Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
Messieurs Laurent Gbagbo et Charles Blé
Goudé doivent répondre de crimes contre l’humanité – meurtre, viol, atteinte
grave et persécution – commis à Abidjan à la suite des élections
présidentielles qui se sont tenues en Côte d’Ivoire en 2010.
Que les choses soient bien claires dès le
départ. Cette affaire ne s’agit pas de déterminer qui a gagné les élections de
2010, ni qui aurait dû les remporter. Il s’agit d’établir la responsabilité
pénale individuelle des deux accusés pour ce qui est des crimes commis dans le
cadre des violences postélectorales de 2010 qui relèvent de la compétence de
cette Cour.
Il s’agit d’établir leur responsabilité au
sujet des crimes commis par les forces armées de la Côte d’Ivoire, ainsi que
par des groupes de jeunes, des milices et des mercenaires, en exécution d’un
plan visant à maintenir coûte que coûte Laurent Gbagbo au pouvoir.
Principalement, en raison de la crise
politico-militaire en Côte d’Ivoire (2002-2007), les élections de 2010 ont été
les premières élections qui se sont tenues au cours des dix années où Gbagbo
était au pouvoir. Elles devaient marquer l’unité du pays, mais ce ne fut pas le
cas.
En fait, pendant cinq mois environ, du 27
novembre 2010 au 12 avril 2011, la Côte d'Ivoire a sombré dans le chaos et a
été le théâtre de violences innommables, déclenchées par des discours de
division selon lesquels seuls les Ivoiriens qui soutenaient Laurent Gbagbo
étaient de vrais patriotes. Tous les autres étaient qualifiés d’ennemis de la
République.
Monsieur Laurent Gbagbo n’a pas eu
l’intention d’abandonner le pouvoir. Il s’était préparé à l’éventualité d’une
défaite électorale en posant les fondations du recours à la violence. Puis,
lorsqu’il a compris que la présidence allait lui échapper, avec l’aide de son
entourage immédiat, il a lancé une campagne d’attaques orchestrée contre les
civils assimilés à ses opposants : d’abord, les partisans de l’opposant
politique de Gbagbo, Monsieur Alassane Ouattara, et ensuite, tous ceux qui
étaient considérés comme acquis à la cause de ce dernier compte tenu de leur
origine ethnique, de leur religion ou de leur nationalité, ou encore de ces
trois critères à la fois. Les groupes ethniques comme les Dioula, généralement
de confession musulmane, et les Ivoiriens d’origine ouest-africaine ou les
citoyens de pays d’Afrique de l’ouest comme le Mali et le Burkina Faso, ont
tous été considérés comme des partisans de Ouattara.
Les membres de ces groupes ethniques,
nationaux et religieux ont tous été pris pour cible lors de manifestations
politiques, à des barrages routiers et dans les communes les plus peuplées
d’Abidjan comme celle d’Abobo. Leurs foyers et les marchés qu’ils fréquentaient
ont été bombardés et leurs édifices religieux attaqués.
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
Au vu des éléments de preuve qu’elle a
recueillis, l’Accusation est aujourd’hui ici pour poursuivre deux hommes :
Monsieur Laurent Gbagbo, ancien Président de la Côte d’Ivoire, et Monsieur
Charles Blé Goudé, allié de longue date de Gbagbo et chef de file des jeunes
partisans de ce dernier, qui l’a nommé Ministre de la jeunesse, de la formation
professionnelle et de l’emploi après les élections.
Nous sommes ici aujourd’hui pour envoyer
un message fort et ferme à tous ceux qui complotent pour se hisser au pouvoir
ou s’y maintenir en ayant recours à la force et à la brutalité, à savoir qu’ils
doivent répondre et répondront de leurs actes conformément aux dispositions du
Statut de Rome.
Nous sommes ici aujourd’hui pour rappeler
au monde entier que les crimes tels que ceux qui sont au cœur de cette affaire
– le meurtre, le viol, les actes inhumains, la persécution (des crimes contre
l’humanité) menacent la paix, la sécurité et le bien-être non seulement des
communautés touchées mais aussi de l’humanité toute entière. Quiconque commet
des violences à grande échelle, commet des violences contre toute l’humanité.
Je tiens à souligner une fois de plus que
ce procès n’est pas de nature politique. Nous poursuivons une mission purement
juridique dans le cadre du Statut de Rome. Guidés par les éléments de preuve
que nous recueillons à travers nos enquêtes menées en toute indépendance, nous
entendons engager des poursuites contre les auteurs des crimes commis lors de
violences postélectorales qui ont emporté et détruit les vies de tant de
femmes, d’hommes et d’enfants de Côte d’Ivoire.
Bon nombre d’Ivoiriennes et d’Ivoiriens
suivront ce procès attentivement. Certaines et certains se demanderont pourquoi
l’Accusation ne poursuit que ces deux hommes et personne d’autre – pour le
moment.
L’Accusation tient vraiment à ce que les
principaux responsables des violences perpétrées contre des civils de Côte
d’Ivoire, dans le cadre des élections de 2010, soient traduits en justice.
Trois mille civils auraient été tués par
les forces armées des deux camps lors de ces violences postélectorales.
Nos enquêtes se poursuivent dans le pays.
Mais il faut du temps. Je demande au peuple de Côte d’Ivoire de faire preuve de
patience, et j’encourage vivement les autorités nationales à continuer de coopérer
avec mon Bureau.
Mon Bureau entend veiller à ce que justice
soit rendue et à ce que les responsables de ces crimes rendent des comptes quel
que soit leur camp. Cela doit être clair ; mon Bureau enquête actuellement sur
les deux parties au conflit. C’est ce que requiert le mandat juridique du
Bureau, c’est ce que les victimes méritent et c’est ce que l’Accusation a
vraiment à cœur d’accomplir et ce qu’elle s’emploie à faire.
Les accusés
Comme mon éminent collègue, M. Eric
MacDonald, premier substitut du Procureur en l’espèce, l’exposera en détail
lors de son intervention, l’Accusation établira au-delà de tout doute
raisonnable que Messieurs Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont tous deux, à
titre individuel, pénalement responsables des crimes contre l’humanité commis
contre des civils à Abidjan entre le 27 novembre 2010 et le 12 avril 2011.
L’Accusation démontrera que Laurent
Gbagbo, Charles Blé Goudé et d’autres membres du cercle immédiat de M. Gbagbo
ont conçu et mis en œuvre un plan commun destiné à maintenir Laurent Gbagbo au
pouvoir par tous les moyens.
L’un de ces moyens consistait à faire
usage de la violence et de la force armée. Le 27 novembre 2010 au plus tard, il
s’est également agi de la mise en œuvre d’une politique visant à lancer une attaque
généralisée et systématique contre les civils considérés comme des partisans de
M. Alassane Ouattara.
Comme nous l’expliquerons, cette politique
s’est traduite par la commission des crimes dont les deux accusés doivent
répondre au regard du Statut de Rome.
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
Laissez-moi vous parler d’abord du premier
accusé, M. Laurent Gbagbo.
Depuis le moment où il a accédé au pouvoir
à la suite des élections présidentielles de 2000, il a cherché à s’y maintenir par
tous les moyens, notamment par le recours à la violence, comme les élections
présidentielles qui se sont tenues en 2010 en Côte d’Ivoire permettront de le
démontrer.
Il a invoqué des lois discriminatoires
pour empêcher ses opposants politiques de se présenter aux élections. Il a
signé des traités de paix mais a empêché leur application. Il s’est servi des
forces armées ivoiriennes et des milices, des groupes de jeunes et des
mercenaires acquis à sa cause pour anéantir l’opposition par la violence et il n’a
jamais demandé à ces groupes ou à qui que ce soit de répondre de violences ou
de persécutions commises contre des civils.
Dans les mois qui ont précédé les
élections d’octobre 2010, l’accusé a pris des mesures pour se préparer à
l’éventualité d’une défaite politique, afin de s’assurer la mise en place de
structures sur lesquelles il pourrait s’appuyer pour recourir, si nécessaire, à
la violence. Plus rien ne pourrait provoquer la défaite de M. Gbagbo – si la
voie politique échouait, la violence devenait un autre moyen de s’imposer.
En s’autoproclamant Président de Côte
d’Ivoire, Gbagbo s’est servi des Forces de défense et de sécurité ivoiriennes
(FDS) pour attaquer les civils. Il a également utilisé des mercenaires à cette
fin. Il s’est servi de groupes de jeunes et de milices, galvanisés par les
discours de haine de son coaccusé, M. Blé Goudé, pour s’en prendre à des
civils.
Laurent Gbagbo exerçait un contrôle sur
les FDS depuis 10 ans en tant que Président et commandant en chef des forces
armées. Il a continué à l’exercer en tant que nouveau Président autoproclamé à
la suite des élections de 2010.
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
Nous démontrerons que M. Gbagbo a exercé
ce contrôle par la voie hiérarchique officielle, ainsi que par le biais d’une
structure parallèle composée d’unité militaires placées sous les ordres de
commandants qui lui étaient fidèles.
M. Gbagbo contrôlait également les jeunes,
les milices et les mercenaires acquis à sa cause. Ces groupes étaient intégrés
aux unités des FDS qui lui étaient fidèles au sein de cette structure parallèle
ou collaboraient avec celles-ci. M. Gbagbo exerçait donc un contrôle via la
chaîne de commandement officielle et la structure parallèle et grâce aux
relations qu’il entretenait avec Blé Goudé et d’autres membres de son entourage
immédiat.
Je vais à présent vous parler de M.
Charles Blé Goudé.
M. Blé Goudé était le porte-parole de
Gbagbo, son spécialiste de la communication. Il s’enorgueillissait de sa
faculté à faire passer le message de Gbagbo, à mobiliser les foules et à
transmettre les mots d’ordres ou les instructions. M. Blé Goudé organisait et
guidait les groupes de jeunes partisans de Gbagbo, appelés les « Jeunes
Patriotes ». Il s’était autoproclamé le « Général de la rue ».
Charles Blé Goudé était le lien entre
Laurent Gbagbo et les Jeunes Patriotes. Il manipulait les jeunes au moyen de
discours de haine, dans lesquels les partisans de Ouattara étaient l’ennemi et
constituaient des cibles légitimes, invoquant une forme de patriotisme pour
justifier les persécutions. Il a répandu l’idée que les partisans de Laurent
Gbagbo étaient les vrais patriotes, les vrais Ivoiriens. Tous les autres
étaient les ennemis de la République et ce message a été martelé dans les
médias contrôlés par l’État et d’autres médias pro-Gbagbo.
Charles Blé Goudé voulait également que
Laurent Gbagbo se maintienne par tous les moyens au pouvoir. Il exerçait un
contrôle sur les jeunes et guidait leurs actions grâce à ses discours et aux
instructions spécifiques qu’il leur donnait. Lorsqu’il les incitait à agir, les
jeunes s’exécutaient. Ils répondaient immédiatement à ses appels et exécutaient
ses instructions sans l’ombre d’une hésitation.
Permettez-moi de vous donner un exemple.
Vous constaterez au vu des éléments que
nous vous présenterons que le 25 février, M. Blé Goudé a ordonné aux jeunes
pro-Gbagbo « de contrôler les allées et venues dans leurs quartiers et de
dénoncer toute personne inconnue et tout étranger qui y entrerait ». Obéissant
à cet ordre, des jeunes et des miliciens ont installé des barrages routiers
dans la commune de Yopougon, peuplée d’habitants appartenant à diverses
ethnies, afin de contrôler le passage des « étrangers » présumés, à savoir les
Dioula, les ressortissants d’États ouest-africains ou les Ivoiriens d’ascendance
ouest-africaine. Et ce jour-là, à Yopougon – ainsi que dans les jours et les
semaines qui ont suivi – les quartiers habités par les Dioula ont subi de
violentes attaques, au cours desquelles des femmes et des hommes ont été tués –
certaines personnes ont été brûlées vives à des barrages routiers, d’autres ont
été grièvement blessées.
Crimes reprochés
Du fait de leurs actes, les deux accusés
sont conjointement responsables des crimes commis au cours des quatre
événements en cause dans le cadre desquels au moins 142 personnes ont été
tuées, au moins 24 femmes et filles ont été violées et 119 personnes au moins
ont subi des atteintes graves à l’intégrité physique et de grandes souffrances.
Par ailleurs, ils doivent également répondre de persécution.
Charles Blé Goudé est en outre accusé des
crimes commis au cours de l’épisode que je viens d’évoquer – il s’agit des
crimes qui ont été perpétrés entre le 25 et le 28 février, entraînant le
massacre d’au moins 22 personnes, des atteintes graves à l’intégrité physique
d’au moins sept personnes et de grandes souffrances subies par celles-ci, et la
commission du crime de persécution.
Enquêtes menées
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
En 2011, la Chambre préliminaire a
autorisé mon Bureau à ouvrir une enquête sur les crimes relevant de la
compétence de la Cour commis en Côte d’Ivoire lors des violences
postélectorales de 2010 et 2011.
Depuis lors, nous avons recueilli un grand
nombre d’éléments de preuve contre les deux accusés – nous avons rencontré
nombre de personnes, interrogé de nombreux témoins, recueilli des milliers de
documents et consulté beaucoup d’experts.
Actuellement, 138 personnes figurent sur
la liste des témoins à charge. Des victimes et des témoins vous relateront les
crimes horribles qui sont au cœur de l’espèce. Des chercheurs et des
réalisateurs de films, des témoins de l’intérieur proches des accusés,
notamment des hommes politiques, des membres des FDS, des jeunes pro-Gbagbo,
des miliciens et des mercenaires, viendront aussi déposer.
Vous entendrez les témoignages des
enquêteurs et d’autres membres de mon Bureau : ils décriront les scènes des
crimes, qu’ils ont étudiées et photographiées, et indiqueront les lieux à
Abidjan où ils ont recueilli des documents émanant des FDS et du gouvernement.
Nous nous appuierons sur un grand nombre de preuves documentaires : des
documents des FDS et du gouvernement, des séquences vidéo saisies à la RTI (la
chaîne de télévision de l’État), des séquences vidéo des scènes de crimes
filmées par des témoins, les listes des visiteurs retrouvées dans le palais
présidentiel de M. Gbagbo, et bien d’autres éléments de preuve.
Nous entendons citer à comparaître des
experts pour témoigner sur tout un éventail de questions ayant traits à la
balistique, aux preuves numériques, aux analyses d’ADN et aux pathologies
médico-légales.
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le
juge,
Permettez-moi de relater brièvement
l’expérience extrêmement pénible vécue par l’un des témoins que l’Accusation
appellera à la barre – il s’agit d’une victime de viol. Nous l’appellerons
P-0350 dans ce procès afin de ne pas dévoiler son identité.
P-0350 viendra témoigner que le 16
décembre 2010, elle a participé à une manifestation qui se dirigeait vers le
siège de la RTI. Elle soutenait le Rassemblement des Républicains (RDR) – le
parti politique de Ouattara. Elle a été arrêtée par les gendarmes en raison de
son appartenance politique, puis a été placée en détention à la préfecture de
police à l’instar d’autres civils. D’autres femmes et elle ont été détenues
séparément pendant trois jours. Pendant ces trois horribles journées, elle a
été violée – victime de viols collectifs – à la préfecture de police, par des
gendarmes armés – dont la fonction était justement de protéger les civils des
actes de violence. Les autres femmes détenues en même temps que le témoin ont,
elles aussi, subi des viols collectifs à plusieurs reprises.
P-0350 a enduré ces crimes atroces
simplement parce qu’elle avait rejoint une marche pour soutenir M.
Ouattara.
Cette Cour doit redonner espoir aux
victimes de ces crimes si abominables et garantir que justice sera rendue et
qu’elle triomphera.
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
Il vous sera démontré que le 24 février
2011, Laurent Gbagbo a enjoint à son armée de ne pas perdre Abobo.
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
Abobo est un quartier d’Abidjan densément
peuplé. La majorité de ses habitants vient du nord de la Côte d’Ivoire. Après
que cet ordre a été donné, Abobo est devenu le théâtre de violentes
persécutions commises par les forces pro-Gbagbo.
Le 3 mars 2011, plus de 3000 femmes se
sont rassemblées à Abobo pour exiger la démission de M. Gbagbo et manifester
contre les violations des droits de l’homme perpétrées dans leur quartier.
Elles étaient simplement munies de branches d’arbres et de banderoles. Elles
n’étaient pas armées et manifestaient de manière pacifique.
C’est alors qu’un convoi des FDS venant
d’un de leur camp basé à Abobo a ouvert le feu sur ces manifestantes désarmées.
Sept femmes ont été tuées de sang-froid, plusieurs autres ont été blessées ;
leurs corps ensanglantés et mutilés ont été abandonnés sur la route.
Vous constaterez qu’à l’époque des faits,
la réaction du gouvernement de M. Gbagbo et des FDS face à cette tragédie a été
de nier, sur la chaîne de télévision contrôlée par l’État, toute responsabilité
dans ce massacre. Vous constaterez également que les médias pro-Gbagbo ont
prétendu que cette tragédie avait été mise en scène, que le Conseil des
ministres de Gbagbo a rétorqué que les allégations portées contre les FDS
étaient inventées de toutes pièces, et que, le 23 mars 2011, Charles Blé Goudé
a déclaré que les FDS ne pouvaient en aucun cas être responsables parce qu’à ce
moment-là, Abobo était aux mains des rebelles.
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
Face aux preuves irréfutables que ces
femmes ont été tuées par des tirs provenant d’un véhicule des FDS, ces démentis
répétés à propos de la responsabilité des FDS trahissent la vérité. La vérité,
c’est que M. Gbagbo et son entourage immédiat entendaient dissimuler ces crimes
et qu’ils étaient en fait perpétrés en exécution de leur plan commun.
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
L’Accusation démontrera que ces démentis
étaient fabriqués de toutes pièces et ce, de manière coordonnée. Nous vous
montrerons notamment une séquence vidéo haute-définition de la manifestation en
question.
Cette séquence est éprouvante car elle
immortalise la réalité brutale des faits survenus le 3 mars 2011.
Vous visionnerez cette séquence et vous
entendrez le témoignage d’un expert qui viendra attester de son authenticité.
Il confirmera qu’il ne s’agit pas d’un montage. Vous pourrez constater que de
la fumée s’échappe du canon fixé sur un véhicule blindé des FDS lorsqu’il fait
feu sur les manifestantes pacifiques.
L’Accusation prouvera, au-delà de tout
doute raisonnable, que les FDS ont tué sept femmes le 3 mars 2011. Nous
prouverons l’identité de ces victimes grâce aux témoignages de leurs proches et
de leurs amis, et grâce aux analyses ADN. Ces femmes avaient un nom, c’étaient
des mères, des filles, des sœurs et des épouses. Ces femmes, qui ont eu une
mort violente, existaient bel et bien.
Elles ont grossi le nombre des victimes de
la politique menée par tous les moyens par les accusés.
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
Malgré la gravité de ces crimes, aucune
enquête officielle n’a été menée sur le meurtre de ces sept femmes. En réalité,
aucune enquête n’a été véritablement menée sur quelque crime que ce soit commis
par les FDS ou les jeunes, les miliciens et les mercenaires acquis à la cause
de Gbagbo. Il n’y a eu que des dissimulations.
Le Président n’a jamais ordonné l’arrêt
des meurtres, des violences physiques, des viols et des persécutions de civils
perpétrés en son nom. Ses actes et son inaction délibérée ont conduit à la
commission de ces crimes. Le 27 août 2010, M. Gbagbo a déclaré aux FDS : « Si
des erreurs sont commises, nous gérerons la situation. » Et c’est ce qu’il a
fait. Nous vous démontrerons comment il s’y est pris tout au long du procès.
Il été soutenu dans ses efforts par
Charles Blé Goudé. Ce dernier n’a jamais enjoint aux jeunes de s’abstenir de
recourir à quelque forme de violence physique que ce soit. Bien au contraire.
Nous apporterons la preuve qu’en réalité, il est intervenu pour diriger
leurs actions, pour leur dire de mieux s’organiser et de continuer à faire du «
bon travail ».
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
Les forces pro-Gbagbo ont, entre autres :
• Blessé, tué et
violé des manifestantes pacifiques ;
• Bombardé à
l’artillerie des hommes, des femmes et des enfants dans leurs quartiers ; et
• Massacré des hommes
et des garçons à des barrages routiers simplement en raison de leur identité et
de leurs affiliations, simplement pour ce qu’ils étaient.
Les crimes en cause ont été commis en
exécution du plan commun dont l’objectif était de maintenir Laurent Gbagbo au
pouvoir à tout prix.
Conclusion
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
Je conclurai en disant que l’objectif de
ce procès est d’obtenir justice pour les centaines de victimes des violences
postélectorales survenues en Côte d’Ivoire et de s’assurer que les responsables
de ces crimes ne bénéficieront d’aucune impunité, quel que soit leur pouvoir ou
leur position.
Je réaffirme que les accusations qui
seront au cœur de ce procès ne se rapportent qu’aux actes et à la
responsabilité pénale individuelle de MM. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé.
Elles ne sont en aucune manière portées
contre le peuple de Côte d’Ivoire, ni contre l’une ou l’autre partie de la
population, ni contre des groupes politiques, nationaux, ethniques ou religieux
dans le pays.
Elles visent deux personnes accusées en
application des dispositions du Statut de Rome et sur la base des éléments de
preuve recueillis par l’Accusation.
La présente affaire est la première à
parvenir au stade du procès dans le cadre de la situation en cause. D’autres
suivront car notre détermination à poursuivre les principaux responsables des
violences postélectorales commises dans ce pays, quel que soit leur camp ou
appartenance politique, ne faiblit pas. Nous persévérerons jusqu’à ce que cette
tâche soit accomplie.
Monsieur le Président, Madame le juge,
Monsieur le juge,
Je vous remercie de votre attention. Si
vous le permettez, je cède maintenant la parole à M. Eric MacDonald, qui va
vous exposer plus en détail le dossier à charge et les moyens de preuve qui
seront présentés à l’appui des accusations portées contre les deux accusés en
l’espèce.
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