Kinshasa, le 16 avril 2014 –
L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) est vivement préoccupée
par la condamnation de Mme Senechal Laurence, de nationalité belge, à 6 mois de
prison ferme par le Tribunal de Paix de Kinshasa / Gombe pour « tentative
de déplacement d’enfant à l’étranger ».
Dame Laurence avait adopté, en avril 2013,
un enfant qui se trouvait sous la tutelle de l’Etat dans un orphelinat de la place,
suivant un jugement devenu irrévocable. L’enfant ainsi devenu belge par l’effet
de l’adoption n’attendait plus que de rejoindre sa nouvelle patrie qu’est la
Belgique et, les démarches étaient en cours lors qu’en date du 25 septembre 2013
l’Administrateur Général de la Direction Générale de la Migration (DGM) va
adresser la lettre n° D6/DG/DGM/450/DCPPF/55/013 aux ambassades établies en RDC
leur annonçant la suspension de la procédure d’adoption internationale
pendant 12 mois de toutes autorisations de sortie des enfants adoptés.
Considérant que son cas n’était pas
concerné par la lettre précitée car non seulement antérieur mais surtout
couvert par un jugement d’adoption devenu irrévocable, Dame Laurence va se
décider de se rendre en Belgique avec son enfant adopté le 14/04/2014. Mais
elle va être arrêtée à l’aéroport de N’djili vers 20 heures par la DGM et sera
déférée en flagrance devant le Tribunal de paix de Kinshasa-Gombe pour
notamment tentative de déplacement illicite d’enfant. Après une audience qui a duré
plus ou moins deux heures, elle sera condamnée, sous RP 24081/II, à 6 mois de
prison ferme avec arrestation immédiate et au paiement de la somme de 300.000
francs congolais pour « tentative de déplacement
d’enfant conformément à l’article 186 de la loi portant protection de
l’enfant».
L’ACAJ note que :
1.
Pour justifier le fondement de cette décision le tribunal s’est basé
principalement sur la lettre n° D6/DG/DGM/450/DCPPF/55/013 aux ambassades
établies en RDC, mais pourtant fondamentalement illégale. Car
l’Administrateur Général de la DGM n’a pas compétence de suspendre les effets
d’une décision judiciaire et moins encore du code de la famille en
matière d’adoption. En vertu du principe de parallélisme de forme, une
décision administrative ne peut pas suspendre l’exécution d’une loi, en
l’occurrence la loi n° 87-010 portant code de la famille qui organise en son
titre III l’adoption d’enfant en RDC.
2. Le
juge a fait une très mauvaise application de l’article 186 de la loi portant
protection de l’enfant car, en l’appliquant à un enfant qui a déjà la
nationalité belge et surtout qu’au terme de l’article 10 alinéa premier de la
Constitution la nationalité congolaise
est une et exclusive et ne peut être détenue concurremment avec une autre. Une
personne qui acquiert une nouvelle nationalité perd les droits liés à la
nationalité congolaise.
3. Dame Laurence amenait un enfant devenu
belge par l’effet de l’adoption judiciaire, dans sa seconde patrie, et que la
DGM ne pouvait plus s’y opposer si pas faire obstruction à l’exécution d’une
décision judiciaire d’adoption devenue définitive.
L’ACAJ dénonce :
1. Le
recours par le Tribunal de paix de Kinshasa-Gombe à la procédure de flagrance,
inconstitutionnelle, car violant notamment le droit à un procès juste et
équitable. Et dans le cas d’espèce le procès a été fondamentalement expéditif,
il a commencé vers 21 heures pour se terminer vers à 23 heures par le prononcé
d’un jugement sur dispositif, et ce, en
violation de l’article 21 de la Constitution qui prescrit que tout jugement
soit écrit et motivé.
2. La volonté tant de la DGM que du
tribunal de rétroagir la mesure administrative et illégale de suspension
d’adoption en RDC aux adoptions intervenues avant le 25 septembre 2013.
3. Le
silence coupable des autorités gouvernementales, depuis le 25 septembre 2013,
face à l’excès de pouvoirs matérialisé par la lettre de l’Administrateur de la
DGM du 25 septembre 2013.
4. La
violation flagrante, et curieusement cautionnée par le Tribunal de paix de
Kinshasa/Gombe, de l’article 151 de la Constitution qui interdit au Pouvoir exécutif de
notamment s’opposer à l’exécution d’une décision de justice.
5. Les
entraves faites à ce jour l’exercice du droit de recours (l’appel et la
transmission sans délai du dossier au juge d’appel de Dame Laurence par la
Présidente du tribunal au motif qu’il faudrait encore aux membres de la
composition de temps pour finaliser la rédaction du jugement.
Eu égard à ce qui précède, l’ACAJ
recommande :
· Aux Avocats de Dame Laurence, d’exercer toutes les voies de droit pour
obtenir l’examen de l’appel et la relaxation de leur Cliente ainsi son
droit de voyager avec son enfant ;
· Aux Cours et tribunaux, de décréter le caractère
inconstitutionnel de la procédure de flagrance et faire preuve
d’indépendance;
· A l’Administrateur de la DGM, de rapporter sa lettre n°
D6/DG/DGM/450/DCPPF/55/013 car illégale et consulter le Procureur Général de la
République pour l’adoption d’une politique de prévention de trafic
d’enfants congolais respectueuse des lois en vigueur et droits déjà
acquis ;
· Au Ministre de l’Intérieur, de veiller au respect, par les
responsables de la DGM, des lois de la république en matière d’adoption et
sanctionner ceux qui abusent ou excédent de leurs pouvoirs.
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