Toutes les parties se sont retrouvées vendredi pour
la deuxième audience consécutive dans l’affaire assassinat et disparition de
Fidèle Bazana en chambre foraine à la Prison centrale de Makala dans la commune
de Selembao. Les parties civiles tout comme la défense ont soulevé les
exceptions auxquelles l’organe de poursuite, le Colonel Molisho tentera de les
rencontrer à l’audience de ce vendredi. D’ores et déjà, la défense s’oppose à
la comparution de John Numbi comme témoin à charge puisqu’une plainte a déposé
contre lui par les parties civiles.
Les parties civiles ont eu à soulever un seul moyen
qu’elles ont tiré de la nullité de la saisine de la cour militaire. Elles
estiment qu’il y a une duplicité des numéros de Registre du ministère public,
Rmp, dans cette affaire et des pièces du dossier non cotées, notamment un lot
de décisions de renvoi. C’est sur cette note qu’elles ont tiré leur exception
préliminaire.
Dans les trois décisions de renvoi, il y a celles
signées et notifiées aux prévenus le 13 octobre 2010 par l’Auditeur général des
Fardc, le Général Joseph Ponde Isambwa pour que le dossier soit fixé devant la
Haute cour militaire. A cette même date, les parties retrouvent un deuxième lot
de décisions de renvoi signé par l’Auditeur supérieur fixant le dossier devant
la Cour militaire. En date du 14 octobre, l’Auditeur supérieur renvoie les
prévenus devant la « Cour militaire » sans autres spécification.
A partir du moment où l’Auditeur général avait déjà
signé sa décision de renvoi le 13 octobre renvoyant les prévenus devant la
Haute cour militaire, le parquet était dessaisi du dossier. Par conséquent,
toutes les décisions de renvoi ultérieures qui sont survenues sont nulles et de
nullité absolue, ont soutenu les avocats des parties civiles.
Elles indiquent que la personne qui doit
comparaître doit pouvoir être renvoyée devant une juridiction connue. Or, la
décision de renvoi de l’Auditeur général fait référence à une juridiction connue
qui est la Haute cour militaire. Et les décisions de renvoi établies par
l’Auditeur supérieur font référence à une « cour militaire » non
spécifiée.
D’où les parties civiles se posent la question de
savoir si les prévenus ont été déférés devant la Cour militaire de Matete, du
Bandundu, de Kisangani… L’article 200 du Code judiciaire militaire, Cjm,
stipule que si le magistrat instructeur militaire estime que le fait visé
constitue une infraction de la compétence de la juridiction militaire et que
l’inculpation est suffisamment établie devant cette juridiction.
Dans le procès Chebeya, les parties n’ont pas
comparu devant la « Cour militaire » mais c’était plutôt devant
l’Auditorat général des Fardc. Or, l’instruction préjuridictionnelle s’est
déroulée devant l’Auditorat général. Et pourtant, cette étape a été accomplie
devant un autre organe en dehors de l’organe devant lequel les parties
ont comparu à l’audience de vendredi.
Les parties civiles sont unanimes que la
« Cour militaire » n’est pas saisie en ajoutant que même si elles
n’avaient pas soulevé ce moyen, il appartient à la Cour de le faire et de se
déclarer non saisie. L’Auditeur général a signé le 13 octobre les décisions de
renvoi avec comme destinateur la Haute cour militaire.
L’Auditeur général a instruit le dossier sous le
Rmp 311 en exerçant son pouvoir, lui qui a la plénitude de l’action publique.
S’il lui est arrivé un seul instant de charger ou d’enjoindre l’Auditeur
supérieur près la Cour militaire de la saisir, cela relève du droit
administratif, ont noté les parties civiles. Dans le dossier sous examen, elles
n’ont pas trouvé aucune injonction de l’Auditeur général des Fardc qui
chargerait l’Auditeur supérieur d’ouvrir un autre Rmp à charge des prévenus.
Le ministère public s’est appuyé, lui, sur
l’article 246 du Cjm qui stipule que « quelque soit la manière dont elle
est saisie, la juridiction devant laquelle le prévenu est traduit apprécie sa
compétence d’office ou sur déclinatoire. Si le ministère public entent faire valoir
les exceptions concertant la régularité de la saisine ou de la nullité de la
procédure antérieure à la comparution, il doit sous peine de recevabilité ou
avant les débats sur le fond déposer un mémoire unique ».
Si sous d’autres cieux, la partie civile est une
partie jointe qui d’ailleurs ne doit pas lui attirer des antipathies parce
qu’ils sont obligés d’être ensemble, a-t-il dit. Mais pour les parties
civiles, toute partie au procès peut décliner sur la compétence ou la
saisine d’une juridiction. Elles ont enchaîné que le deuxième alinéa vient
restreindre la liberté du ministère public et des parties prévenues en laissant
la liberté entière à la partie civile.
Cet alinéa a pour finalité de forclore l’action du
ministère public ou des prévenus s’ils ne déposaient pas leur mémoire dans le
délai imparti. Dans ce cas, leur mémoire sera déclaré irrecevable pour
forclusion. Les parties civiles pensent qu’elles sont dans le texte.
La défense plaide non coupable
Les avocats de la défense se sont étonnés de la
guerre de saisine des parties civiles et du ministère public. Ils ont dit qu’il
n’appartient pas à une partie civile qui a mal orienté son action d’embrouiller
la Cour. « Quel intérêt les parties civiles ont à voir garder nos
clients en détention et qui d’ailleurs n’ont pour rien dans cette guerre
entre les deux parties ». Pour eux, la mise en liberté provisoire de leurs
clients est une question s’impose.
La Cour est souveraine et peut prendre une décision
en ce sens. Il n’appartient pas à l’une des parties d’exprimer ses caprices
devant le prétoire en refusant aux prévenus cette liberté, qui est du reste un
droit fondamental.
Pour la défense, les décisions de renvoi ne
spécifient pas la participation de chacun des prévenus dans la mort de feu
Floribert Chebeya et de la disparition de son chauffeur Fidèle Bazana.
L’avocat de Blaise Mandiangu a souligné qu’en parcourant les décisions de
renvoi ainsi les citations à prévenu, son client ne sait à quoi à s’en tenir
sur toutes les préventions mises à sa charge. En analysant tous les
procès-verbaux par lesquels Blaise Mandiangu a été entendu, nulle part
l’Auditeur supérieur ne lui parle de ces préventions.
« Tout ce qu’on lui demande où se trouve ton
chef. Mon client se retrouve dans ce procès parce qu’il ne connaît pas où se
trouve son chef. Par ce motif, nous sollicitons la liberté provisoire pour la
simple raison que les conditions de sa détention ne sont pas réunies ».
Refus de la défense de voir John
Numbi témoigner contre leurs clients
Les prévenus sont surpris de voir le Général John
Numbi comparaître comme témoin à charge. Puisque la loi leur permet de
s’opposer aux témoins qui ne leur ont pas été notifiés, en vertu de cette loi
ils s’opposent donc au témoin Général John Numbi. La défense s’appuyant sur la
loi estime que la liste des témoins doit préalablement être notifiée aux
prévenus. Ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire.
« Au regard des pièces du dossier, les veuves
Chebeya et Bazana ont porté plainte contre le Général John Numbi comme suspect
numéro un dans cette affaire. Nos clients s’opposent contre cette personne qui
est poursuivie pour qu’elle soit utilisée comme témoin pour charger les
prévenus », a dit l’un des avocats de la défense.
Contrairement à la première audience, la deuxième
s’est déroulée dans des conditions plus ou moins acceptables bien que la
défense se soit battue en vain pour que le procès ne se déroule pas dans un
établissement pénitentiaire. Le ministre de la Justice et des Droits humains
s’est rendu sur le lieu pour assister à l’audience pendant une trentaine de
minutes.
Le ministre Luzolo Bambi Lessa a déclaré qu’en
organisant cette audience dans l’enceinte de la Prison centrale de Makala, qui
est un établissement pénitentiaire, a été une seconde interpellation l’invitant
à s’enquérir de la situation. A son avis, l’audience s’est déroulée
normalement.
Au-delà
de quelques aspects particuliers liés à la rétention de l’intérieur de la
prison comme lieu de l’organisation de la procédure, ce qui rentre dans la
contrainte des conditions d’organisations matérielles d’un procès de si grande
importance, il a dit que les choses se déroulent normalement bien. A son avis,
que la justice s’assume et qu’elle fasse correctement son travail comme le veut
les lois de la République. La meilleure façon de rendre justice à qui que soit
et surtout aux personnes qui ont eu la vie fauchée et en particulier Floribert
Chebeya et que la justice soit rendue de manière constitutionnelle et
démocratique.
Pour rappel, les prévenus sont poursuivis pour
association des malfaiteurs, enlèvement, assassinat, terrorisme, désertion
simple, détournement des armes et munitions de guerre. Huit officiers
supérieurs et subalternes de la Police nationale congolaise sont poursuivis
devant la Cour militaire de Kinshasa-Gombe dont trois sont en fuite. Si les
faits mis à leur charge sont établis, ils risquent la peine de mort.
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