- Messieurs les Premiers Présidents
des Cours d’Appel de Gombe et Matete - Mesdames et Messieurs les Présidents des
Cours d’Appel - Mesdames et Messieurs les Conseillers des Cours d’Appel de
Kinshasa Gombe et Matete - Messieurs les Président des Tribunaux de Grande
Instance et des Tribunaux de Commerce de la ville de Kinshasa - Mesdames et
Messieurs les Juges de Tribunaux de Grande Instance et des Tribunaux de
Commerce de la ville de Kinshasa - Mesdames et Messieurs les Présidents des
Tribunaux de Paix de Kinshasa et du Tribunal pour Enfants - Mesdames et
Messieurs les juges de Paix Il y a environ treize mois que son Excellence
Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, nous avait fait honneur
en nous désignant à la tête de la Cour Suprême de Justice. Pendant ce temps
nous avons cheminé ensemble pour tenter de redorer l’image ternie de notre
justice. Dans tous ses messages son Excellence Monsieur le Président de la
République est revenu sur la question de la justice comme pilier de
développement de notre jeune démocratie. Très récemment, dans son discours
d’investiture, le Chef de l’Etat, parlant de la révolution de la modernisation
a de nouveau épinglé ce qu’il entend de la justice comme accompagnatrice de la
révolution de la modernité. En notre sens, si son Excellence Monsieur le
Président de la République vient de placer son nouveau quinquennat sur la
révolution de la modernité en termes de visibilité des réalisations
socio-matérielles et infrastructurelles, la sécurité juridique et judiciaire
qui cimente le socle de l’amélioration des climats des affaires reste et
demeure un des indicateurs de cette modernité. C’est pour cette raison,
qu’interpellé par ce défi nous lancé par le Chef de l’Etat en termes de lutte
contre la corruption, l’impunité et la complaisance que je m’empresse de vous réunir
en ces lieux pour jeter en termes de bilan, un regard rétrospectif sur le
parcours effectué, en dresser l’état des lieux et en projeter les bases solides
de notre engagement à accompagner la venue de l’Etat émergeant. Loin de dresser
un bilan exhaustif, permettez-moi de vous rappeler que l’année deux mille onze
a été émaillée de beaucoup d’évènements dont le dernier en date est celui de
l’investiture du Magistrat Suprême de la RDC conformément aux dispositions
pertinentes de la Constitution. Point n’est besoin de revenir ici sur tout ce
que nous avons réalisé étant entendu que beaucoup de choses restent encore à
faire, cependant, il est plus qu’impérieux et urgent de refixer nos esprits sur
le sens à donner sur le message du Chef de l’Etat quant à ce qui concerne ses
attentes contenues dans son message à la nation du 20 décembre 2011sur le
fonctionnement de la justice en ce qui concerne le siège. Son Excellence
Monsieur le Président de la République prenant l’engagement devant la nation
sur la révolution de la modernisation et faisant de la justice une de ses
béquilles, a promis de mener une lutte contre trois fléaux qui continuent à
ternir l’image de la justice à savoir la corruption, la complaisance et
l’impunité. Si ces trois maux constituent des antivaleurs différentes, il y a
lieu toutefois d’affirmer ce jour que de par leurs relations, l’impunité
résulte le plus souvent des décisions judiciaires complaisantes, fruits de la
corruption tant morale, financière que matérielle qui caractérisent l’administration
judiciaire. Point donc n’est besoin de vous rappeler que la complaisance est
une disposition ou prédisposition à chercher à plaire à quelqu’un ou à
satisfaire coûte que coûte les intérêts de celui qui n’en a pas droit soit par
affinité familiales, tribales, amicales voire confessionnelles. Pour le juge,
il est facile de découvrir les actes de complaisance dans : -Le refus de
remises règlementaires, - l’organisation des descentes inopportunes surs les
lieux et le refus de celles susceptible d’éclairer réellement votre décision;
-l’octroi de remises au-delà de nombres prévus et non appuyées par un juste
motif ; -le prononcé des jugements avant dire droit après plusieurs mois de
prise en délibéré ou à la veille des inspections ; - le prononcé des décisions
ambiguës qui renvoient les parties dos à dos sans les départager par rapport au
conflit qui les oppose ; -le prononcé des décisions par défaut contre les
intérêts de l’Etat et les sociétés du portefeuille et leur condamnation aux
dommages et intérêts exorbitants non postulés par la partie et sans aucune
motivation convaincante ; -le prononcé des décisions contenant des termes
dubitatifs dénotant un déni de justice ; -la suspension systématique des
exécutions au moindre coup de téléphone ; -l’homologation des ventes des
immeubles appartenant à l’Etat non encore désaffectés par le Ministre compétent
; -l’exigence de production par l’Etat de certificat d’enregistrement couvrant
ses édifices publics ; -le prononcé des décisions qui ne font allusion dans leur
motivation ni à la loi ni à la doctrine encore moins à la jurisprudence ;
-l’acceptation des pièces déposées non produites aux débats. Ces actes de
complaisance dont les uns sur la forme et d’autres au fond trouvent leur
justification dans le seul souci de favoriser dans le temps et espace ceux-là
qui dans un procès équitable ne pourrait avoir raison. Conséquence d’un état
d’esprit préparé en amont, la complaisance résulte de la CORRUPTION. La
corruption n’est rien d’autre que le fait de se faire remettre des sommes
d’argents ou valeurs mobilières ou immobilières ou se faire promettre les mêmes
sommes, valeurs ou avantages afin d’agir contrairement à son serment et à son
devoir , pour changer l’opinion objective et la vérité judiciaire et trahir le
sens de la justice, d’impartialité et d’objectivité. Cette situation conduit
ainsi à la déloyauté, au déni de justice et au dol, provocant ainsi une fissure
sociale caractérisée par un mépris du juge corrompu par le justiciable
corrupteur, à la haine du corrompu par la victime et au dégoût de justice
judiciaire pour donner force à la justice privée négative avec son corolaire la
vengeance et le règlement des comptes par des crimes abominables. Et
lorsqu’elle gangrène la justice qui constitue le dernier rempart de la société,
celle-ci ne pourra jamais se relever. Selon les informations à notre
possession, les faits ci-dessous constituent pour les magistrats du Siège les
prédispositions à la corruption : -le non-respect du délai de prononcé sans
demande de prorogation de délai de délibéré ; - l’absence de délibération et
les dérobades aux séances de délibérations pour les compositions collégiales ;
- la discussion avec le chef de juridiction par des présidents des chambre, des
projets n’ayant pas fait objet de délibération de la composition ; - les appels
intempestifs des avocats et pires de leurs clients à leurs insu pendant
l’instruction et lors de délibérés ainsi que toute familiarité notoire avec les
parties au procès ; - la demande des numéros de téléphones des avocats et
justiciables après les plaidoiries ; - les visites par le juge ou par le biais
des greffiers chez le justiciables ou chez leurs avocats, et les rencontres
dans des hôtels, restaurant et autres débits de boissons où de nouvelles
plaidoiries sont développées acceptée et jugées selon la conclusion des
marchés… Si tous ces actes sont des actes préparatifs à la corruption,
l’acceptation des promesses faites et leurs exécutions nuisent énormément à
notre prestige et à l’image emblématique et sécurisante de la justice en
République Démocratique du Congo. Devons-nous nous complaire dans cette
situation jusqu’à devenir la risée de tous tout le temps ? Il est temps de
mettre fin à tout cela pour reprendre notre place de noblesse et offrir à notre
peuple une justice qui sécurise même les personnes les plus démunis possibles
sans appauvrir par des condamnations aveugles et sentimentales intéressées, les
investisseurs qui chez eux ne trouvent secours qu’auprès du juge et cela sans
aucune compromission. Pour terminer, je tiens à attirer votre attention sur le
fait qu’il n’ y a pas de justice sans sanction si non on tomberai dans le
domaine de la morale, d’où notre combat contre l’impunité épinglé par le
Magistrat Suprême, entendue ici comme « absence de sanctions prévues contre un
manquement quelconques ou l’incapacité de nos institution à appliquer contre
certains individus ou situations des sanctions appropriées à l’espèce. Cette
possibilité de sanctionner qui devrait être offerte par nous les juges, qui
avons la charge en toute objectivité de condamner les antivaleurs et les
auteurs, d’appliquer les peines civiles ou pénales proportionnelles aux actes
causant préjudices aux concitoyens et à la nation, reculons malheureusement
devant nos responsabilités au lieu d’exercer courageusement les prérogatives
constitutionnelles qui nous sont reconnues. Notre comportement souvent motivé
non pas du fait de non établissement de manquement mais parce que aux contacts
avec le justiciable dit intouchable qui est en tort, acquittons ou déboutons le
demandeur ou le citant sans moindre gène ni sans trop de justification de
droit. Mes chers collègues Que dois-je dire en conclusion si non vous rappeler
que la corruption avec ses conséquences multiples et multiformes dont les
jugements complaisant et l’impunité en constituent les engendrements le plus
visible, avilit, éhonte, maudit, compromet tout élan de progrès, d’émergence,
bref de développement. Nous sommes tous conscients de notre condition de
travail que les autorités s’efforcent d’améliorer cependant nous ne sommes pas
le seuls car plus près de nous vivent des familles au seuil de vie très
précaire mais qui demeurent dans la patience. En cette période électorale où
les tentations seront grande face à la recherche à tout prix de l’éligibilité,
chacun de vous est invité à se surpasser pour ne pas tomber dans les abus
ci-dessus décrié afin d’éviter à nos populations de situations difficiles à
gérer. Avec les cinq prochaines années du quinquennat commencent un nouvel
espoir qui demande de notre part une implication positive dans la vision du
Magistrat Suprême et vous avise sans que je m’érige en gendarme, que je
n’hésiterai pas de faire mettre à la disposition de chambres disciplinaire tout
le récalcitrant. C’est maintenant le temps de prendre conscience et de vous
décider pour ne pas rater le nouveau décollage, c’est aujourd’hui le temps de
penser et repenser votre serment et de s’engager dans la lutte contre la
corruption et ses corolaires. Ma conviction reste que le mal qui ronge et ternit
l’image de la justice repose avant tout sur le manque de rigueur dans
l’application des règles des formes et délais de procédures qui s’imposent aux
juges afin de bien dire le droit. Juges que vous êtes, vous devez paraître en
cette période de révolution de la modernité comme ces derniers restes d’hommes
d’Etat dans l’état d’âme pour gagner le pari Les délais institués et imposés au
juge ont été conçus : 1) Pour permettre au juge d’avoir un temps suffisant de
réflexion et ce dans le temps voisins de l’instruction afin de ne pas au fil de
temps dénaturer les faits 2) Pour ne pas succomber aux tentations des plaideurs
malicieux qui profiteraient du temps plus long pour rassembler les moyens
financiers afin d’orienter autrement l’opinion du juge J’estime au regard de
ces gardes fous que la justice ne peut être sauvée par le juge que lorsque
celui-ci peut rendre sa décision à une date certaine conformément à la loi et
en rencontrant dans sa motivation tous les moyens soulevés par les parties. Il
a été observé et on peut bien s’en rendre compte que les juges qui rendent
souvent leurs décisions dans le délai et de manière motivée après avoir
rencontré les parties dans tout leur moyen font rarement objet des poursuites.
C’est pour cette raison que je suis revenu sur cette préoccupation dans une de
mes circulaires pour insister sur le respect de délai de prononcé. Je vous
invite donc à faire de vos juridictions de véritables derniers remparts pour
les opprimés et les victimes des injustices socio-économiques, lieux de paix et
de rétablissement de la paix t, des affaires troublées et des équilibres
rompus. Pour ma part, je m’engage dans la lutte et je ne cheminerai qu’avec
ceux qui feront le même train avec moi.
Je vous remercie.
Fait à Kinshasa, le 29 décembre
2011
Le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature Jérôme Kitoko Kimpele,
Premier Président de la Cour Suprême de justice
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