Johannesburg, le 26 septembre 2012 - A Goma, six défenseurs
des droits humains dont maître Jean-Mobert Nsenga du barreau de Goma, ont été
arbitrairement arrêtés et torturés par des agents de la Police Nationale Congolaise
(PNC). La raison en était qu’ils s’étaient joints à une centaine de jeunes qui
tentaient de s’exprimer pacifiquement contre la violence du mouvement
terroriste du M23 dans le Kivu. Me Nsenga souffre d’un traumatisme cutané et un
œil gonflé, de suite de la torture subie. Il a été relâché dans la nuit du
samedi 22 septembre. Rappelons que le 21 septembre était la journée internationale
de la paix dans le monde.
Ce même 21 septembre à Kinshasa, des avocats qui
s’étaient exprimés contre le harcèlement judiciaire du Parquet Général de la
République (PGR) à l’endroit du Bâtonnier National Mbuyi Mbiye, avaient reçu
des intimidations et menaces d’atteinte à leur intégrité physique. L’un de ceux
qui menaient la campagne en faveur de la bonne administration de la justice, en
défendant l’indépendance du Barreau National, Me Sylvain Lumu, avait été
brutalisé et avait échappé de justesse à un enlèvement des services de l’Agence
Nationale de Renseignements (ANR). Ces agents du service public bien identifié
utilisent cette méthode illégale à travers le pays.
D’aucuns se convainc que les malheurs du bâtonnier
national viennent du fait qu’il avait autorisé à une cinquantaine d’avocats de
défendre pro deo (gratuitement) les familles des défenseurs des droits
humains Floribert Chebeya et Fidele Bazana, dans l’affaire qui les opposent au Général
John Numbi Banza Tambo et consorts devant les juridictions militaires.
A Mbuji-Mayi, des journalistes et défenseurs des
droits humains vivent dans la peur ; car ils sont dans le collimateur du
gouverneur de la province du Kasaï Oriental, Ngoie Kasanji. Ils avaient dénoncé
des exactions des militaires des Forces armées de la République Démocratique du
Congo (FARDC) (à la recherchent du Colonel John Tshibangu) qui entre autres contraignent
la population civile à leur donner la nourrir « au front ».
La PNC, l’ANR, les FARDC et le gouvernorat. Que des
services publics de l’Etat qui devraient protéger la population, ses biens, et
sécuriser le territoire national. Mais pourquoi s’attaquent-ils aux animateurs
de la société civile qui viennent en appui à l’Etat pour l’émergence des
valeurs démocratiques et du bien être collectif ? Pourquoi ces agents et
fonctionnaires de l’Etat s’évertuent à enfreindre des valeurs morales,
principes et pratiques érigés en lois de la RDC opposables à tous les
citoyens ? Pourquoi vouloir ériger la terreur contre les défenseurs des droits
humains, des avocats et des journalistes qui ne font que renforcer des
mécanismes démocratiques ?
Il se dégage clairement que la lecture des
événements soit diamétralement opposée, selon qu’on soit dans un camp ou dans
un autre, pourtant « agissant tous au bénéfice de la population ». A
partir de ces cas énumérés ci-avant, il y a lieu de croire que des agents de
l’Etat aient une toute autre compréhension des faits qui les pousse à agir
contre ceux qui pensent contribuer au bien être collectif. Les ONG, les avocats,
les journalistes et les églises se trouvent ainsi dans l’obligation de développer
des études qui leur permettraient de comprendre ce qui se passe réellement et
adopter une autre stratégie de communication avec les citoyens qui servent sous
le drapeau. Les hommes sont si aveugles, si entrainés par le besoin du moment,
qu’un trompeur trouve toujours quelqu’un qui se laisse tromper.
Ce qu’on doit
savoir quand on sert sous le drapeau.
Le service sous le drapeau requiert de l’information
sur des notions aussi élémentaires que le devoir de n’obtempérer qu’aux ordres
légaux.
Fort de l’histoire, le législateur congolais a déjà renforcé
le droit en enjoignant aux agents de l’Etat sous entendant des militaires, des
agents de service de police et autres forces de sécurité de ne rien faire qui
puisse aller à l’encontre du droit le plus élevé que constitue l’ensemble des droits
humains et des valeurs morales. Il est ainsi stipulé à l’article 28 de la
Constitution que « nul n’est tenu
d’exécuter un ordre manifestement illégal. Tout individu, tout agent de l’Etat
est délié du devoir d’obéissance, lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte
manifeste au respect des Droits de l’Homme et des libertés publiques et des
bonnes mœurs. […] ».
Et pourtant, des exécutants des basses besognes
croient souvent à ce qu’ils font, adhèrent à leur mission et se mobilisent
activement. Bien que des ordres donnés soient souvent assez vagues, des
responsables de la mise en œuvre prennent des initiatives pour atteindre les
buts fixés. Ils ajoutent donc autre chose que du simple respect des ordres.
Au regard de l’application que des cours et
tribunaux ainsi que des préposés de l’administration publique font des
dispositions constitutionnelles qui garantissent les droits fondamentaux, une érosion
certaine à la défaveur de la population se fait remarquer. Le peuple n’est pas
seulement soumis aux atrocités des milices et groupes armés qui opèrent
impunément dans la région Est du pays, mais il se doit, en plus, de lutter
contre le zèle des fonctionnaires, le cynisme qui nourrit l’ambition des politiques,
la cruauté et l’avarice des militaires.
La violence croissante qui résulte de l’ignorance de
la possibilité de refuser d’obéir aux ordres illégaux démontre de la nécessite et
de l’urgente de discuter des notions telle que la théorie de « la baïonnette
intelligente ».
Celle-ci énonce en droit pénal la condamnation de l'obéissance à un
ordre manifestement illégal. Discutant de la reforme du droit pénal congolais,
le Professeur Pierre Akele Adau dit avec autorité de magistrat militaire que
même l'engagement militaire ne saurait faire disparaître la conscience ou
l'intelligence de ses actes. Il continue son raisonnement en des termes
clairs : « la discipline
militaire ne peut, dans un Etat de Droit, valoriser des modèles de comportement
contraire à la loi […] Ce qui est primordial, ce n’est pas la discipline mais
la légalité de cette discipline ». Donc le principe de base ne peut
être la discipline seule, mais la considération de la légalité. Ainsi, on peut
conclure avec Akele « qu’on obéit à l’ordre de l’autorité
parce que, par définition, cet ordre et cette autorité s’appuient sur la
loi. »
Tenant compte du degré de destruction de la
conscience collective du fonctionnaire congolais face aux valeurs telle que le
respect de la loi, de la dignité humaine et de la vie ; et au regard de la
souffrance que subit la population, y compris le fonctionnaire, le policier, le
militaire et l’agent de l’ANR ; des nouvelles stratégies s’imposent pour faire
comprendre l’intérêt
à refuser d’obéir aux ordres qui font courir le risque d’y répondre
individuellement.
Ainsi donc, les églises et les animateurs des ONG
qui militent pour la promotion des valeurs démocratiques et d’un Etat de droit
devraient se tourner vers l’éducation des masses, afin de concilier les
intérêts du peuple avec ceux des services publics notamment de la PNC, des
FARDC et de l’ANR. Il y a obligation de répondre à la recrudescence de la
violence, par un réarmement moral portant sur des enseignements sur la mission
de chacun dans la société. Faire la promotion des valeurs de la solidarité
nationale, la justice, le sens du service.
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