux de vote n’a été disponible que durant la
dernière semaine du scrutin.
Une
communication déficiente entre la CENI et les acteurs du processus a eu des
répercussions négatives sur la transparence et le climat de confiance.
Une
sécurisation insuffisante du matériel électoral sensible a eu pour conséquence
la circulation de plusieurs bulletins de vote pour la présidentielle et la
députation, alimentant un climat de suspicion vis-à-vis du scrutin.
En
l’absence du mécanisme de contrôle prévu par la loi, aucune contrainte réelle
n’a été imposée aux partis et aux candidats en matière de financement de leurs
campagnes. La MOE UE a observé d’une part l’utilisation des ressources de
l’État en faveur des candidats de la majorité présidentielle, d’autre part que
l’interdiction de toute propagande sur les édifices publics n’a pas été
respectée.
Si la
campagne a commencé conformément au calendrier électoral le 28 octobre 2011,
elle a été marquée par de multiples incidents (atteinte des libertés publique
et des libertés d’expression, allégations d’arrestations de candidats,
limitations au niveau de la presse) notamment à Mbuji Mayi (Kasaï Oriental),
Kisangani (Province Orientale), Mbandaka (Équateur) et Kinshasa.
Tout
au long de la campagne électorale, l’accès des candidats a été fortement
déséquilibré dans la majorité des médias publics et privés analysés. La Radio
Télévision Nationale Congolaise (RTNC) n’a pas joué son rôle de service public
négligeant le principe d'égalité et d’équilibre en matière d'information.
Initialement prévus le 28 novembre 2011, les scrutins se sont poursuivis les jours
suivants, le 29 et 30 novembre 2011. Ils ont enregistré une participation
généralement élevée sur l’ensemble du pays. Les bureaux de vote ont, pour la
plupart, ouvert à l’heure. De manière générale, la MOE UE a relevé une bonne
maîtrise des procédures de vote par les membres des bureaux de vote, même si le
contrôle de l’encre à l’entrée des électeurs n’a pas été systématique.
L’utilisation intempestive des registres de dérogation ont fait souvent office
de registre des omis.
Les
témoins des candidats/partis politiques ont assuré une représentation
pluraliste dans la grande majorité des bureaux de vote observés. Toutefois, ces
derniers n’ont pas eu systématiquement accès à une copie certifiée des
résultats.
De
multiples incidents ont été observés à Kananga, Mbuji Mayi (incidents à la
suite d’allégation de fraude et de bourrages d’urnes), Kinshasa (actes de
violence à la suite du mauvais fonctionnement de bureaux de vote), Lubumbashi
(attaque par un groupe armé), Tshikapa (11 centres de bureaux de vote pillés ou
brulés).
Une
dynamique de rapprochement de dix missions d’observation nationale sous une
seule ombrelle a été réalisée sous l’impulsion de l’École de Formation
Électorale en Afrique Centrale. Cette dynamique a permis la présence
d’observateurs dans la majorité des 63.865 bureaux de vote.
L’absence
effective de Conseil Constitutionnel fait de la Cour Suprême l’instance
compétente pour le contentieux électoral. Or cette dernière a fait l’objet
depuis le début du cycle électoral, de critiques de l’opposition car jugée
comme partisane parce que tous ses membres ont été nommés par le pouvoir
exécutif. La révision de la loi électorale au mois d’août 2011 a modifié les
procédures en matière de contentieux sur les résultats. Les changements ont
consisté à remplacer un traitement en séance publique par un traitement à
huis-clos.
CONTEXTE
POLITIQUE
Organisées par la
Commission électorale nationale indépendante (CENI) et très largement financées
sur les ressources nationales, ces élections présentent deux différences
importantes par rapport à celles de 2006. D’une part, l’élection présidentielle
est désormais une élection à un seul tour puisque, depuis la modification
constitutionnelle de janvier 2011, le Président de la République est élu à la
majorité simple des suffrages exprimés. D’autre part, l’Union pour la
démocratie et le progrès social (UDPS) qui, depuis plus de trente ans,
constitue l’une des principales forces politiques de l’opposition, a décidé de
participer à la compétition électorale, abandonnant sa stratégie de boycott des
institutions et des élections adoptée en 2003.
La période
préélectorale a surtout été marquée par des tentatives de l’opposition pour
présenter une candidature unique et un programme commun face au Président
sortant. Ces tentatives ayant échouées, le Président Kabila a finalement
affronté dix candidats, Étienne Tshisekedi (UDPS), Léon Kengo, actuel Président
du Sénat, Vital Kamerhe, ancien Président de l’Assemblée nationale, Mbusa
Nyamwisi, Nzanga Mobutu et Oscar Kashala qui avaient tous déjà été candidats en
2006, Adam Bombole, ancien député et cadre du MLC récemment exclu du parti
ainsi que trois nouveaux candidats Aneka Djamba Jean, Kakese Malela François et
Mukendi Kamama Josué.
Aux législatives,
l’enregistrement de 18.864 candidats présentés par plus de 400 partis
politiques, dont près d’une quarantaine sont de création toute récente, a
compliqué singulièrement le choix de l’électeur. La réticence de certains
candidats à la députation à mentionner leur appartenance politique ou leur
préférence pour la présidentielle n’a pas facilité la lecture des enjeux du
scrutin.
CADRE JURIDIQUE
Le cadre juridique
électoral a été marqué par : i/ la révision constitutionnelle de janvier 2011
qui a introduit un seul tour pour l’élection présidentielle, un système qui est
généralement déconseillé dans des sociétés dominées par des tensions ethniques
ou régionales; ii/ la volonté de la CENI de respecter à tout prix la durée du
mandat présidentiel à cinq ans, a fait du 6 décembre la date limite pour la
publication des résultats provisoires, nonobstant les difficultés techniques et
logistiques.
Concernant la loi
électorale, elle est conforme aux normes internationales. Les amendements
introduits en août 2011 mettent en place de nouvelles garanties pour le scrutin
comme le droit des témoins des partis politiques à avoir une copie du
procès-verbal. Néanmoins, des vides importants subsistent : l’absence d’une
procédure effective sur le devoir de la CENI de veiller à la régularité du
processus, la non-régulation des finances des partis politiques, ou encore
l’absence de sanctions pour certaines infractions comme l’achat de cartes
d’électeurs, une activité condamnable car contraire au principe de libre
formation de la volonté de l’électeur.
En dehors du respect
du délai constitutionnel, la Mission a constaté que le cadre juridique
électoral n’a pas été respecté dans son entièreté : les délais légaux
concernant la publication des listes des électeurs et l’affichage des listes
électorales par bureau de vote, l’interdiction de tout affichage de propagande
sur les édifices publics, la participation des agents de la fonction publique
et l’utilisation des ressources de l’État à des fins de propagande électorale,
le fait que, dans beaucoup de circonscriptions, des maires et des bourgmestres
étaient à la fois candidats à la députation sans avoir eu à démissionner de
leurs postes. Pourtant, ni la CENI, ni le parquet n’ont diligenté des actions
pour empêcher ces violations à la loi électorale.
En outre, la MOE a
noté que l’absence d’une législation conforme au droit de manifestation et
garantie par la Constitution, a permis que les autorités, parfois sans
justification suffisante, limitent cette liberté politique nécessaire à la
conduite de la campagne électorale, comme au Kasaï Oriental. La CENI a
cependant rappelé publiquement dans ce cas les principes inscrits dans la loi
électorale.
ADMINISTRATION
ÉLECTORALE
Mise en place en
février 2011, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) n’a reçu,
qu’au mois d’avril, le mandat d’organiser l’ensemble du cycle électoral
2011-2013, comprenant les scrutins présidentiel, législatif, provincial et
local. Prenant la relève de la Commission Électorale Indépendante, alors en
charge des précédentes élections, la CENI est, pour la première fois, seule aux
commandes du processus électoral à tous les niveaux alors que l’appui de la
communauté internationale n’est plus aussi important qu’en 2006. Toutefois, la
composition politique de la CENI, dont quatre commissaires sur sept sont
affiliés à la majorité présidentielle, pourtant réalisée dans un relatif
consensus à sa création, n’a cessé d’alimenter de fortes critiques à l’approche
des scrutins, notamment au sein d’une partie de l’opposition congolaise.
Afin de remplir sa
mission, la CENI s’est appuyée désormais sur ses propres ressources techniques
et logistiques ainsi que sur celles de l’État. Les acteurs internationaux, en
particulier la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la
Stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO), en charge du
précédent cycle électoral, sont devenus des partenaires techniques de la CENI,
chargés de lui apporter assistance sur le terrain.
Exerçant ses
nouvelles responsabilités dans un contexte politique et organisationnel
difficiles, la CENI et les autorités congolaises ont dû faire face à
d’importants défis techniques et logistiques pour mener à bien, dans des délais
très courts et dans un pays immense, ces scrutins présidentiel et législatif.
PRÉPARATION DES SCRUTINS
La distribution du
matériel électoral a été l’un des principaux enjeux de l’organisation des
scrutins législatif et présidentiel. Tout d’abord, les contraintes logistiques
inhérente à la taille et la géographie du pays, les choix des fournisseurs (en
Europe, en Afrique et en Asie) et le calendrier électoral finalement serré ont
exercé un goulot d’étranglement au moment de la distribution vers les
plates-formes régionales (système reposant sur 15 hubs principaux et 210
sous-hubs), tant pour le matériel sensible que non-sensible, malgré une
mobilisation quasi-continue des moyens aéronefs de la CENI et de ces
partenaires internationaux. Ensuite, le couplage des deux élections a posé
d’importants problèmes techniques à la Commission : répartition et taille des
bulletins, multiplication des urnes, imprimés électoraux différentiés, etc.
Enfin, dans la plupart des territoires observés, l’acheminement du matériel a
été marqué par de sérieuses difficultés logistiques, notamment en raison du
manque de moyens humains, de transport et de carburant à la disposition des
antennes locales. Tout ceci a entraîné de nombreux retards et obligé la
Commission à distribuer du matériel électoral jusqu’au jour même des scrutins
avec des succès plus ou moins relatifs. Une distribution inégale du matériel
dans le pays a alors été constatée par nos équipes d’observateurs dans la
plupart des provinces du pays.
Également, le plan
de déploiement du matériel électoral a été affecté par la finalisation très
tardive de la cartographie des bureaux de vote et de la liste des électeurs. La
CENI n’a au final achevé l’impression et la publication de ces listes que
quelques jours avant le 28 novembre interrogeant la capacité des électeurs à
retrouver leur bureau de vote le jour du scrutin et mis les partis politiques
et les candidats indépendants en difficulté, notamment pour finaliser le nombre
exact de mandataires à mobiliser et à former.
Par ailleurs, la
formation en cascade des personnels électoraux, commencé le 15 octobre à
Kinshasa, a finalement été réduite, pour certains territoires, en raison de
contingences à la fois matériel, financière, logistique et humaine. Assurée au
niveau des centres de formation puis des centres de vote, pour les deux
derniers échelons, elle s’est parfois déroulée sur une seule journée au lieu
des trois jours initialement prévus. Les efforts de formation ont également été
affectés par le manque de communication claire de la CENI concernant l’accès
puis la rotation des témoins des candidats/partis politique aux bureaux de vote
ainsi que le caractère tardif de certaines décisions de l’administration électorale
comme pour la l’autorisation du vote des électeurs en possession de leur carte
mais absent des listes trois jours avant le début des scrutins ou bien la
distribution d’une copie des résultats par bureau de vote aux témoins.
ENREGISTREMENT DES
ÉLECTEURS ET DES ÉLECTRICES
L’opération de
révision du fichier électoral s’est déroulée sur l’ensemble du territoire dans
plus de 12.000 centres d’inscription durant le premier semestre 2011. Cette
révision des listes électorales s’est achevée en septembre avec près de 119.941
corrections. Le fichier électoral consolidé compte finalement 32.024.640
inscrits, dont le 49,68% des femmes. Cependant, les défaillances techniques qui
ont entouré son élaboration alimentent de nombreuses récriminations :
difficultés d’accès aux centres d’inscription, faible niveau de sensibilisation
lors de la révision des listes, taux importants d’erreurs de saisies et/ou de
traitement. Surtout, un manque de transparence et d’explications
méthodologiques claires a entouré la finalisation du nombre total d’électeurs
du fichier, particulièrement les opérations de nettoyage.
DÉROULEMENT DE LA
CAMPAGNE
Conformément au
calendrier électoral, la campagne a démarré le 28 octobre pour se terminer le
27 novembre 2011. Elle a débuté très timidement, en l’absence de personnalités
de l’opposition réunies à Johannesburg pour d’ultimes tractations autour d’une
possible candidature commune. Joseph Kabila et Vital Kamerhe ont été les seuls
à tenir quelques rassemblements pendant la première semaine, l’un au Maniema
qui avait massivement voté pour lui en 2006, l’autre dans les quartiers
populaires de Kinshasa. L’interview donné le 7 novembre par Étienne Tshisekedi
à partir de l’Afrique du Sud dans laquelle il appelait ses partisans à «
attaquer les prisons et à libérer les prisonniers politiques » a constitué l’un
des points marquants de la campagne en même temps qu’une polémique sur
l’incitation à la violence à l’occasion des élections. En faisant écho au
discours du président de l’UNAFEC Kwungu wa Kumwaza, il a contribué à raviver
les souvenirs des évènements dramatiques qui avaient eu lieu au Katanga en
1993.
Selon les
observateurs de la MOE de l’UE, Joseph Kabila, Vital Kamerhe et Étienne
Tshisekedi ont rassemblé durant la troisième semaine de campagne des foules
importantes dans leurs régions d’origine et leurs fiefs respectifs
(Katanga/Maniema, Sud-et Nord-Kivu et Kasaï/Kinshasa). À l’approche du jour du
scrutin, les activités de campagne se sont intensifiées avec l’entrée en lice
des autres candidats à la présidentielle qui ont commencé à sillonner le pays
le plus souvent accompagnés par les candidats locaux à la députation.
L’absence de
subvention publique aux partis politiques et l’inexistence d’un contrôle réel
sur les dépenses de campagne ont à l’évidence aggravé l’inégalité des moyens à
la disposition des candidats aux deux scrutins. Par ailleurs, l’absence de
spécimen de bulletins de vote, pour les deux scrutins, mis à disposition des
candidats et des partis politiques n’a pas permis l’indispensable
sensibilisation de l’électorat dans le cadre de leur campagne.
Très largement
centrée sur l’enjeu présidentiel, la campagne a été émaillée de nombreux incidents.
Les plus significatifs se sont concentrés dans cinq provinces l’Equateur, le
Katanga, le Nord-Kivu, le Kasaï Occidental et le Kasaï Oriental où une fillette
a été tuée par balle le premier jour de campagne. Toutefois, les appels au
calme, les condamnations des discours inflammatoires et quelques initiatives
locales de médiation ont permis de garder la violence sous contrôle jusqu’au
jour du scrutin.
MÉDIA
Depuis le 21 octobre
2011, la MOE UE a réalisé une analyse quantitative et qualitative journalière
d’un panel des médias audiovisuels et écrits. Depuis le début de la campagne
électorale, l’accès des candidats a été fortement déséquilibré dans la majorité
des média publics et privés. La Radio Télévision Nationale Congolaise (RTNC)
n’a pas joué son rôle de service public négligeant le principe d'égalité et
d’équilibre en matière d'information. J. Kabila a ainsi reçu 86% du temps
consacré aux candidats présidentiels au journal télévisé contre 7% à L. Kengo,
3% à V. Kamerhe et 1% à E. Tshisekedi. Le plus souvent, les médias privés
appartiennent à des hommes politiques. Ces médias ont clairement avantagé les
candidats de leur parti ou coalition, limitant ainsi l’accès aux autres
acteurs. Par ailleurs, une grande partie du temps d’antenne était constituée de
spots, chansons, magazines et autres programmes payants, autorisées sans
contrainte sur l’ensemble des médias, qui ont créé ainsi un profond
déséquilibre entre les candidats. Parmi les radios analysées, seules Radio
Okapi et Top Congo, dans leurs émissions journalières d’information, ont
réalisé une couverture équilibrée des candidats à la présidentielle.
La couverture
médiatique des femmes candidates est restée négligeable dans l’ensemble des
médias analysés. En effet, le temps qui leur est dédié n’est que de 4% sur les
télévisions analysées et 1% sur les radios.
Afin d’assurer un
accès équitable aux différents candidats à la présidence, le Conseil Supérieur
de l’Audiovisuel et de Communication (CSAC) a organisé des émissions d’une
heure, sur une trentaine de médias audiovisuels publics et privés avec un panel
de huit journalistes sélectionnés. Durant cette campagne, le CSAC n’a pas joué
son rôle de régulateur avec impartialité. Ainsi, il n’a pas garanti le droit à
un accès équitable des candidats et des partis politiques, surtout dans les
médias publics. Sa mise en place tardive, l’insuffisance de moyens humains,
matériels et financiers, l’absence de représentants provinciaux et le partage
du même bâtiment avec la RTNC, sont autant d’éléments qui ont contribué à
fragiliser son mandat.
La campagne
électorale a été émaillée par des actes de violence contre les médias et les
journalistes. Certains dérapages des médias ont également contribué à
l’accroissement des violences contre les journalistes, notamment à Kinshasa, au
Katanga et au Maniema. Les médias appartenant à des candidats y ont fait preuve
d’un langage incendiaire en mettant en péril la sécurité des journalistes.
L’augmentation de l’intolérance politique était à la base de plusieurs cas de violations
de la liberté d’information constatées et rapportées par les observateurs long
terme sur le terrain, la MONUSCO et les organisations non gouvernementales
locales.
ÉDUCATION CIVIQUE ET
SENSIBILISATION DES ÉLECTEURS ET ELECTRICES
La sensibilisation
des électeurs, pour le cycle électoral de 2011, a essentiellement été assurée
par la Fondation Internationale pour les Systèmes Électoraux (IFES) en
coopération avec la CENI. Pour cela, IFES s’est notamment appuyée sur des
sessions de sensibilisation à la base, en collaboration avec des Organisations
Non Gouvernementales locales, sur des campagnes médiatiques ou bien encore sur
des caravanes motorisées. Toutefois, travaillant principalement sur l’éducation
civique, mais aussi en raison de moyens limités, IFES n’a pu développer un
important programme de sensibilisation au vote au regard du calendrier
électoral serré et du grand nombre d’électeurs à toucher.
GENRE ET
PARTICIPATION DES FEMMES
La Constitution
consacre le principe de la parité homme-femme. Toutefois, la discrimination
continue à l’égard de la femme pour sa pleine participation à la vie politique
et à la gestion de la chose publique. Pour l’enregistrement de candidatures,
aucune mesure pour la mise en place de la parité n’est prévue.
Plusieurs facteurs
pèsent aujourd’hui pour arriver à la pleine participation des femmes sur la
scène politique. Les barrières traditionnelles et culturelles, le manque de
confiance de la femme en elle-même, les violences faites aux femmes et
l’analphabétisme sont les raisons évoquées. Les femmes constituent 49,68 % de
l’électorat congolais. Les deux régions des Kivu, où nous notons la forte
présence de militaires, qui sont exclus du vote; se distinguent par un
pourcentage plus élevé de femmes enrôlées.
Des formations
destinées aux candidates ont été organisées tardivement au cours du processus
électoral. Le manque de soutien, notamment financier, apporté par leurs partis
politiques a été soulevé par les candidates.
DROITS HUMAINS
La RDC a ratifié les
principaux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits humains.
La Constitution reconnait des nombreux droits et libertés liés au processus
électoral dans son titre II. Le respect de facto des droits et libertés
civiques et politiques a été enfreint à plusieurs reprises tout au long du
processus électoral.
Nos équipes
d’observation ont rapporté des incidents à caractère électoral tout au long de
la campagne et sur l’ensemble du territoire. La liberté de manifestation et
d’expression est celle qui a été le plus souvent remise en cause ; il en va de
même du droit à l’intégrité physique et à la vie et enfin du droit à la liberté
et la sécurité. Kinshasa, les Kasaï, le Katanga et les Kivu auront été les plus
affectés par ces violations. La fréquence de ces cas est restée stationnaire
bien que marquée pour un début de campagne émaillé de multiples incidents à
Kinshasa, Mbandaka et à Mbuji Mayi. La dispersion violente de militants par les
forces de l’ordre publique, avec un usage disproportionné de la force publique,
a été observée à Mbuji Mayi, Kinshasa, Goma.
Les affrontements
entre militants ont affecté la situation sécuritaire pendant la campagne. À
Kamina, Kinshasa, Kisangani, Lubumbashi, les militants de la majorité contre
ceux de partis de l’opposition se sont confrontés de façon régulière. La
présence des jeunes sportifs en vue d’actions violentes, notamment de kuluna,
lors de rassemblements électorales ont été rapportée par nos équipes
d’observation à Kinshasa et à Mbandaka.
La lutte contre
l’impunité est un élément essentiel en vue de la construction de l’État de
droit en RDC. Les efforts de l’État dans ce sens doivent se poursuivre et se
renforcer, et faire lumière sur les événements violents pendant la campagne, le
jour du scrutin et après, notamment en ce qui concerne le comportement des
forces de l’ordre.
LE SCRUTIN
À l’occasion des
scrutins présidentiel et législatif, la MOE UE avait un dispositif
d’observation de 71 équipes réparties dans toutes les provinces du territoire
congolais. Les scrutins du 28 novembre 2011, prolongés les 29 et 30, ont
enregistré une participation, généralement, élevée sur l’ensemble du pays.
Également, en participant largement aux scrutins, que ce soit en tant
qu’électrices ou bien comme membres de bureaux de vote, les femmes ont confirmé
leur forte implication dans le processus malgré un nombre faible de candidates
aux scrutins.
Les bureaux de vote
ont, pour la plupart, ouvert à l’heure. Toutefois, l’ouverture d’un certain
nombre a été retardée, souvent en raison de l’absence du matériel électoral
sensible, notamment dans les provinces du Kasaï Oriental, Kasaï Occidental, du
Katanga, du Bandundu, et dans plusieurs centres de vote de la capitale. Par
ailleurs, un nombre important d’électeurs ont eu beaucoup de difficultés à
trouver leur bureau de vote. De manière générale, la MOE UE a relevé une bonne
maîtrise des procédures de vote par les membres des bureaux de vote, même si le
contrôle de l’encre à l’entrée des électeurs n’a pas été systématique. Le
secret du vote a généralement été garanti. Les observateurs de la MOE UE ont
cependant constaté une sensibilisation insuffisante des électeurs aux
procédures de vote, notamment dans l’utilisation des bulletins de vote à la
députation, qui s’est souvent traduite par un ralentissement des opérations.
Pour finir, les observateurs ont noté l’utilisation intempestive des registres
de dérogation, faisant office le plus souvent de registre des omis, illustrant
ainsi le manque de communication claire de l’administration électorale en
direction de ses démembrements.
Les témoins des
candidats/partis politiques ont assuré une représentation pluraliste dans la
grande majorité des bureaux de vote observé. Des cas d’accès refusé à des
témoins par des présidents de bureaux de vote ont toutefois été rapportés par
les observateurs dans 10 % des bureaux de vote visités. Enfin, les témoins
n’ont pas eu systématiquement accès à une copie certifiée des résultats,
pourtant prévue par la loi électorale et garantie clef de la transparence et donc
de l’acceptation future des scrutins.
Soulignant
l’attachement des électeurs congolais au processus électoral, ils se sont, en
général, exprimés dans le calme, en dépit d’incidents graves ayant causé la
mort de plusieurs personnes particulièrement au Kasaï Oriental, au Katanga et à
Kinshasa (incidents à la suite d’allégations de fraudes et de bourrages
d’urnes, actes de violence à la suite du mauvais fonctionnement de bureaux de
vote ou encore destructions de bureaux de vote).
La sécurisation du
processus électoral, généralement effectuée par les agents de la Police
Nationale Congolaise (PNC), a néanmoins été caractérisée par plusieurs
difficultés, tel que le versement tardif de fonds. Aussi, l’intégration
d’éléments militaires, et même parfois de gardes privés comme à Kinshasa, dans
le processus de sécurisation des opérations de vote et de compilation des
résultats suscite de fortes inquiétudes.
TRANSMISSION DES
RÉSULTATS
Parfois ouverte dans
la continuité des scrutins ou bien le lendemain, la phase de compilation des
plis électoraux au niveau des Centres Locaux de Compilation des Résultats est
toujours en cours d’observation par nos équipes. Constituant une étape clef du
processus électoral, une attention particulière y est portée par notre Mission.
SOCIÉTÉ CIVILE ET
OBSERVATION NATIONALE
Une dynamique de
rapprochement de dix missions d’observation nationale sous une seule ombrelle a
été réalisée sous l’impulsion de l’École de Formation Électorale en Afrique
Centrale. Cette dynamique a permis la présence d’observateurs dans une majorité
des 63.865 bureaux de vote.
CONTENTIEUX
ÉLECTORAL
La Cour Suprême de
Justice (CSJ), en l’absence effective de la Cour constitutionnelle prévue par
la constitution, est une institution clé puisqu’elle est chargée du contentieux
électoral en sus de la proclamation des résultats définitifs des élections
présidentielles et législatives. Pourtant, l’opposition ne croit pas à son
indépendance car ses magistrats sont nommés par le Président sur proposition du
Conseil Supérieur de la Magistrature, une institution dont il nomme aussi
indirectement les membres. L’indépendance de la CSJ est aussi remise en
question pour la nomination de 18 nouveaux magistrats à la CSJ, en plein milieu
de la campagne électorale, nomination qui pourrait violer les conditions
établies par le statut des magistrats.
La révision de la
loi électorale au mois d’août 2011 a modifié les procédures en matière de
contentieux des résultats, en remplaçant un traitement contradictoire en séance
publique par un traitement à huit clos, plus opaque, où un magistrat mène
l’instruction et récolte tout le nécessaire pour régler le contentieux. Dans
une situation où les acteurs politiques n’ont pas confiance en l’indépendance
du pouvoir judiciaire, cette solution n’est pas appropriée.
La publication des
listes provisoires de candidats par la CENI a été très contestée. Néanmoins,
presque la totalité des recours ont été rejetés comme irrecevables pour des
raisons de forme. Le cas le plus controversé faisait référence à l’apparition,
dans les listes provisoires de certaines circonscriptions, d’un nombre de
candidats supérieur au nombre de sièges, ce que la loi électorale considère
comme une cause de radiation des candidats du parti politique concerné. La CENI
a expliqué que cette situation avait été causée par des erreurs techniques
informatiques. Mais les listes définitives ont été publiées aussi avec de
nombreuses erreurs. Pour régler la situation, la CENI a donné un délai
supplémentaire, qui n’était pas prévu par la loi. En dépit de nombreux
contacts, la MOE UE n’a pas eu accès aux arrêts relatifs aux candidatures, une
situation très préoccupante car la CSJ est aussi soumise au principe de
transparence.
Pendant la campagne
électorale, le nombre de plaintes écrites déposées à la CENI ou au parquet
reste relativement bas : au niveau local, deux de l’UDPS, un de l’UNC et un du
MLC. Au niveau du bâtiment central de la CENI, des affiches à l’effigie du
Président candidat sur des édifices publics ont donné lieu à une plainte de la
part de l’UNC. L’UDPS a déposé une requête sollicitant la radiation du candidat
Kabila pour l’utilisation de biens publics dans sa campagne dans tout le pays.
Le jour du scrutin, l’UNC a déposé une requête dénonçant au moins 66 cas de
fraude commis par la majorité présidentielle, la conduite négligente de la
MONUSCO par rapport aux irrégularités du processus électoral, la prolongation
illégale du scrutin le 29 novembre par la CENI, et par la suite en demandant la
correction ou l’annulation du scrutin. Pourtant, la CENI n’a diligenté aucune
enquête ni eu recours au parquet pour sanctionner les contrevenants. Le parquet
n’a, pour sa part, poursuivi aucune infraction à la loi électorale. Cette
situation a mis en cause le respect du principe de sécurité juridique.
La Mission souhaite
exprimer ses remerciements au Gouvernement de la République démocratique du
Congo et la CENI. Elle exprime sa reconnaissance à la Délégation de l’Union
Européenne à Kinshasa, aux missions diplomatiques des États membres, aux
missions d’observation nationale et internationale ainsi qu’au partenaire de
mise en œuvre UNOPS pour leur assistance tout au long de cette mission. Cette
déclaration est également disponible sur le site web de la Mission : http://www.moeue-rdc.eu
et sur la page de la mission sur le site facebook : http://www.facebook.com/moeue.rdc
Mission
d’observation électorale de l’Union européenne en République démocratique du
Congo
Grand Hotel,
Kinshasa
Website
: www.moeue-rdc.eu
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