Mesdames
et Messieurs les Présidents ou Secrétaires Généraux des partis politiques
de l’Opposition ;
Honorables
Députés et Sénateurs de l’Opposition ;
Mesdames
et Messieurs en vos qualités respectives,
Permettez-moi de prime abord de
saluer votre présence massive à ce conclave de l’Opposition Politique
Congolaise qui se tient à un moment particulièrement difficile de notre pays.
Avant de m’étendre sur mon propos, je voudrais remercier le comité organisateur
de ces assises qui, finalement, a tenu ses promesses. D’aucuns peuvent se
douter des pesanteurs multiples qui pouvaient faire de cette rencontre un
avorton. Mais Dieu merci, nous y sommes.
L’idée
du conclave de l’Opposition est née de la déclaration du centre Béthanie de
Kinshasa/Gombe pendant que tout le monde attendait la convocation du dialogue
national par le Président de la République. A cette époque, l’Opposition avait
émis le vœu de se retrouver pour définir un cahier des charges commun à
défendre au dialogue national afin de ne pas parler en ordre dispersé. L’Opposition
ne se doutait de rien, car elle créditait tout le monde de la présomption de
bonne-foi, c’est-à-dire, l’organisation et la tenue d’un dialogue conforme à
l’Accord-cadre signé le 24 février 2013 à d’Addis-Abeba et à la Résolution 2098
du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Mais
quelle n’a pas été la surprise, à tout le moins, au niveau de mon parti, l’UNC,
et je suis sûr qu’il en est de même de tant d’autres partis de l’Opposition de
constater que le Président de la République a, par ordonnance, créé et organisé
d’avance ce qu’il a appelé « les concertations nationales ». En
effet, cette ordonnance s’écarte d’abord de son propre exposé des motifs,
constitué par le rapport adressé au Président de la République par les
Présidents des deux Chambres législatives, ensuite de l’Accord-cadre ainsi que
de la Résolution 2098 du Conseil de sécurité des Nations Unies et, enfin, elle
cache mal, la volonté du pouvoir de régenter ce forum en s’assurant une
représentation plus que majoritaire.
Dans
le rapport susmentionné des deux Présidents, on peut lire cette phrase tirée de
la Résolution 2098, je cite : « à organiser, avec les bons offices de
l’Envoyée Spéciale et du Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations
Unies, un dialogue politique transparent et sans exclusive entre toutes les
parties prenantes congolaises en vue de favoriser la réconciliation et la
démocratisation et encourager l’organisation d’élections provinciales et
locales crédibles et transparentes ».
Il est clair que le Président de la
République n’a pas tenu cet engagement qui découle de l’Accord-cadre
d’Addis-Abeba, qu’il a signé, celui-ci ayant été pris en compte par la
Résolution 2098. En effet, vous aurez constaté que la Résolution de
l’ONU parle d’un dialogue politique transparent et sans exclusif de toutes les
parties prenantes congolaises. En s’arrogeant une participation majoritaire, le
pouvoir, non seulement, viole les instruments juridiques internationaux ayant
une force supérieure à la loi interne en vertu de l’article 215 de la
Constitution, mais aussi fausse le jeu en minant le terrain.
C’est pourquoi, l’UNC, mon parti,
confirme la déclaration qu’elle a signé le 1er juillet 2013 avec
d’autres forces et personnalités de l’Opposition pour affirmer, haut et fort,
qu’elle ne participerait au dialogue national que si celui-ci se conformait à
l’Accord-cadre d’Addis-Abeba ainsi qu’à la Résolution 2098 et s’il était
préparé par un comité paritaire chargé d’en définir, notamment, l’ordre du
jour, les mécanismes internationaux de facilitation et de médiation et ceux du
suivi de mise en œuvre des résolutions qui en découleraient.
J’ai
tenu à vous rappeler la position claire de mon parti afin d’éviter toute
équivoque. Il est donc clair et hors de question pour l’UNC, mon parti, de
participer à ce qui parait être comme un Congrès de la mouvance présidentielle.
Nous ne ferons donc pas route ensemble avec ceux qui, dans leur liberté,
penseraient le contraire. Pour mon parti, la consigne donnée à tous et à
chacun, et, l’expression, je l’empreinte au Président Etienne Tshisekedi wa
Mulumba : « le Peuple d’abord ».
C’est
clair, Mesdames et Messieurs, que pour l’UNC les assises du présent conclave
doivent viser prioritairement les intérêts du peuple congolais. Je nous exhorte
donc à nous débarrasser du vieux démon qui nous a toujours hantés à l’occasion
de ce genre de rencontre, à savoir les agendas personnels, les calculs
politiciens, le partage du pouvoir, les transitions politiques sans fin.
Nous
devons, en effet, faire échec à tout projet visant :
- Une nouvelle
transition qui serait, en réalité, l’arbre qui cache la forêt ;
- La
révision de la Constitution dans le but d’empêcher l’alternance démocratique en
2016 ;
S’agissant de la révision
constitutionnelle, qui ressemble aujourd’hui à un secret de polichinelle, nous
retenons des signaux clairs, ci-après qui mettent à nue l’intention du pouvoir
en place :
· L’organisation
chaotique des élections de 2011 au niveau de la présidentielle avec des
résultats biaisés et au niveau législatif, une majorité écrasante avec certains
députés nommés, d’autres invalidés et remplacés par la Cour Suprême de Justice
sans avoir été préalablement convoqués, ni entendu leurs moyens de défense.
Cette majorité acquise dans la fraude était déjà un signe précurseur de la
préparation du passage en force d’une éventuelle révision
constitutionnelle ;
· L’adoption de la loi
organisant la Commission Electorale Nationale Indépendante déséquilibrée au
profit de la mouvance présidentielle. Cette loi, en effet, a transposé, par la
magie dont seuls les membres du pouvoir détiennent le secret, la majorité de
l’Assemblée nationale à la CENI. Où est la neutralité ? Où est
l’indépendance ? Alors que par essence, cette institution est réputée
neutre et donc devra garantir à tous les mêmes chances de gagner ou de
perdre ;
· Le pavé jeté dans la marre à travers la sortie du livre du
Professeur Ordinaire à la Faculté de Droit, Monsieur Evariste BOSHAB,
Secrétaire Général du PPRD, parti au pouvoir, ouvrage intitulé :
« Entre la révision constitutionnelle et l’inanition de la
Nation » ;
La sortie de ce livre a suscité la colère et l’indignation
dans les milieux scientifique, politique, de la société civile : l’église
catholique et ASHADO, notamment, et au sein de notre population.
Le mérite de l’auteur de
ce livre est, peut-être, en bon nationaliste, de divulguer subtilement ce qui
se préparait dans les officines de la mouvance au pouvoir.
La
première question que nous devons nous poser est de savoir pourquoi un tel
débat en ce moment ? car tout citoyen congolais, y compris l’auteur
du livre a le droit de coucher dans un manuel ses idées. Mais en même temps,
nous devons dire que toute recherche scientifique qui défend une thèse poursuit
un but ou vient apporter une réponse à un problème qui se pose dans la société.
La deuxième question : quelle est
l’adéquation entre la révision constitutionnelle et la survie de la
Nation ?
Notre Nation est déjà en péril. La guerre
au Nord-Kivu avec des viols et violence faite à la femme, des tueries massives
et des déplacements de nos populations. Les femmes ne savent plus aller aux
champs occupés par les forces du mal. Notre pays connait des violences
ignobles dans le Nord-Katanga, dans le Sud-Kivu, au Maniema et dans l’Ituri.
Notre Nation est à l’agonie avec un
congolais vivant avec moins d’un dollar par jour avec une population dépourvue
de tout, nourriture, soins de santé, moyens de transport, accès à l’éducation,
logement décent. Nous sommes, malgré nos ressources naturelles
incommensurables, le dernier de la planète selon l’indice du développement
humain, le 3ième pays le plus dangereux pour la femme après
l’Afghanistan et le Soudan ; le dernier du monde en ce qui concerne le
climat des affaires (plus de 600 taxes légales et illégales), les opérateurs
économiques nationaux et étrangers sont devenus des gibiers à traquer; la
Capitale mondiale du viol, de la corruption.
Notre
système de gouvernance repose sur l’économie de prédation (pillage et bradage
des ressources minières). Selon le rapport Annan, notre pays a perdu par des
voies illicites 37 milliards des dollars en deux ans. Et d’autres sources
indiquent que de 2002 à ce jour, la RDC a bénéficié de 27 milliards des dollars
américains en termes d’aide extérieure. Mais, où est passé tout cet
argent ? Pour le Professeur BOSHAB, si l’on révise la Constitution,
tous ces maux vont disparaitre parce que en réalité c’est ça qui menace notre
Nation dans son existence. Pour notre part, je ne vois aucune adéquation entre
la révision constitutionnelle et la survie de la Nation. Au contraire, cette
révision constitutionnelle, la deuxième en l’espace de 5 ans, viendrait
consacrer les funérailles de notre nation, aujourd’hui fortement secouée.
Revenons
sur le terrain scientifique et découvrons ensemble ce qu’en dit un autre
éminent professeur de droit. Le Professeur André MBATA, membre de l’UNC
débarqué injustement après avoir gagné son siège de Député dans la
circonscription de Dimbelenge, professeur ordinaire à la faculté de Droit dans
la même université. André MBATA nous a armé des arguments juridiques
implacables, lors de sa conférence tenue dans l’amphithéâtre de la faculté de
droit de l’UNIKIN. Dans un sujet qu’il a développé avec beaucoup de
maitrise, « Mandats présidentiels et révisions constitutionnelles en
Afrique : la RDC dans la perspective de l’échéance 2016. », le
Professeur André MBATA a réfuté un à un les arguments fallacieux de son
collègue. Voilà le type de cadre dont le pays a besoin pour son développement
et non l’intelligence au service du mal.
Les
Evêques dans leur mission sacrée de veiller à la paix et au bien-être du
peuple, ont réitéré dans un communiqué rendu public fin juin, leur mise en
garde au pouvoir s’il se hasardait à toucher à la Constitution. L’ASHADO, Association Africaine de Défense des
Droits de l’Homme, dans la lettre de son Président adressée à tous les jeunes
de la RDC en date du 4 juillet 2013, est montée au créneau et s’oppose catégoriquement
à cette tentative de révision de notre Constitution. Et son Président dit, je
cite : « Notre responsabilité d’agir contre cette révision ne vise
pas une personne bien précise. Elle vise seulement le respect des
principes… Certains congolais souhaiteraient que le Président Joseph
KABILA reste encore à la tête du Congo après 2016, mais notre Constitution ne
le veut pas. Il est appelé à laisser la gestion du pays à un autre congolais en
2016. Ce n’est pas une question de l’aimer ou de ne pas l’aimer, mais c’est une
question des principes et valeurs démocratiques, il n’est pas possible de
construire un Etat démocratique, juste, stable et prospère » ?
Dans sa déclaration du 1er
juillet 2013, l’Opposition Politique Congolaise réunie dans la salle du CEPAS a
rejeté vigoureusement cette tentative de révision constitutionnelle.
Nous
avons suivi attentivement la plaidoirie faite par le Ministre de l’Information
sans convaincre, en faveur de l’auteur du livre du Secrétaire Général du
PPRD. Il l’a qualifié d’une simple réflexion scientifique. Et nous, nous disons
que c’était un ballon d’essai. Ballon que nous devons trouer et essai que
nous devons faire échouer à tout prix. Une manière de nous prouver le contraire
est que la majorité présidentielle jure devant Dieu et la Nation qu’elle ne
révisera pas la Constitution, plus spécialement l’article 220.
Parce
qu’un autre argument entendu est de dire que la révision constitutionnelle est
un acte tout à fait normal et prévu dans toutes les constitutions du
monde. Et nous rétorquons en disant que notre Constitution prévoit la
procédure de sa révision qui ne laisse aucune marge de manœuvre à ceux qui
veulent toucher à l’article 220.
Le
mot d’ordre à donner à notre peuple, les jeunes, les femmes et les hommes qui
aiment notre pays est de rappeler comme l’ASHADO l’a bien dit : « la responsabilité d’agir nous appelle à
l’action maintenant sans peur, sans violence, mais dans le respect strict de la
Constitution et des lois de la République Démocratique du Congo. Nul ne peut
nous empêcher de faire ce que la Constitution et les lois du pays nous
permettent. »
Et
pour ma part, j’ajoute pour que cette révision passe, il faudra marcher sur les
cadavres des congolais. « Touche pas à ma Constitution !». Voilà
le slogan que nous devons scander à partir d’aujourd’hui pour réveiller les
consciences et sensibiliser notre peuple sur le danger réel qui le guète ?
Ce conclave n’a d’intérêt, à nos yeux,
que de confirmer la position prise par l’Opposition le 1er juillet
2013 au centre CEPAS à Kinshasa/Gombe. C’est ainsi que, à mon humble
avis, il devrait s’appliquer à concevoir et définir des stratégies idoines et
claires susceptibles d’amener le pouvoir à accepter l’idée d’un dialogue
national juste et transparent.
Aussi,
je propose la mise sur pied d’un Secrétariat technique de l’Opposition chargé
de produire ce travail de stratégie. La
phase actuelle de notre histoire politique fait remonter à la surface le combat
que l’Opposition avait livré en 1991 lorsqu’il fallait obtenir la Conférence Nationale
Souveraine en lieu et place de la Conférence Constitutionnelle. C’est du déjà
vu, du remake.
Lorsque
les forces du changement avaient tenu bon, elles avaient réussi à imposer la Conférence
Nationale Souveraine. Nous ne pouvons pas faire moins que ces acteurs dont
certains sont encore en vie. C’est le lieu pour moi de saluer la bravoure de
ceux qui sont tombés dans ce combat, pourtant pacifique. Je pense spécialement
aux victimes de la marche du 16 février 1992. Notre pays se trouve donc à un
tournant décisif de son histoire qui appelle tout le monde au sacrifice de ses
intérêts personnels pour privilégier l’intérêt national. Pensons donc aux
guerres récurrentes de l’Est qui ont coûté plus de 6 millions des vies
humaines, des viols innombrables des femmes de tous âges, des déplacements
massifs des populations innocentes, l’enrôlement des enfants dans les groupes
armés. Erigé en crime contre l’humanité, nous devons hausser la voix et
ensemble faire le lobbying pour éradiquer ce fléau que constitue le viol
faite à la femme. Les autres ne doivent pas parler de nos problèmes plus que
nous-mêmes.
C’est
dire le poids énorme de la responsabilité qui nous incombe ! L’Opposition
a fait une contre proposition au pouvoir dans sa déclaration du 1er
juillet 2013. Les corrections suivantes doivent être apportées à l’ordonnance
convoquant les concertations si le pouvoir a réellement la volonté d’aller de
l’avant.
Il s’agit :
- En ce qui
concerne la forme, d’instituer une commission paritaire pour harmoniser
les agendas de diverses composantes, d’identifier clairement les composantes
concernées, à savoir la mouvance au pouvoir, l’opposition politique,
l’opposition armée, la société-civile et la diaspora ;
- S’agissant du
fond, de revenir à l’esprit et la lettre de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, de la
Résolution 2098 du Conseil de sécurité du 27 mars 2013 ainsi que le rapport du
Secrétaire Général des Nations Unies ;
- Concernant les
résolutions, décisions et recommandations, elles doivent être adoptées par
consensus et opposables à tous ;
- Pour ce qui est de l’organisation, le Dialogue
inclusif devra se tenir sous les auspices de l’Envoyée Spéciale et du
Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, avec une facilitation
neutre, africaine de préférence ;
- Enfin, le suivi devra être fait au travers d’un mécanisme
mixte incluant toutes les composantes parties prenantes et la communauté
internationale.
L’exhortation
de l’Union pour la Nation Congolaise à tous les participants est de mettre nos
intelligences en commun pour que la déclaration finale que nous signerons lundi
prochain puisse ressortir clairement et sans équivoque les options déjà levées
par l’Opposition dans sa déclaration du 1er juillet 2013.
Les
autres questions toutes aussi importantes, concernant notamment le cahier des
charges, seront débattues, après avoir
obtenu le Dialogue véritablement inclusif, susceptible de permettre aux
congolais de toutes les composantes de prendre leur destin en main, afin de
refaire la cohésion nationale et le pacte républicain, socles sur lesquels nous
bâtirons ensemble un nouveau Congo avec une armée républicaine, une gouvernance
au profit du peuple dans un Etat fort et dans la justice, la paix et le respect
des droits humains. Gagnons une bataille à la fois.
Puisse Dieu nous inspirer tout au long de
nos travaux afin que nous soyons à la hauteur de nos responsabilités et que
nous puissions sortir le peuple congolais de ce trou noir.
Je
vous remercie.
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