Les militaires de l'armée congolaise qui
ont pris part à une mutinerie entre la fin mars et le mois de mai et ont formé
le groupe M23, avaient auparavant été membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un ancien
groupe rebelle soutenu par le Rwanda qui
a été intégré dans l'armée congolaise en janvier 2009.
Le général Ntaganda a pris la tête de
cette mutinerie suite aux tentatives du gouvernement congolais d'affaiblir son
pouvoir et aux appels de plus en plus nombreux en faveur de son arrestation et
de son transfert devant la CPI, conformément à l'obligation légale de la RD
Congo de coopérer avec la Cour. Il
a été rejoint par environ 300 à 600 hommes dans le territoire de Masisi,
dans la province du Nord-Kivu. Les forces de Ntaganda ont été vaincues et repoussées hors de Masisi par
l’armée congolaise au début du mois de mai. À peu près au même moment, le
colonel Makenga, ancien camarade de Ntaganda au sein du CNDP, a annoncé le
déclenchement d'une autre mutinerie dans le territoire de Rutshuru. Les
jours suivants, Ntaganda et ses forces ont rejoint Makenga.
Le nouveau groupe armé s'est appelé le M23.
Les militaires ont affirmé que leur mutinerie visait à protester contre le fait
que le gouvernement congolais n'avait pas pleinement mis en œuvre l'accord de
paix du 23 mars 2009 (d'où le nom de M23), en vertu duquel ils avaient été
incorporés dans l'armée congolaise.
Certains
des officiers du M23 ont des antécédents bien connus d’atteintes graves aux
droits humains commises au cours des dix dernières années dans l’est de la RD
Congo, incluant des massacres à caractère ethnique, le recrutement forcé d’enfants, des viols généralisés, des meurtres, des enlèvements, et des tortures, commis par
ces individus au gré de leurs passages d'un groupe armé à l'autre. Avant les mutineries, au moins cinq des
chefs actuels du M23 figuraient sur une liste noire de l'ONU comprenant des
personnes avec qui l'Organisation ne coopérerait pas, en raison de leurs
antécédents en matière de droits humains.
Bosco
Ntaganda est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI depuis 2006 pour crimes
de guerre, pour avoir recruté et utilisé des enfants soldats en 2002 et 2003
dans le district d'Ituri, dans le nord-est de la RD Congo. En juillet, la Cour a émis un second mandat
contre lui pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, en l'occurence
des meurtres, des persécutions pour motifs
ethniques, des viols, de l'esclavage sexuel, et des pillages, également en
rapport avec ses activités en Ituri. Le 4 septembre, la CPI a renouvelé
sa demande au gouvernement congolais d'une arrestation immédiate de Ntaganda et
de son transfert à La Haye. Human Rights Watch a documenté de nombreux crimes de guerre et crimes contre l'humanité
commis par les troupes commandées par Ntaganda depuis son passage de l'Ituri au
Nord-Kivu en 2006.
Selon des recherches effectuées par les enquêteurs de l'ONU en matière de droits humains et par Human Rights Watch, le colonel Makenga est responsable de recrutement d'enfants et de plusieurs massacres commis dans l'est de la RD Congo; le colonel Innocent Zimurinda est responsable de massacres à caractère ethnique à Kiwanja, à Shalio et à Buramba, ainsi que de viols, de tortures et du recrutement d'enfants; le colonel Baudouin Ngaruye est responsable d'un massacre à Shalio, du recrutement d'enfants, de viols et d'autres attaques contre des civils; et le colonel Innocent Kayna est responsable de massacres à caractère ethnique en Ituri et du recrutement d'enfants.
Selon des recherches effectuées par les enquêteurs de l'ONU en matière de droits humains et par Human Rights Watch, le colonel Makenga est responsable de recrutement d'enfants et de plusieurs massacres commis dans l'est de la RD Congo; le colonel Innocent Zimurinda est responsable de massacres à caractère ethnique à Kiwanja, à Shalio et à Buramba, ainsi que de viols, de tortures et du recrutement d'enfants; le colonel Baudouin Ngaruye est responsable d'un massacre à Shalio, du recrutement d'enfants, de viols et d'autres attaques contre des civils; et le colonel Innocent Kayna est responsable de massacres à caractère ethnique en Ituri et du recrutement d'enfants.
Ntaganda et Zimurinda figurent également
tous deux sur une liste de personnes sous le coup de sanctions du Conseil de
sécurité des Nations Unies. Sous ce régime de sanctions de l'ONU, tous les
États membres, y compris le Rwanda, ont l'obligation de « prendre les mesures
nécessaires pour empêcher l'entrée ou le transit sur leur territoire de toute personne
»
figurant sur cette liste. Or Ntaganda et Zimurinda se sont tous deux rendus au Rwanda depuis avril, selon des informations données à Human Rights Watch par d'anciens combattants du M23 qui accompagnaient Ntaganda et des personnes qui étaient présentes lors de réunions auxquelles Zimurinda a participé au Rwanda.
figurant sur cette liste. Or Ntaganda et Zimurinda se sont tous deux rendus au Rwanda depuis avril, selon des informations données à Human Rights Watch par d'anciens combattants du M23 qui accompagnaient Ntaganda et des personnes qui étaient présentes lors de réunions auxquelles Zimurinda a participé au Rwanda.
Publiquement, le M23 soutient que Ntaganda
n'appartient pas au mouvement. Mais plusieurs dizaines de combattants, anciens
ou actuels, du M23 et d'autres personnes proches de la hiérarchie du groupe ont
affirmé à Human Rights Watch que Ntaganda jouait un rôle important de
commandement et de direction au sein des rebelles du M23, opérant
principalement dans la région de Runyoni, et qu'il participait régulièrement à
des réunions avec le haut commandement du M23 et des officiers de l'armée
rwandaise.
Les mêmes personnes ont indiqué à Human
Rights Watch qu'il existait des tensions entre Ntaganda et Makenga en raison de
désaccords passés au sujet du putsch mené en 2009 par Ntaganda contre le dirigeant
du CNDP de l'époque, Laurent Nkunda. Mais ces divergences, ont-elles affirmé,
ont été mises de côté pour se concentrer sur la rébellion contre l'armée
congolaise. Un combattant du M23 a ainsi expliqué la situation à Human Rights
Watch:
« Beaucoup d'entre nous ont de mauvais souvenirs de Ntaganda…mais nous devons nous occuper en priorité de la guerre contre les FARDC [l'armée congolaise]. La guerre contre Ntaganda viendra après. » Depuis juillet, Ntaganda semble avoir adopté un profil bas et, selon des membres du M23 qui ont fait défection interrogés par Human Rights Watch, il bénéficie d'une protection rapprochée avec des dizaines de gardes du corps.
Meurtres et viols commis par les forces du M23
« Beaucoup d'entre nous ont de mauvais souvenirs de Ntaganda…mais nous devons nous occuper en priorité de la guerre contre les FARDC [l'armée congolaise]. La guerre contre Ntaganda viendra après. » Depuis juillet, Ntaganda semble avoir adopté un profil bas et, selon des membres du M23 qui ont fait défection interrogés par Human Rights Watch, il bénéficie d'une protection rapprochée avec des dizaines de gardes du corps.
Meurtres et viols commis par les forces du M23
Les enquêtes de Human Rights Watch ont
révélé que des combattants du M23 ont délibérément tué au moins 15 civils, en
ont blessé 14 autres et ont violé au moins 46 femmes et filles dans des zones
qu'ils contrôlent, en juin, juillet et août. Au moins 13 des victimes de ces
viols étaient des enfants. Certains de ces civils ont été attaqués parce qu'ils
résistaient au recrutement forcé ou refusaient de donner de la nourriture au
M23. D'autres ont été visés parce qu'ils étaient soupçonnés d'être hostiles au
M23 ou s'étaient enfuis vers des zones contrôlées par le gouvernement et
essayaient de revenir chez eux pour trouver de la nourriture.
Au mois de juin, par exemple, des combattants du M23 ont tué un homme de 50 ans d'ethnie hutue, Nsabimana Rwabinumwe, qui s'était enfui lorsque les M23 étaient arrivés dans son village mais était revenu à son champ pour chercher de la nourriture. Un ami qui l'a enterré a déclaré à Human Rights Watch: “Ils [les combattants du M23] l'ont frappé derrière la tête avec une houe … Quand vous quittez les zones contrôlées par le gouvernement et revenez, ils vous punissent … Ils ont tué [mon ami] parce qu'il était allé en zone gouvernementale.”
Au mois de juin, par exemple, des combattants du M23 ont tué un homme de 50 ans d'ethnie hutue, Nsabimana Rwabinumwe, qui s'était enfui lorsque les M23 étaient arrivés dans son village mais était revenu à son champ pour chercher de la nourriture. Un ami qui l'a enterré a déclaré à Human Rights Watch: “Ils [les combattants du M23] l'ont frappé derrière la tête avec une houe … Quand vous quittez les zones contrôlées par le gouvernement et revenez, ils vous punissent … Ils ont tué [mon ami] parce qu'il était allé en zone gouvernementale.”
Début août, un couple âgé qui vivait près
de Runyoni a quitté sa maison pour fuir vers les secteurs contrôlés par le
gouvernement, mais un groupe de combattants du M23 l'a arrêté. Les combattants
du M23 ont saisi la femme et lui ont arraché ses vêtements. Son mari a tenté de
la protéger mais plusieurs combattants ont commencé à frapper cet homme de 60
ans avec leurs fusils, pendant que d'autres violaient sa femme à tour de rôle.
L'homme a perdu connaissance en voyant sa femme violée. Plus tard, il a été
emmené à l'hôpital où il a dit à des proches: « Je veux mourir. Je n'ai aucun
désir de vivre après ce que j'ai vu. Seuls des animaux ont pu faire cela. »
Deux semaines plus tard, il a succombé à ses blessures.
Une fille de 15 ans de Muchanga a raconté
à Human Rights Watch que le 10 juillet, alors qu'elle se rendait avec sa mère
et sa jeune soeur vers leur champ, un combattant du M23 s'est approché et leur
a demandé de l'argent. Elles lui ont donné l'argent qu'elles avaient sur elles
et qu'elles économisaient pour payer des frais de scolarité, et l'homme leur a
ordonné de se coucher sur le sol. « D'abord, il a laissé partir ma mère et
ma petite soeur en leur disant de courir vite. Je suis restée seule avec lui.
Il m'a emmenée à 500 mètres du champ et m'a
violée. »
Le 24 août, deux combattants du M23 ont
violé une fillette de 12 ans. Ils ont fait irruption chez elle, ont menacé sa
mère et sa tante et ont ordonné à la fillette de sortir. Ils l'ont violée
collectivement à quelques mètres de la maison, près des latrines de la famille.
« [Elle] souffrait beaucoup, elle criait très fort mais ces criminels n'ont eu
ni coeur ni pitié pour qui que ce soit, » a déclaré un témoin à Human Rights
Watch. « Ils ont continué à la violer jusqu'à ce qu'ils soient satisfaits. »
En plus des 15 civils tués froidement par
le M23, au moins 25 autres ont été tués en juillet pendant des combats entre le
M23 et ses partisans d'un côté et les militaires de l'armée congolaise et les
Casques bleus de l'ONU de l'autre. Au moins 36 autres civils ont été blessés.
Dans de nombreux cas, ni les M23 ni l'armée congolaise n'ont fait suffisamment
d'efforts pour éviter des morts de civils ou pour permettre aux civils de fuir
de manière sûre la zone des combats.
Soutien rwandais au M23
Soutien rwandais au M23
En juillet, plusieurs centaines de
militaires de l'armée rwandaise, et peut-être encore plus, ont été déployés
dans l'est de la RD Congo pour aider le M23 à s'emparer de la ville frontalière
stratégique de Bunagana, de la base militaire de Rumangabo, des villes de
Rutshuru, Kiwanja, et Rugari, et des zones environnantes. Des résidents de la
région et d'ex-soldats du M23 qui ont fait défection ont fait état de
déploiements préalables d'éléments de l'armée rwandaise, lors desquels les
militaires rwandais pénétraient en RD Congo pour de brèves périodes pour
soutenir le M23 dans des batailles importantes, se retiraient, puis revenaient
si nécessaire. Un officier des forces de maintien de la paix de l'ONU dans le
Nord-Kivu a confirmé ces brusques montées de soutien pour le M23. Il a dit à
Human Rights Watch:
« Chaque fois que [le M23] entreprend une grosse offensive, il dispose de forces d'appoint. »
Des résidents locaux et des combattants du M23 qui se sont échappés ont indiqué à Human Rights Watch que les 5 et 6 juillet, lors d'une attaque contre Bunagana, plusieurs centaines de militaires de l'armée rwandaise appartenant à la division du général Emmanuel Ruvusha stationnée à Gisenyi (nord-ouest du Rwanda), ont été déployés dans la région pour renforcer le M23. Des transfuges ont affirmé à Human Rights Watch qu'ils avaient reconnu les officiers de la division. Les rebelles du M23 ont coordonné avec les forces rwandaises leur offensive contre l'armée congolaise qui était appuyée par les Casques bleus de l'ONU.
« Chaque fois que [le M23] entreprend une grosse offensive, il dispose de forces d'appoint. »
Des résidents locaux et des combattants du M23 qui se sont échappés ont indiqué à Human Rights Watch que les 5 et 6 juillet, lors d'une attaque contre Bunagana, plusieurs centaines de militaires de l'armée rwandaise appartenant à la division du général Emmanuel Ruvusha stationnée à Gisenyi (nord-ouest du Rwanda), ont été déployés dans la région pour renforcer le M23. Des transfuges ont affirmé à Human Rights Watch qu'ils avaient reconnu les officiers de la division. Les rebelles du M23 ont coordonné avec les forces rwandaises leur offensive contre l'armée congolaise qui était appuyée par les Casques bleus de l'ONU.
Des soldats du maintien de la paix de
l'ONU, qui étaient présents pendant cette offensive, ont raconté à Human Rights
Watch que les forces ayant attaqué Bunagana étaient bien équipées et parlaient
anglais, et que leur comportement était très différent de celui des militaires
congolais, ce qui les portait à croire que des militaires rwandais se
trouvaient parmi les assaillants.
De nombreux militaires de l'armée rwandaise déployés en appui du M23 passaient directement du Rwanda en RD Congo, empruntant divers sentiers, notamment près de Njerima et de Kanyanje. D'autres seraient passés par le territoire de l'Ouganda pour pénétrer en RD Congo, notamment par un sentier situé du côté ougandais du volcan Sabyinyo. Des soldats du M23 ayant fait défection et des résidents de la région ont affirmé à Human Rights Watch que des militaires rwandais avaient fait des incursions en territoire ougandais et utilisé des véhicules ougandais pour entrer en RD Congo.
De nombreux militaires de l'armée rwandaise déployés en appui du M23 passaient directement du Rwanda en RD Congo, empruntant divers sentiers, notamment près de Njerima et de Kanyanje. D'autres seraient passés par le territoire de l'Ouganda pour pénétrer en RD Congo, notamment par un sentier situé du côté ougandais du volcan Sabyinyo. Des soldats du M23 ayant fait défection et des résidents de la région ont affirmé à Human Rights Watch que des militaires rwandais avaient fait des incursions en territoire ougandais et utilisé des véhicules ougandais pour entrer en RD Congo.
Des Congolais et des Rwandais, y compris
des autorités locales vivant près de la frontière rwando-congolaise, ont
également indiqué à Human Rights Watch qu'ils avaient vu des militaires
rwandais en grand nombre traverser la frontière du Rwanda vers la RD Congo en
juin, juillet, et août. Plus tard, ils avaient aussi vu des militaires rwandais
repasser la frontière en sens inverse.
Début juillet, juste avant que les
rebelles du M23 attaquent Bunagana avec l'appui de troupes rwandaises, un
agriculteur congolais du mont Hehu, près de Kibumba, rendait visite à un ami à
Kasizi, au Rwanda, quand il a été réquisitionné par des militaires rwandais et
obligé de porter des caisses de munitions.
Il a dit à Human Rights Watch qu'il avait
compté sept camions de l'armée pleins de militaires rwandais, d'armes, et de
munitions. « Les militaires nous ont emmenés, moi, mon ami et d'autres
civils…et nous ont forcés à transporter des caisses de munitions à Njerima
[près de la frontière du Congo]. J'ai été obligé de faire trois voyages, puis
j'ai réussi à m'échapper. Les soldats étaient bien armés et en uniforme
militaire. …J'ai demandé où nous allions à un soldat qui marchait à côté de
moi. Il m'a répondu qu'ils allaient combattre au Congo. »
Fin juillet, des Congolais vivant près de Kasizi ont à leur tour raconté avoir vu de nombreux militaires de l'armée rwandaise entrer en RD Congo en provenance du Rwanda. Le 3 août, deux Rwandais, dont un chef de village de la région, ont indiqué à Human Rights Watch qu'ils avaient vu un important groupe de militaires de l'armée rwandaise passer du Rwanda en RD Congo, sur un sentier situé à proximité du volcan Karisimbi.
Fin juillet, des Congolais vivant près de Kasizi ont à leur tour raconté avoir vu de nombreux militaires de l'armée rwandaise entrer en RD Congo en provenance du Rwanda. Le 3 août, deux Rwandais, dont un chef de village de la région, ont indiqué à Human Rights Watch qu'ils avaient vu un important groupe de militaires de l'armée rwandaise passer du Rwanda en RD Congo, sur un sentier situé à proximité du volcan Karisimbi.
D'autres personnes ont vu des militaires
rwandais sortir de la RD Congo. Un journaliste qui se rendait début août de
Ruhengeri à Kinigi, a confié à Human Rights Watch qu'il avait vu deux groupes
d'au moins 100 militaires chacun qui marchaient sur un sentier en provenance de
la frontière congolaise et en direction de la route principale reliant
Ruhengeri à Kinigi au Rwanda. Il a décrit les militaires comme étant « sales et
visiblement fatigués », précisant que « certains boitaient, leurs chaussures
étaient boueuses et il était clair qu'ils étaient très fatigués.»
Il semble que les forces rwandaises en RD Congo ont coordonné leurs opérations avec le M23, assumant souvent un rôle de commandement, selon des témoignages recueillis par Human Rights Watch auprès de résidents de la région et d'ex-combattants du M23 qui ont fait défection. L'un de ces anciens combattants a dit à Human Rights Watch avoir vu, lors des combats à Bunagana, un général rwandais, Emmanuel Ruvusha, sur le mont Tshanzu, siège d'une des principales bases du M23, d'où il semblait commander et superviser les opérations militaires.
Un autre transfuge qui avait commandé une unité de combattants du M23 a affirmé qu'il recevait ses ordres directement d'officiers de l'armée rwandaise pendant l'attaque de Bunagana. D'autres transfuges du M23 ont été également en mesure de nommer des officiers rwandais qui avaient été présents sur des positions du M23 en RD Congo. Ils ont affirmé que ces officiers avaient dirigé ou aidé à diriger des opérations militaires, fourni des armes ou supervisé la formation de nouvelles recrues.
Il semble que les forces rwandaises en RD Congo ont coordonné leurs opérations avec le M23, assumant souvent un rôle de commandement, selon des témoignages recueillis par Human Rights Watch auprès de résidents de la région et d'ex-combattants du M23 qui ont fait défection. L'un de ces anciens combattants a dit à Human Rights Watch avoir vu, lors des combats à Bunagana, un général rwandais, Emmanuel Ruvusha, sur le mont Tshanzu, siège d'une des principales bases du M23, d'où il semblait commander et superviser les opérations militaires.
Un autre transfuge qui avait commandé une unité de combattants du M23 a affirmé qu'il recevait ses ordres directement d'officiers de l'armée rwandaise pendant l'attaque de Bunagana. D'autres transfuges du M23 ont été également en mesure de nommer des officiers rwandais qui avaient été présents sur des positions du M23 en RD Congo. Ils ont affirmé que ces officiers avaient dirigé ou aidé à diriger des opérations militaires, fourni des armes ou supervisé la formation de nouvelles recrues.
Bon nombre des transfuges du M23 et des
recrues qui s'étaient échappés, congolais ou rwandais, interrogés par Human
Rights Watch, ont affirmé que leur formation avait été assurée par des
militaires de l'armée rwandaise dans des camps d'entraînement à Bukima, à Tshanzu,
et à Rumangabo, dans le territoire de Rutshuru, en RD Congo.
Un transfuge rwandais du M23, ancien
officier du CNDP, a indiqué à Human Rights Watch avoir reconnu les officiers
rwandais qui entraînaient les nouvelles recrues du M23 car il avait lui-même été
formé par eux au Rwanda lorsqu'il était au CNDP. « Je les connaissais bien
car j'avais suivi leur cours de formation au Rwanda », a-t-il dit. « Je
les ai reconnus. » Human Rights
Watch a tenté en vain de contacter le porte-parole de l’armée rwandaise pour
recueillir une réponse à ces allégations.
Dans un entretien publié par le quotidien
belge Le Soir le 29 août, le ministre de la défense du Rwanda, James Kabarebe,
a démenti que l'armée rwandaise soutienne le M23. « Tout le monde sait
que le Rwanda n'a pas un seul soldat au sein du M23, ne lui donne aucun soutien
», a-t-il dit. A la question de savoir si des soldats rwandais incontrôlés
pourraient être engagés dans des opérations d'appui du M23, il a répondu que
l'armée rwandaise était « solide, bien organisée, bien commandée, bien
disciplinée » et qu'il ne pouvait y avoir aucun « élément incontrôlé
» dans ses rangs.
Recrutements forcés en RD Congo par le M23
Depuis début juillet, les rebelles du M23
ont accru leurs activités de recrutement dans le territoire de Rutshuru, dans
l'est de la RD Congo, après avoir pris le contrôle des régions de Bunagana et,
plus tard, de Rutshuru, Kiwanja, Rumangabo, et Rugari. Des commandants du M23
ont tenu des réunions dans les villes et les villages tombés sous leur contrôle,
pour convaincre la population de soutenir leurs activités en fournissant des
recrues et de la nourriture. Constatant que les recrues volontaires étaient
rares, les combattants du M23 ont rapidement commencé à emmener de force de
jeunes hommes et des garçons.
Les recherches effectuées par Human Rights Watch ont révélé qu'au moins 137 jeunes hommes et garçons ont été recrutés de force dans le territoire de Rutshuru entre début juillet et fin août, dont au moins 20 enfants de moins de 18 ans, sept d'entre eux ayant même moins de 15 ans.
Ces chiffres sont à ajouter aux 149 jeunes hommes et garçons recrutés dans le territoire de Masisi en avril, comme l'a rapporté Human Rights Watch le 16 mai. Le nombre total des jeunes hommes et garçons recrutés de force par le M23 en RD Congo, à la connaissance de Human Rights Watch, se monte à 286, dont au moins 68 enfants de moins de 18 ans, 24 d'entre eux ayant moins de 15 ans.
Les recherches effectuées par Human Rights Watch ont révélé qu'au moins 137 jeunes hommes et garçons ont été recrutés de force dans le territoire de Rutshuru entre début juillet et fin août, dont au moins 20 enfants de moins de 18 ans, sept d'entre eux ayant même moins de 15 ans.
Ces chiffres sont à ajouter aux 149 jeunes hommes et garçons recrutés dans le territoire de Masisi en avril, comme l'a rapporté Human Rights Watch le 16 mai. Le nombre total des jeunes hommes et garçons recrutés de force par le M23 en RD Congo, à la connaissance de Human Rights Watch, se monte à 286, dont au moins 68 enfants de moins de 18 ans, 24 d'entre eux ayant moins de 15 ans.
Les nouvelles recrues ont été emmenées
dans des centres d'entraînement militaire créés par le M23 à Bukima, à Tshanzu,
à Runyoni, et à Rumangabo. Des recrues qui ont réussi à s'échapper ont raconté
à Human Rights Watch qu'on leur avait donné des uniformes militaires et appris
le maniement d'un fusil et d'autres techniques militaires de base. Les recrues
ont également dit à Human Rights Watch que ces entraînements étaient souvent
dirigés par des officiers de l'armée rwandaise.
Les recrutements forcés ont créé un climat
de peur, poussant de nombreux jeunes hommes et garçons à fuir vers les zones
contrôlées par le gouvernement ou à chercher refuge au-delà de la frontière, en
Ouganda ou au Rwanda. Les 16 et 17 juillet, des combattants du M23 ont recruté
de force au moins 60 jeunes hommes et garçons originaires des groupements de
Rugari et Kisigari. Ils leur ont dit qu'ils avaient besoin d'aide pour
transporter leurs affaires, ramasser du bois pour le feu et recueillir de l'eau
et qu'ils seraient ensuite libérés. En fait, les jeunes hommes et garçons ont
été conduits dans des centres d'entraînement militaires à Bukima et à Tshanzu,
où ils ont reçu une brève formation militaire.
Un homme de 20 ans recruté de force avec
trois autres jeunes hommes dans le groupement de Kisigari le 21 juillet, est
parvenu à s'échapper plus tard. Il a dit à Human Rights Watch que lui et les
autres avaient été emmenés dans un camp d'entraînement à Bukima. « Là-bas,
nous avons passé toute une nuit dans un trou plein d'eau jusqu'à la taille,
comme une mare, » a-t-il dit. « Les soldats du M23 nous ont dit que c'était
le début de notre formation militaire, pour nous apprendre à nous habituer au
froid. »
Un jeune Congolais de 19 ans a été enlevé
le 23 juillet à Bugina alors qu'il revenait des champs. Des témoins ont indiqué
que des combattants du M23 l'avaient forcé à porter leurs affaires, puis
l'avaient intronisé dans leur groupe. Des membres de sa famille l'ont vu à
Rutshuru le 25 juillet en uniforme militaire avec un fusil, combattant avec le
M23 contre l'armée congolaise.
Un homme qui était allé rendre visite à un
parent à Tshanzu qui avait rejoint le M23, a affirmé à Human Rights Watch que
durant cette visite, il avait vu un groupe de 70 à 80 nouvelles recrues à
l'entraînement. L'homme a reconnu quatre des recrues, des enfants de son
village qui étaient encore à l'école primaire et avaient 13 ou 14 ans. Il a
précisé à Human Rights Watch que beaucoup d'autres enfants d'âge similaire se
trouvaient parmi les recrues.
Le recrutement par des groupes armés
d'enfants de moins de 18 ans est interdit par le Protocole optionnel de la
Convention sur les droits de l'enfant concernant l'engagement d'enfants dans
des conflits armés, ratifié par la RD Congo et le Rwanda. Selon le traité
fondateur de la CPI, le recrutement d'enfants de moins de 15 ans est un crime
de guerre.
Recrutements au Rwanda pour le M23
Les autorités militaires rwandaises ont
continué à effectuer des recrutements pour le M23 au Rwanda entre juin et août,
comme lors des mois précédents, soit par la force soit sous des prétextes
fallacieux. Selon des informations recueillies par Human Rights Watch, environ
600 personnes ont été recrutées dans ces conditions au Rwanda. Ces recrues sont
supérieures en nombre à celles qui ont été enrôlées par le M23 en RD Congo.
Elles incluent de jeunes Rwandais sans formation militaire précédente et des
réfugiés tutsis congolais qui vivaient dans des camps de réfugiés ou de transit
au Rwanda. Parmi les autres groupes ciblés pour les recrutements, figurent les
militaires démobilisés de l'armée rwandaise ou du CNDP et les anciens
combattants démobilisés des FDLR qui étaient rentrés au Rwanda. Les FDLR
(Forces démocratiques de libération du Rwanda) sont une milice armée composée
essentiellement de Rwandais hutus, qui opère en RD Congo et dont certains
membres ont participé au génocide de 1994 au Rwanda.
Selon des recrues qui ont réussi à
s'échapper et ont été interrogées par Human Rights Watch et selon des informations
provenant d'autres sources, les autorités rwandaises ont recruté des dizaines
de jeunes hommes et garçons dans des camps de réfugiés congolais à Kibuye et
Byumba, ainsi qu'au Centre de transit de Nkamira. Beaucoup ont été saisis de
force dans les camps pendant la nuit par des hommes en civil, qui les ont
emmenés au camp militaire rwandais de Kinigi. Là, on leur a donné des
uniformes, des armes, des munitions et d'autres équipements à transporter, et
ils ont été escortés jusqu'en RD Congo par des militaires rwandais. D'autres
ont rejoint le mouvement volontairement, après s'être entendu dire que s'ils
soutenaient le M23, cela faciliterait le retour de leurs familles en RD Congo.
Un étudiant tutsi de 22 ans, qui faisait
ses études près de Kitchanga, en RD Congo, a raconté à Human Rights Watch qu'il
avait fui en mai vers le Centre de transit de Nkamira au Rwanda pour échapper
au recrutement forcé en RD Congo. Deux semaines plus tard, il a été saisi de
force au camp de transit en même temps que 13 autres jeunes hommes. Il a
affirmé que des hommes en civil les avaient rassemblés et fait monter de force
dans des véhicules aux vitres opaques. Ils ont été emmenés à
Ruhengeri, chargés de transporter du sel et forcés de marcher vers la frontière
congolaise, sous escorte de militaires rwandais.
À la frontière, le groupe a fait sa
jonction avec des combattants du M23, qui les ont accompagnés à Runyoni, où on
leur a donné une formation militaire dans les jours suivant leur arrivée. « Ils
[les M23] nous frappaient », a raconté l'étudiant. « Ils nous disaient
que nous devions nous débarrasser de notre ‘conscience de civils.’ Ils disaient
que nous allions conquérir le Nord-Kivu. »
Un autre exemple des recrutements au
Centre de transit de Nkamira est celui d'un jeune Rwandais de 18 ans qui était
venu rendre visite à sa soeur le 6 juin. Il a affirmé que cette nuit-là, il
avait été raflé par des hommes habillés en civil qui ont rassemblé 28 jeunes
hommes du camp et les ont emmenés à bord de trois véhicules au camp militaire
rwandais de Kinigi. Les jeunes hommes ont été chargés de transporter des bidons
de carburant et ont été escortés à pied par des militaires rwandais jusqu'aux
positions militaires du M23 à Runyoni, en RD Congo.
Les autorités militaires rwandaises ont également mobilisé des autorités locales pour qu'elles participent aux opérations de recrutement. A Rwerere, au Rwanda, près du village de Kasizi situé à la frontière avec la RD Congo, des autorités militaires rwandaises ont convoqué les autorités locales à une réunion le 27 juin, lors de laquelle ils leur ont dit que chaque autorité responsable de 10 maisons (appelées nyumbakumi) devait trouver cinq recrues à envoyer en RD Congo pour soutenir le M23. Deux personnes qui ont participé à cette réunion et ont été par la suite interrogées par Human Rights Watch, ont indiqué avoir reçu pour instruction de
« donner la priorité aux jeunes soldats démobilisés » et de dire à ces jeunes qu'ils devaient aller en RD Congo « pour assurer la sécurité du Rwanda car le gouvernement congolais soutenait les FDLR ».
Les autorités militaires rwandaises ont également mobilisé des autorités locales pour qu'elles participent aux opérations de recrutement. A Rwerere, au Rwanda, près du village de Kasizi situé à la frontière avec la RD Congo, des autorités militaires rwandaises ont convoqué les autorités locales à une réunion le 27 juin, lors de laquelle ils leur ont dit que chaque autorité responsable de 10 maisons (appelées nyumbakumi) devait trouver cinq recrues à envoyer en RD Congo pour soutenir le M23. Deux personnes qui ont participé à cette réunion et ont été par la suite interrogées par Human Rights Watch, ont indiqué avoir reçu pour instruction de
« donner la priorité aux jeunes soldats démobilisés » et de dire à ces jeunes qu'ils devaient aller en RD Congo « pour assurer la sécurité du Rwanda car le gouvernement congolais soutenait les FDLR ».
Selon ces mêmes personnes, plus de 300
nouvelles recrues mobilisées par les autorités locales ont été emmenées le 4
juillet à Kabumba, près de la frontière congolaise. Puis ils ont été escortés
par des militaires rwandais de l'autre côté de la frontière, jusqu'à Runyoni où
ils ont rejoint le M23.
Un autre nyumbakumi de la région du
Rwanda frontalière de la RD Congo près de Kasizi a indiqué à Human Rights Watch
que lors d'une autre réunion le 24 août, les autorités civiles et militaires
rwandaises ont de nouveau appelé les autorités locales à recruter des jeunes
pour rejoindre le M23. Ils leur ont déclaré que « la totalité des Kivus devrait
revenir au Rwanda parce qu'ils lui appartiennent » et qu'ils devraient
collecter de l'argent auprès des populations sous leur contrôle afin de payer
les jeunes et les encourager à rejoindre le M23.
Un combattant du M23 qui s'est confié à
Human Rights Watch a été franc au sujet des recrutements au Rwanda. « Nous
n'avons pas beaucoup de soldats et le Rwanda en a beaucoup, » a-t-il dit. « Nous
recrutons partout au Rwanda. Nous recherchons particulièrement ceux qui ont de
la famille au Congo, les anciens combattants du CNDP ou les soldats
démobilisés. Les enfants des rues sont aussi très susceptibles d'être recrutés.
»
Les autorités militaires et civiles
rwandaises qui recrutent des enfants de moins de 15 ans pour renforcer le M23
se rendent coupables de crimes de guerre. Le recrutement d'enfants de moins de
18 ans à des fins militaires est également interdit par la loi rwandaise.
Exécutions sommaires et mauvais traitement
des recrues
Le M23 a traité ses nouvelles recrues très
durement. Les passages à tabac et les traitements cruels ou dégradants étaient
monnaie courante. Les recherches de Human Rights Watch ont révélé qu'au moins
33 rebelles et recrues du M23, qui avaient tenté de s'échapper et avaient été
repris, ont été sommairement exécutés.
Un Rwandais de 18 ans, qui s'est échappé
après avoir été recruté de force au Rwanda, a déclaré à Human Rights Watch
qu'il avait assisté à l'exécution d'un garçon de 16 ans appartenant à son unité
du M23 et qui avait essayé de s'enfuir en juin. Le garçon a été capturé et
battu à mort par les combattants du M23 devant les autres recrues. Un
commandant du M23 qui a ordonné son exécution aurait dit aux autres recrues: « Il
voulait nous
abandonner », en guise d'explication de sa mise à mort.
abandonner », en guise d'explication de sa mise à mort.
Un Congolais hutu de 28 ans, recruté de
force début mai à Karuba, dans le secteur de Masisi, a dit à Human Rights Watch
qu'en raison de sa résistance à l'idée de devenir un combattant, le M23 l'avait
détenu dans une prison de fortune constituée d'un trou dans le sol au camp
militaire du M23 à Runyoni, avec 25 autres recrues d'ethnie hutue qui étaient punis
pour désobéissance. Une recrue rwandaise a déclaré à Human Rights Watch: « Nous
étions maltraités au camp [de Runyoni]… Souvent, ils battaient les gens si
durement qu'ils ne s'en remettaient pas et tombaient malades… Je voulais
m'enfuir. »
Quelques jours après leur recrutement, de
nombreux jeunes hommes et garçons ont été envoyés au combat. N'ayant que peu ou
pas du tout de formation militaire ou d'expérience, les nouvelles recrues sont
souvent parmi les premiers à être tués. Un garçon rwandais de 17 ans recruté en
juin à Ruhengeri, au Rwanda, a dit à Human Rights Watch: « Il y a beaucoup
d'enfants avec [le général] Ntaganda maintenant et ils nous envoient sur les
lignes de front, donc nous sommes les premiers à mourir. On dirait qu'ils nous
prennent juste pour nous faire tuer. »
Un homme originaire de Rugari, en RD
Congo, a dit à Human Rights Watch que son neveu, âgé de 15 ans, avait été
recruté de force à la mi-juillet par le M23 alors qu'il se rendait aux champs.
Quelques jours plus tard, il a été tué dans dans un combat sur une colline près
de Rugari. Après la bataille, les rebelles du M23 ont obligé un groupe de
civils, dont faisait partie l'oncle du garçon, à enterrer les morts. « J'ai vu
mon [neveu] là, mort, une balle dans la poitrine, » a déclaré l'oncle. Il a
participé à l'enterrement d'au moins 60 corps ce jour-là. Beaucoup semblaient
être des enfants.
Intimidations et menaces à l'encontre des
défenseurs des droits humains, des journalistes et des autorités locales
Des autorités locales, des chefs
coutumiers, des journalistes, des défenseurs des droits humains et d’autres
personnes qui se sont exprimées contre les violations commises par le M23 ou
qui sont connues pour avoir dénoncé les abus perpétrés auparavant par les
commandants rebelles, ont été pris pour cible. Beaucoup ont reçu des menaces de
mort et se sont enfuis vers les zones contrôlées par le gouvernement congolais.
Le M23 s'est emparé de stations de radio
locales dans le territoire de Rutshuru peu après avoir pris le contrôle des villes
et villages de la région en juillet, menaçant les techniciens et les
journalistes et les obligeant à leur remettre leur équipement. Un technicien de
radio interrogé par Human Rights Watch a déclaré avoir été menacé par un haut
responsable du M23, qui l'a averti que s'il refusait de laisser le groupe
utiliser sa radio, ils le tueraient.
Fin juillet, le M23 a mis sur pied des
comités de sécurité à Kiwanja, Rutshuru, et Rubare. Les dirigeants du M23
affirment que ces comités doivent servir d'unités de liaison avec les
communautés locales sur les questions de sécurité. Cependant, un membre d'un de
ces comités a déclaré à un activiste de la société civile de la région que ces
comités ont pour tâches principales de recruter des jeunes pour grossir les rangs
du M23 et de dénoncer à la hiérarchie du mouvement les opposants au M23. Les
chefs coutumiers locaux qui n'ont pas fait preuve de leur allégeance au M23 ont
également été pris pour cible et certains ont fui vers les zones tenues par le
gouvernement.
Le chef coutumier de la localité de
Rumangabo, Manishimwe Rwahinage, a été détenu par le M23 le 17 juillet. Des
dirigeants du M23 ont déclaré à Human Rights Watch qu'il avait été placé en
détention pour avoir collaboré avec les FDLR et qu'ils étaient en train « d'essayer
de le changer ». Il a été relâché le 11 août, après que des civils de sa
localité eurent versé 150 dollars US. Le 5 septembre, Rwahinage a été tué par
balles à Rumangabo, non loin d'un poste militaire du M23. Les dirigeants du M23
ont affirmé que les FDLR étaient responsables, mais les proches de la victime
sont convaincus qu'il a été tué par les combattants du M23. Une enquête est
nécessaire pour déterminer qui est responsable de ce décès.
Des militants des droits humains à Goma
ont affirmé avoir reçu des appels et des messages téléphoniques menaçants de la
part de personnes soupçonnées d'être membres du M23. Le 26 juillet, un
activiste a reçu le message suivant: « Nous sommes maintenant à la
porte de Goma, Parle une fois de plus [et] nous allons couper ta
bouche. Annonce ce message à tes autres collègues, fils de chiens. Nous allons
mettre fin à votre vie.»
Travaux forcés, pillages et extorsions par
le M23
Les combattants du M23 ont forcé des
civils à travailler pour eux, parfois en les menaçant de mort. Le 26 juillet,
les combattants du M23 ont forcé un enseignant d'école primaire, âgé de 32 ans,
originaire de la localité de Gisiza, à transporter des caisses de munitions de
Kabaya au camp militaire de Rumangabo. Quand l'instituteur a essayé de rentrer
chez lui, il a été blessé par balles dans le dos par les combattants du M23.
Un chef coutumier local du village de
Kigarama, près de Rugari, qui s'était enfui à Kanyaruchinya, a raconté à Human
Rights Watch que le 3 août, il était retourné à son champ pour chercher de la
nourriture. Le lendemain, des combattants du M23 sont arrivés et l'ont obligé à
amener son cochon dans leur camp, où l'animal a été tué pour nourrir les
combattants. Pendant les six jours suivants, cet homme a été contraint de
creuser des tranchées, traire des vaches et récolter des haricots. Il a
également été forcé de trouver de jeunes femmes qu'il devait amener au camp du
M23; il en a amené trois, âgées de 15 ans, 20 ans et 25 ans. Leur sort n'est
pas connu.
De nombreux autres civils ont indiqué à
Human Rights Watch qu'ils avaient été obligés de céder leurs récoltes, de
l'argent et d'autres biens aux combattants du M23. Un homme de Rugari a déclaré
à Human Rights Watch que des commandants du M23 ont tenu une réunion à la mi-juillet,
lors de laquelle chaque famille a reçu l'ordre de fournir au M23 cinq kilos de
haricots dans les sept jours. Le M23 s'est également livré à des pillages en
faisant du porte-à-porte, attaquant ceux qui lui résistaient. Le 24 août, des
combattants du M23 se sont rendus aux domiciles de cinq commerçants de Rugari,
les ont attaqués à la machette et au couteau et leur ont extorqué de l'argent. Début
septembre, le M23 contrôlait trois axes d'approvisionnement importants
traversant Rutshuru vers Rwindi, Bunagana, et Goma, et imposait de lourdes «
taxes » à tous les véhicules passant sur leur territoire.
Pressions exercées sur les anciens membres du CNDP par les autorités militaires rwandaises
De hautes autorités militaires rwandaises ont cherché à influencer d'anciens membres du CNDP et leurs familles, en RD Congo et au Rwanda, pour qu'ils soutiennent ou rejoignent le M23. Plusieurs anciens officiers et chefs politiques du CNDP ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils étaient soumis à de fortes pressions de la part d'autorités rwandaises pour qu'ils rejoignent le M23. Les moyens de pression incluaient menaces de mort et intimidations.
Le sénateur Edouard Mwangachuchu, président de la branche politique du CNDP, qui avait dénoncé publiquement la mutinerie du M23, a déclaré à Human Rights Watch que début mai, il avait reçu un coup de téléphone du ministre rwandais de la défense, le général James Kabarebe, lui donnant pour instruction de soutenir le M23 et exigeant que le CNDP, en tant que parti, mette fin à son alliance politique avec la coalition du président Joseph Kabila au pouvoir en RD Congo. Le sénateur a affirmé que lorsqu'il a refusé, le ministre lui a dit de « se taire » et l'a averti qu'il allait « être frappé par la foudre. » Quelques jours plus tard, d'autres membres du CNDP ont déclaré avoir évincé le sénateur Mwangachuchu de la présidence du parti et retiré leur formation de la coalition de M. Kabila.
Pressions exercées sur les anciens membres du CNDP par les autorités militaires rwandaises
De hautes autorités militaires rwandaises ont cherché à influencer d'anciens membres du CNDP et leurs familles, en RD Congo et au Rwanda, pour qu'ils soutiennent ou rejoignent le M23. Plusieurs anciens officiers et chefs politiques du CNDP ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils étaient soumis à de fortes pressions de la part d'autorités rwandaises pour qu'ils rejoignent le M23. Les moyens de pression incluaient menaces de mort et intimidations.
Le sénateur Edouard Mwangachuchu, président de la branche politique du CNDP, qui avait dénoncé publiquement la mutinerie du M23, a déclaré à Human Rights Watch que début mai, il avait reçu un coup de téléphone du ministre rwandais de la défense, le général James Kabarebe, lui donnant pour instruction de soutenir le M23 et exigeant que le CNDP, en tant que parti, mette fin à son alliance politique avec la coalition du président Joseph Kabila au pouvoir en RD Congo. Le sénateur a affirmé que lorsqu'il a refusé, le ministre lui a dit de « se taire » et l'a averti qu'il allait « être frappé par la foudre. » Quelques jours plus tard, d'autres membres du CNDP ont déclaré avoir évincé le sénateur Mwangachuchu de la présidence du parti et retiré leur formation de la coalition de M. Kabila.
Dans sa réponse officielle au Groupe
d'experts de l'ONU, le gouvernement rwandais a affirmé que les appels
téléphoniques entre les autorités rwandaises et des citoyens congolais avaient
été « délibérément sortis de leur contexte » et que ceux de James Kabarebe «
visaient à éviter un retour de la violence et [à] promouvoir le dialogue
politique. »
Des civils congolais tutsis, dont des
hommes d'affaires et des autorités civiles, ont également affirmé être soumis à
de fortes pressions pour qu'ils soutiennent le M23. Certains l'ont fait
volontairement mais d'autres ont refusé et sont l'objet de menaces et d'actes
d'intimidation.
« C'est comme s'ils [les Rwandais] nous tenaient un couteau sous la gorge, » a déclaré un homme d'affaires tutsi congolais.
« C'est comme s'ils [les Rwandais] nous tenaient un couteau sous la gorge, » a déclaré un homme d'affaires tutsi congolais.
Exactions commises par d'autres groupes
armés dans l'est de la RD Congo
Depuis le début de la rébellion du M23,
les FDLR et d'autres groupes armés congolais, dont la milice Raia Mutomboki,
ont également accru leurs activités militaires, élargissant les zones sous leur
contrôle et tuant des centaines de civils dans d'autres zones du Nord-Kivu et
du Sud-Kivu, selon l'ONU et des défenseurs locaux des droits humains. Ces
milices semblent avoir profité des tensions ethniques croissantes et du vide
sécuritaire qui s'est créé du fait que l'attention de l'armée congolaise est
accaparée par les rebelles du M23.
Certaines des milices, telles que les Mai
Mai Sheka – dont le chef, Ntabo Ntaberi Sheka, est l'objet d'un mandat d'arrêt
congolais pour crimes contre l'humanité sous l'accusation d'être responsable de
viols à grande échelle – ont également reçu un soutien des autorités militaires
rwandaises ou des chefs du M23 pour mener des opérations militaires contre
l'armée congolaise et les FDLR, selon des responsables de l'ONU et le Groupe
d'experts de l'ONU.
Certains des combats les plus acharnés se
sont déroulés entre le groupe armé congolais Raia Mutomboki (« Peuple en colère
» en swahili) et les FDLR. Des résidents et des activistes locaux des droits
humains des territoires de Masisi, Walikale, Kalehe et Shabunda dans les
provinces du Nord et du Sud-Kivu, affirment que des centaines de civils ont été
attaqués pendant les combats de cette année, chaque camp accusant la population
locale de soutenir ses ennemis.
Le 29 août, Navi Pillay, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, a condamné les meurtres et les massacres perpétrés par les deux groupes. « La pure cruauté avec laquelle ces meurtres ont été commis dépasse l'entendement », a-t-elle déclaré. « Dans certains cas, ces attaques contre des civils pourraient constituer des crimes contre l'humanité. »
Le M23 a cherché à s'allier avec certains des groupes armés qui sont actifs dans l'est de la RD Congo, leur fournissant un soutien soit occasionnel, soit continu, y compris des armes et des munitions, et organisant parfois des attaques coordonnées contre les positions de l'armée congolaise. Par exemple, début septembre, des combattants de Mai Mai Sheka ont attaqué et pris le contrôle de Pinga, une ville proche des territoires de Masisi et Walikale, avec le soutien du M23, selon des responsables de l'ONU.
Le 29 août, Navi Pillay, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, a condamné les meurtres et les massacres perpétrés par les deux groupes. « La pure cruauté avec laquelle ces meurtres ont été commis dépasse l'entendement », a-t-elle déclaré. « Dans certains cas, ces attaques contre des civils pourraient constituer des crimes contre l'humanité. »
Le M23 a cherché à s'allier avec certains des groupes armés qui sont actifs dans l'est de la RD Congo, leur fournissant un soutien soit occasionnel, soit continu, y compris des armes et des munitions, et organisant parfois des attaques coordonnées contre les positions de l'armée congolaise. Par exemple, début septembre, des combattants de Mai Mai Sheka ont attaqué et pris le contrôle de Pinga, une ville proche des territoires de Masisi et Walikale, avec le soutien du M23, selon des responsables de l'ONU.
Les dirigeants du M23 et les autorités
rwandaises qui ont fourni des armes, des munitions et de l'aide sous d'autres
formes aux groupes armés congolais, soit directement, soit indirectement,
pourraient être considérés comme complices des violations des lois de la guerre
commises par ces groupes.
Exactions commises par les forces armées
congolaises
Lors d'opérations contre les rebelles du
M23, les forces armées congolaises ont elles aussi commis des exactions contre
les civils dans le territoire de Rutshuru et à Goma, dont l'arrestation
arbitraire de Tutsis considérés comme partisans du M23, en plus du mauvais
traitement des détenus, dont au moins un a été tué. Certaines des personnes
arrêtées par les soldats congolais n'avaient pas de liens apparents avec le
M23, mais pourraient avoir été visées parce qu'elles étaient de nationalité
rwandaise ou d'ethnie tutsie.
Entre fin mai et début juillet, par
exemple, les militaires congolais ont arrêté cinq enfants rwandais, âgés de 12
à 17 ans, lors d'incidents distincts à Kibumba et à Goma, à la frontière
rwandaise. Les enfants ont été emmenés à la prison militaire du quartier
général du 802ème régiment au Camp Katindo, à Goma. Les gardiens ont ordonné
aux autres détenus, qui étaient principalement des soldats, de battre les
enfants. Un garçon de 17 ans a déclaré à Human Rights Watch que les autres
prisonniers leur avaient dit: « Puisque vous êtes rwandais, nous allons vous
battre à mort. » La nuit, les enfants étaient battus et suspendus au
plafond pendant des heures « comme des singes ». Ils ont été privés de
nourriture, personne ne leur a dit de quoi ils étaient accusés et ils n'ont pas
été interrogés par des magistrats.
Vers la mi-juillet, l'un des enfants,
Daniel Masengesho, âgé d'environ 16 ans, est tombé gravement malade. « Nous
avons dit au gardien de la prison qu'il était très malade et qu'il risquait de
mourir là », a dit l'un des garçons à Human Rights Watch. « Le gardien a
répondu: ‘Taisez-vous. C'est un Rwandais. Laissez-le mourir lentement.’ »
Les garçons ont demandé à plusieurs reprises aux gardiens de l'emmener à
l'hôpital mais ils ont refusé. Le 23 juillet, Masengesho est mort. Le
lendemain, l'armée a emmené les quatre autres garçons à moto à la frontière
rwandaise. Les autorités congolaises de l'immigration les ont interrogés après
avoir constaté leur état de faiblesse, leur ont donné à manger et les ont
emmenés à hôpital à Goma pour qu'ils soient soignés.
Les autorités congolaises ont réagi
rapidement et quelques jours plus tard, elles ont arrêté le commandant
Tharcisse Banuesize Chiragaga, l'officier congolais responsable de la détention
des cinq enfants. Le 17 août, un tribunal militaire l'a condamné à cinq ans de
prison pour arrestation arbitraire, torture, falsification de documents et
détention illégale ayant causé la mort d'un détenu.
Bien que les autorités congolaises aient
tenté de renvoyer les garçons au Rwanda, les autorités gouvernementales
rwandaises ont refusé de les admettre, affirmant n'être pas en mesure de
confirmer qu'ils avaient bien la nationalité rwandaise. Ils ont eu la même
attitude vis-à-vis de transfuges rwandais du M23, qui sont toujours détenus
dans des prisons militaires congolaises ou sous la garde des soldats de
maintien de la paix de l'ONU.
Alors que l'armée congolaise battait en
retraite vers le nord en abandonnant ses positions à Kiwanja, dans le
territoire de Rutshuru, le 25 juillet à la suite d'une offensive du M23, les
militaires ont emmené avec eux un certain nombre de détenus. Human Rights Watch
a recueilli plusieurs informations selon lesquelles quatre de ces personnes
auraient été tuées par des soldats près d'une position militaire congolaise au
« Pont Mabenga ». La justice congolaise devrait enquêter d'urgence sur cet incident,
a déclaré Human Rights Watch.
Les militaires congolais sont également
responsables de pillages à grande échelle. À Rutshuru et à Kiwanja les 8 et 25
juillet, des militaires congolais ont pillé des maisons et forcé des dizaines
de civils à transporter leurs affaires alors qu'ils battaient en retraite
devant des offensives des rebelles du M23.
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