Discours de Vital
Kamerhe, président national de l’Unc et autorité morale de la Cvd
Chers
Participants,
Je voudrais,
avant toute chose, vous inviter à vous lever en mémoire de nos compatriotes du
Nord-Kivu qui ont péri dans le naufrage sur le lac Albert et en votre nom à tous,
renouveler nos condoléances les plus attristées aux familles éprouvées, et
rappeler encore une fois au Gouvernement central, son devoir de mener à terme
l’enquête qui doit éclairer l’opinion sur les causes qui sont à la base de ce
grave accident. Nous
demandons au Gouvernement de disponibiliser les moyens suffisants pour
assister les survivants et le retour dans les bonnes conditions de ceux
qui se trouvent encore en Ouganda.
Chers
Participants,
Au moment où
je prends la parole devant vous en cette occasion solennelle et historique, je
vois venir vers moi le souvenir puissant et la conscience aigue que la
Démocratie et l’Etat de Droit pour lesquels nous nous sommes engagés ont
été le cheminement d’une longue lutte. Des compatriotes d’horizons
différents, animés d’un même idéal ont accepté de donner de leur vie voire
jusqu’au sacrifice suprême pour qu’au peuple soit garanti le droit de vivre
dans un pays libre. C’est pourquoi, je mesure la gravité des instants actuels
qui sont une charnière entre cette volonté démocratique et le risque
aujourd’hui majeur, d’un retour à l’arbitraire et à l’éclatement du consensus
national qui a fait que malgré nos différences idéologiques nous avions tout de
même réussi à nous mettre d’accord sur un certain nombre des valeurs qui font
du jeu démocratique un jeu civilisé.
Je voudrais,
chers amis, nous rappeler encore qu’aujourd’hui la famille de l’opposition
politique que nous représentons et nos partenaires de la société civile dans le
cadre de la plate forme Sauvons la RDC portent sur leurs épaules l’immense
devoir d’amener le peuple à l’exercice de ses droits politiques, droits qui
sont à ce jour mis en cause par une attitude politicienne dictée par la peur et
l’arrogance des certains dirigeants qui pensent s’être exemptés d’appliquer la
volonté du peuple.
Nous sommes
ici pour un devoir de responsabilité à l’endroit de notre peuple pour lequel
nous devons montrer le chemin de la liberté et du progrès. Nous sommes ici
parce qu’il est de notre devoir, disais-je, d’élargir le champ du possible
quand on cherche à nous imposer des violations de la loi
constitutionnelle et des passages en force par une majorité qui a fini de
croire en ses propres capacités de porter seul l’idéal démocratique, même dans
le mépris total des aspirations profondes de nos citoyens.
Nous
sommes ici pour manifester notre attachement à cette Nation, la seule que nous
ayons en partage et pour laquelle nous avons prêté un serment moral celui de
lui donné le meilleur de nous-mêmes et de toujours garantir les voies de
l’espérance et du progrès.
Nous sommes
ici parce que notre pays va mal dans tous les secteurs de la vie
nationale :
- La paix
n’est pas totalement rétablie sur l’ensemble du territoire national.
L’insécurité et les tracasseries de tous ordres constituent le lot quotidien de
nos populations (assassinats, viols, déplacements des populations,
prolifération des groupes armés…) ;
- Le
congolais ne mange pas à sa faim, nos enfants ne sont pas correctement
scolarisés ni soignés, nos familles sont privées d’eau potable, de
l’électricité et des logements décents. Hier, c’était la journée mondiale de
l’électricité, on a demandé à l’occasion qu’on puisse éteindre la lumière dans
tous les pays du monde, mais hélas, pour notre pays, force est de constater que
celle-ci est quasiment éteinte depuis des lustres ;
- Nous
venons d’apprendre, pas plus tard qu’hier à travers les médias périphériques,
plus précisément à Lubumbashi, qu’un policier s’est donné la mort au Katanga
parce qu’il n’arrive plus à nouer les deux bouts du mois. Alors qu’il recevait
100 USD à son recrutement, il perçoit aujourd’hui la moitié, soit une solde
équivalente à 50 USD. Le sort de ce policier c’est celui de tous les salariés
de l’Etat congolais, fonctionnaires, le corps professoral, académique,
scientifique et administratif dans nos universités et instituts supérieurs, des
étudiants sans bourse d’études, des enseignants, les médecins, infirmiers, ….
Chers
participants,
Au cours de
la caravane de la paix que nous avons conduite au Nord et au Sud-Kivu, nous
avons vu et attendu la précarité et les cris de détresse de nos citoyens.
Nous sommes
ici pour que ces éléments recueillis à la base puissent nous permettre dans les
différentes commissions de paver la route pour l’émergence d’un Congo qui va
assurer le bien être aux congolais et jouer un rôle intégrateur entant que pôle
de développement dans la sous-région, en Afrique et dans le monde.
Nous sommes
ici pour éveiller la conscience de renouvellement de mentalité de leader et de
sa nécessaire obligation d’incarner les valeurs humanistes et républicaines
pour ainsi réussir la mutation sociale que notre peuple attend de nous pour
l’amélioration de son vécu quotidien.
Nous devons
ainsi passer à la loupe au sein des différents groupes thématiques les dossiers
urgents de la République, pour qu’en tant qu’opposition constructive et société
civile responsable, nous montrons à notre peuple et au monde que nous pouvons
non seulement critiquer ce qui n’a pas été fait mais aussi et surtout, proposer
ce que nous ferions et ferons demain.
Mettre le
citoyen au centre de toute action et de toute vision devra être notre leitmotiv
pour construire ce Congo de nos rêves où la dignité du congolais sera
réhabilitée. C’est une véritable révolution du leadership que nous entendons
instaurer, apprendre à nous oublier pour être au service de la Nation.
C’est le
sens même du changement que nous avons le devoir d’imprimer en tant que leader
en prenant les précautions en ce moment où nous amorçons un virage crucial de
nous assurer que nous allons réellement amener le Congo au rendez-vous avec son
propre destin. Ceci ne peut être possible que si, dans un esprit de dépassement
de soi, que nous amenions l’ensemble de la classe politique, majorité,
opposition, société civile, à intégrer ledit dépassement de soi, dans un esprit
de tolérance mutuelle où les politiciens ne devraient pas confondre l’adversité
politique et l’animosité. En effet, nous qui avons toujours exprimé la crainte
de la balkanisation qui menace notre pays, il nous faut comprendre qu’un pays
exposé ou miné par des querelles intestines des individus et des agendas
personnels, est inéluctablement appelé à disparaitre ou à s’enfoncer dans la
déchéance ou à vivre sous la dépendance des autres.
Regardons ce
qu’est le Congo aujourd’hui, malgré les potentialités incommensurables et le
taux de croissance le plus élevé d’Afrique et qui fait rêver le reste du monde,
le Congo est sous la perfusion et l’assistance de la Communauté internationale.
Que devons nous faire pour renverser cette tendance ? La réponse à cette
interrogation viendra des réflexions que vous allez mener dans les différents
ateliers de travail à travers les thématiques qui vous ont été soumises par
notre commission technique.
Il est des
symptômes qu’un malade ne saurait cacher devant le médecin. Notre pays est
entrain d’être traversé par des turbulences que nous imputons assez
régulièrement et facilement à l’étranger éludant ainsi notre propre
responsabilité. Un pays en construction aussi bien sur le plan économique que
démocratique, peut-il s’accommoder d’incessantes révisions constitutionnelles,
cela un signe d’instabilité et de dysfonctionnement institutionnels, surtout
quand ces révisions ne sont pas dictées par la volonté de résoudre une crise
fondamentale évidente.
Chers
participants,
Nous sommes
ici parce que notre pays va mal. Il va mal dans ce qu’il a de fondamental,
c'est-à-dire, le respect des règles et l’exercice des droits politiques
garantis par la Constitution. Vous vous souviendrez qu’en 2006 ; à l’issue
d’une période de transition nous avons participé tous à différents degrés aux
premières élections libres et démocratiques depuis l’époque lointaine de
l’accession du Congo à l’indépendance. Grace à l’esprit né de l’Accord Global
et inclusif de Sun City, le monde entier a salué l’exemple de la République
Démocratique du Congo qui venait de montrer par ces élections réussies qu’elle
était en voie de panser ses profondes blessures nées des crises de légitimité.
Malgré les imperfections qui n’ont pas manqué en 2006, nous avons tous salué le
pas de géant qui venait d’être franchie par la classe politique.
Hélas !
Pour des raisons qu’il me serait fastidieux d’énumérer ici, les élections de
2011 ont été un fiasco. De l’intérieur du pays ainsi que de toutes les missions
d’observation, cette expérience a profondément fait reculer les acquis
démocratiques en matière électorale. La confiance dans nos institutions, les
fractures au sein de la classe politique furent les seules descriptions
possibles du chaos provoqué par ces élections qui furent un déni démocratique.
Nous avons
ainsi perdu et continuons à perdre la crédibilité au sein de la communauté
internationale. Désabusé, le peuple a adopté une attitude de rejet du noble
engagement politique et s’est refugié dans tous les extrémismes pour échapper à
la conscience de vivre la manifestation de sa volonté. Cette situation
n’ayant pas échappé à la classe politique, elle s’est mobilisée poussée par
l’opposition et la société civile pour corriger dans la mesure du possible les
erreurs de 2011 ; d’entamer, tant soit peu, la résolution du lourd
contentieux électoral né des élections bâclées. Ainsi fut élaborée une nouvelle
loi, mettant en place la Commission électorale nationale indépendante. Elle
devait, quant à elle, se donner la mission sacrée de respecter la volonté du
législateur en se déployant dans le cadre tracé par celui-ci. Voilà qu’une fois
encore, au lieu de progresser la CENI propose le chemin du recul, celui de la
négation même du peuple d’exercer ses droits constitutionnels. La CENI propose
le changement du mode de scrutin en mettant en avant, pour ce faire, les
raisons qu’elle ne pouvait pas évoquer à l’époque, à savoir, les questions
budgétaires. La liberté comme la démocratie n’ont pas de prix. Si nous sommes
prêts à donner notre vie pour elles, à plus forte raison ne pourrions pas nous
saigner pour trouver les moyens nécessaires et éviter ainsi ce saut dans
l’inconnu qui va, au regard des positions clairement exprimées par l’église
catholique, l’église protestante, la société civile des 11 provinces,
l’opposition politique, nous ramener dans des troubles que personne ne souhaite
en ce moment où nous avons d’autres défis à relever.
Non, la CENI
vient ainsi d’offrir un schéma qui outrepasse ses propres prérogatives, car son
schéma rendant ipso facto l’obligation d’une révision constitutionnelle nous
entrainerait dans les routes sinueuses de la discorde nationale.
Il doit être
clair dans l’esprit de chacun de nous, que quand on dit d’une part, qu’on ne
doit pas réviser la Constitution et d’autre part la CENI propose la révision de
mode de scrutin passant ainsi du suffrage universel direct à un mode de désignation
indirecte, c’est-à-dire, le citoyen qui jusqu’à présent à le pouvoir désigner
et de sanctionner ses dirigeants, va se contenter de voir un groupe d’individus
d’exercer ses droits dans l’environnement actuel miné par les antivaleurs.
Nous disons
que réviser le mode de scrutin dans la loi électorale entraine automatiquement
la révision de l’article 197 de la Constitution. Et l’article 220 de la
Constitution réputé verrouillé va perdre tout son sens.
Chers amis,
Distingués
invités,
Nous sommes
ici parce que nous croyons qu’il existe des voies démocratiques pour amener
notre peuple à la victoire sur les grandes adversités qui l’assaillent,
notamment la pauvreté avec son corollaire, la misère généralisée. Pour y
arriver, nous nous sommes donnés le devoir d’approfondissement, car les
questions politiques tout comme des questions sociales ne sont pas des
questions banales, elles sont éminemment humaines et exigent pour leur maitrise
un savoir faire et une concentration aigue. Nous sommes ici pour
proposer aux partenaires politiques de la majorité et à la CENI d’autres voies
que celles de l’affrontement et du mépris des droits démocratiques ou de
révision constitutionnelle.
Nous allons examiner toutes ces questions
contenues dans les thématiques préparées par le comité préparatoire et baliser
le chemin d’une paix sociale. Nous sommes l’opposition et c’est notre droit de
critiquer les politiques publiques menées en notre nom ; mais nous avons
aussi l’obligation de proposer et c’est ici le lieu et le moment de le faire. Dors es déjà, nous pouvons relever qu’il est plausible pour le pouvoir en place d’entonner le refrain du manque des moyens financiers pour justifier le retard de la poursuite du processus électoral. Mais, on oublie de souligner que, pour les concertations dites nationales, des montants importants ont été décaissés, alors même que ces assises n’étaient pas prévues au budget de 2013.
La volonté du régime de chercher à prolonger
subtilement le mandat actuel transparait à travers toutes sortes des
stratégies. Il en est ainsi du recensement projeté pour 2015. Cette opération
est supposée précéder les élections locales, municipales et urbaines. Comment
le Gouvernement va-t-il trouver le temps de faire aboutir ce recensement et au
même moment avec le concours de la CENI, arriver à organiser les élections
locales, municipales, urbaines pendant la même période, aucun crédit n’est
prévu ni pour le recensement ni pour les opérations préélectorales telles que
l’actualisation du fichier et la cartographie électorale.
C’est là une matière sur laquelle
nous devons nous pencher pour vérifier cette corrélation que le pouvoir et la
CENI semblent établir comme obligatoire entre le recensement et l’organisation
des élections locales, nécessaires pour nous mener vers une décentralisation
effective.
Chers
participants,
En
définitive, vous avez une lourde responsabilité de formuler des
contre-propositions qui rassemblent toutes les filles et tous les fils du
Congo, et éviter d’offrir au monde une image d’une classe politique qui est
faite pour ne jamais s’entendre. Pour y parvenir, je vous exhorte à travailler
dans la tolérance, le respect de l’autre, et donc, privilégier ce qui nous unit
et éviter, à tout prix, de nous transformer en conspirateurs contre notre
propre République et empêcher par tous les moyens le coup d’Etat
constitutionnel actuellement en préparation.
Nous avons
le devoir de mobiliser notre peuple de faire usage de l’article 64 de la
Constitution pour barrer la route à toute révision du mode du scrutin ou tout
simplement toute révision constitutionnelle.
Nous allons
donc, au cours des présentes assises, adopter des stratégies communes pour les
congolais de Kinshasa, des toutes les provinces et de la diaspora soient prêts
comme autrefois au Sénégal à chasser la peur et défendre la Constitution de la
République, fondement d’un Etat de droit.
Je ne puis
terminer ce mot sans m’acquitter d’un agréable devoir, celui de vous
transmettre les salutations de nos frères Mbusa Nyamwisa et Nzanga Mobutu,
respectivement Présidents du RCD-KML et de l’UDEMO. Ils m’ont demandé,
avec insistance, de le faire et vous remercie pour les acclamations.
Que Dieu
bénisse la République Démocratique du Congo et qu’Il nous guide dans nos
travaux.
Je vous
remercie.
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