Le Conseil de
Sécurité des Nations-Unies vient de rendre public le Rapport du Groupe
d’Experts Indépendants sur la Violation de l’Embargo décrété sur les armes destinées
aux groupes irréguliers en République Démocratique du Congo.
Le Gouvernement de la
République Démocratique du Congo exigeait depuis quelques jours cette
publication que nos voisins rwandais tentaient de bloquer pour des raisons que
l’on peut mieux comprendre maintenant. Ce rapport de 44 pages en tout révèle ce
que nous n’avions cessé de dénoncer depuis le 9 juin lors du point de presse du
Gouvernement à Goma, à savoir que le Gouvernement rwandais a violé les
sanctions des Nations-Unies en jouant un rôle clé dans la création d’un groupe
armé anti-gouvernemental au Kivu et en approvisionnant les mutins de ce groupe
dénommé M23 avec des armes, des munitions, des soldats et des jeunes recrues
rwandaises.
Les preuves
accablantes contenues dans le rapport indiquent que la bande à Ntaganda qui
s’est mutinée au mois d’avril dernier et dont les affrontements avec les forces
gouvernementales avaient contraint des milliers de gens à fuir leurs villages
dans l’Est du Congo disposait en fait d’appuis de très haut niveau de la part
du gouvernement rwandais. Les rapporteurs onusiens concluent à une violation
flagrante par le Rwanda des résolutions du Conseil de Sécurité interdisant la
livraison d’armes aux groupes armés irréguliers en République Démocratique du
Congo. Ils citent des officiels rwandais de tout premier plan, notamment un
membre du gouvernement, le Ministre de la Défense, de même que le Chef d’Etat
Major général des forces de défense rwandaises et le principal conseiller
militaire du Président Kagame. Autant dire le sommet de la hiérarchie militaire
de ce pays voisin.
Ce rapport tire sa
crédibilité de la méthodologie en vigueur pour ce type de travail qui en
conditionne la recevabilité à une confirmation de chaque fait relaté par cinq
(5) sources indépendantes les unes des autres.
Les autorités
rwandaises trouvent cette publication qui les éclabousse "profondément
regrettable" et l’attribuent à ce qu’elles appellent une "frénésie
médiatique". Je ne connais aucun gouvernement digne de ce nom qui pourrait
se résoudre à faire comme si de rien n’était devant l’hécatombe provoquée au
Nord-Kivu par la bande sanguinaire de Ntaganda et son adjoint Ruzandiza alias
Makenga juste pour complaire aux dirigeants d’un Etat voisin. Notre devoir
primordial est de protéger les populations congolaises par tous les moyens, y
compris par la dénonciation des bourreaux et leurs complices, quels qu’ils
soient et où qu’ils se trouvent.
La publication de ce
rapport avait été différée pendant plusieurs jours à notre grande déception à
raison de son caractère dommageable à l’image du Rwanda. Ce à quoi notre
gouvernement a répliqué que des considérations de réputation ou d’amour-propre
ne pouvaient pas être prises en comptes face aux violations massives des droits
humains dont se rendaient coupables quotidiennement les bandits armés du duo
Ntaganda – Ruzandiza alias Makenga sur les populations du Nord-Kivu. Il semble
que nous ayons été compris et c’est une bonne chose.
En anticipation à la
publication annoncée de ce rapport, la Ministre des Affaires étrangères et
porte-parole du Gouvernement rwandais a réitéré sans convaincre grand monde que
son pays le Rwanda n’apportait pas assistance aux mutins. Elle a indiqué que le
haut commandement militaire rwandais avait demandé avec insistance aux mutins
de déposer leurs armes et de résoudre leurs différends avec l’armée congolaise
par la négociation.
Depuis New York, la
ministre a en outre qualifié le rapport des experts accusant son pays de
soutenir les rebelles au Congo de "document préliminaire partial fondé sur
des conclusions partielles et devant encore être vérifié".
Mesdames, Messieurs
de la presse,
Ces déclarations
sonnent comme autant d’aveux d’ingérence dans une affaire que les autorités
rwandaises n’ont pas arrêté ces dernières semaines de qualifier de conflits
internes entre Congolais. Cet empressement à s’auto attribuer un rôle de
médiateur dans un conflit présenté par ailleurs comme congolo-congolais nous a
étonné à plus d’un titre, car un tel rôle n’a été ni offert, ni sollicité par
la RDC.
Il est difficile pour
le Gouvernement de la RD Congo d’accepter l’explication de principe selon
laquelle des membres de la hiérarchie militaire rwandaise n’ont pas pu être
impliqués dans la détérioration de la paix à la construction de laquelle ils
avaient travaillé très durement. Dans la mesure où des faits précis et
concordants démontrent le contraire, il serait utile que nous soient fournies
soit des preuves du contraire, soit une nette démarcation du leadership
rwandais des auteurs de ces actes graves de déstabilisation du Congo.
Il convient de
signaler qu’un certain nombre d’éléments contenus dans le rapport des experts
étaient connus des autorités congolaises. C’est depuis le mois de janvier 2012
que nos services d’intelligence ont été alertés à cet égard lorsque
commencèrent des vagues de désertion dans trois régiments FARDC en garnison au
Kivu. Le Gouvernement qui avait gardé sous le coude les renseignements ainsi
recueillis les avait partagés avec les préposés rwandais à l’Equipe Mixte de
vérification. Il s’agit notamment de :
(i)
la capture par les FARDC le 14 juin à Rugari (Rutshuru) d’un
sous-officier des Rwanda Defence Forces, l’Adjudant Etienne Ntakirutimana en
mission d’espionnage au profit de la bande à Ntaganda et Ruzandiza alias
Makenga. L’Adjudant Ntakirutimana qui faisait partie d’une première unité de 80
militaires réguliers des RDF envoyés à Runyonyi pour faire jonction avec les
mutins début mai a avoué avoir reçu la mission d’y préparer un bivouac pour
Ntaganda qui venait d’être mis en déroute à Kibumba et Bunagana ;
(ii)
la présence confirmée dans les rangs du fantomatique M23 d’au
moins trois bataillons commandés par des officiers rwandais : le 31ème
Bataillon (Colonel Modeste, ex-FAR) déployé à Runyonyi, le 69ème Bataillon
(Lt-Col. Thadée, ex-FAR) déployé à Mbuzi et le 99ème bataillon
(Colonel Kitoko ancien de l’APR) à Chanzu. Ces 3 bataillons rwandais en mission
commandée auprès de Ntaganda ont reçu leur ordre de marche du Général
Gashahiza, commandant la 305ème brigade des RDF à Kinigi près du
Parc de Virunga ;
(iii)
le passage par le territoire rwandais du colonel mutin Ruzandiza
alias Sultani Makenga, N°2 de la bande à Ntaganda accompagné de 6O éléments de
la bande avec armes et munitions pour rejoindre Runyonyi la nuit du 03 au 04
mai 2012. Leur itinéraire est le suivant : Bukavu (Sud-Kivu) – Cyangungu
(Rwanda) – Kamembe – Kabuhanga – Gikongoro – Butare – Ngororero – Gisenyi –
Mutara – Gasinzi - Kinigi d’où ils seront escortés jusqu’à Runyonyi au
Nord-Kivu. Ils ont reçu aide et assistance, notamment des facilités de
transport lacustre et routier, des uniformes militaires ainsi que des armes et
munitions des mains du Major RDF Bakubirigwa et du Capitaine Laurent Gasana, S2
de la Brigade RDF de Rubavu. A Kabuhanga ils ont eu une séance de travail avec
le Général Ruvusha, Commandant division a.i. de Rubavu. On est loin, très loin d’un quelconque
conflit entre communautés congolaises qui n’existe pas ou d’une confusion faite
au Congo-Kinshasa entre des compatriotes locuteurs du Kinyarwanda et des sujets
rwandais évoquée par les autorités rwandaises.
Le Gouvernement de la
République avait tenu, en signe de bonne volonté et pour préserver autant que
possible les relations de bon voisinage, à vérifier ces faits graves de concert
avec la partie rwandaise avant de les étaler sur la place publique dans le
cadre de l’Equipe Mixte (Joint Team) de vérification des services instituée par
les deux gouvernements. Il est regrettable que les travaux de cette Equipe
Mixte à laquelle avaient été associés des experts de la MONUSCO à Goma aient
été brutalement interrompus par les autorités rwandaises qui ont rappelé à
Kigali leurs délégués au moment de la
signature des procès-verbaux. Force a été à la délégation congolaise et
aux témoins de la MONUSCO de signer seuls le rapport final des travaux et de
dresser un PV de carence de la partie rwandaise.
La Ministre
porte-parole du Gouvernement rwandais a exprimé son espoir que le rapport final
de l’ONU sur la question prévu pour le mois de novembre prochain comportera
aussi bien les accusations que les réfutations rwandaises. Le Gouvernement
congolais aurait souhaité avoir connaissance de ces réfutations lors des
travaux de l’Equipe Mixte RDC – Rwanda de Goma et se demande pourquoi nos
collègues ont jugé bon d’en interrompre le déroulement.
La République
Démocratique du Congo exige que les filières de recrutement, de renforts,
d’armement et de ravitaillement en faveur des bandits armés de Ntaganda en
terre rwandaise soient démantelées inconditionnellement.
Les propos infamants
des autorités rwandaises tendant à décrire la République Démocratique du Congo
comme un Etat failli dépendant pratiquement de leur bon vouloir pour résoudre
ses problèmes doivent également cesser. Il en est de même de leur lobbying un
peu trop agressif à notre goût en faveur de négociations entre le Gouvernement
congolais et des forces négatives dont le seul haut fait d’armes notable est
d’avoir distrait les FARDC de la traque des FDLR que le Rwanda lui-même n’a
cessé de réclamer sur tous les tons au cours de ces dernières années.
La tentative
délibérée du Rwanda de donner une coloration politico-ethnique à un groupe
criminel reconnu comme tel par l’ensemble de la Communauté internationale alors
que la classe politique congolaise dans son ensemble et toutes les communautés
ethniques qui ont en partage les deux provinces du Kivu sans aucune exception
la condamnent, est dangereuse pour la paix et la sécurité dans la région.
Le Gouvernement
déclare, pour que nul désormais ne fasse semblant de l’oublier, que la
responsabilité pénale des actes cruels commis par Ntaganda et ses affidés est
strictement personnelle. Vouloir faire croire qu’il existerait on ne sait
quelle accusation d’un crime collectif à l’encontre d’une quelconque communauté
du Kivu est pure aberration.
C’est le lieu pour
nous d’insister auprès de nos partenaires de la direction politique rwandaise
pour qu’ils cessent de chercher par des insinuations déplacées, à ramener à la
surface les atavismes ethniques d’une époque révolue et dont la région n’a que
trop souffert. Il n’y a à ce jour aucune confrontation inter-ethnique entre des
populations congolaises qui vivent au Kivu. Seules les forces négatives et ceux
qui leur apportent soutien et assistance à partir de l’extérieur continuent à
instrumentaliser ces pauvres arguments pour semer le chaos qui fait durer leur
projet de cueillette sans contrepartie des ressources naturelles congolaises.
Il n’est pas inutile
de rappeler aux apôtres de la banalisation du terrorisme la vanité de ce qui
tient lieu de revendications de la bande, à Ntaganda et Ruzandiza, alias
Makenga.
Lorsqu’un général de
brigade et un colonel revendiquent « des grades », lorsqu’un parti
qui a dans ses rangs des ministres, des élus nationaux et provinciaux réclame
l’intégration dans la vie politique, lorsqu’un seigneur de guerre tue, pille et
commet d’autres crimes contre l’humanité pour appuyer une demande d’amnistie
pour d’autres crimes du même genre, il n’y a aucune rationalité sinon des faux alibis
pour pérenniser une situation conflictuelle pour des raisons inavouées. Ces
revendications de la bande à Ntaganda sont, nous l’avons dit, creuses et
fantaisistes, et nous osons espérer que nos collègues rwandais nous écouterons
à ce sujet.
Nous condamnons très
fermement la réactivation des groupes armés nationaux et des alliances contre
nature avec les criminels des FDLR initiées cyniquement par les mêmes auteurs
intellectuels des crimes dont Ntaganda et sa bande se rendent coupables. La
présence parmi les éléments rwandais faits prisonniers près de Runyonyi de
quelques éléments FDLR rapatriés en bonne et due forme au Rwanda en est une
autre illustration. Le but semble être de rendre ingouvernable et invivable les
provinces du Nord et du Sud-Kivu. La lourde insistance du discours officiel sur
le prétendu « échec » du Congo à gérer des problèmes dont aucun
détail n’est donné peut laisser croire en l’existence d’une telle stratégie de
déstabilisation. Au lieu de répondre aux graves accusations de collusion avec
un groupe terroriste qui pèsent sur des hauts cadres de ce pays, Kigali
s’évertue à noyer les autorités légitimes de la RDC dans une rhétorique
méprisante à la limite de l’insulte.
Nous réitérons
l’appel lancé au Gouvernement rwandais par le Gouvernement de la République
Démocratique du Congo à partir de Goma au Nord-Kivu pour qu’ensemble nous
remettions en perspective de bonne foi
la synergie maintes fois annoncée afin de résoudre d’urgence le problème
de la criminalité des forces négatives que nul ne devrait ni banaliser, ni
encourager dans leurs funestes desseins.
Les choses paraissent
plus claires aujourd’hui que les experts indépendants des Nations-Unies
viennent de désigner nommément les maîtres d’œuvre des tourments qui assaillent
le peuple congolais du Kivu.
Il est
particulièrement désagréable pour nous de constater que nos experts en Équipe
mixte de vérification se soient séparés sur initiative du Rwanda sans
conclure. Il appartient dès lors au
Conseil de Sécurité des Nations-Unies de prendre la juste mesure du drame
humainement inacceptable vécu par les hommes, les femmes et les enfants du
Nord-Kivu qu’il ne faut pas laisser plus longtemps à la merci d’une bande
mafieuse téléguidée à partir du Rwanda.
Le Gouvernement
réitère sa foi en l’avenir du Congo dont tous les fils et filles ne demandent
rien moins qu’à vivre en paix dans l’unité et la concorde, et engage tous ses
partenaires de la région à mettre une sourdine aux attitudes, comportements et
propos de nature à rallumer les flammes de la haine et de l’incommunicabilité.
Les troupes FARDC
déployées contre l’ennemi continuent jusqu’à présent à mériter la confiance de
leur Commandant suprême et Chef de l’Etat ainsi que celle du Gouvernement face
à l’ennemi.
Le renouvellement du mandat
de la MONUSCO à partir du 30 juin répond à un souci clairement exprimé par le
Gouvernement de la République Démocratique du Congo à l’effet de consolider
autant que faire se peut la paix et la stabilisation de l’Est de la République,
toujours en butte à certaines velléités mafieuses.
La MONUSCO a en effet
joué un rôle bien apprécié par notre gouvernement dans la protection des
populations civiles menacées par l’aventure sans lendemain de la bande à
Ntaganda et Ruzandiza, et dans l’appui apporté aux FARDC dans l’accomplissement
de leurs tâches.
Nous ne partageons
donc pas les critiques sans nuances portées à l’endroit de la MONUSCO par le
dernier rapport de ICG (11 juin) selon lequel « la MONUSCO est en train d’échouer dans son mandat de stabiliser le
pays et protéger les populations civiles ». De la même manière, nous devons dénoncer la
désinvolture qui transparaît dans un document de l’ONG britannique Amnesty
International qui a tenté de profiter des actes d’agression dirigés contre la
RD Congo pour obtenir l’émasculation militaire de notre pays. En effet, Amnesty
a carrément suggéré en réponse à l’agression, de renforcer l’embargo sur toutes
les armes à vendre en République Démocratique du Congo, y compris aux Forces
armées gouvernementales car « la
facilité d’obtention des armes par l’armée loyaliste et les groupes armés
alimente la violence dont souffrent les populations ». Nous voilà
repartis dans la pente de ravalement par le bas des forces gouvernementales
avec une bande de terroristes. Un véritable non sens. On ne peut prétendre en
même temps nous aider à échapper aux atrocités nous infligées par des criminels
sans foi ni lois et plaider pour que les FARDC qui sont déployées contre
lesdits criminels soient désarmées, sauf à vouloir nous imposer une politique
de la terre brûlée.
Le Gouvernement de la
RD Congo demande à la direction politique rwandaise de clarifier ces zones
d’ombres, particulièrement le niveau de responsabilité des actes congolais
détaillés aussi bien par nos services que par le Rapport du Groupe d’Experts
des Nations – Unies.
Il réitère sa
détermination à ramener la paix et la stabilité au Kivu et dans l’ensemble de
la région des Grands Lacs et espère que le Gouvernement rwandais fera l’effort
de le rejoindre à nouveau dans cette disposition, notamment en remettant en
perspective toutes les situations qui perturbent actuellement la paix aux
frontières communes.
Le Gouvernement
invite les Etats-Membres de l’Union Africaine et le Conseil de Sécurité des
Nations – Unies à envisager des sanctions sévères à l’encontre de tous les
contrevenants aux engagements internationaux des uns et des autres.
Nous en appelons
enfin à l’union sacrée de tous les Congolais derrière la Nation en danger et
mettons en garde les pêcheurs en eaux troubles qui s’adonnent à toutes sortes
d’agitations pour distraire le peuple congolais et son Gouvernement des tâches
prioritaires de défense et de préservation de l’unité nationale et de
l’intégrité du territoire.
Je vous remercie.
Lambert MENDE OMALANGA
Le ministre
des Médias, chargé des Relations avec le Parlement et de l’Initiation à la
Nouvelle Citoyenneté
Porte-parole
du Gouvernement
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