Le général congolais renégat Bosco Ntaganda reçoit des
recrues et des armes depuis le Rwanda
Goma, le 4 juin 2012 – Des responsables militaires
rwandais ont armé et soutenu la mutinerie dans l’est de la République démocratique du Congo
menée par le général Bosco Ntaganda, qui est recherché pour crimes de guerre
par la Cour pénale internationale, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Des responsables militaires rwandais ont autorisé Bosco
Ntaganda à entrer au Rwanda et lui ont fourni de nouvelles recrues, des armes et
des munitions. Bosco Ntaganda est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI
pour avoir recruté et utilisé des enfants soldats.
« Le rôle joué par certains responsables
militaires rwandais dans le soutien et la protection d’une personne soupçonnée
de crimes de guerre par la CPI ne doit tout simplement pas être éludé »,
a déclaré Anneke Van Woudenberg, chercheuse senior au sein de la
division Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement rwandais doit
immédiatement empêcher toute assistance à Ntaganda et doit contribuer à son
arrestation. »
Des enquêtes sur le terrain menées courant mai par Human
Rights Watch dans la région ont révélé que des responsables militaires rwandais
ont fourni des armes, des munitions ainsi qu’environ 200 à 300 recrues
pour soutenir la mutinerie de Ntaganda dans le territoire de Rutshuru, dans
l’est de la RD Congo. Ces recrues incluent des civils recrutés de force dans
les districts de Musanze et Rubavu au Rwanda, parmi lesquels figurent des
enfants de moins de 18 ans. Des témoins ont raconté que certaines recrues
ont été exécutées sommairement sur les ordres des hommes de Ntaganda alors
qu’elles tentaient de s’échapper.
Un Rwandais recruté de force dans les troupes de Ntaganda
qui est parvenu à s’échapper a déclaré à Human Rights Watch : « J’ai
vu six personnes tuées parce qu’elles tentaient de s’enfuir. Elles ont
été abattues et on m’a ordonné d’enterrer leurs corps. »
Des témoins ont expliqué à Human Rights Watch que les
armes fournies aux forces de Ntaganda par des responsables militaires rwandais
incluaient des fusils d’assaut Kalachnikov, des grenades, des mitrailleuses et
de l’artillerie anti-aérienne. Les nouvelles recrues ont porté ces armes
jusqu’à Runyoni, principale base de la mutinerie, située dans l’est de la RD
Congo.
Les recrues, les armes et les munitions venant du Rwanda
ont constitué un important soutien pour Ntaganda et ses forces, a déclaré Human
Rights Watch. Ce soutien leur a permis de tenir leurs positions militaires sur
les collines de Runyoni, Tshanzu et Mbuzi et dans les villages environnants
contre les assauts militaires de l’armée congolaise.
L’approvisionnement en armes et munitions des forces de
Ntaganda va à l’encontre de l’embargo sur les armes du Conseil de sécurité des
Nations Unies en RD Congo, qui stipule que tous les États « prendront les
mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert
directs ou indirects, depuis leur territoire ou par leurs nationaux […] d’armes
et de tout matériel connexe, ainsi que la fourniture de toute assistance et de
tout service de conseil ou de formation se rapportant à des activités
militaires […] à toutes les personnes et entités non gouvernementales menant
des activités sur le territoire de la République démocratique du Congo. »
Des responsables rwandais ont également autorisé Ntaganda
et des membres de ses forces à entrer au Rwanda à plusieurs occasions récemment
pour échapper aux arrestations, pour esquiver les attaques menées par les
forces armées congolaises ou pour obtenir un appui militaire à leur mutinerie.
Le 26 mai, des témoins ont vu Ntaganda à Kinigi, au Rwanda, rencontrer un
officier militaire rwandais dans le bar Bushokoro. Kinigi est la ville natale
de Ntaganda, où il conserve des liens familiaux. Human Rights Watch n’a trouvé
aucun élément démontrant que les autorités rwandaises ont tenté d’arrêter
Ntaganda alors qu’il était au Rwanda.
Contacté pour un commentaire, le porte-parole des Forces
de défense rwandaises a renvoyé Human Rights Watch à une déclaration publique
du 28 mai de la ministre des Affaires étrangères rwandaise qui nie toute
implication dans l’est de la RD Congo.
« Le fait de permettre à Ntaganda d’aller et
venir au Rwanda sans crainte d’être arrêté laisse entendre que le Rwanda ne
tient pas vraiment à contribuer à rendre la justice aux victimes des crimes de
guerre commis par Ntaganda et ses hommes », a expliqué Anneke Van
Woudenberg. « Les alliés du Rwanda devraient inciter le gouvernement de
ce pays à contribuer à mettre fin à l’impunité dans la région, et non à
l’encourager. »
En plus d’être sous le coup d’un mandat d’arrêt de la
CPI, Ntaganda figure sur une liste des sanctions du Conseil de sécurité des
Nations Unies qui lui interdit de se déplacer hors de la RD Congo. En vertu des
sanctions des Nations Unies, le Rwanda, comme d’autres pays, a l’obligation de
« prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en
transit sur [son] territoire de toutes les personnes » figurant sur la
liste des sanctions.
Bosco Ntaganda, général puissant de l’armée congolaise, a
déclenché une mutinerie dans l’est de la RD Congo à la fin du mois de mars
suite aux tentatives du gouvernement d’affaiblir son pouvoir et aux appels de
plus en plus nombreux en faveur de son arrestation pour crimes de guerre présumés.
Il a été rejoint par environ 300 à 600 hommes dans le territoire de
Masisi, dans la province du Nord-Kivu, et par au moins 149 garçons et jeunes hommes recrutés de force autour de Kilolirwe.
Les forces de Ntaganda ont été vaincues et repoussées hors de Masisi par
l’armée congolaise au début du mois de mai.
Le 3 mai, un autre officier de l’armée congolaise,
le colonel Sultani Makenga, a lancé une mutinerie distincte dans l’est de la RD
Congo. Makenga avait auparavant servi avec Ntaganda au sein du Congrès national
pour la défense du peuple (CNDP), un ancien groupe rebelle soutenu par le
Rwanda, responsable de nombreuses atrocités contre des civils en RD Congo. Un
porte-parole de Makenga a déclaré dans un communiqué de presse datant du
6 mai et dans un entretien avec Human Rights Watch que Makenga n’agissait
pas avec Ntaganda et que sa mutinerie, connue sous le nom de M23 en référence à
l’accord de paix du 23 mars 2009 entre le CNDP et le gouvernement
congolais, avait pour but de souligner les revendications de l’ethnie Tutsi et
les mauvaises conditions dans l’armée congolaise.
Mais les mutins qui se sont échappés ou ont fait défection
ont raconté à Human Rights Watch que les deux mutineries n’étaient pas séparées
et que Ntaganda et Makenga agissaient ensemble dans la région de Runyoni. Ces
témoins ont expliqué à Human Rights Watch que Ntaganda a conservé le
commandement général de ces forces.
Ntaganda a publiquement nié être à Runyoni. Le
29 mai, il a déclaré au service de radio kinyarwanda de la BBC qu’il se
trouvait dans le territoire de Masisi et a nié avoir combattu aux côtés des
forces M23 de Makenga. Ses affirmations sont contredites par de nombreux
témoins interrogés par Human Rights Watch qui l’ont vu dans la région de
Runyoni en mai.
La mission de maintien de la paix des Nations Unies en RD
Congo, la Monusco, a également recueilli des informations sur le recrutement
mené par les forces de Ntaganda au Rwanda. Le 28 mai, la BBC a signalé
l’existence d’un rapport interne des Nations Unies qui a été divulgué indiquant
que 11 citoyens rwandais, dont un enfant, s’étaient rendus dans une base
des Nations Unies et avaient déclaré qu’ils avaient été recrutés sous des
prétextes fallacieux au Rwanda pour rejoindre les forces de Ntaganda.
Le gouvernement rwandais a nié avoir fourni une
assistance aux forces de Ntaganda. Dans une déclaration publique datant du
28 mai, en réponse au reportage de la BBC, la ministre des Affaires
étrangères rwandaise, Louise Mushikiwabo, a déclaré que ces rapports étaient
« catégoriquement faux et dangereux ». Dans une déclaration du
31 mai, Louise Mushikiwabo a accusé la Monusco de « répandre de fausses
rumeurs visant à aggraver la situation instable dans l’est de la RD Congo »
et a affirmé que « les paroles irresponsables des lobbies tels que
Human Rights Watch ne sont pas moins dangereux que les balles ou les machettes. »
« Le fait d’armer Ntaganda permet à un homme déjà
recherché pour crimes de guerre de commettre de nouveaux abus graves »,
a expliqué Anneke Van Woudenberg. « Le gouvernement rwandais devrait
enquêter sur les allégations sérieuses de soutien à Ntaganda fourni par
certains de ses responsables militaires et devrait aider le gouvernement
congolais à l’arrêter et le transférer à la CPI. »
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