(Infosud-Syfia/RCN) A Kinshasa, des milliers d’enfants issus de familles pauvres, sont obligés par leurs parents d’exercer différents petits métiers, pour la survie des ménages. Souvent à leurs risques et périls, car même l’Etat sensé faire respecter la loi qui les protègent, ferme les yeux.
La petite Ruth a peine 11 ans. Orpheline de père, elle vit avec sa mère à Makala, une commune pauvre de Kinshasa. Chaque jour, elle quitte le toit familial entre 8 et 9 heures et va vendre de "l’eau pure" au rond-point Victoire, la plaque-tournante du quartier ambiant de Matonge, au cœur de la capitale congolaise. Bassinet sur la tête, elle doit parcourir 6 km pour arriver à son point de chute. "Avant d’aller à l’école, maman me donne un peu d’argent pour acheter des sachets d’eau que je revends aux passants durant l’avant-midi", explique-t-elle de sa voix d’enfant, tenant d’une main un sachet de couleur noire dans lequel elle garde son uniforme scolaire.
Au bout de sa corvée journalière, Ruth gagne 3 à 4 000 Fc qu’elle remet à sa mère, pour la survie familiale. "Chaque jour, je fais deux à trois tours entre la place Victoire et le grossiste qui nous vend les sachets d’eau", raconte la gamine, pendant que des policiers tentent de la dépouiller de sa marchandise. L’un d’eux explique, sans pitié, qu’ils exécutent la mesure du gouverneur de la ville interdisant ce petit commerce qui pollue la ville…
Ignorance de la loi
Ruth n’est qu’un exemple des milliers d’enfants qui exercent différents petits métiers dans les rues de Kinshasa. Généralement issus des milieux défavorisés (orphelins, parents sans emploi ou divorcés…), âgés de moins de 18 ans et n’ayant parfois pas atteint l’âge scolaire, ils doivent déjà se "débrouiller" comme les adultes, pour ramener chaque jour à la maison, de quoi faire bouillir la marmite. Pour ces familles, "supporter le ménage devient un casse-tête", explique Christian Mbunga, membre d’une Ong spécialisée dans l’encadrement des mineurs.
Mais faire travailler les enfants mineurs, même pour des raisons de survie familiale, pose problème. Car sur le plan du droit, des lois existent qui les protègent contre toute exploitation abusive. En matière de commerce par exemple, certaines catégories de personnes sont considérées par le législateur comme ne possédant pas ou plus la maturité nécessaire, et donc pas aptes à pouvoir exercer cette activité. "Les enfants de moins de 18 ans notamment, sont déclarés juridiquement incapables et sont soumises à des régimes de protection spécifiquement déterminés", indique Nancy Kanga.
Juge pour enfants, elle rappelle l’adoption et la promulgation, en janvier 2009, de la loi congolaise sur la protection de l’enfant. A son article 50, "elle interdit le travail des enfants avant l’âge de 16 ans", précise-t-elle. Et l’enfant de moins de 15 ans ne peut être engagé ou maintenu en service, même comme apprenti, que "moyennant dérogation expresse du juge, après avis psycho-médical d’un expert et de l’Inspection du travail." La loi ajoute qu’un enfant de 16 à 18 ans "ne peut être engagé que pour des travaux légers et salubres".
Des risques pour les enfants
Vendeurs de sachets d’eau, de papiers mouchoirs, cireurs de chaussures… Des tout petits sont ainsi envoyés au chaudron pour apprendre à gagner tôt leur vie, mais au mépris de la loi. Les parents qui disent souvent n’avoir pas de choix leur font pourtant courir d’énormes risques. De jour comme de nuit, de petites filles qui se livrent à ces activités de survie se font parfois agresser, abuser ou sont violées. Dans la rue ou sur les grands boulevards, se disputant des clients, ces enfants ne sont pas à l’abri d’accidents…
La responsabilité des parents et de l’Etat est dès lors sérieusement mise en cause. De nombreux citoyens ne comprennent pas que les organes de l’Etat qui sont sensés faire respecter les lois, laissent ainsi aller les choses. "Le mieux à faire pour tout parent, c’est de se battre pour donner à son enfant une éducation de base, c’est-à-dire l’instruction au niveau primaire", suggère Christian Mbunga. Mais puisqu’il s’agit d’enfants en situation familiale précaire, donc sans le sou, l’Etat interpellé doit encore une fois, insiste-t-il, appliquer l’autre loi, celle qui prévoit la gratuité de l’enseignement primaire.
Rocco Nkanga , Martinez Ngyaluka,
Cyrille Milandou et Philippe Wete
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