Quelle honte nationale lorsque
la Cour Suprême de Justice requalifie l’accusation sans aviser l’accusé ! Le
temps donne raison au Leader de l’UNC Vital Kamerhe qui a qualifié à la RFI ce
procès de politique. Nous citons : « cette arrestation répond
uniquement à des objectifs politiques. C'est un montage parce qu'ils
savent que les élections, en ce qui concerne Masisi, ont été refaites, alors il
faut le mettre hors d'état de nuire ». Fin de citation.
RD Congo - Un député de
l'opposition condamné à un an de prison pour "haine tribale"
Un député de l'opposition, accusé
d'entretenir une milice dans l'est de la RD Congo et dont l'arrestation avait
provoqué la mort de quatre personnes début février, a été condamné samedi à un
an de prison pour "haine tribale" par la Cour suprême de justice
a-t-on appris de source judiciaire. Dieudonné-Jacques Bakungu, 54 ans, élu en
2006 député du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD,
au pouvoir) dans l'est du pays, mais candidat de l'opposition aux législatives
de fin 2011, avait été arrêté le 2 février à Goma (est) dans sa villa, où deux
de ses gardes et deux policiers avaient été tués lors de son arrestation.
Jugé devant la Cour suprême à
Kinshasa, notamment pour meurtre, détention illégale d'armes et atteinte à la
sûreté de l'Etat, le député a nié les faits et dénoncé un procès politique pour
l'empêcher d'être candidat dans sa circonscription de Masisi (est), dans la
province du Nord-Kivu, où l'élection a été annulée pour des violences et un
nouveau vote doit être organisé.
La Cour suprême n'a pas suivi le
ministère public qui avait requis la peine de mort, qui peut-être prononcée en
RDC mais n'est plus appliquée et est commuée en prison à perpétuité. La Cour a
acquitté l'accusé des faits qui lui étaient reprochés mais elle a requalifié
celui d'atteinte à la sûreté de l'Etat en "haine tribale" envers
"les sujets rwandophones" et l'a condamné à 12 mois de prison, a
déclaré à l'AFP son avocat Me Benjamin Bakonke.
Une quinzaine d'autres accusés,
pour la plupart des très jeunes gens qui ont nié les faits et dit avoir été
arrêté au hasard, ont été condamnés à 12 mois de prison pour "haine
tribale", ou 5 ans de détention pour meurtre ou détention illégale
d'armes. Quatre autres ont été acquittés.
M. Bakungu s'était présenté au
scrutin de fin 2011 sous la bannière de l'Union pour la nation congolaise (UNC)
de l'opposant Vital Kamerhe, arrivé troisième à l'élection présidentielle,
couplée aux législatives. Le Nord-Kivu, dont le Masisi est l'un des territoires,
est, comme la province voisine du Sud-Kivu, une région instable en raison de
l'activité persistante de plusieurs groupes armés locaux et étrangers.
Procès Bakungu : les
faiblesses de l’accusation étalées à la CSJ
Dans son arrêt avant-dire droit,
la Cour rouvre les débats ce samedi
Consécutivement aux évènements de
Goma du 2 février dernier, Dieudonné Bakungu Mithondeke est poursuivi devant la
Cour suprême de justice, CSJ, avec 18 autres prévenus. L’homme, député sortant
de Goma où il était sorti maillot jaune aux scrutins de 2006, était, cette
fois-ci, candidat à Masisi, creuset des drames et tragédies du Congo, et où les
élections ont été annulées. Déjà, sur ces terres à problèmes, le gouvernement
du maréchal Mobutu avait privé ce territoire d’élections en 1987. Difficile de
ne pas voir derrière ce procès l’ombre des conflits qui ont toujours sévi ici,
tel un magma qui bout, toujours prêt à exploser, à l’image du Nyiragongo si
proche. Mais le procès renferme des faiblesses telles qu’il est permis de se
demander si, dans ces conditions, condamner Bakungu ne relèverait pas d’une
action politique visant l’élimination d’un adversaire politique, voire
l’écrasement total de toute une communauté – les Hunde – autochtone devenu
minoritaire sur ses propres terres.
Poursuivi pour 7 chefs
d’accusation – dont rébellion, incitation des policiers à commettre des actes
contraires à leur devoir, détention illégale d’armes à feu, atteinte à la
sureté intérieure de l’Etat, meurtre, – Dieudonné Bakungu a comparu sur
le fond du dossier le samedi 18 février 2012. Son interrogatoire a révélé à la
cour, ainsi qu’à la nombreuse assistance, deux choses capitales : la
faiblesse de l’accusation, et le contexte politique dans lequel se place la
trame, qui fait du Nord-Kivu une province aux réalités à nulle autre pareille.
Dans sa présentation des faits, le ministère public n’y est pas allé de main
morte. Il a ainsi, défini, les faits tels qu’ils se présentent selon lui.
D’abord : «il circulait, dans Goma, des rumeurs faisant état d’une attaque
imminente visant à expulser de la ville tous les Rwandophones (NDR : les
citoyens congolais parlant le kinyarwanda, c’est-à-dire les Hutu et les Tutsi,
aussi appelés dans ce procès «Banyarwanda»). Les autorités auraient alors
décidé le bouclage de certains quartiers». Et puis : «les OPJ des FARDC
(eh oui, vous bien lu : OPJ des FARDC, donc dans l’armée congolaise il y a
des officiers de police judiciaire !) et de la PNC (Police nationale
congolaise) ont été mis à contribution. Ils ont obtenu des mandats de
perquisition auprès du procureur général de Goma». Et enfin : «ils ont
perquisitionné partout, notamment chez monsieur Bahuma, cadre à la SONAS, et
chez la concubine (sic !) de monsieur Bakungu Mithondeke, sans aucun
problème. Arrivé chez monsieur Bakungu Mithondeke lui-même, les problèmes
commencent avec son refus d’ouvrir aux militaires. Ces derniers reçoivent alors
l’autorisation de leur chef d’escalader le mur, et c’est alors que monsieur
Bakungu ordonne à ses hommes de tirer sur les militaires, d’où la réplique de
ceux-ci. S’ensuit un violent échange des tirs entre les deux camps. On a trouvé
un féticheur nommé Nzi au plafond de la résidence de Bakungu. C’est lui qui
avait tatoué les combattants pour les rendre invulnérables. On a également ces
documents compromettants qui démontrent que monsieur Bakungu avait mis en place
un mouvement insurrectionnel».
Le décor du drame
Dans l’interrogatoire qui va
suivre, l’accusé va répondre à une pluie de questions qui lui permettent de
planter le décor du drame qu’il a vécu. D’abord : «ce 2 février, j’étais
chez moi à la maison. Je regardais un match de la coupe d’Afrique des nations à
la télévision lorsque j’ai reçu l’appel d’un correspondant anonyme, m’informant
avoir été convié une réunion au cours de laquelle il a été décidé de m’abattre,
au motif que j’étais un frein à un projet de balkanisation de la RDC. Il m’a
informé m’avoir même envoyé un texto dans ce sens. Après vérification, j’ai
effectivement vu trouvé ce texto dans mon téléphone, et il y est toujours.
Paniqué, j’en ai informé mes proches, ainsi qu’une cadre de la MONUSCO/Goma.
Après, je suis allé me coucher. J’ai pris ce message au sérieux, car, lorsque
j’étais vice-gouverneur du Nord-Kivu pendant la Transition 1+4, j’avais été
attaqué le 12 février 2005».
Ensuite : «tard la nuit,
j’ai été réveillé par ma nièce, me disant que la maison était encerclée par des
militaires qui essaient de forcer l’entrée. Là, je me suis dit que ça y est.
M’étant approché, j’ai échangé avec eux, ils m’ont dit qu’ils voulaient entrer.
Me rappelant ce qui m’était arrivé en 2005, et le texto que j’avais reçu la
veille, je ne pouvais me permettre de faire entrer des militaires à cette heure
indue, c’était vers4 heures du matin et mes gardes m’ont poussé à rentrer dans
la maison. C’est là que je vais entendre des fortes détonations, on a tiré
comme je n’ai jamais vu, ma maison bougeait. Vers 4 heures, le général
Vainqueur Mayala est arrivé dans le quartier, il m’a appelé au téléphone, et
m’a demandé d’ouvrir. Je lui ai indiqué la petite porte par laquelle il est
finalement entré. Arrivé dans la véranda, il s’est écrié : «pourquoi tout
ça, et je ne suis même pas au courant ?» J’ai alors expliqué la situation
au général, et je lui ai même transféré le message texto».
Ensuite : «c’est alors qu’un
inspecteur du parquet est arrivé, disant qu’il devait perquisitionner, et me
tendant un document à signer. J’ai refusé, ne pouvant signer un document que je
n’avais pas lu. Il m’a alors demandé s’il pouvait faire la perquisition, j’ai
accepté, et il est entré, suivi par un nombre important de militaires, qui ont
commencé à tabasser mes enfants, et tous ceux qui étaient dans ma maison et ont
saccagé la résidence. Par la suite, le général m’a amené, et j’ai pu me rendre
compte que c’était les militaires du 802ème régiment FARDC, qui sont
commandés par le colonel Padiri».
Le ministère public revient à la
charge, demandant si Bakungu n’avait pas vu toutes ces douilles qui pavaient
littéralement le parquet de sa maison. Ce à quoi le prévenu a répondu par la
négative, informant, par la même occasion que ce sont les militaires qui ont
tiré à l’intérieur de sa maison, criblant tout le plafond des balles. «Et
maintenant on veut présenter leurs propres douilles comme provenant des
combattants que je n’ai jamais eu», s’est-t-il défendu. Mais l’organe de la loi
n’en démord pas : «vous avez échoué aux élections, et vous avez alors créé
un mouvement rebelle pour agresser votre pays», soutient-il. Cette question
permet à Dieudonné Bakungu Mithondeke de parler de lui, d’étaler sa vérité des
événements. Comme Mandela en 1964, il fait du procès une tribune pour dénoncer
des réalités politiques abjectes. «J’ai une longue vie politique. J’ai été élu
à Masisi pour la première fois en 1987, le maréchal Mobutu était encore au
pouvoir. J’ai été nommé vice-gouverneur en charge des questions politiques du
Nord-Kivu, et j’ai été élu premier de la ville de Goma aux élections de 2006.
Je n’ai jamais touché aux armes. Aujourd’hui, je suis candidat à Masisi, et je
n’ai jamais échoué : les élections ont été annulées dans ma
circonscription. Pourquoi ? Notamment à cause de moi. En effet, il y a eu
une forte implication des militaires issus du CNDP (NDR : Congrès national
pour la défense du peuple, l’ancien mouvement rebelle du brigadier général
Laurent Nkunda) lors des opérations électorales. Pour ceux qui ne le savent
pas, notre territoire de Masisi comprend 4 communautés : les autochtones
Hunde et Tembo, et les immigrés Tutsi et Hutu. Imaginez qu’une rumeur fait état
de ce qu’on fomente un mouvement rebelle visant à chasser les Rwandophones de
Goma, et qu’on m’envoie un des leurs, le colonel Padiri, perquisitionner chez
moi, vous voyez dans quel état d’esprit il viendrait ? En 2005, le même
colonel Padiri était là lors de l’attaque de ma résidence quand j’étais
vice-gouverneur. Il y a des réalités à l’Est : ceux qui parlent de plan de
balkanisation du Congo ne blaguent pas. Nous sommes la seule province où il
existe une catégorie d’officiers et de soldats qui ne peuvent jamais servir
ailleurs qu’au Nord-Kivu. Toutes les tentatives de les muter ailleurs ont
toujours échoué. Est-ce normal ? Aujourd’hui, on arrête des gens parce
qu’ils sont de Masisi, parce qu’ils sont Hunde, et on les amène ici. Quand vous
regardez ces jeunes gens, ce cuisinier, ce guérisseur traditionnel, cette
nièce, ce lavandier, voyez-vous en eux des rebelles ? J’ai toujours servi
loyalement la nation sans faire de rébellion. Les anciens rebelles, ce sont
ceux qui dirigent la province aujourd’hui. L’armée est tenue par les anciens
rebelles du CNDP, et les autorités politiques sont des anciens rebelles du
RCD/K-ML».
Accusations extrêmement
faibles
Le discours fait effet.
Dans la grande salle de la CSJ, c’est un silence de cimetière, on entendrait
voler une mouche. Le président de la composition soupire. Mais, après avoir
encaissé un coup, le ministère public sort ses dernières cartouches. Qui vont
se révéler des flops d’anthologie. D’abord : «je détiens ici une photo
montrant monsieur Bakungu Mithondeke passant en revue des militaires. C’est la
preuve qu’il entretient une force armée». Manque de chance, après avoir regardé
la photo, on se rend vite à l’évidence : l’homme sur le cliché n’est pas
Bakungu Mithondeke. Ensuite : «on a perquisitionné chez d’autres
personnes, dont M. Bahuma de la SONAS, ainsi que chez votre concubine, sans que
cela ne pose problème. Etiez-vous au courant ?» Emu, Bakungu répond par la
négative pour ce qui est du supposé M. Bahuma, et, en ce qui concerne sa
prétendue concubine : «depuis que j’ai épousé ma femme, je n’ai jamais eu
de concubine, ni hier, ni aujourd’hui, et je n’en aurais jamais. Je vous mets
au défi de me donner l’identité de cette concubine qui n’a jamais existé. Si on
a perquisitionné chez elle, on doit avoir dressé un PV de perquisition dont le
premier élément est l’identification de la personne.
Montrez-moi ce PV». Encore une
fois, l’accusé fait mouche. Et le ministère public doit battre en retraite.
Mais la reculade est à ce point désastreuse qu’il se perd dans des questions
pour le moins incongrue, comme celle demandant au prévenu, civil de son état,
d’il pouvait identifier et donner la marque de trois fusils d’assaut de ses
gardes !
Mais il se fait tard – 18h
passées – et si le président de la composition renvoi la séance à lundi, c’est
en réalité à un massacre qu’il met fin. Le lundi 20 février, à l’heure
convenue, le président doit encore renvoyer la séance au mardi 21 février. Et
pour cause : le ministère public a oublié( !) le dossier, et ne peut
donc requérir ! Ainsi dit ainsi fait, à l’audience du mardi 21 février, le
procureur fait son réquisitoire, dans lequel il s’accroche, visiblement avec
l’énergie du désespoir, à des PV d’audition dont les avocats de la défense
avaient pourtant démontré l’irrégularité – non datés, et «aveux» obtenus sous
la torture – pour réclamer la peine de mort pour 6 prévenus, dont l’Honorable
Bakungu Mithondeke, et la servitude pénale à perpétuité pour les 13 autres.
C’est le mercredi 22 février que les avocats de la défense ont pris la parole
pour leur plaidoirie. Exercice facilité par le caractère loufoque des
accusations qui avaient été portées contre leurs clients. Ainsi en est-il de ce
«témoignage» du soldat Ramazani qui a soutenu, depuis Goma, qu’après avoir
escaladé le mur de la résidence de Bakungu, il est entré dans la maison du
député en tirant (sur qui ?) au point d’épuiser ses munitions, et d’aller
se cacher dans la cuisine. L’honorable l’aurait alors poursuivi, révolver en
mains, mais un autre soldat a surgi derrière et Bakungu lui aurait flanqué
trois balles en pleine poitrine, et, par la suite, a vidé son chargeur dans la
jambe du soldat Ramazani. On se croirait dans le scénario d’un mauvais film de
série B. comment, en effet, un homme qui ajuste ses tirs dans la poitrine d’un
ennemi, baisse subitement son arme pour viser cette fois-ci, la jambe, et
laisser vivant un témoin gênant ? Bien plus, le certificat médical établi
à Goma fait état d’ «une plaie», sans plus, à la jambe de Ramazani, ce qui
n’est pas la marque d’un chargeur que l’on y aurait vidé. De même, le ministère
public avait affirmé que les prévenus Nsi Muhindo et Kimbe, ce dernier candidat
UNC à Masisi comme Bakungu, étaient des soldats déserteurs, sans pour autant
donner, ni leur numéro mécano, ni leur lieu d’affection, ni leur unité de
service. Tout aussi surprenant, le PV établi à Goma par le capitaine Mario
Lukama indique seuls les corps des deux gardes de Bakungu ont été trouvés dans
la parcelle, alors que deux corps des soldats étaient plutôt dans une Jeep du
802ème régiment FARDC du Nord-Kivu. Après avoir pris l’affaire en
délibéré vers 20h, la cour, sans doute troublé par autant d’incohérence dans
l’accusation, a décidé, à 22h30, dans un arrêt avant-dire droit, de rouvrir les
débats le samedi 25 février en vue d’approfondir certains points demeurés
flous.
Plus que jamais, la cour sait
qu’elle joue la crédibilité de la justice congolaise. Dans cette région agitée
du Kivu, son verdict aura un retentissement particulier aux réalités, à nul
autre pareil, pour l’avenir de cette partie du territoire national.
Aristote Kajibwami
(La Renaissance de la Nation)
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