Kavumu,
République démocratique du Congo, 30 novembre (Hcr) – Le viol est répandu dans
les régions de l'est de la République démocratique du Congo mais, pour de nombreuses femmes, les conséquences sont souvent pires que l'acte lui-même.
En
plus du traumatisme et d'autres problèmes de santé, les victimes sont rejetées
par leur mari et leur famille. Elles sont perçues comme dangereusement souillées
et, en quelque sorte, responsables de ce qui leur est arrivé. Bon nombre
d'entre elles sont déplacées dans la région très instable de l'Est, subissant
traumatisme sur traumatisme, horreur après horreur.
«
Je ne pouvais pas vivre avec une personne violée par des Interamwe », déclare
Simon*, 29 ans. Sa femme Angélique* a été violée il y a près de quatre ans par
un groupe de miliciens, la plupart d'origine hutue, alors qu'elle rentrait d'un
marché dans la province du Sud-Kivu. Il était plus inquiet d'être infecté par
le Vih que du bien-être de sa femme de 35 ans.
Jean-Paul,
50 ans, s'est retrouvé dans une situation très confuse après le viol de sa
femme de 49 ans, Sylvie*, alors qu'il avait été forcé de regarder la scène. «
J'étais stressé, traumatisé. Ce n'était plus comme avant. Il y avait une autre
odeur dans la maison », affirme-t-il. Il a décidé de quitter la maison
familiale. Il explique au Hcr : « Je ne pouvais pas avoir des relations
sexuelles avec une femme qui avait été violée. » Il lui était très difficile de
parler de cette épreuve.
Des
histoires semblables, on en retrouve dans de nombreux villages de l'Est.
Toutefois, dans un petit nombre de cas, les couples parviennent à se retrouver
grâce à l'aide d'un projet dirigé par une organisation locale d'aide
humanitaire appelée Camps - Centre
d'assistance médico-psychosociale -. Le Hcr appuie cette petite agence qui travaille
à prévenir la violence sexuelle et sexiste dans l'est de la République
démocratique du Congo et apporte une aide aux victimes,
qu'elles soient déracinées ou non.
qu'elles soient déracinées ou non.
Simon
et Angélique, Jean-Paul et Sylvie font partie de ceux qui ont repris leur vie à
deux avec l'aide de l'Ong Camps. Mais la réconciliation est un processus lent,
difficile et pratiquement impossible si la femme est atteinte du Vih ou se
retrouve enceinte.
Angélique
revenait avec 15 autres femmes d'une ville voisine où elles s'étaient rendues
pour vendre des fruits et des légumes frais de leur jardin, lorsqu'elles ont
été attaquées. Elle a ressenti une telle honte après le viol qu'elle a passé
une semaine à errer dans la forêt avant de revenir la maison.
«
Je n'ai rien dit à mon mari. Je suis allée me mettre au lit, j'étais malade, je
ne parlais pas, je ne mangeais plus », confie Angélique, des larmes coulant sur
son visage. Simon a été informé peu après mais, plutôt que de lui témoigner de
la compassion, comme cette mère de quatre enfants le déplore : « Il a pris
toutes mes affaires et m'a jetée dehors. Il m'a dit que j'étais malade, que
j'avais le Vih. » Elle a cherché refuge auprès de sa famille, mais son père et
ses enfants se sont montrés aussi distants que son mari. « Je me demandais où
je pourrais trouver du poison pour me suicider », avoue-t-elle. Seule sa mère
est revenue sur sa décision et l'a hébergée.
C'était
un cas typique pour le Camps. Son personnel enquête sur des affaires de viol et
tente de sensibiliser les hommes qui ont rejeté leur femme, en tentant de les
inciter à les voir comme des victimes. Leur travail porte ses fruits : sur les
800 couples ayant bénéficié d'une aide psychologique depuis janvier 2011, 400 se
sont réconciliés.
Simon
était séparé d'Angélique depuis plus de trois ans lorsqu'il a reçu l'appel,
mais il n'était pas intéressé. « J'étais à la maison lorsque j'ai vu des gens
arriver. C'était le Camps. Ils voulaient me parler de ma femme et je leur ai
dit qu'elle devrait aller vivre avec son homme dans la forêt », se
rappelle-t-il.
Malgré
son amertume et sa vive réaction, il a tout de même accepté de participer aux
séances d'aide psychologique du Camps. Des discussions avec le personnel et
avec d'autres maris ayant accepté le retour de leur femme lui ont finalement
fait changer d'avis. Il affirme maintenant qu'il sait que sa femme n'était
coupable de rien. Angélique est toujours hantée par l'attaque. Elle a pleuré
tout au long de l'entrevue. « Je suis souvent malade. Si une personne court
derrière moi, je commence aussi à courir ».
Simon
et Angélique se sont retrouvés depuis huit mois et assurent qu'ils vivent en
harmonie. Mais certaines choses ont changé. « Je lui interdis de vendre ses
produits au marché. Elle doit rester à la maison », insiste Simon. Mais les
ventes au marché constituaient un revenu essentiel et la famille lutte
désormais pour joindre les deux bouts.
L'exemple
de ses pairs a également motivé Jean-Paul à reprendre une vie commune avec sa
femme. « D'autres hommes sont revenus avec leur femme et cela m'a aidé »,
reconnaît-il. Mais comme pour Simon, le facteur décisif a été d'apprendre que
sa femme était séronégative.
Dieudonné Bagalwa, un psychologue chevronné du Camps, précise qu'il est rare qu'un
couple se réconcilie lorsque la femme est séropositive. Il mentionne un cas où
l'amour semblait vaincre tous les obstacles, tout en soulignant qu'ils n'ont
plus de relations sexuelles. Dans la société patriarcale, les hommes refusent
toujours de porter des préservatifs. La moitié de la bataille consiste d'abord
à changer les attitudes.
Par Céline Schmitt au Sud-Kivu,
République démocratique du Congo
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