De nouvelles preuves indiquent que le
Rwanda soutient le M23
Goma, le 22 juillet 2013 – Les
rebelles du M23 ont exécuté sommairement au moins 44 personnes et violé au
moins 61 femmes et filles depuis mars 2013 dans l'est de la République Démocratique du Congo, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Des
habitants de la région et des anciens rebelles ayant déserté ont fait état
d'opérations récentes de recrutement forcé d'hommes et de garçons par le M23 au
Rwanda et en RD Congo. Après un cessez-le-feu qui a duré près de deux
mois, les combats ont repris le 14 juillet entre les forces armées congolaises
et les rebelles du M23 près de la ville de Goma, dans l'est de la RD Congo.
Des habitants de la région et des
rebelles déserteurs ont décrit de récentes activités attestant que les forces
criminelles du M23 ont reçu de l'aide en provenance du Rwanda. Parmi ces
activités figurent des mouvements réguliers du Rwanda vers la RD Congo d'hommes
en uniforme de l'armée rwandaise et l’approvisionnement du M23 en munitions, en
vivres et en autres fournitures provenant du Rwanda. Le M23 a mené des
opérations de recrutement au Rwanda. Des officiers de l'armée rwandaise ont
formé de nouvelles recrues du M23 et ont communiqué avec et rencontré des
dirigeants du M23 à plusieurs reprises.
« Non seulement le Rwanda permet au
M23 de se procurer des recrues et de l'équipement sur son territoire, mais les
militaires rwandais continuent d'apporter un soutien direct à ce groupe qui
commet des exactions », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division
Afrique à Human Rights Watch. « Ce soutien renforce un groupe armé qui est
responsable de nombreux meurtres, viols et autres crimes graves. »
Les informations récemment recueillies
par Human Rights Watch proviennent de plus de 100 entretiens réalisés depuis
mars, y compris avec des anciens combattants du M23 qui ont quitté le mouvement
entre fin mars et juillet et avec des civils vivant près de la frontière
rwando-congolaise, dont certains ont été victimes d'exactions. En plus des exactions commises par le M23,
Human Rights Watch a documenté plusieurs meurtres et viols commis par des
miliciens hutus congolais actifs dans les zones contrôlées par le M23 et aux
alentours. Certains officiers de l'armée congolaise auraient apporté un soutien
à des factions de ces groupes, ainsi qu'à des factions des Forces démocratiques
de libération du Rwanda (FDLR) – un groupe armé rwandais à majorité hutue,
allié à ces milices congolaises, et dont certains membres ont participé au
génocide de 1994 au Rwanda.
Depuis sa création en avril 2012, le
M23 a commis des violations des lois de la guerre sur une grande échelle.
Malgré les nombreux crimes de guerre commis par ses combattants, le M23 a reçu
un appui substantiel de la part de
responsables militaires rwandais. Après avoir brièvement occupé
Goma en novembre et s'en être retiré le 1er décembre, le M23 contrôle
actuellement la majeure partie des territoires de Rutshuru et de Nyiragongo, à
proximité de la frontière rwandaise.
Les 25 et 26 avril, des combattants du
M23 ont tué 15 civils d'ethnie hutue dans plusieurs villages du groupement de
Busanza dans le territoire de Rutshuru, et au moins six autres à la mi-juin,
apparemment pour « punir » les villageois pour leur prétendue collaboration
avec des milices hutues congolaises. Parmi d'autres civils tués par les combattants
du M23 depuis mars, figurent un homme âgé de 62 ans qui a été abattu pour avoir
refusé de remettre ses fils au M23, un chauffeur de moto qui refusait de donner
de l'argent à ce groupe, de nouvelles recrues du M23 capturées après avoir
tenté de s'enfuir, et d'autres accusés de collaboration avec des milices
hutues.
Le 5 juillet, quatre combattants du
M23 ont violé une fille de 12 ans alors qu'elle allait chercher de l'eau près
de son village dans le territoire de Rutshuru. Un combattant du M23 a accosté
une jeune femme de 18 ans près de Bunagana le 15 avril, et lui a tiré une balle
dans la jambe parce qu'elle a refusé d'avoir une relation sexuelle avec lui. Depuis
juin, des commandants du M23 ont forcé des chefs coutumiers dans les zones
qu'ils contrôlent à suivre une formation militaire et idéologique et à fournir
des recrues au M23. Le M23 considère ces chefs locaux comme constituant une «
force de réserve », sur laquelle ils veulent pouvoir compter pour leur fournir
un appui lors d'opérations militaires.
Des combattants du M23 ont arrêté ou
enlevé des dizaines de civils au cours des dernières semaines dans le
territoire de Rutshuru, la plupart d'ethnie hutue. Le M23 a accusé beaucoup
d'entre eux de collaborer avec les FDLR ou avec les milices hutues congolaises
qui sont leurs alliées. Les combattants du M23 les ont sévèrement battus, les
ont ligotés et gardés prisonniers. Le M23 a ensuite forcé beaucoup d'entre eux
à suivre une formation militaire et à rejoindre leurs rangs.
Un ancien policier du M23, qui a
déserté en avril, a indiqué à Human Rights Watch qu'il avait participé à des
enquêtes sur des meurtres de civils. Il a affirmé qu'avant chaque enquête, un
commandant de haut rang du M23, Innocent Kayna, lui avait dit: « C'est toi
qui mènera l'enquête. Et tu diras que ce sont des bandits de la région qui ont
tué, pas le M23. » Human Rights Watch a contacté le chef
militaire du M23, Sultani Makenga, mais il n’était pas disponible pour
commenter les récentes exactions présumées.
Parmi les hommes recrutés au Rwanda
par le M23, figurent des militaires rwandais démobilisés et d'anciens
combattants des FDLR, dont la plupart avaient été intégrés dans la Force de
réserve de l'armée rwandaise, ainsi que des civils rwandais. Un jeune Rwandais
âgé de 15 ans a raconté à Human Rights Watch que lui et trois autres jeunes
hommes et garçons avaient reçu la promesse d'emplois en tant que gardiens de
vaches en RD Congo, mais qu'une fois arrivés dans ce pays, ils avaient été
forcés de rejoindre le M23. Ils ont suivi en RD Congo une formation militaire
dispensée par des officiers rwandais et on les a avertis qu'ils seraient
abattus s'ils tentaient de s'enfuir. D'autres déserteurs du M23 ont également
affirmé que des officiers rwandais formaient les nouvelles recrues de ce
groupe.
D'anciens officiers du M23 ayant appartenu
à d'anciennes rébellions soutenues par le Rwanda ont affirmé avoir reconnu des
membres de l'armée rwandaise parmi les officiers opérant dans les rangs du M23.
Des déserteurs congolais ont indiqué à Human Rights Watch qu'un certain nombre
de combattants du M23 reconnaissaient volontiers qu'ils étaient rwandais.
Certains indiquaient avoir été membres des contingents rwandais des missions de
maintien de la paix en Somalie ou au Darfour.
De récents déserteurs du M23
interrogés par Human Rights Watch ont décrit des arrivées fréquentes –
parfois hebdomadaires – de militaires et de recrues en provenance du Rwanda.
Parfois il s'agissait de rotations, des hommes nouveaux en remplaçant d'autres
qui étaient retournés au Rwanda. Des armes, des munitions, des citernes de
lait, des camions de riz et d'autres fournitures étaient acheminés du Rwanda à
l'intention du M23. Des déserteurs du M23 ont également fait état de
conversations téléphoniques et de rencontres, au Rwanda et en RD Congo, entre
des commandants de haut rang du M23 et des hommes dont les déserteurs avaient
entendu dire qu'ils étaient des responsables rwandais ou qu'ils connaissaient
eux-mêmes comme tels.
Tous les récents déserteurs du M23
interrogés par Human Rights Watch ont affirmé que des soldats, des officiers et
des formateurs rwandais étaient présents pendant tout le temps qu'ils avaient
passé au sein du M23, et que de nouvelles recrues étaient arrivées en
provenance du Rwanda au cours des derniers mois.
« Au cours des 17 dernières années, l'armée
rwandaise a à maintes reprises envoyé des troupes dans l'est de la RD Congo et
soutenu des forces agissant pour son compte et qui se sont rendues responsables
d’exactions et de crimes de guerre », a conclu Daniel Bekele. « Comme dans le passé, le Rwanda
nie qu'il soutient le M23, mais les faits sur le terrain contredisent ces
démentis. »
Des demandes d'entretien adressées par Human Rights Watch à des
responsables gouvernementaux et militaires rwandais sont restées sans réponse
de leur part. Dans le passé, les autorités rwandaises ont nié à plusieurs
reprises les allégations selon lesquelles le gouvernement apportait son soutien
au M23.
Le gouvernement rwandais devrait
immédiatement cesser toute forme de soutien au M23 en raison du comportement souvent
abusif de ce groupe, a déclaré Human Rights Watch. Les envoyés spéciaux des
Nations Unies et des États-Unis dans la région des Grands Lacs, ainsi que les
gouvernements des pays bailleurs de fonds, devraient dénoncer publiquement le
soutien continu apporté par le Rwanda au M23 et appeler à l'imposition de
sanctions contre les hauts responsables rwandais qui sont responsables de ce
soutien.
Le gouvernement congolais devrait
immédiatement suspendre, soumettre à enquête et, s'il y a lieu, engager des poursuites
contre les officiers militaires et les responsables gouvernementaux congolais
qui ont fourni un appui aux FDLR ou à des groupes qui leur sont alliés. Le
gouvernement devrait proclamer clairement que les commandants des milices qui
commettent des exactions ne seront pas intégrés dans l'armée congolaise dans le
cadre d'un éventuel accord politique.
Selon des journalistes de la presse
internationale qui étaient présents près de la ligne de front et selon des
photos examinées par Human Rights Watch, des militaires de l'armée congolaise
ont traité de manière dégradante les cadavres de combattants du M23 tués lors
d'affrontements le 16 juillet, les déshabillant, agitant leurs organes génitaux
avec leurs armes et proférant des insultes à caractère ethnique. Le droit
international interdit de commettre des « atteintes à la dignité de la
personne », y compris contre des morts. Human Rights Watch a également
documenté des incidents lors desquels l'armée congolaise a détenu d'anciens
combattants du M23 et des collaborateurs présumés de ce groupe pendant
plusieurs semaines, sans les déférer devant un tribunal, et souvent en les
maintenant au secret dans des conditions pénibles.
Les autorités militaires congolaises
devraient sanctionner de manière appropriée les officiers et les soldats
responsables du mauvais traitement de cadavres, et s'assurer que de tels actes
cessent immédiatement. Les autorités militaires et judiciaires devraient
s'assurer que les combattants et les civils capturés soient traités en conformité
avec les normes internationales en matière de régularité des procédures,
notamment en étant rapidement déférés devant un juge et inculpés, ou libérés.
Les détenus ne devraient pas être maltraités ou incarcérés dans des conditions
inhumaines.
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