Par
Maître Jean Claude KATENDE : Président national de l’ASADHO
Les
tentatives de la majorité au pouvoir de changer la Constitution pour
donner la possibilité au Président Joseph KABILA de rester au pouvoir en
2016 et le silence de l’intéressé sur ce sujet, sont des signes qui ne
trompent pas. L’intervention personnelle et publique du Chef de l’Etat
sur cette question aurait contribuée énormément à calmer tous les
congolais et à les mobiliser à la réalisation des objectifs de son
deuxième et dernier mandat.
Au regard
des conséquences négatives générées par sa prise de pouvoir en 2011 dans les
conditions (fraudes électorales généralisées, intimidations de tout genre à
l’égard des forces politiques de l’opposition, la violation des droits de
l’Homme, crise de légitimité…) que tout le monde connait, il nous
semble impossible que le Président Joseph KABILA garde encore le pouvoir en 2016
sans que les démocrates nationaux et internationaux n’en soient profondément
choqués. Sans que les acquis démocratiques obtenus sous ses deux mandats
actuels ne soient sérieusement remis en cause. Quelle que soit la voie
qu’il pourrait choisir pour arriver à cette fin (faire sauter l’article
220, changer le mode de scrutin pour l’élection du président de la
République, avec referendum ou sans referendum…), personne ne peut
mesurer les dangers que cette démarche ferait courir à toute la
nation, en général, et aux acteurs politiques actuellement au pouvoir, en
particulier.
Le choix
raisonnable qui s’offre au Président Joseph KABILA est de faciliter
l’organisation des vraies élections en 2016 et de passer le flambeau de manière
démocratique à celui qui sera élu, qu’il soit de son camp, de l’opposition ou
de la société civile. Ce choix a l’avantage de consolider les acquis
démocratiques obtenus sous ses deux mandats et de sauvegarder la
paix.
Si malgré
tout, le Président Joseph KABILA s’engage fermement à réviser la Constitution,
par la voie référendaire ou pas, pour se maintenir au pouvoir, il faut
que :
1.
Les démocrates de la majorité présidentielle se désolidarisent de tous les
adaptes de la révision constitutionnelle.
Nous n’avons
aucun doute que dans le camp du Président qu’il y ait des hommes et femmes qui
sont totalement opposés à toute manipulation de notre Constitution.
Même s’ils ne se prononcent pas ouvertement, nous savons qu’il en a beaucoup
qui désirent que le Président ne révise pas la constitution dans le
seul et unique de se maintenir au pouvoir. Ils souhaitent vivement
que leur « champion » respecte les principes démocratiques inscrits
dans notre constitution pour donner un bon exemple. La déclaration du
Ministre Lambert MENDE selon laquelle «… en
2016, il y aura un passage de flambeau civilisé entre un président qui
sort et un président qui entre » indique le désir de certains
membres de la majorité présidentielle de voir le Président Joseph KABILA
laisser quelqu’un d’autre de son camp entrer en compétition pour l’élection
présidentielle de 2016. 00243 996100416
Si malgré tout, les adaptes de la révision constitutionnelle
l’emportaient, les démocrates devraient avoir le courage politique de quitter
la majorité présidentielle pour incompatibilité de conviction.
Mais combien en République Démocratique du Congo sont- ils capables
de prendre pareille décision qui les priveraient de certains avantages qu’offre
l’appartenance à la famille politique du chef de l’Etat ?
Nous savons qu’une telle décision que ne peut être prise que par les
hommes et les femmes qui voient plus loin que les avantages politiques et
financiers du moment.
Nous en profitons pour rappeler aux démocrates de la majorité
présidentielle que c’est seulement un régime respectueux des principes
démocrates qui peut assurer la protection et la survie tant à ceux qui
sont au pouvoir qu’à ceux qui n’y sont pas. Un régime qui foule aux pieds
les principes démocratique, quelles qu’en soient les raisons, est un régime
dangereux pour tous.
Nous les encourageons à faire comme certains fidèles du Président Blaise
COMPAORE l’ont fait en quittant la majorité présidentielle
quand ils ont constaté que leur chef n’était plus capable de respecter
les principes démocratiques consacrés dans la constitution.
C’est possible que vous fassiez aussi la même chose pour sauver notre
jeune démocratie.
2. Les forces sociales
et politiques démocratiques se coalisent.
Si le Président Joseph KABILA s’engage dans la voie
de réviser la constitution pour se maintenir au pouvoir en 2016, les
forces sociales et politiques démocratiques (partis politiques, les
organisations de la société civile, les églises, les médias…) de la République
Démocratique du Congo sont appelées à coaliser pour lui réserver le sort
que les forces démocratiques sénégalaises avaient fait subir au
Président Abdoulaye WADE au Sénégal[1] quand il voulait changer la
constitution pour se maintenir au pouvoir.
Ces forces devront se fixer comme premier objectif de
faire pression pour que la révision constitutionnelle en gestation ne puisse
pas avoir lieu.
Cette coalition doit mobiliser toute la
population pour qu’ensemble nous puissions mener un combat démocratique
contre les dangers auxquels la majorité présidentielle veut exposer notre jeune
démocratie.
Face à un danger imminent, il est conseillé de mettre
de côté toutes les anciennes querelles et de coaliser jusqu’à ce que le danger
soit mis hors de notre portée. A travers toute l’histoire, les peuples se
sont toujours coalisés pour faire face au danger. Le Président NEHRU disait, à
la Conférence de Bandung en 1995 : « Plusieurs d’entre nous ont des
opinions philosophiques différentes, mais vu le danger d’une guerre atomique,
nous cherchons naturellement à nous entendre en dépit de nos principes
divergents »[2]
Dans ce sens, la prise de position des églises
catholique et protestante sur la feuille de route de la CENI et la
révision de la constitution est très encourageante.
La convention organisée du 01au 03 avril 2014, à
Kinshasa, par la plate forme « Sauvons le Congo » et les autres
forces politiques et sociales pour discuter de toutes ces questions est
encore une initiative encourageante. Nous espérons que les participants à
cette convention feront tout pour mobiliser plus de congolais afin
d’empêcher la majorité présidentielle de porter atteinte aux principes
démocratiques consacrés dans la constitution
Il est maintenant question qu’une plate forme plus
large soit mise en place, à l’initiative des églises ou des partis politiques
démocratiques pour qu’un seul front soit formé contre la révision
de la constitution et le maintien du Président Joseph KABILA au pouvoir après
2016.
Il y a lieu de rappeler que personne physique ou
morale ne peut réussir ce combat tout seul. Les forces sociales et
politiques démocratiques sont appelées à se mettre ensemble et à mener ce
combat en recourant uniquement aux armes démocratiques et non violentes.
L’heure est grave. Les socles de notre jeune
démocratie sont menacés et notre nation court un grand danger.
Unis, nous contraindrons la majorité à renoncer à son complot contre la
démocratie et l’alternance politique.
3. Les partenaires
de la République Démocratique du Congo réagissent.
Toutes les nations ont déjà eu droit à l’assistance
des autres, à un moment de leur histoire, quand elles étaient confrontées
à des individus ou groupe d’individus mettant en péril la liberté des peuples
ou la démocratie.
Durant la guerre d’indépendance, les américains (Etats
Unis) avaient bénéficié de l’appui de la France(1778), puis de l’Espagne(1779)
et de la Hollande(1780), ce qui leur a permis d’affaiblir la puissance de
l’Angleterre.
Confrontée à l’occupation allemande en 1944, la
France avait reçu l’aide des américains, des anglais et des canadiens pour se
libérer des allemands[3].
Il en a toujours été ainsi, et il en sera
toujours ainsi, dans l’histoire des Nations.
Face à la
majorité présidentielle qui voudrait à tout prix modifier la Constitution
pour se maintenir au pouvoir, la démocratie congolaise est menacée et les
forces sociales et politiques démocratiques ont besoin de l’aide des autres
Etats (la France, les Etats Unis d’Amérique, la Belgique, l’Allemagne,
l’Angleterre, le Canada…) pour arrêter cette révision qui ne vise que la
confiscation du pouvoir par un groupe de congolais.
Nous nous félicitons déjà de
la prise de position de l’envoyé spécial des Etats Unis pour les Grands Lacs
qui a fait une déclaration intéressante au sujet d’une éventuelle modification
des constitutions au Rwanda, R.D.Congo et au Burundi[4].
Nous espérons que quand ceux qui
sont déterminés à garder le pouvoir en R.D.Congo, à n’importe quel prix,
commenceront à matérialiser leur vision, les partenaires de notre pays ne se
contenteront pas seulement de faire des déclarations de condamnation, mais
qu’ils iront plus loin en prenant des sanctions plus fortes ( gel des avoirs,
interdiction de voyage….) contre les congolaises et congolais qui auront opéré
le coup d’état constitutionnel en R.D.Congo.
Face aux forces de sécurité
qui n’hésitent pas à tirer à balles réelles sur les manifestants
pacifiques, les forces sociales et politiques démocratiques ont besoin de
l’assistance des partenaires internationaux de la R.D.Congo pour faire face à
cette situation délicate.
4. Le peuple protège sa
démocratie.
La démocratie appartient au peuple. En République
Démocratique du Congo, depuis 1990, plusieurs congolais sont morts pour
l’instauration d’un Etat de droit, Etat au sein duquel chacun est capable de
réaliser ses rêves. En respect de leur mémoire, nous devons tous nous
réveiller et nous ranger en ordre de bataille pour protéger notre
démocratie.
Les acquis démocratiques qui se sont réalisés
dans notre pays sont l’œuvre de beaucoup de personnes dont certaines sont déjà
mortes. Il ne peut donc être question qu’un congolais ou groupe de
congolais battent en brèche lesdits acquis par avidité du pouvoir. Il
faut que le peuple les arrête en recourant aux moyens démocratiques et non
violents. Notre constitution en prévoit plusieurs et ce n’est pas la peine d’y
revenir.
Retenons que
la vigilance du peuple est l’âme qui fait avancer la démocratie.
Rappelons-nous
que la démocratie ne peut avancer que si le peuple contrôle ses dirigeants et
reste vigilent. Dans la plupart des pays africains la démocratie est
perpétuellement menacée. C’est pour quoi la vigilance du peuple doit être le
mot d’ordre.
Une fois mis
au pouvoir par le peuple, les dirigeants politiques augmentent de jour en
jour leurs appétits pour le pouvoir. Sans cette vigilance citoyenne,
ils peuvent devenir des dictateurs et capables de faire du peuple
qui les a élu leur esclave.
Dans le cas
qui concerne notre pays, personne n’a consulté le peuple pour lui imputer le
désir actuel de réviser la constitution. Cette révision découle du vouloir d’un
groupe de personnes qui veulent garder le pouvoir dans leur intérêt et
non dans celui du peuple.
C’est
pourquoi le peuple devra rejeter toute constitution qui serait soumise au
referendum et qui instaurerait :
-
L’élection du Président de la République par le mode de scrutin indirect ;
-
Le mandat présidentiel de 7 ans ;
-
Le mandat illimité pour le Président de la République.
Rejetons pareille
constitution, car c’est un véritable recul en termes de démocratie et
d’instauration d’un Etat profitable à tous les congolais.
Si le peuple
sénégalais à rejeter la modification constitutionnelle proposée par le
Président Abdoulaye WADE, ce que c’est POSSIBLE. Nous pouvons aussi rejeter la
constitution qui serait proposée au referendum par la majorité actuelle.
Je dirais
NON, tu diras NON à la constitution révisée et nous sauverons notre jeune
démocratie.
- Les parlementaires fassent un sursaut patriotique.
En
ce moment où les démocrates se battent pour protéger les acquis
démocratiques consacrés dans notre constitution, les parlementaires sont d’un
grand appui. C’est grâce à la démocratie qu’ils ont été élus, et donc ils
peuvent travailler individuellement à sa consolidation quel que soit le corps
(partis de la majorité, de l’opposition, indépendant…) auquel ils
appartiennent.
C’est
ailleurs ici le lieu de rappeler qu’il n’y a aucun parlementaire qui représente
le Président de la République ou un parti politique. Ils représentent soit la
nation ou la province. Donc ils peuvent se passer des mots d’ordre
manifestement illégaux qui sont donnés par leur autorité morale, par le
Président de leur parti ou par leur parti politique chaque que les intérêts de
la nation font face un danger sérieux.
La révision
constitutionnelle qui est en gestation peut conduire à des dangers dont
personne ne peut circonscrire les conséquences. Raison pour laquelle nous
en appelons à la conscience de tous les parlementaires pour qu’ils résistent
aux sollicitations qui sont orientées vers eux pour changer la constitution.
Si les
parlementaires burundais ont rejeté la modification proposée par le Président
NKURUNZIZA, il y a quelques jours, ce que les parlementaires patriotes
congolais peuvent aussi le faire.
Quels que
soient les avantages politiques, matériels et ou financiers qui leur seraient
proposés, nous les appelons à rejeter la modification de la constitution.
S’ils se
compromettent en votant la modification de la constitution, ils perdront
l’opportunité qui leur est offerte d’entrer dans l’histoire par la grande
porte. Mais, ils doivent etre surs que d’autres forces nationales et ou
internationales se battront pour que les autorités congolaises respectent leurs
engagements.
Cette
réflexion vise seulement à interpeller et à mobiliser tous les congolais
pour qu’ils s’impliquent dans le combat contre la révision de la constitution.
[1] Quand en
2000, le Président WADE accède au pouvoir, il est considéré comme le
champion de la démocratie. En 2001, il fait voter par référendum une nouvelle Constitution dont
l’amendement phare était la réduction de la durée du mandat
présidentiel de sept à cinq ans et la limitation de la présidence à deux
mandats. Mais dès 2008, soit un an après sa réélection, le Président Wade
revient sur les amendements à la Constitution pour finalement rallonger le
mandat présidentiel de cinq à sept ans. Puis, en juin 2011, il prévoit de
nouveau de l'amender pour abaisser de 50 % à 25 % la proportion des voix
nécessaires pour remporter l'élection dès le premier tour. Il est finalement
contraint d'y renoncer sous la pression des forces sociales et politiques
démocratiques du Sénégal.
[2] Cité par
Arnaud ZACHARIE dans son livre intitulé « Mondialisation : qui
gagne et qui perd » , Edition le Bord de l’eau, La Muette,
2013.
[3] C’est
ce qu’on appelle l’opération Overlord et Neptune dans le cadre du
débarquement de Normandie.
[4]
Répondant à la question suivante, lui posée par la RFI, dans
l’interview diffusée le 24 mars 2014 : Les
présidents Kabila, Kagame et Nkurunziza en sont à leurs derniers mandats selon
leurs Constitutions respectives. Comment réagiraient les Etats-Unis s'ils
modifiaient d'une quelconque manière leurs Constitutions pour rester au
pouvoir ? Il a dit : «Ce n'est qu'une hypothèse pour le
moment. Nous verrons comment y répondre si la situation se présente. Mais je
tiens à répéter ce en quoi nous croyons : c'est notre expérience et notre
conseil à nos amis dans ces pays, le respect de la Constitution est important,
très important pour la population pour qu'elle ait l'impression de pouvoir
participer et choisir son président, très important aussi pour la réputation
internationale de ces pays, de prouver qu'ils peuvent avoir des transitions
pacifiques. Ce que j'espère, c'est que chacun de ces dirigeants va voir à quel
point c'est important que leur Constitution soit respectée. C'est ce qui va
aussi conditionner la manière dont sera perçu leur héritage politique en tant
que dirigeants de leurs pays ».
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