La Haye, Pays-Bas, 7 août 2012 -- Aujourd’hui,
le 7 août 2012, la Chambre de première instance I de la Cour pénale
internationale (CPI) s’est prononcée, pour la première fois au cours des
procédures devant la CPI, sur les principes applicables aux réparations pour
les victimes dans l’affaire à l’encontre de Thomas Lubanga Dyilo. Ce dernier
avait été déclaré coupable le 14 mars 2012 des crimes de guerre consistant à
avoir procédé à l’enrôlement et la conscription d’enfants de moins de 15 ans et
à les avoir fait participer activement à des hostilités. Le 10 juillet 2012, il
a été condamné à une peine totale de 14 ans. La Chambre a ordonné que des
propositions en matière de réparations, émanant des victimes elles-mêmes,
soient recueillies par le Fonds au profit des Victimes et présentées à une
future chambre de première instance. Des réparations seront alors versées au
moyen des ressources du Fonds disponibles à cette fin.
La
Chambre, composée des juges Adrian Fulford (Royaume Uni), Elisabeth Odio Benito
(Costa Rica) et René Blattmann (Bolivie), a estimé qu’il est essentiel
que les victimes, leurs familles et leurs communautés participent au processus
de réparation et qu’elles puissent donner leur avis personnel et exposer leurs
priorités.
Selon
la Chambre, les bénéficiaires potentiels d’une ordonnance de réparations sont
les personnes qui ont directement ou indirectement subi un préjudice du fait de
l’enrôlement, de la conscription et de l’utilisation d’enfants de moins de 15
ans dans le contexte des faits survenus en Ituri, en République démocratique du
Congo (RDC), entre le 1er septembre 2002 et le 13 août 2003. Il peut s’agir
également des membres de la famille de victimes directes, ainsi que de
personnes intervenues pour aider les victimes ou empêcher la commission des
crimes.
Les
principes établis par la Chambre dans sa décision soulignent le besoin
d’assurer que les mesures de réparation soient mises en œuvre sans aucun
caractère discriminatoire fondé sur l’âge, l’ethnie ou le sexe, et qu’elles
tendent à la réconciliation entre les enfants victimes de recrutement et leurs
familles et communautés en Ituri, tout en préservant leur dignité et leur vie
privée. En outre, ces mesures devraient tenir compte de l’âge des victimes et
des violences sexuelles qu’elles ont pu subir, ainsi que de la nécessité de
réhabiliter et réinsérer les anciens enfants soldats, afin qu’ils vivent de
façon responsable au sein de leurs communautés.
La
Chambre a décidé que, dans l’affaire à l’encontre de Thomas Lubanga Dyilo, les
mesures de réparation doivent être mises en œuvre par l’intermédiaire du Fonds
au profit des victimes, dans la limite toutefois des ressources dont il
dispose. La Chambre a également souligné que, pour que des ordonnances de
réparation aboutissent, les États parties- en particulier la RDC - et les États
non parties au Statut de Rome doivent coopérer et qu’il faudra que le Fonds au
profit des victimes reçoive suffisamment de contributions volontaires pour
réaliser des programmes de réparation utiles et efficaces.
M.
Lubanga a été déclaré indigent et ne semble posséder à ce jour aucun bien ou
avoir. Il peut néanmoins présenter volontairement des excuses aux victimes, de
façon publique ou confidentielle. La Chambre a considéré que d’autres mesures
symboliques de réparations peuvent être envisagées. En effet, la Chambre a
estimé que le verdict de culpabilité et la peine prononcée à l’encontre de
Thomas Lubanga constituent une réparation symbolique, compte tenu de l’importance
qu’elles revêtiront probablement aux yeux des victimes, de leurs familles et de
leurs communautés. Les réparations peuvent aussi prendre la forme de campagnes
visant à améliorer la position des victimes, de certificats reconnaissant le
préjudice subi, ainsi que d’activités de sensibilisation et d’information, de
même que des programmes d’éducation qui permettent d’informer et visent à
réduire la stigmatisation et la marginalisation des victimes, sans
discrimination aucune.
Le
Fonds au profit des victimes a été crée par l’Assemblée des Etats parties au
Statut de Rome. Ses ressources proviennent essentiellement de contributions
volontaires des Etats et de donations privées. Le Fonds au profit des victimes
dispose de deux mandats. Dans son mandat d’assistance, qui ne dépend pas de
l’issue des procédures judicaires devant la CPI, le Fonds assure une
réhabilitation physique ou psychologique, ou encore un soutien matériel, au
profit des victimes – ainsi que de leurs familles – de crimes relevant de la compétence
de la Cour pénale internationale. Au cours des quatre dernières années, les
activités relevant du mandat d'assistance ont bénéficié à plus de 80 000
victimes, y compris en Ituri. Avec la décision de la Chambre sur les
réparations, le mandat de mise en œuvre des réparations sera utilisé pour la
première fois dans l’histoire du Fonds au profit des victimes.
La CPI est la première cour pénale
internationale permanente créée en vertu d’un traité pour mettre fin à
l’impunité des auteurs des crimes les plus graves touchant la communauté
internationale, à savoir les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le
génocide et le crime d’agression. Jusqu’ici, 16 affaires ont été portées devant
elle dans le cadre de sept situations qui font actuellement l’objet d’enquêtes
: les situations en Ouganda, en République démocratique du Congo, en République
centrafricaine, au Darfour (Soudan), au Kenya, en Libye et en Côte d’Ivoire.
Les juges de la CPI ont délivré 22 mandats d’arrêt (dont deux annulés par suite
du décès des suspects) et neuf citations à comparaître. Cinq personnes sont
actuellement en détention sous la garde de la CPI et 12 suspects sont toujours
en liberté.
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