Une association représentant des citoyens congolais a déposé le 9 novembre auprès d’un tribunal de Montréal une requête pour autorisation d’exercer un recours collectif contre la compagnie canadienne Anvil Mining Limited. Il est allégué que cette compagnie, en fournissant une assistance logistique, a joué un rôle dans des violations des droits humains, notamment le massacre par les militaires congolais de plus de 70 personnes en République démocratique du Congo en 2004.
Ces citoyens ont déposé la requête par le biais d’une association de parents de victimes et de survivants soutenue par une coalition d’organisations non gouvernementales canadiennes, internationales et congolaises notamment Raid, Global Witness, Acidh et Asadho.
Le coordonnateur juridique du Centre canadien pour la justice internationale, Matt Eisenbrandt, a déclaré que « ce dossier est maintenant au Canada parce qu’Anvil est une compagnie canadienne qui doit rendre des comptes pour le rôle qu’elle a pu jouer dans des violations flagrantes des droits humains ».
Il a indiqué que « chaque jour est une lutte pour survivre et nous nous sentons abandonnés », a déclaré l’un des membres du groupe, Dickay Kunda, dont le père a été roué de coups et torturé alors qu’il était détenu par l’armée. Bien que libéré au bout de six mois, son père est décédé en novembre 2009. « Nous n’avons pas d’autre choix que de nous tourner vers la communauté internationale pour obtenir justice ».
Le groupe, l’Association canadienne contre l’impunité, allègue qu’en octobre 2004 Anvil Mining a fourni des camions, des chauffeurs et autre soutien logistique à l’armée congolaise pour l’aider à contrer une tentative menée par un petit groupe de rebelles pour s’emparer de la ville de Kilwa, un port clé pour les opérations d’Anvil. Au cours de cette opération, de graves violations des droits humains auraient été perpétrées contre la population civile par les militaires. Des véhicules d’Anvil Mining ont transporté des soldats congolais, ainsi que des civils qui ont été emmenés hors de la ville et auraient été exécutés par l’armée. Le groupe affirme également qu’Anvil Mining a permis aux soldats d'utiliser des avions loués par l'entreprise pour atteindre Kilwa depuis Lubumbashi, capitale de la province du Katanga.
« Le soutien matériel d’Anvil a permis à l’armée congolaise d’atteindre très rapidement la ville reculée de Kilwa, où elle s’est ensuite livrée à des exactions généralisées contre la population civile », a soutenu Tricia Feeney qui est la directrice de l’ONG basée au Royaume-Uni Rights and Accountability in Development -RAID-. Anvil Mining a rejeté toute accusation de délit et affirme que le soutien logistique a été réquisitionné par les autorités.
L’action en justice canadienne fait suite à un procès militaire controversé qui s’est déroulé au Congo. Un procureur militaire congolais avait inculpé en 2006 neuf soldats congolais de crimes de guerre, et trois anciens employés expatriés d’Anvil pour complicité dans des crimes de guerre. À la suite de nombreuses irrégularités, le tribunal militaire a acquitté tous les accusés en juin 2007.
La conseillère juridique à Global Witness, ONG basée à Londres, Seema Joshi a dit « qu’il a été profondément décevant que le procès fortement politisé au Congo n’ait pas rendu justice aux victimes. Nous espérons que cette action en justice établira un précédent et enverra un message clair aux entreprises qu’elles ne peuvent jouir de l’impunité si elles prennent part à des crimes violents, ou si elles en tirent profit.
Pour sa part, le directeur exécutif d’ACIDH, Emmanuel Umpula Nkumba, de l’Ong congolaise de plaidoyer qui a apporté son soutien aux victimes a noté que son organisation doit continuer à lutter contre l’impunité. Les familles des victimes n’ont jamais perdu l’espoir de voir la justice rendue.
Un rapport de l’ONU publié en août a cité le procès d’Anvil comme un excellent exemple de la façon dont la justice n’est souvent pas rendue au Congo. Il y a moins de deux semaines, la Chambre des Communes au Canada a fait échouer une législation qui aurait créé un mécanisme permettant à des particuliers de porter plainte pour des actions de compagnies canadiennes à l’étranger.
« La route vers la justice a été rude et longue et nous ne sommes pas encore arrivés », a conclu Georges Kapiamba, vice-président de l’organisation congolaise ASADHO, et principal avocat travaillant auprès des familles des victimes de Kilwa et des survivants au Congo. « Nous espérons sincèrement que les tribunaux canadiens donneront aux victimes l’audience qu’elles méritent. »
Les plaignants sont représentés par le cabinet d’avocats de Montréal Trudel et Johnston, spécialisé dans les recours collectifs. La plainte porte sur des allégations qui n’ont pas encore été examinées par un tribunal. Anvil aura la possibilité de répondre au cours de ces procédures.
Les membres de l’Association canadienne contre l’impunité sont des citoyens congolais affectés par les événements qui se sont déroulés à Kilwa en octobre 2004. D’autres documents pour la presse incluent une chronologie, un document de travail ainsi qu’un document intitulé Le procès de Kilwa : Un déni de justice, Chronologie Octobre 2004 - juillet 2007. Une autre étude globale publiée en octobre a révélé que les compagnies minières canadiennes étaient impliquées dans davantage d’abus en matière d’environnement, de droits humains et autres que les compagnies d’autres pays. Anvil Mining admet avoir apporté un « soutien logistique » sous la forme d’utilisation de ses avions charters, de véhicules et de chauffeurs pour permettre à l’armée d’avoir accès à Kilwa afin de réprimer un soulèvement mineur qui s’était produit en octobre 2004. En 2005, Anvil a déclaré avoir été contraint de fournir cette assistance. En juin 2007, des employés d’Anvil Mining et neuf soldats congolais ont été jugés non coupables de crimes de guerre ou d’autres crimes liés à l’incident. Le tribunal militaire congolais a accepté les arguments de la défense d’Anvil Mining, selon lesquels la compagnie avait agi dans le cadre d’une réquisition du gouverneur du Katanga à l’époque des faits.
Ecrit le 9 novembre 2010
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