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vendredi 5 août 2011

Dans un mémo au Gouverneur Moïse Katumbi, deux Ong dénoncent la précarité des Conditions de vie de la population délocalisée à Sakania

L’Action Contre l’Impunité pour les Droits Humains -Acidh- est vivement préoccupée par la précarité des conditions de vie de la population de Kishiba entrainée par la délocalisation  de son village vers Kimfumpa –situé à 15 Km de la cité de Sakania, par  l’entreprise minière Frontier S.p.r.l, filiale de First Quantum Minerals -FQM- et a invité, dans mémorandum du 27 juin 2011, le Gouverneur de la Province du Katanga, M. Moïse Katumbu à intervenir urgemment. Ce mémorandum vise également à attirer l’attention des hautes autorités au niveau de la province du Katanga, en l’occurrence le Gouverneur, sur  la « spoliation »  des champs des agriculteurs de la cité de Sakania et de ses environs par la même entreprise et les conséquences qu’a à ces jours cette « spoliation » sur les conditions sociales  de l’ensemble de la population de ce territoire.
L’Acidh et Institut africain pour le développement et les droits homme, Ihrda - ong basée à Bnajul en Gambie - ont effectué une mission de 9 jours, du 5 au 14 juin 2011, dans le territoire de Sakania, laquelle a conduit ces deux organisations dans la cité de Sakania et dans le village de Kimfumpa. A Sakania la mission est allée à la rencontre des agriculteurs dont les champs ont été spoliés tandis qu’à Kimfumpa, la mission est partie à l’écoute des habitants de l’ancien village Kishiba.

La situation des droits de l’homme a Kimfumpa
Le village de Kishiba est situé dans le territoire de Sakania, district du Haut Katanga, province du Katanga, à la frontière sud de la RDC avec la République de Zambie. Sa population est estimée à moins de 500 personnes vivant principalement de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage. Depuis l’implantation de l’entreprise minière Frontier S.p.r.l, cette population a été délocalisée vers le village voisin de Kimfumpa.
Au moment de sa délocalisation le village Kishiba avait une superficie de 28 km² dont une longueur 7 km et une largeur de 4 km, 52 maisons,  une école primaire, deux paroisses des églises catholique et méthodiste, des terres arables qui produisaient des récoltes abondantes pour l’ensemble de ses habitants, des arbres fruitiers, une rivière utilisait pour fournir de l’eau potable et des travaux ménagers, ainsi que à la pêche de subsistance.
En 2004,  Frontier S.p.r.l qui a implanté ses usines à Kishiba,  village habitait autre fois par les actuels occupants de Kimfumpa et ce, sans aucune véritable consultations privant ainsi les habitants de leurs champs, de leur rivière, de leurs arbres fruitiers et d’autres infrastructures culturelles -Eglises, écoles, cimetières, arbres/racines médicinales, etc.-
Selon les déclarations des personnes interviewées par l’Acidh, pour  obtenir le consentement des habitants de Kishiba au projet minier, Frontier S.p.r.l qui se faisait accompagner par des officiels congolais avait promis la construction des maisons modernes en matériaux durables avec plus d’espace pour chaque famille qui accepterait d’être déplacée de Kishiba vers le nouveau village Kimfumpa, l’adduction d’eau potable et l’électrification du village dans son ensemble, la construction d’une nouvelle école primaire et secondaire, la construction d’un hôpital et la construction d’une route qui relierait le nouveau village aux installations de l’entreprise, etc.
Lors de la dernière mission qui s’est déroulée  du 5 au 14 juin 2011, il a été donné à l’Acidh de constater que les habitants de l’ancien village Kishiba relocalisés à Kimfumpa vivent dans les conditions très déplorables. La réalité est que Frontier S.p.r.l n’avait pas tenu sa promesse et si rien n’est fait dans l’immédiat pour mettre un terme à l’épouvantable souffrance des habitants de Kimfumpa, le village n’existera plus dans les toutes prochaines années.
A la place des maisons modernes et spacieuses, Frontier S.p.r.l leur a construit les  maisons non électrifiées de 10 m² de superficie. Ces maisons ont une chambre et un salon de 2,5m chacune.  C’est dans ces deux pièces que les familles composées de 6 à 14 personnes  cohabitent. Au moment où  l’Acidh a adressé ce mémorandum, les maisons et les toilettes, depuis que ces maisons ont été remises aux villageois en 2006, ont atteint un état de délabrement très avancé par ce qu’ayant été construites avec  de la terre argileuse seulement, sans ciment ni sable selon le modèle des cités et des villes du Katanga.
Le village Kimfumpa a une superficie de 500 m², superficie inferieure à celle du village de Kishiba -1km de longueur et 500 m de largeur-.  Non seulement  le sol n’est pas arable, mais aussi il n’y a pas d’espace pour pratiquer l’agriculture et l’élevage, leurs principales activités. La pêche n’est plus possible, car la rivière se trouve actuellement dans la propriété de l’entreprise et ou l’accès n’est pas autorisé aux non travailleurs.  C’est ainsi que le mode de vie des habitants de ce village est passé de l’agriculture et élevage à la fabrication de charbons de bois qui implique le déboisement des alentours du village, avec tout ce que cette activité comporte comme conséquences sur l’environnement.  Les charbons sont vendus à Ndola  en Zambie -à 42 km- et sont transportés soit sur des vélos, et souvent sur la tête.  Ce dernier moyen de transport  est le plus utilisé par la population.  Les rares habitants de Kimfumpa qui ont voulu continuer à pratiquer l’agriculture sont obligés de traverser quotidiennement la frontière pour aller cultiver en Zambie. Les espaces sur lesquels ces derniers cultivent leur sont très souvent loués ou accordés par des connaissances. Certains de ces cultivateurs ont fait état des harcèlements de tout genre et des emprisonnements dont sont victimes les habitants de Kimfumpa qui traversent la frontière pour  cultiver en Zambie. Grands producteurs de céréales par le passé, les habitants de Kimfumpa ont bien du mal à se nourrir en raison du fait qu’ils n’arrivent pas à pratiquer convenablement l’agriculture, leur principale activité, en conséquence, la malnutrition sévit de manière particulièrement inquiétante. 
L’entreprise Frontier S.p.r.l avait promis de faire  l’adduction d’eau potable à Kimfumpa en remplacement de la rivière de Kishiba que la population utilisait pour puiser de l’eau potable et des travaux ménagers. A ce jour, trois bornes-fontaines ont été construites dont deux seulement sont opérationnelles. L’eau n’y est pas propre pour la consommation humaine ni autre forme d’utilisation, car elle est rouillée. Les repas préparés prennent sa teinte, surtout  la patte de maïs -Bukari- consommée au quotidien. Par manque de rivière dans le nouveau village et ses alentours, la population est contrainte à boire et à utiliser cette eau impropre à la consommation qui est à la base de cas constatés de diarrhée, selon la déclaration du chef de village faite en date du 10 octobre 2010. Le manque d’infrastructures scolaires dans le village et dans le parage a comme conséquence la contrainte au chômage et à l’illettrisme des enfants du village et à l’exode des jeunes vers la cité de Sakania ou ailleurs. Cet exode expose le village à la disparition prochaine.
A la place d’un hôpital, l’entreprise avait construit un petit dispensaire qui n’est plus opérationnel. Il n’y a plus de personnel soignant. Les malades sont obligés de se rendre à la cité de Sakania à environ 15 km. Le village n’a pas de moyen de transport autre que quelques vélos privés.
Le manque d’infrastructures scolaires dans le nouveau village et dans le parage. En déplaçant le village, Frontier S.p.r.l avait détruit une école, cette équipe descendue sur le terrain a trouvé une fondation sur laquelle FQM voudrait ériger une école pour le village et ce, avec 4 ans de retard par les communautés déplacées de Kishiba vers Kimfumpa, en 2006,  et ne l’a pas reconstruit  dans le nouveau village.   A ce jour plus de 528 enfants en âge d’être scolarisés sont privés de leur droit à l’éducation à savoir,  128 du village Kimfumpa et 400 du village voisin Kabumba. Frontier S.p.r.l dans ce cas a arraché au village le droit à l’éducation, droit fondamental  qui existait déjà. 
Sur une étendue de plus de 50 km entre Sakania et Mokambo, il y a plusieurs villages avec plus 1.500 enfants mais sans infrastructures scolaires viables pour leur éducation. 
 
La situation économique à Sakania  
 
Le territoire de Sakania fut une zone agricole et sa population  dans sa grande majorité dépendait de l’agriculture. Un agronome a expliqué aux membres de l’Acidh que chaque année, ce territoire nourrissait sa population et approvisionnait le marché de Lubumbashi avec 400 tonnes de maïs sans compter les autres cultures.
En 2004, Frontier S.p.r.l débute l’exploitation de cette concession. A cet effet, elle a arraché plus de 1.000 hectares de terres arables des agriculteurs -à plus de 600 personnes- de Sakania et de  ses environs à savoir les sites de Kaposhi, de Kisalangili et de Kishiba moyennant des modiques sommes d’argent dont le montant variait entre 150 et 250 dollars par hectare en terme de compensation.
La spoliation des champs  des agriculteurs par l’entreprise Frontier S.p.r.l est à la base de la chute de la production agricole dans ce territoire avec comme conséquences la crise alimentaire au premier rang.  Aujourd’hui, le territoire connait un déficit alimentaire accru. Les familles entières n’arrivent plus à se nourrir ni à payer les frais scolaires et les soins de santé pour leurs enfants par ce qu’ayant perdu leur première source de revenus.  Par conséquent, c’est la ville de Lubumbashi qui jadis était dépendante de Sakania qui la ravitaille en farine de maïs dont le prix n’est pas à la portée du villageois.   

Recommandations
 
Pour le village Kimfumpa
 
L’Acidh recommande d’organiser une visite de travail à Kimfumpa dirigé par les ministères provinciaux des mines et agriculture avec comme objectif de prendre les données officielles des faits qui sont mis à votre disposition dans ce mémorandum ;   de remettre des espaces de terres arables aux villageois, afin qu’ils reprennent leurs activités champêtres du coté de la RDC avec comme avantage l’élargissement du village et la lutte contre la famine; d’initier la construction d’une école primaire et secondaire qui donnerait accès à l’éducation de base à plus de 500 enfants des villages de Kimfumpa et de Kabumba ; d’élaborer un programme qui faciliterait la construction des écoles primaires et secondaires dans le tronçon entre la cité de Sakania et Mokambo ; de construire des centres de santé à Kimfumpa et sur la route Sakania-Mokambo ; que l’entreprise qui remplacera Frontier S.p.r.l présente une Etude d’Impact Environnemental et Social -EIES-, laquelle étude doit  prendre en compte les besoins de ce village ; que la province développe un plan de compensations des pertes en revenus de la pêche, de l’élevage et de l’agriculture et que la Province pourvoie le village en eau potable.
 
 Pour la cité de Sakania

L’Acidh  recommande au gouvernement provincial de mettre sur pied un bon programme agricole qui aiderait les agriculteurs à reprendre leurs activités champêtres ;  de localiser des nouveaux sites agricoles,  lui doter des tracteurs et des intrants,  y  installer un bureau d’agronomes qui appuiera les agriculteurs avec des conseils et enfin d’exiger que l’entreprise qui remplace Frontier S.p.r.l  réévalue  et paie les champs spoliés à un prix égal à leurs  valeurs exactes.


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