Nations unies
New York Mardi 20
septembre 2011
Bonjour.
Monsieur
le Secrétaire général, en notre nom à tous, je voudrais vous remercier d'avoir convoqué cette réunion afin
que nous puissions nous pencher sur une tâche qui doit nous être commune, celle
d'appuyer le peuple de la Libye alors qu'il bâtit un avenir libre, démocratique
et prospère. Et je voudrais remercier le
président du Conseil national de transition Jalil pour ses propos et pour tout
ce qu'il a accompli de pair avec le premier ministre Jibril pour aider la Libye
à arriver à ce stade.
À tous les chefs
d'État, à tous les pays représentés ici qui ont tant fait au cours des derniers
mois pour assurer l'avènement de ce jour, je voudrais aussi exprimer mes
remerciements.
Aujourd'hui, les
Libyens écrivent un nouveau chapitre dans la vie de leur nation. Après quatre
décennies de ténèbres, ils peuvent marcher dans les rues, libérés d'un tyran.
Ils font entendre leurs voix - dans de nouveaux journaux, à la radio et à la
télévision, sur les places publiques et dans des blogues personnels. Ils
lancent des partis politiques et des groupes civils pour se forger leur destin
et assurer leurs droits universels. Et ici, aux Nations unies, le nouveau
drapeau d'une Libye libre flotte aujourd'hui parmi ceux de la communauté des
nations.
Ne vous y trompez
pas, le mérite de la libération de la Libye revient à son peuple. Ce sont des
hommes, des femmes - et des enfants - libyens qui sont descendus dans les rues
pour une contestation pacifique, tenant tête aux blindés et essuyant les balles
des tireurs embusqués. Ce sont des combattants libyens, souvent mal armés et
peu nombreux, qui ont mené des batailles rangées, ville par ville, rue après
rue. Ce sont des militants libyens - dans le maquis, sur Internet et dans les
mosquées - qui ont maintenu l'élan de la révolution, même après qu'une partie
du monde eut perdu espoir.
Ce sont des femmes
et des filles libyennes qui ont hissé les drapeaux et fait clandestinement
passer des armes jusqu'aux lignes de front. Ce sont des Libyens dans des pays
du monde entier, dont le mien, qui sont rentrés précipitamment chez eux pour
apporter leur aide, sans égard au danger de brutalité et de mort qu'ils
couraient, eux aussi. C'est du sang libyen qui a été versé et ce sont les fils
et les filles de la Libye qui ont sacrifié leur vie. Et en un jour d'août -
après tous ces sacrifices et après 42 longues années - ce sont les Libyens qui
ont écarté leur dictateur du pouvoir.
En même temps, la
Libye représente une leçon sur ce que la communauté internationale peut réussir
lorsque nous sommes solidaires. Comme je l'ai dit au début de ce processus,
nous ne pouvons pas et ne devons pas intervenir à chaque fois qu'il existe une
injustice dans le monde. Il est cependant vrai aussi qu'à d'autres moments, le
monde aurait pu et aurait dû trouver la volonté de prévenir le meurtre
d'innocents à une échelle horrifiante. Et nous serons toujours hantés par les
atrocités que nous n'avons pas prévenues, par les vies que nous n'avons pas
sauvées. Mais cette fois, c'était différent. Cette fois-là, par le biais des
Nations unies, nous avons trouvé le courage et la volonté collective d'agir.
Quand l'ancien
régime a déchaîné sa campagne de terreur, menaçant de refouler la vague
démocratique qui balaie la région, nous avons agi - en tant que nations unies -
et nous avons agi rapidement, augmentant les sanctions et imposant un embargo
sur les armes. Les États-Unis ont pris la tête des efforts qui ont fait adopter
la résolution historique du Conseil de sécurité qui a autorisé la prise de «
toutes les mesures nécessaires » pour protéger le peuple libyen. Et quand un
massacre a menacé la population civile de Benghazi, nous avons exercé
l'autorité qu'elle nous a conférée. Notre coalition internationale a barré la
route au régime, sauvé d'innombrables vies, et donné aux citoyens libyens le
temps et l'espace qu'il leur fallait pour prévaloir.
Il est important
aussi que cet effort soit couronné de succès - avec le concours des
responsables et les contributions de nombreux pays. Les États-Unis sont fiers
d'avoir joué un rôle décisif, notamment dans les premiers jours, et depuis, en
capacité de soutien. Mais rappelons-nous aussi que c'était la Ligue arabe qui
avait appelé à l'action ; que c'était l'alliance la plus efficace du monde, en
l'occurrence l'OTAN, qui a dirigé une coalition militaire comptant près de 20
nations ; que c'étaient nos alliés européens, et en particulier le Royaume-Uni,
la France, le Danemark et la Norvège - qui ont mené la grande majorité des
frappes aériennes destinées à protéger les rebelles sur le terrain. Et que
c'étaient des pays arabes qui se sont joints à la coalition en partenaires
égaux. Et que c'étaient les Nations unies et les pays voisins, dont la Tunisie
et l'Égypte, qui ont pris soin des Libyens dans le cadre d'une initiative
humanitaire urgente qui se poursuit encore aujourd'hui.
C'est ainsi que la
communauté internationale doit opérer au XXIe siècle - un ensemble plus grand
de pays qui partagent le fardeau de la responsabilité et des coûts nécessaires
pour relever les défis mondiaux. C'est en effet le dessein même de ces Nations
unies. C'est pourquoi chaque nation représentée ici aujourd'hui peut tirer
fierté des vies innocentes que nous avons sauvées et de l'aide fournie aux
Libyens pour qu'ils reprennent en main leur pays. C'était la chose juste à
faire.
Aujourd'hui, à
l'heure même où nous parlons, des éléments résiduels de l'ancien régime
continuent de se battre. Des jours difficiles nous attendent encore. Mais une
chose est claire - l'avenir de la Libye est maintenant entre les mains de son
peuple. Car ainsi qu'ils ont fait tomber le vieil ordre, les Libyens seront
aussi ceux qui bâtiront leur nouvelle nation. Et nous sommes venus ici
aujourd'hui pour dire au peuple libyen : ainsi que le monde s'est tenu à vos
côtés dans votre lutte pour la liberté, nous nous tiendrons à vos côtés dans
votre lutte pour concrétiser la paix et la prospérité que la liberté peut
apporter.
Dans cet effort,
vous trouverez un ami et un partenaire dans les États-Unis d'Amérique.
Aujourd'hui, je suis en mesure d'annoncer que notre ambassadeur rentre à
Tripoli. Et cette semaine, le drapeau américain, qui avait été abaissé avant
que notre ambassade soit attaquée, va être hissé à nouveau sur une ambassade
rouverte. Nous œuvrerons étroitement avec la nouvelle Mission d'appui des
Nations unies en Libye et avec les nations réunies ici aujourd'hui pour aider
le peuple libyen dans la tâche difficile qui l'attend.
Premièrement, et
très immédiatement, la sécurité. Tant que les Libyens seront menacés, la
mission de l'OTAN chargée de les protéger se poursuivra. Ceux qui continuent à
résister doivent comprendre que l'ancien régime est fini et qu'il est temps de
déposer les armes et de rejoindre la Libye nouvelle. Dans le même temps, le
monde doit appuyer les actions visant à récupérer les armes dangereuses --
classiques et autres -- et à amener les combattants à se placer sous le
contrôle du pouvoir civil central. Car en l'absence de sécurité, la démocratie,
le commerce et les investissements ne peuvent pas s'épanouir.
Deuxièmement,
l'action humanitaire. Le Conseil national de transition s'est rapidement
employé à rétablir l'approvisionnement en eau, en électricité et en nourriture
à Tripoli. Mais pour de nombreux Libyens, chaque jour reste un combat - pour se
remettre de leurs blessures, retrouver leur famille et regagner leurs foyers.
Même quand toutes les armes se seront tues, les ravages de la guerre
persisteront. Dès lors, les efforts déployés en vue de secourir les victimes
devront persister eux aussi. À cet égard, les États-Unis -- les Nations unies
joueront un rôle clé. Et avec leurs partenaires, les États-Unis feront leur
part pour aider ceux qui ont faim et ceux qui sont blessés.
Troisièmement, une
transition démocratique pacifique, participative et juste. Le président Jalil
vient de réaffirmer l'attachement du Conseil national de transition à ces
principes, et l'ONU tiendra un rôle central dans la coordination du soutien
international à cette entreprise. Nous savons tous ce qui est nécessaire : une
transition qui ne s'éternise pas ; des nouvelles lois et une nouvelle
constitution respectueuses de l'État de droit ; des partis politiques et une
société civile robuste ; et, pour la première fois dans l'histoire de la Libye,
des élections libres et justes.
Cela dit, la vraie
démocratie ne peut procéder que des citoyens. Quand les Libyens, à juste titre,
cherchent à obtenir justice pour les crimes du passé, qu'ils le fassent dans un
esprit de réconciliation, et non de représailles et de violence. Quand les
Libyens puisent leur courage dans leur foi, dans leur religion ancrée dans la
paix et la tolérance, qu'ils rejettent l'extrémisme violent, qui n'a rien
d'autre à offrir que la mort et la destruction. Quand les Libyens se mettent à
reconstruire, qu'ils fassent appel à l'expérience de tous ceux qui ont les
compétences voulues, ce qui est le cas de beaucoup d'Africains en Libye. Et
quand les Libyens forgent une société véritablement juste, qu'ils veillent à ce
qu'elle incarne les droits et le rôle des femmes à tous les niveaux de la
société. Car nous savons que les pays qui respectent les droits de toute leur
population -- en particulier des femmes -- sont en fin de compte ceux qui
connaissent le plus de succès et qui sont les plus prospères.
Voilà qui m'amène
au dernier domaine dans lequel la communauté mondiale doit se montrer solidaire
de la Libye : celui du rétablissement de la prospérité. Pendant trop longtemps,
les vastes richesses de la Libye ont été subtilisées et gaspillées. Maintenant,
cette richesse doit servir à son titulaire légitime, à savoir le peuple libyen.
Avec la levée des sanctions, le dégel des avoirs libyens par les États-Unis et
la communauté internationale et le rétablissement de la production pétrolière
du pays, le peuple libyen mérite un gouvernement qui soit transparent et qui
lui rende des comptes. Et liés par les étudiants et entrepreneurs libyens qui
ont forgé des amitiés dans notre pays, les États-Unis construiront de nouveaux
partenariats pour aider la Libye à réaliser son potentiel extraordinaire.
Rien de tout cela
ne sera facile. Après des décennies d'un règne de fer par un seul homme, la
construction des institutions nécessaires à une Libye libre prendra du temps.
Il y aura des jours de frustration ; des jours où le progrès sera lent ; le
jour où d'aucuns regretteront l'ordre d'antan et son illusion de stabilité. Et
d'aucuns se demanderont peut-être : la Libye peut-elle réussir ? Mais si nous
avons appris quelque chose ces derniers mois, c'est qu'il ne faut pas
sous-estimer les aspirations et la volonté des Libyens.
Pour conclure, je
voudrais m'adresser directement au peuple de la Libye. Sans doute, la tâche qui
vous attend est nouvelle, et la route semée d'embûches. Mais tout ce dont vous
avez besoin pour construire l'avenir que vous cherchez bat dans le cœur de
votre nation. C'est ce même courage à l'état brut dont vous vous êtes armés ce
premier jour du mois de février. Cette même volonté de fer qui vous a fait
revenir le lendemain et le surlendemain, même quand vous aviez perdu des
membres de votre famille et des amis. Cette même détermination inébranlable
avec laquelle vous avez libéré Benghazi, mis fin au siège de Misrata et
combattu dans les plaines sur la côte et les montagnes à l'ouest. C'est cette
même conviction indéfectible qui dit -- pas question de faire marche arrière ;
nos fils et nos filles méritent d'être libres.
Dans les jours qui
ont suivi la chute de Tripoli, le peuple était en liesse dans les rues et il a
médité sur la route qui l'attend. Et un Libyen a dit : « Nous avons maintenant
une chance de faire quelque chose de bien pour notre pays, une chance dont nous
avons tant rêvé. » Au peuple de Libye, je dis : votre chance est là. Et
aujourd'hui, le monde dit, d'une seule voix et sans ambiguïté : nous serons à
vos côtés quand vous saisirez ce moment de promesse, quand vous chercherez à
saisir la liberté, la dignité et les possibilités que vous méritez.
Alors, toutes mes
félicitations. Et merci beaucoup à vous tous.
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