Dans un discours prononcé le mercredi
14 septembre 2011 dans sa ferme de Kingakati devant un parterre de cadres et
militants du Pprd et de la Mp, le Président de la République, Monsieur Joseph
Kabila Kabange, s’est livré à un exercice qui interpelle nos populations, à
bien de titres, tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme
De prime abord, il est important,
dans le contexte pré-électoral du moment, de s’interroger sur la qualité de
l’intervenant dans cette communication. Il faut en effet éviter la
confusion des genres et l’amalgame qui profiteraient d’un dédoublement
fonctionnel dangereux pour la République, pour la démocratie et pour le
processus électoral en cours. Dédoublement entre la qualité de Président de la
République, Chef de l’Etat en exercice, et la qualité de Candidat-Président de
la République, Chef de l’Etat sortant. En d’autres termes, chacun et chacune de
nos compatriotes devraient pouvoir savoir si le bilan présenté en toute
responsabilité par Monsieur le Président de la République est destiné à la
consommation nationale ou plutôt à la consommation partisane et électoraliste,
et s’il a été le fait du Chef de l’Etat en exercice ou du Chef de l’Etat
sortant, Candidat-Président.
Je me refuse à croire que ce discours
est celui du Président de la République, Président de tous les Congolais et de
toutes les Congolaises. D’ailleurs, il s’adresse à environ trois milles
« militantes et militants de la renaissance du Congo », réunis dans
une concession privée. En effet, le lieu, le cadre et l’ambiance partisans dans
lesquels ce discours est intervenu ne conviennent pas aux institutions de
la 3ème République. Ils rappellent, à ne pas s’y
tromper, le modèle de communication du défunt Mpr-Parti-Etat. Encore que, à sa
décharge, ce dernier se justifiait dans le contexte institutionnel monolithique
d’alors. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Au regard des pratiques
républicaines et démocratiques saines, ce genre d’exercice est organisé par la
Constitution. Je pense notamment aux messages faits à la nation, aux Chambres
du Parlement et aux discours sur l’état de la Nation.
En agissant de cette façon, le
Président de la République s’est délibérément mis en marge des traditions
républicaines et démocratiques. En fait, il a ainsi confirmé les
pratiques d’un pouvoir caractérisé par une gouvernance formelle et des gouvernances
de l’informel. De là, à imaginer un Etat officiel et un Etat parallèle, il n’y
a qu’un pas, du reste facile à franchir.
A l’évidence, le discours est celui
d’un Candidat-Président qui, drapé de sa toge de Magistrat Suprême, utilise le
registre officiel pour entrer de façon peu élégante en campagne, en présentant
non pas le bilan de la mandature actuelle mais celui de ses dix années
d’exercice du pouvoir au sommet de l’Etat.
Ce qui étonne, c’est que le Président
ait choisi de s’adresser à la nation, en sa qualité d’ « autorité
morale de la Mp » à travers une assemblée de partisans et de militants – Pprd
et Mp – qui l’ont certes investi candidat, mais qu’il a aussitôt après, d’une
certaine manière, désavouée en se présentant comme « candidat indépendant »
après avoir pris acte de son investiture par elle. On a voulu justifier ce tour
de passe-passe en avançant que, comme Président sortant, il demeure Président
de tous les Congolais et de toutes les Congolaises et on en déduit abusivement
qu’il ne pourrait qu’être le Candidat de tous les Congolais. Ce raisonnement
est de nature à rompre tout équilibre entre candidats. Qu’en est-il alors des
autres, car la Céni a retenu 11 candidats qui doivent tous attendre le choix du
souverain primaire à l’issue du scrutin du 28 novembre 2011 ?
Il convient sur ce point d’attirer
dès maintenant l’attention de la Ceni et du Conseil supérieur de l’audiovisuel
et de la communication sur ces violations subtiles de la loi électorale en
faveur d’un Candidat qui ne se prive pas d’utiliser à des fins partisanes et de
propagande électorale les moyens de l’Etat. Il suffit de voir les affiches
déployées sur nos places publiques et privées, ainsi que les banderoles le long
des principales artères de la capitale et des autres villes du pays, ou encore
de noter que des gouverneurs de province encore en exercice sont désignés comme
directeurs de campagne au niveau provincial. Il faut que ces deux institutions
veillent à ce que tous les candidats soient placés dans les mêmes conditions,
conformément à la loi électorale.
Enfin, il n’est pas sans
signification de relever que, s’agissant de la méthode à laquelle le
Président-Candidat fait recours pour établir la comptabilité de sa gestion,
elle se fonde également sur l’un des modèles les plus écurés du Mpr-Parti-Etat.
Ainsi, de la même manière que la dictature, pour se légitimer, a développé la
méthode de « la révolution-comparaison » en falsifiant au besoin les
données objectives de l’histoire et de l’économie, le Président-Candidat opère
à partir d’un point de départ ou d’un « bilan d’ouverture » de
« quarante ans de gestion qui ont précédé la victoire du peuple conduit
par l’Afdl sur la dictature », en modelant les statistiques sur les
affirmations qu’il entend faire accréditer. Il s’ensuit que le fond du
discours est rempli de contradictions, d’erreurs, de contre-vérités, voire de
manipulations des données de l’observation.
Sur le fond
Au plan économique
Il n’est un secret pour personne que l’économie de la Rdc est
l’une des économies les moins compétitives d’Afrique, qu’elle fait partie des
Pays les moins avancés et qu’elle est classée parmi les 10 pays les plus
pauvres de la planète.
Bien que le pays soit pourvu d’immenses ressources
naturelles, le niveau de vie de sa population est parmi les plus bas du monde.
Il ressort du classement annuel de l’Indice du Développement Humain - IDH - du Pnud
publié en 2009 que la RDC compte parmi les trois pays où le niveau de vie
régresse.
Sur la maîtrise de l’inflation, le Président de la République
est contredit par les chiffres avancés par la CIAfactsbooks qui place la Rdc à
la 119e place au monde, avec un taux d’inflation de 26,2 %.
Comment peut-on être fier d’une telle place alors que
nous avons un pays qui a vocation à jouer le premier rôle ?
En outre, selon la Banque Mondiale, la Rdc occupe la 178e
position, c’est-à-dire, la dernière place sur la liste de tous les pays classés
d’après leurs capacités à offrir un bon climat d’affaires.
Il est bon de fustiger la gestion passée qui avait conduit à
la faillite de la grande Gecamines avec toutes les conséquences qui en ont
découlées. Le chef de l’Etat aurait dû ajouter que depuis son accession au
pouvoir, l’Etat a non seulement aliéné une majorité de ses parts dans le
capital de cette entreprise, mais qu’en plus, les réserves minières qui
valorisaient encore le patrimoine de la Gecamines, ont été vendues sans que les
Congolais en général, et les Katangais en particulier, ne sachent ce à quoi a
servi le produit de cette vente. Aujourd’hui, après avoir épuisé le parc
immobilier de la Gecamines, le pouvoir s’attaque à celui de la Sncc, de l’ex-Onatra,
et même de la Snel, dans des opérations qui s’apparentent visiblement à des
actions de décapitalisation frauduleuse desdites entreprises.
Alors, de quelle économie parle le Président de la
République ?
S’agissant des infrastructures, il est étonnant de voir le
Président de la république se vanter de la réhabilitation de quelques routes
dans la capitale.
Pour un pays aussi vaste - 2.345.000 km2 -, les infrastructures jouent, certes, un rôle majeur. La situation du système des transports en République Démocratique du Congo est désastreuse. La réalité dans ce secteur se traduit par une insuffisance totale de l’offre des services de transports, accentuée par le mauvais état des infrastructures de transport et par une non-satisfaction chronique de la demande.
Pour un pays aussi vaste - 2.345.000 km2 -, les infrastructures jouent, certes, un rôle majeur. La situation du système des transports en République Démocratique du Congo est désastreuse. La réalité dans ce secteur se traduit par une insuffisance totale de l’offre des services de transports, accentuée par le mauvais état des infrastructures de transport et par une non-satisfaction chronique de la demande.
Le boulevard du 30 juin existe depuis l’époque coloniale, que
l’on y ajoute des bandes ne change en rien les conditions de vie de l’habitant
de Ngandajika, de l’habitant de Shabunda, de l’habitant d’Aru ou de
Bongandanga. Cela n’a aucun effet pour l’habitant de Masina, dès lors, je
confirme monsieur le Président de la République, qu’il n’existe pas de
transports en commun organisé. Ces routes sont construites et réhabilitées pour
ceux qui ont des voitures pour y circuler !
Parce qu’il a juré d’être transparent
avec nous dans son discours du 8 décembre 2010, le Président de la République
aurait été complet en nous disant comment l’appel d’offres ou les différents
appels d’offres, avaient été lancés pour la construction de toutes ces
routes.
Il s’agit dans cet exercice
d’évaluation, des données indispensables pour établir la rationalité des choix
opérés, parce que je refuse d’accepter, que l’élargissement d’une route -
d’une dizaine de kilomètres de longueur - qui part de l’échangeur de Limete
jusqu’à l’aéroport de N’djili, pour ceux qui connaissent Kinshasa, et qui
existait déjà, puisse coûter 180 millions de $ ! Si ces 180 millions
de dollars américains, avaient été affectés à la réhabilitation des écoles construites
à l’époque coloniale - nous parlons des lycées, collèges et athénées -, toutes
les écoles secondaires de la République Démocratique du Congo auraient été
modernisées !
Dans le même ordre d’idées, le
montant dépensé sur le boulevard du 30 juin, de 80 millions de dollars
américains pour 5 km de longueur et 28 m de largeur pour la 1ère
tranche ne constitue pas non plus un choix rationnel. Il s’agit d’un
investissement tape à l’œil sans aucune incidence sur le vécu quotidien des
Kinois dans la mesure où ils continuent à y affronter les embouteillages. Le
même montant ajouté aux 29 millions de dollars américains gaspillés pour
l’agrandissement du boulevard Triomphal sur 1 km et demi, sans aucun
effet induit, suffiraient à la remise en l’état, à travers le pays, de tous les
hôpitaux de référence qui datent de l’époque coloniale.
Il y a manifestement une mauvaise
affectation des ressources de la République.
Comment la communication du
Président de la République ne peut-elle pas discerner ce qui est en cours de
réhabilitation et ce qui a été réhabilité, donc comptabilisable à son actif, de
ce qui n’existe encore qu’en projet ? Parce qu’il dit et je cite : « il
en est de même de la réhabilitation des ports de Matadi, de Mbandaka, de
Kalemie, de Kisangani, de Kalundu et d’Ilebo, ainsi que celle, en vue de leur
modernisation, des aéroports de N’djili, de Goma, de la Luano, de Kisangani, de
Moanda ; de Kolwezi et de Kavumu qui a démarré ou va bientôt
l’être ». Je vous laisse apprécier la précision.
Le Président de la République informe
l’opinion qu’il va nous livrer, comme toujours, bientôt, l’hôpital du
Cinquantenaire. A qui va-t-il le livrer ? Quelqu’un qui est à Bondo, en
province orientale, quelqu’un qui est à Kolwezi au Katanga, qu’est-ce que cela
veut dire pour lui l’hôpital du cinquantenaire ? Les 100 millions de
dollars américains dépensés pour les travaux de finition de l’hôpital du
cinquantenaire auraient permis de réhabiliter tous les hôpitaux de la Gecamines,
de la Sncc, de la Miba, de Kilo-Moto, l’hôpital Mama Yemo, les Cliniques
universitaires,…… les hôpitaux existent mais sont dans un état de délabrement
avancé. Les 100 millions de dollars américains pourraient aussi suffire à
améliorer les conditions de travail des médecins, des infirmiers et de tous les
personnels des hôpitaux.
Dans son propos de Kingakati, le Président de la République
met à son actif la réhabilitation de la route Kinshasa-Matadi. Je voudrais,
ici, rappeler que cette route avait été réhabilitée au moins trois fois pendant
la 2ème République et que sa dernière remise en état, date de la
période de la Transition de 1+4.
Pour la route Kisangani-Nyanya-Beni, nous devons avoir
l’honnêteté de reconnaitre que les travaux avaient été financés dans le cadre
de Pmurr depuis le régime 1+4. Celle reliant Kinshasa à Kikwit a été
réhabilitée grâce à la coopération avec l’Union européenne et la Banque
mondiale. Ces deux routes n’entrent donc pas dans le programme de la
législature qui s’achève, et ne relèvent pas du financement des conventions
dites « contrats chinois ».
Pour une meilleure évaluation, le Président de la
République aurait été mieux inspiré en rappelant à l’opinion les prévisions en
matière d’infrastructures, notamment les routes. Combien de kilomètres
des routes bitumées, en terre battue, de desserte agricole, devaient être
construits ? Combien l’ont été effectivement ? Quel est le
pourcentage de réalisation avant de proclamer la réussite de son œuvre ?
Sur le plan social, l’opinion se souviendra que l’année
2010 avait été décrétée « Année du social ».
Le bilan est catastrophique et tout
le monde le sait, parce que le Président de la République lui-même l’avait
reconnu devant les 2 chambres réunies en congrès le 8 décembre 2010. Il est
donc surprenant d’entendre le Président de la République nous tenir, neuf mois
après, un discours diamétralement opposé !
Les contre-vérités et les
erreurs reprises dans le message de Kingakati ne peuvent pas nous laisser
indifférents. Que cela soit couché dans le discours du Président de la
République, qu’il le répète devant les caméras et qu’il se trompe, non pas d’un
chiffre, non pas de la moitié, non pas du double, … mais qu’il nous
annonce que les magistrats touchent 1.600 dollars américains alors que ces
derniers gagnent 485.000 FC soit près de 500 dollars américains ; cela est
impardonnable !
Vous pouvez vous imaginer les
problèmes dans les foyers des magistrats et les réactions de leurs bailleurs
qui vont certainement réajuster les loyers en conséquence.
Les professeurs d’université ; les professeurs ordinaires perçoivent
1.200.000 Fc, soit l’équivalent de 1.300 dollars américains et non 2.200 dollars
américains comme annoncé à Kingakati. Et l’université, pour
l’information du public et du Président de la République, n’est pas constituée
que de professeurs ordinaires. Il y a les professeurs ordinaires, il y a
les professeurs, il y a les professeurs associés, il y a les chefs de travaux,
il y a l’assistant deuxième mandat, il y a l’assistant premier mandat, et
il y a les assistants de recherche et les personnels administratifs. Qu’en
est-il de tout ce monde ?
L’université, ce sont aussi les
étudiants. Le Président de la République sait-il que les étudiants sont
confrontés à des conditions infra humaines ? Souvent issus de
familles modestes, les étudiants sont livrés à eux-mêmes, sans bourse, sans
transport, sans logement, sans restauration, sans bibliothèque et sans
auditoires. Sait-il - le Président de la République - qu’il y a des
universités et des instituts supérieurs qui n’existent que sur papier, et
d’autres qui fonctionnent dans des bâtiments abandonnés et ou inachevés ?
Sur ce même chapitre, le Président de
la République devait savoir que l’université, c’est aussi le programme et les
équipements modernes. L’université et la recherche scientifique, c’est
toute une vision pour l’avenir du pays.
Sait-il - le Président de la
République - que dans le dernier classement des universités africaines paru
dans Jeune Afrique, aucune université congolaise ne figure parmi les 500
premières ? Quelle honte pour le pays dont Lovanium,
actuellement Unikin ; l’Uoc, actuellement Unilu ; et l’Université
protestante de Kisangani, actuellement Unikis ; furent la référence en
Afrique noire !
Nous sommes étonnés qu’aucun
paragraphe n’ait été consacré à la recherche scientifique !
Dès lors, comment peut-on parler de
développement sans penser à réhabiliter les centres de recherche et les
chercheurs qui y travaillent ?
L’eau et l’électricité : avant
d’aborder ce problème que nous vivons chaque jour à Kinshasa comme à
l’intérieur du pays, je voudrais dire aussi que le Président de la
République s’est trompé en déclarant que « le pouvoir d’achat du Congolais
s’est amélioré ».
Quand le Gouvernement se complait
dans l’illusion monétaire d’avoir augmenté les salaires sans se soucier du
facteur de pondération composé du taux de change à cause de la forte
dollarisation de notre économie d’une part, et des prix moyens pratiqués sur le
marché d’autre part, j’attire l’attention du Président de la République sur
l’inexactitude de sa perception de ce problème : le pouvoir d’achat de
tous les Congolais a fortement régressé.
Tenez : il y a 10 ans, quand M.
Joseph Kabila remplaçait Mzee Laurent-Désiré Kabila à la tête du pays, le carton
de Mpiodi se vendait à 30 dollars américains, et tout le monde s’en
souvient ! Aujourd’hui, la ménagère débourse la même somme pour une seule
rame de Mpiodi, chaque carton en comptant 3, il lui faut 90 dollars américains
pour acquérir ce carton.
Dans le budget 2007, l’huissier avait
un salaire de 32.500 FC alors que le dollar s’échangeait à 580 FC, soit plus de
56 dollars américains. Aujourd’hui, en 2011, ce même agent de l’Etat touche
mensuellement 35.000 FC, ce qui fait une augmentation nominale de 7,7 % par
rapport à 2007. Cependant, le dollar est passé, au cours de la même période, de
580 FC à 920 FC, soit une dépréciation de 58 %. De ce pourcentage, vous
enlevez celui de l’augmentation nominale, c.à.d. 7.7 %, ce fonctionnaire a subi
une perte de 50 % de son pouvoir d’achat initial. En valeur relative, son
salaire de 2011 ne vaut en réalité que 28 dollars amércains, c'est-à-dire 50 %
de ce qu’il touchait en dollars en 2007.
Comment le Président de la République
peut-il nous dire après cette démonstration que le pouvoir d’achat du Congolais
s’est amélioré ?
Par ailleurs, les inégalités sont très marquées. Environ 80 %
de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, qui est estimé à 2 dollars
américains par jour. Près de 44 % de femmes et
environ 22 % d’hommes n’ont aucun revenu. Les disparités régionales sont très
fortes avec un taux de chômage supérieur à 60 %, chômage qui affecte
essentiellement la population active de 18 à 35 ans. Les salaires et les
prestations sociales sont dérisoires dans tout le pays.
Je termine cet exercice douloureux en
posant la question de savoir :
- qu’en est-il des rémunérations des
militaires, des policiers et de tous ceux qui veillent pendant que nous
dormons ? Est-ce qu’on n’est pas en train de nous mettre en danger
quelque part ?
Nous voulons aussi aborder l’autre
question, peut-être que le Président de la République n’est pas informé,
qu’effectivement tous les congolais ont un accès difficile à la nourriture, à
l’eau, à l’électricité, aux soins de santé, à l’habitat. La situation s’est
d’avantage détérioré qu’il y a cinq ans !
En ce qui concerne l’eau et
l’électricité,
pendant que je m’entretiens avec vous ici à la Gombe, commune qui abrite les
sièges de la plupart des institutions nationales et internationales, il n’y a
ni eau, ni électricité ! Vous pouvez le vérifier par vous-mêmes, pour ne pas me
taxer de démagogue.
Le Président de la République,
sait-il qu’à Macampagne, un des quartiers résidentiels huppés de la
capitale, où habite son ministre de l’énergie, les résidents ont commencé à
creuser des bornes fontaines pour se procurer de l’eau ? C’est
inacceptable !
On peut détester le Président Mobutu
Sese Seko, parce que dictateur, mais Kinshasa n’avait jamais atteint ce niveau
de pénurie. Dans les hôpitaux comme Mama Yemo et autres, le manque d’eau et
d’électricité est à la base de l’augmentation du taux de mortalité,
surtout infantile. Il faudrait que le Président de la République, reconnaisse
que son bilan est totalement négatif.
Dans le secteur de la distribution de
l’électricité, l’augmentation du taux de desserte de 6 à 9 % qu’avance le
Président de la République n’est soutenue par aucun élément probant dans la
mesure où le délestage n’épargne aucun quartier de la capitale - y compris le
sien -, ni aucune autre ville du pays. Pour certains quartiers de la capitale,
il ne s’agit plus de délestage, mais des coupures qui durent trois à six
mois. Dans l’arrière pays, la situation est pire, dans certaines villes,
ils n’ont jamais vu le courant ; pour d’autres, ils en gardent des
vestiges d’il y a vingt ans.
Sur le plan des droits humains, je m’attendais à ce que le
Président de la République nous dise en sa qualité de magistrat suprême, qu’il
va effectivement peser de tout son poids :
- pour que Floribert Chebeya ait un
procès équitable,
- pour qu’on nous dise ce qu’est devenu
le corps de Fidèle Bazana,
- pour qu’on nous dise qui a tué Armand
Ntungulu,
- pour qu’on nous dise qui est l’auteur
du récent assassinat ignoble de l’opérateur économique propriétaire des Ets
City 11 à Bukavu,
- pour qu’on nous dise également le
sort réservé aux assassins de tous ces journalistes ;
- pour qu’on nous dise, quel est le
sort réservé, dans un pays qui se dit démocratique, à tous ces détenus
d’opinion ; les Mokia, Kuthino et bien d’autres qui sont à Makala
et dans d’autres prisons, à travers le pays !
En ce qui concerne la sécurité,
Les habitants de la
province orientale, qui continuent à subir les attaques de la LRA et même
parfois celles de nos propres soldats, se demandent si le chef de l’Etat a
encore la maitrise de la situation sur le terrain.
Bon nombre des habitants
du Nord et du Sud Kivu ont dû sursauter en entendant le Président de la
République déclarer que « le pays est presqu’entièrement pacifié,…..la
région des grands lacs a retrouvé la paix et la stabilité,… » Alors
que, non seulement ils vivent sous la psychose de la peur à cause des
opérations d’intégration non achevées, mais font aussi face à plusieurs armées.
Chaque minute qui passe, il y a une femme qui est violée. Et Madame Clinton,
Secrétaire d’Etat américain, dans sa dernière adresse à l’UA, n’a pas mâché ses mots en plaçant la RDC
parmi les 3 pays où la vie des femmes est en danger. La Rdc occupe, en effet la
2ème place après l’Afghanistan.
Malgré les différentes
opérations qui ne font que changer des noms, force est de constater que les
ex-interahamwe continuent à causer des malheurs au sein de la population
congolaise, mais aussi à contrôler les gisements miniers de cassitérite et
d’or.
En abordant les problèmes
de la réforme de l’armée, de la police et des services de sécurité, et en
affirmant que les libertés individuelles sont garanties ; et en citant
pour preuves, (1) le retour au pays des dignitaires mobutistes, (2) la
participation des tous aux élections,… ici, il y a une double
interrogation : de quelle armée, de quelle police, des quels services de
sécurité, parle le Président de la République ? Sait-il que
dans certains coins de la République, il y a des militaires qui se livrent à la
production des braises, du bois de chauffe pour survivre, quand ils ne peuvent
pas se payer sur la population ? Sait-il que les enfants des
militaires ne sont pas scolarisés ? Qu’ils n’ont pas accès aux soins de
santé et à un habitat humainement acceptable ?
De quelle réforme
parle-t-on quand on a une armée qui compte autant de généraux que des colonels,
bref, où il y a autant d’officiers que d’hommes des rangs ? Le chef
de l’Etat ignore-t-il que tous les militaires et les policiers commis à la
garde des édifices publics doivent rançonner les visiteurs, Congolais comme
Expatriés, qui veulent rencontrer les autorités ? Simplement parce
qu’abandonnés à eux-mêmes, ils sont souvent à la recherche des moyens de
survie !
Pas plus tard qu’il y a trois jours,
la ville de Bukavu était en alerte parce que les militaires avaient tiré.
Nous aurions souhaité entendre le
Président de la République dire à l’opinion nationale et internationale ce qui
s’est réellement passé dans cette ville. La violence continue à l’Est de la
République Démocratique du Congo où l’on viole, on pille, où l’on coupe les
routes en toute impunité.
Dans la capitale et dans les autres
villes, l’insécurité persiste. Elle ne saurait reculer tant qu’on
n’aborde pas le vrai problème, celui de la mise en place d’une armée où le
militaire sera réellement pris en charge et le policier mis dans des conditions
adéquates de travail.
Tolérance Zéro n’a été qu’un leurre.
Le Président de la République a dit
que les portes des prisons étaient ouvertes. Depuis le début de cette
législature, tous les gestionnaires ont été plébiscités, aucun cas de
détournement n’ayant été relevé, ni sanctionné.
En ce qui concerne la
décentralisation, le pays a reculé, le Président de la république ayant repris
toutes les prérogatives des assemblées provinciales, y compris celles de
révoquer le gouverneur de province. Nous comprenons que le Président de
la République, se soit gêné d’en faire mention, dans son adresse de Kingakati.
Si le Président de la République se
déplace la nuit, le pays est vraiment plongé dans le noir.
Monsieur le Président de la
République, j’ai entendu : « n’en déplaise à ceux pour qui il
fait nuit alors qu’il fait jour»,….
C’est à tomber à la renverse lorsque
tout le monde sait que le pays est au propre comme au figuré dans le noir. A
mon tour, Monsieur le Président de la République de vous dire, qu’il n’est pas
bon de faire croire au Peuple congolais qu’il est en plein jour, alors qu’on
l’a plongé dans une nuit qui se prolonge douloureusement. La nuit imposée au
peuple congolais, même si elle dure, finira par céder la place à la lumière du
jour, et c’est pour bientôt.
Cela ne dépend que du Peuple
congolais lui-même, lorsqu’il se sera doté d’un leadership apte à forger son
destin.
Mes chers compatriotes,
Nous n’allons pas finir cette adresse sur une note
sombre. Nous allons quand même féliciter le Président de la République,
car nous nous rendons du fait qu’il vient de découvrir que le Congo a vocation
à devenir très rapidement un pays émergent et à terme un pays développé. Le
Président de la République en a parlé dans son discours en mettant en exergue
les potentialités immenses dont dispose notre pays. Ceci a toujours été
notre vision quand nous comparons la Rdc au Brésil, et en disant que si le
miracle brésilien a pu s’opérer en 8 ans avec le Président Lula, le
miracle congolais peut s’opérer en 10 ans avec un leadership responsable.
Le destin d’un peuple, loin d’être un
cadeau de quiconque, est tributaire de sa foi en Dieu, en lui-même, et
tributaire de son travail.
Lorsque le Seigneur examine la terre afin d’y trouver
d’éventuels leaders, il ne cherche pas des Anges incarnés, encore moins des
hommes parfaits. Il cherche des hommes et des femmes comme vous et moi, de
simples êtres humains faits de chairs et de sang. Mais Il cherche aussi
certaines qualités chez eux, celles-là même qu’Il trouva chez David,
c’est-à-dire, la spiritualité qui engendre la foi, l’humilité et l’intégrité.
Voilà, comment Dieu a sorti David de la bergerie, pour en faire le roi
d’Israël. L’humilité c’est la marque des grands, car il n’y a que les grands
pour s’humilier. C’est ce que, pour notre part, nous faisons chaque jour, pour
arriver à la désignation du candidat commun de l’opposition. C’est dans cet
esprit que nous nous sommes rendus ce jour, au siège du Mlc, pour y déposer
formellement la lettre de demande de partenariat adressée à mon frère,
l’honorable Sénateur Jean-Pierre Bemba Gombo.
Dans cette œuvre de rassemblement de l’opposition, nous voulons adopter
la philosophie de Monsieur Deng Xiao Ping qui avait dit que, « pour faire 1.000
mètres, il faut commencer par faire le premier mètre ». C’est la
signification de l’acte que nous avons posé à l’adresse du Mlc. Et nous
espérons que toutes les autres forces de changement, de Fatima comme de
Sultani, vont se joindre à cette initiative pour répondre au vœu longtemps exprimé
par notre peuple, celui de nous voir aller aux élections, rangés en ordre de
bataille.
Je vous exhorte à ne pas baisser les bras, et à persévérer
dans le combat pour l’alternance en vue de l’instauration d’un leadership
nouveau.
Je vous remercie.
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