A
vous Prêtres de Dieu
A
vous Religieuses du Christ
A
vous Collaborateurs Laïcs
A
vous Fidèles et bien aimés de Dieu,
«
La paix du Christ Ressuscité soit avec vous ». C’est de tout coeur et en
qualité de votre Pasteur que je vous adresse cette salutation dans toute sa
fraicheur ».
En
ce temps d’épreuve et de désolation j’ai estimé opportun de vous lancer ce
message pour exprimer ma proximité et assurer de ma constante prière. Oui,
lorsque la paix du Christ ressuscité envahit le coeur, la vie reprend une
nouvelle splendeur.
DE
DESOLATION, RELEVONS LA TETE’’
Le
temps que nous traversons est morose mais s’abimer d’inquiétude n’a jamais été
un chemin d’Evangile. Bâtir la foi sur la tristesse serait édifié la maison sur
le sable.
La
paix qui vient du Christ est celle des profondeurs qui rend plus léger pour
reprendre la route même lorsque l’échec ou les découragements pèsent sur les
épaules.
Seigneur
en dépit de tout garde nous dans la joie, la simplicité et la miséricorde. (Cf.
Fr. Roger de Taizé.)
En
situation de peur et d’incertitude, il est des présences que l’on voudrait
retenir. Encore sous le choc du vendredi, les Apôtres ont connu la présence du
Ressuscité et ils auraient bien voulu retenir leur Maître. Mais celui-ci leur
dit et dit à un chacun : « ne soyez pas bouleversés, je m’en vais et reviens
vers vous ».
(Jn
14,1-3)
Oui
Seigneur, en ce temps de détresse qui perdure, ma supplication est toujours la
même pour tous les habitants de ce Diocèse : « Qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient
en abondance »
(Jn
10,10).
1.
La physionomie actuelle du Diocèse de Goma est épouvantable. C’est de toutes
les paroisses que je reçois des cris d’alarme faisant état d’accrochages, d’assassinats,
de pillages, de vols armés… Le grand nombre des milices et des groupes armés
sèment la terreur particulièrement dans les milieux ruraux à telle enseigne que
bien des activités pastorales s’en trouvent sérieusement bloquées.
Il
y a des paroisses où ni les prêtres ni les watumishi ne peuvent circuler
librement en raison des multiplicités de barrières et de la circulation des
jeunes guerriers qui parfois sous l’effet des stupéfiants, effarouchent tout passant
en exigeant de l’argent et en proférant des menaces de mort …
Beaucoup
de cultivateurs et surtout les mamans n’osent plus aller dans les champs de
peur d’être sauvagement violées.
2.
Des écoliers et d’autres jeunes non scolarisés sont condamnés au vagabondage et
deviennent parconséquent des victimes faciles d’enrôlement forcé dans les
groupes armées ; c’est là qu’on leur « arrache leur enfance » pour leur
apprendre à tuer, il y en a
aussi
qui s’enfoncent dans les carrières minières dont la plupart constituent des «
lieux du vice ».
Il
ne se passe pas une semaine sans que j’apprenne que tel ou tel village a été
incendié, le bétail emporté, des morts, des blessés. Les cadavres jonchent
souvent les sentiers. Dans la fuite les membres de famille n’ont pas la
possibilité d’organiser un minimum des funérailles
décentes.
3.
Lors de l’une de mes visites dans la Paroisse de Matanda, juste avant de
reprendre le chemin de retour sur Goma, un homme tenant un bébé (2 mois) dans
ses bras m’aborde en me suppliant de faire quelque chose pour son enfant qu’il
venait de récupérer du dos de sa maman abattue par un inconnu.
Avec
l’aide des Soeurs Carmélites de la Paroisse, l’enfant a été confié à une jeune
maman qui avait déjà son bébé (1 mois) pour l’allaiter et s’en occuper
entièrement moyennant l’assistance de l’économat général. Non, il se passe
actuellement des choses horriblement inintelligibles.
4.
Dans certains coins, c’est le virus du tribalisme (ubaguzi) qui est apparu et
qui fait rage. Des milices s’adonnent allégrement à la chasse de tous ceux qui
ne sont pas de leur ethnie provoquant ainsi des déplacements massifs de
familles entières vers l’inconnu.
Disons-le
dès à présent : Aussi longtemps qu’il y aura « LES
AUTRES » opposés à
«
UN NOUS », nous pouvons être certains que, l’Evangile de Jésus Christ n’a pas
encore atterri et pénétré dans la terre de notre coeur. »
Il
s’agit de considérer l’autre (peu importe son appartenance tribale) non pas
comme une menace mais comme possibilité de découvrir que le « NOUS » par lequel
nous nous reconnaissons et qui nous donne une identité est beaucoup plus ample,
plus étendu, plus riche que nous ne saurions l’imaginer. Nous avons tous été
façonnés dans le même moule du Créateur et tout acte ou comportement de rejet
de l’autre est un affront à Dieu.
Aussi
longtemps que nous avons besoin de cataloguer certains comme n’appartenant pas
« AUX NOTRES », notre foi en Dieu s’en trouve chancelante et n’est par conséquent
pas à même de poser le regard de Dieu sur le monde : car le « vous êtes tous
des frères » (Mt 23,8)
recommandé
par Jésus lui-même est à prendre au sérieux.
5.
L’abominable manie de prendre en otage des personnes pour exiger des rançons
est devenue monnaie courante.
A
l’heure actuelle, les enlèvements enregistrés par nous en territoire de
Rutshuru se succèdent en cascade de la manière suivante :
-
Le mardi 23 avril 2013 Monsieur Roch NZABANDORA, directeur technique affecté
à la Centrale Hydroélectrique de Rutshuru.
-
Le mardi 30 avril 2013 Monsieur Jean Baptiste KASEREKA, secrétaire à la
Paroisse Saint Aloys de Rutshuru.
-
Le dimanche 5 mai 2013 Monsieur Gratien BAHATI Conseiller d’enseignement
primaire de la Paroisse Saint Aloys de Rutshuru. Ce sont là des actes barbares
que nous condamnons énergiquement car ils avilissent l’oeuvre de Dieu.
6.
Eu égard à cette situation accablante que je déplore profondément, en ce qui
concerne la pastorale sacramentaire et bien d’autres points, j’ai pris les dispositions
suivantes :
-
Il est interdit de conférer les sacrements en masse à des personnes qui
se présentent comme « milices », « groupes armés ».
-
Pour tous les sacrements, il faut appliquer les directives et les instructions
prévues au diocèse. A exclure toute précipitation; les motifs d’urgence ou même
souvent ceux de perte de pièces sont à examiner sérieusement, je recommande
à tous les curés d’user de la fermeté en se conformant aux exigences et
conditions requises. La situation de la guerre n’est pas une raison pour céder
à un laisser aller susceptible de DEVALORISER LA VIE SACREMENTAIRE.
-
Il est interdit de garder le Saint Sacrement dans les succursales de
secteur et partout ailleurs en dehors de la paroisse. Cela pour éviter la
profanation des Saintes espèces.
-
Il est interdit de mettre les infrastructures paroissiales à la
disposition de tout rassemblement à caractère belliqueux.
-
Il est interdit de s’immiscer dans des affaires de nature à compromettre
inutilement la vie des personnes et à perturber les activités pastorales.
-
Il est interdit d’hypothéquer ou de mettre en vente les avoirs
immobiliers, fonciers ou autres appartenant au Diocèse. Les dettes contractées
sans l’autorisation de l’économat général n’engagent pas le Diocèse et en cas d’insolvabilité
le débiteur assumera seul sa responsabilité.
-
Les temps sont durs pour tous, mais redoublons d’efforts car un climat
constant d’insécurité, de menaces, et de rumeurs qui charrient des soupçons de
tout genre peuvent sérieusement porter atteinte à la sérénité dans les
communautés.
7.
Que fait le Diocèse ?
Devant
l’ampleur de la tâche, le diocèse concentre son Action sur trois axes.
-
L’axe d’assistance humanitaire : La Caritas Développement par ses
différentes oeuvres sociales arrive encore à sillonner le diocèse en
distribuant, selon les moyens, des vivres et non vivres; les formations
sanitaires reçoivent des produits pharmaceutiques et se mettent à la
disposition des gens dans le cadre de l’écoute pour une population traumatisée
et aux prise avec toutes sortes des problèmes d’ordre psycho somatique.
-
L’axe Justice et Paix : Il organise des ateliers d’analyse de réflexion
sur différents thèmes visant spécialement les mobiles de cette guerre et cherchant
des pistes de solutions. Pour l’avènement d’une paix durable. Bien d’organismes
tant nationaux qu’étrangers apportent aussi leur contribution dans ce sens.
-
L’axe socio-spirituel : Les membres d’ASUMA-USUMA ses mobilisent pour
une action centrée sur des visites, une aide matérielle (selon les
possibilités) et une animation spirituelle spécialement dans les camps des
déplacés aux abords de Goma.
Toutes
les communautés paroissiales de l’intérieures sont engagées dans ce sens en organisant
une pastorale de prières, d’adoration, de neuvaines ainsi que d’autres actes de
dévotion autorisés.
8.
Tous
nos remerciements aux Evêques membres de la CENCO pour leur solidarité et leur
proximité dans les encouragements qu’ils ont adressés aux habitants de la Province
du Nord-Kivu en ces termes : « Chers Frères et Soeurs, Les difficultés même les
plus graves ne doivent pas nous jeter dans le désespoir et dans la résignation.
Confiants
en Dieu, source de toute paix véritable et grâce à un sursaut patriotique,
relevons nos têtes et dressons nos fronts ».
-
En ce temps de grande détresse, comptons toujours sur la grâce du Seigneur
et assurons à la vie communautaire ses assises habituelles que sont principalement:
l’Eucharistie, la prière, les activités ordinaires de la pastorale (ce qui est
possible), l’unité de l’équipe sacerdotale et la joie d’être et de rester au
service de l’Eglise quoi qu’il arrive.
En
cette période d’affliction et de confusion, le disciple de Jésus est
constamment appelé à faire murir les « OUI » inconditionnels à la vie, en les nourrissant
et en les fortifiant par les inévitables et nécessaires « NON » pour la vie. C’est à l’école
du Seigneur Jésus qu’on apprend la vraie liberté.
Est
libre quiconque a la capacité non seulement de dire « OUI » mais aussi « NON »
à l’exemple de Jésus lui-même.
CONCLUSION
:
Frères
et Soeurs bien aimés, Aujourd’hui, tout peut paraitre chaotique, voire absurde
mais l’Esprit atteste que dans les entrailles de la RD Congo le Seigneur a
déclenché ‘’ des temps nouveaux ‘’.
La
déception et le désarroi peuvent bien nous menacer mais l’Esprit demeure au
coeur du temps. Cet Esprit, grande respiration de Dieu portera jusqu’à nous la
saveur de la terre nouvelle. COURAGE. Que la Très Sainte Vierge Marie, Notre-Dame
du Congo et Reine de la Paix obtienne à notre pays et à tous se habitants la
grâce de l’unité et de la paix.
Tenons
bon dans la Foi.
Fait à Goma, le 6 mai 2013
Mgr Théophile Kaboy
Evêque de Goma
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