Kinshasa, le 10 janvier 2013 - L'Association
Congolaise pour l'Accès à la Justice (ACAJ) a conseillé et soutenu le Comité de
suivi de 82 magistrats, irrégulièrement retraités en 2008, pour déposer plainte
auprès du Comité des Droits de l'Homme contre la RDC pour violation de ses
engagements internationaux pris dans le cadre du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (PIDCP).
Pour rappel, le 9 février 2008, la
Télévision nationale congolaise (RTNC) avait rendu publique, à la surprise
générale, les ordonnances d'organisation judiciaire n°s 08/010,
08/011, O8/012, 08/013, 08/014, 08/015 et 08/16 de la même date.
Signées par le Président de la République, ces
ordonnances portent la mise à la retraite
des 90 magistrats (08/10 et 08/11) aussi bien de la Cour Suprême de
Justice (CSJ) et du Parquet Général de la République (PGR) près cette Haute Cour que des Cours d'Appel
et des Parquets généraux près ces
juridictions, constate des démissions (08/12) ainsi que la nomination d'autres magistrats. Les 82 magistrats
irrégulièrement retraités n'ont jamais reçu de notifications formelles.
Le 11 février 2008, les magistrats
victimes, ont adressé au Président de la république, sans succès, la lettre n°001/CSJ/PGR/2008 lui
demandant de rapporter lesdites ordonnances pour violation flagrante de la
constitution et du Statut des magistrats en ce que le Ministre de la Justice et
Droits humains ainsi que le Conseil des
ministres, qui les avaient respectivement préparées et entérinés, n'étaient pas
l'organe compètent, au regard des
articles 149 et 152 de la constitution, d'une part ; et que bon nombre
d'entre eux ne remplissaient aucune de deux conditions exigées par l'article 70
de la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats
invoqués dans les visas des dites ordonnances, à savoir 65 ans d'ages (70 ans
pour les magistrats de la CSJ et du PGR) ou 35 ans de service ininterrompu
d'autre part.
N'ayant pas reçu de réponse de la part du
Président de la république, ils ont, le 18 février 2008, collectivement déféré
lesdites ordonnances devant la CSJ pour institutionnalisé et leur demande fut
enregistrée sous le n°R./const. 065/TSR, et plus tard ils y ont déposé une
requête en annulation sous le n°1020.
A l'issue de sa session extraordinaire du
mois de décembre 2008, le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) avait
proposé, au Président de la république, la réhabilitation des magistrats
victimes n'ayant pas totalisé l'âge de la retraite ni accompli 35 ans de
service ininterrompu et à la CSJ d'examiner les recours en annulation et en
inconstitutionnalité pour les autres. Mais le Président de la république avait
rejeté catégoriquement cette proposition, aux termes de sa lettre du 21 janvier
2009, adressée au CSM, en soutenant que ce dernier ne pouvait pas tenter de s’ériger
« en une instance de censure ou d'annulation de ses actes». Et la CSJ n'a jamais examiné leurs recours.
Face à ce déni de justice, les 82
magistrats irrégulièrement retraités ont, en collaboration avec l'ACAJ, saisi, depuis quelques jours, le
Comité des Droits de l'Homme pour faire constater la violation, par la RDC, de
ses obligations internationales découlant du PIDCP.
Le Gouvernement congolais a
effectivement violé les articles 2, alinéas 1 et 3 ; 9; 14 ;
19 ; 20 ; 21; 25 points C; et 26 du PIDCP qui garantissent notamment
l'égalité de tous devant la loi, le droit de tous à une égale protection de la
loi, le droit de faire entendre sa cause devant un tribunal compétent,
indépendant et impartial, et interdisent toute forme de discrimination, a
déclaré Me Georges Kapiamba, Président national de l'ACAJ.
L'ACAJ déplore les conditions de vie de
grande précarité dans lesquelles vivent, à ce jour, les magistrats victimes
après leur mise à la retraite et les décès de certains d'entr'eux qui s'en sont
suivis.
Elle considère le refus du Président de la
république à réhabiliter les magistrats victimes des ordonnances irrégulières,
pourtant recommandée par le CSM en décembre 2008, comme une volonté de
concentrer les pouvoirs exécutif et judiciaire entre ses mains, et ce, en
violation des articles 149 et 151 de la constitution.
C'est pourquoi, l'ACAJ recommande :
Au Comité des Droits de l'Homme des
Nations Unies, d'appliquer sa jurisprudence CCPR/C/78/D/933/2000
résultant de la communication n° 933/2000, du groupe de 315 magistrats, contre
la RDC ;
Au Président de la République,
de respecter le principe de séparation de pouvoirs et les attributions du
Conseil Supérieur de la Magistrature;
Aux ONG de la Société Civile
nationale et internationale, de soutenir l'action du Comité de suivi
des magistrats irrégulièrement mis à la retraite.
Aux 82 magistrats victimes,
de rester fermes dans leur recherche de la justice.
Note d'information :
Le Comité des Droits de l'Homme
est un modèle le plus achevé de protection non juridictionnelle des droits de
l'homme mise en œuvre au sein du système des Nations Unies. Institué aux termes
de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(PIDCP), il est composé de huit membres élus par les Etats parties audit Pacte.
Sa mission principale est de recevoir de la part des Etats parties, des rapports
« sur les mesures qu'ils auront arrêté et qui donnent effet aux droits
reconnus dans le Pacte et sur les progrès réalisés dans la jouissance de ces
droits » (article 40, point 1, PIDCP). Il a également reçu mission de
recevoir et d'examiner des communications étatiques (article 41 du PIDCP) et
des communications individuelles (article premier du protocole) en cas de non
observance par un Etat de ses engagements ou en cas de violation par un Etat
des droits reconnus aux particuliers par le Pacte.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire