LA PROBLEMATIQUE
L’objectif du dialogue initié par le Président de la République, dans le cadre de l’accord d’Addis-Abeba, est d’obtenir de la classe politique, un consensus sur :
- La mise à jour du fichier électoral et l’enrôlement de nouveaux majeurs ;
- Le calendrier électoral ;u
- La sécurisation et le financement des élections.
Le dialogue a pour parties prenantes : les partis politiques de la Majorité face à ceux de l’Opposition ainsi que la Société civile.
Le défi pour sa réussite, au-delà de son rejet par certaines forces de l’Opposition ou de la Société civile est, pendant sa préparation et son déroulement, de réussir à :
- identifier de la manière la plus exhaustive possible les forces réelles en présence ainsi que les questions qui les divisent au-delà de celles officiellement annoncées ci-haut et que les assisses devraient résorber ;
- identifier et analyser les causes historiques et actuelles à la base des problèmes qui divisent les parties prenantes, en vue de mieux appréhender les raisons de leur récurrence ;
- définir les compétences, les sources de légitimité et de légalité :
- du dialogue politique lui-même ;
- des diverses instances que devra instituer celui-ci pour la mise en application de ses résolutions ;
- des scénarii alternatifs possibles qui pourraient se manifester au courant des travaux, pour sortir le pays de la crise politique en cours.
- Le dialogue politique
Rappelons que l’objet annoncé ou déclaré du dialogue politique initié par le Président de la République est la recherche du consensus sur :
- la problématique du fichier électoral et de l’enrôlement de nouveaux majeurs ;
- la question d’un calendrier électoral global ainsi que celle de la sécurisation et du financement des élections.
Cet objet du dialogue politique, ci-haut indiqué, ne devrait en lui-même pas poser de problème dans son traitement.
Ce qui pose problème et divise la classe politique, ce sont :
- les enjeux de dispute du pouvoir, de positionnement et de stratégies pour la conservation ou la conquête de celui-ci ;
- la tendance structurelle et récurrente de la classe politique, à chaque crise politique, de sortir généralement de l’ordre institutionnel et légal établi par le peuple, afin de chercher à redéfinir de nouvelles règles du jeu pour résoudre ladite crise, en fonction des intérêts partisans des uns et des autres.
Cette approche amplifie généralement les crises et crée ainsi un fossé entre les différents camps qui soutiennent ou rejettent, selon leurs intérêts politiques du moment, la nouvelle règle de jeu arrêtée ou à arrêter.
Au-delà de ces crises politiques qui opposent la classe politique congolaise depuis l’indépendance, et qui conduisent de manière cyclique aux dialogues, conférences, forums,…, il existe une autre crise permanente qui oppose la classe politique au peuple et qui n’a jamais fait l’objet d’un débat ou d’un dialogue entre celui-ci et celle-là.
La RDC a donc deux crises, l’une horizontale et l’autre verticale.
La crise horizontale oppose les acteurs politiques entre eux, tandis que, la crise verticale oppose ceux-ci au peuple.
Ainsi, la crise horizontale implique le premier dialogue, celui en perspectives et qui concerne le conflit du pouvoir ou sa dispute, mettant aux prises les partis politiques.
Quant à la crise verticale, elle oppose la classe politique, toutes générations et toutes tendances confondues, au peuple et nécessite un dialogue citoyen (ou vertical).
- Le dialogue citoyen
La crise verticale qui nécessite le second dialogue oppose comme dit ci-haut le peuple à la classe politique. Celle-ci part du lendemain de l’accession du pays à l’indépendance à nos jours.
Ce conflit se manifeste aujourd’hui par la défiance des populations vis-à-vis des partis politiques et de leurs dirigeants et se traduit par les faibles suffrages accordés par le peuple aux principaux partis politiques du pays.
Cette défiance correspond au rejet par le peuple de l’échec collectif des élites pour n’avoir pas mis à profit les 55 ans d’indépendance pour construire au cœur de l’Afrique un pays stable politiquement et surtout prospère économiquement et socialement. Ce conflit nécessite un dialogue permanent et multiforme, d’explication et de réconciliation entre les 2 parties. Il s’agit aussi ici de l’obligation de reddition des comptes de la part des dirigeants.
Seule une réconciliation entre la classe politique et le peuple, qui passe par un dialogue citoyen, d’explication des causes de l’échec collectif, individuel, des difficultés actuelles de l’Etat, entre autres d’organiser les élections, de financer la gestion des provinces, de réduire la misère des masses, le chômage des jeunes, peut permettre de rétablir la confiance mutuelle.
C’est en communiquant au peuple la raison de la faiblesse du PIB par habitant de notre pays, le plus bas de l’Afrique, et les causes de cette situation qui se situent dans le présent et surtout loin dans l’histoire, que nous ferons amande honorable.
C’est en formulant, en toute humilité, des propositions constructives et alternatives que les élites que nous sommes pourront rétablir le lien avec les masses et leur donner de nouvelles raisons d’espérer. Sinon, celles-ci perdraient foi en l’avenir et n’auraient qu’un choix, celui de tout casser.
Dans cette tribune, nous nous limitons à l’analyse prospective du premier dialogue, le dialogue politique.
La problématique du second dialogue sera, quant à elle, examinée dans une tribune ultérieure.
- LE DIALOGUE POLITIQUE
Ce dialogue dit horizontal, tourne autour de la querelle actuelle des hommes politiques pour le pouvoir politique ainsi que sur les stratégies de chaque groupe pour sa conquête ou sa conservation.
Il met aux prises principalement les acteurs de la classe politique et subsidiairement ceux de la société civile.
Les parties prenantes au conflit sont :
- Le premier groupe, la Majorité au pouvoir, constituée de 3 sous-groupes : la MP (ou ce qui en reste), le PPRD, et PALU.
- Le deuxième groupe représente l’Opposition politique. Il est constitué de 4 ou 5 composantes. Il est traversé par plusieurs clivages et ne dispose pas encore d’un message cohérent.
- Le troisième groupe est constitué de la société civile, qui comprend trois tendances ; la tendance pro-pouvoir, celle proche de l’opposition et la troisième tendance qui est au centre et semble être au milieu du village (notamment l’église) porte les thèses citoyennes.
En analysant les déclarations des uns et des autres, on peut se rendre compte que tous sont pour le dialogue. Cependant, chaque groupe a, à ce propos, ses stratégies déterminées par les intérêts du pouvoir.
Car les composantes actuelles de l’Opposition qui rejettent actuellement l’idée d’un dialogue sont conscientes que très probablement les élections ne pourront pas être organisées d’ici la fin du mandat du Président Joseph Kabila et qu’il faudra un dialogue, ne serait ce que pour mettre en place des institutions de transition pour les organiser.
- LE PROCESSUS DU DIALOGUE POLITIQUE AU-DELA DES PREOCCUPATIONS ELECTORALES
Les enjeux autour de la source de légitimité, de légalité et de l’issue du dialogue politique dépendront du moment où celui-ci va être engagé réellement. Est-ce au courant du mandat du Président de la République ou au-delà de celui-ci ?
- LE DIALOGUE POLITIQUE EN 2016
En cas de consensus minimal entre Pouvoir et Opposition ou sa partie représentative d’ici la fin du premier semestre 2016, pour l’organisation du dialogue politique, sous la facilitation de la communauté internationale, quatre hypothèses sous-tendent son organisation et son processus :
- Le dialogue se tient sous la facilitation de la communauté internationale ;
- Il tire sa source de légalité dans la constitution ainsi que des institutions actuelles du pays dont le Président de la République en fonction ;
- La source de légitimité du dialogue repose sur les forces politiques et sociales représentées aux assisses ;
- Le dialogue prend des résolutions dont celle fixant les instances chargées de la mise en application de ses acquis.
- 1er Scénario du dialogue au courant de 2016 sans « glissement »
Le dialogue laisserait aux institutions établies et dans le cadre de la Constitution en vigueur, le pouvoir d’application de ses résolutions.
Un compromis serait trouvé pour organiser les élections dans le délai constitutionnel en donnant priorité aux élections législatives et présidentielles.
Cette hypothèse permet de réduire le temps nécessaire à l’organisation des élections en organisant que ces deux élections.
Le coût de leur financement ainsi que de leur sécurisation serait dans les limites du budget du Gouvernement.
Si le dialogue se met effectivement en place en Février 2016, il mettra au minimum un mois pour démarrer effectivement et peut prendre peut être deux (2) autres mois pour lever ses options.
Il reste les préalables nécessaires à l’adoption d’un calendrier car, les travaux de révision du fichier lectoral et d’enrôlement de nouveaux majeurs, compte tenu de l’étendue du pays et de la demande de l’Opposition pour restructurer la CENI, nécessiteront plusieurs mois. Cela va impliquer un « glissement » et le non respect du délai constitutionnel.
- 2ème Scénario du dialogue au courant de 2016 avec glissement technique
Le dialogue laisserait aux institutions établies et dans le cadre de la Constitution en vigueur les compétences d’application de ses résolutions dont celles relatives à la révision de quelques dispositions de la Constitution dont celles nécessaires à la mise en place éventuelle d’un gouvernement de transition ouvert à l’Opposition (Gouvernement d’union nationale), sans toucher aux articles verrouillés. Un tel gouvernement aurait la charge d’organiser les élections dans un ou deux ans.
Dans ce scénario, nous supposons que les parties au dialogue feraient un compromis politique pour un glissement technique de 2 ans au maximum pour l’organisation des élections.
- 3ème Scénario du dialogue au courant de 2016
Le dialogue prendrait une résolution instituant un acte constitutionnel mettant en place des institutions de facto (parlement et gouvernement de transition), et déciderait de conférer à ces instances de facto les pouvoirs ou compétences d’application de ses résolutions.
La mise en place des institutions de facto (gouvernement d’union nationale entre la majorité et l’opposition, parlement,…) et la cooptation de leurs animateurs (de facto), supposerait un putsch implicite ou explicite, contre la Constitution en vigueur et contre les institutions actuelles, par le dialogue. Le président de la République actuel resterait en place, coopté à la faveur d’un compromis politique, mais dans le cadre d’une légalité nouvelle et de facto.
Ce compromis politique permettrait au Président Joseph Kabila de partager le pouvoir avec ses principaux opposants et alliés de 2011 au niveau le plus élevé de l’Etat (Vice-présidence).
Dans le cadre de ce scénario, il aurait les deux hypothèses ci-après concernant les compétences de ces institutions de transition.
- 1ere Hypothèse : Rédaction et adoption d’une nouvelle constitution par le parlement de transition (Transition unique)
Dans le cadre dudit acte constitutionnel, le dialogue doterait le parlement de transition du pouvoir de rédiger et d’adopter un projet d’une nouvelle constitution à présenter par le Gouvernement de transition au référendum populaire.
Après le référendum, le pays passerait aux élections législatives et présidentielles à la suite desquelles un parlement et un gouvernement élus seraient installés, ce qui conduirait à la fin de la transition (une transition).
Ce scénario serait sujet à caution, car il supposerait l’abrogation de l’actuelle Constitution de février 2006, rédigée par un parlement non élu, sans légitimité républicaine en dépit de sa sanction par un référendum populaire, au profit d’une autre de même nature qui souffrirait de la même illégitimité en amont.
- 2ème Hypothèse : Rédaction et adoption d’une nouvelle constitution par un parlement élu après la transition (deux transitions)
Dans le cadre dudit acte constitutionnel, le dialogue déciderait que la nouvelle constitution serait rédigée et adoptée par une constituante élue. Ainsi, les premiers gouvernement et parlement de la transition (la première transition) aurait pour mission essentielle l’organisation des élections pour mettre en place cette constituante.
Le dialogue aurait ainsi corrigé le péché originel décrié par les lumumbistes avec en tête le Patriarche Antoine GIZENGA, disposant dans l’acte constitutionnel de transition (l’esprit de article 4 la loi fondamentale du 19 mai 1960) que la Constitution définitive de la RDC (l’actuelle Constitution de 2006 étant transitoire de notre point de vue) serait rédigée et adoptée par une constituante élue et mise en place à la suite des élections organisées par un premier gouvernement de transition (première transition), celle-ci serait soumise au référendum populaire à organiser par un second gouvernement (deuxième transition) mis en place après les élections.
Dans le cadre de cette hypothèse, le pays irait aux élections toujours sous l’acte de transition.
Pour rédiger et adopter cette nouvelle constitution, ce serait les partis majoritaires au sein de la constituante élue, qui définiraient la forme de l’Etat et le régime politique, sur la base des options qui auront reçu le quitus du peuple pour ledit projet de constitution, à soumettre au référendum populaire.
En d’autres termes, il y aurait une première transition conduite par un parlement et un gouvernement de transition, non élus, régis par l’acte constitutionnel de transition, qui va organiser les élections et doter le pays d’un parlement et d’un gouvernement élus (2 ans minimum de transition).
Ce parlement et son gouvernement élus, vont dans le cadre d’une deuxième transition, parce que ceux-ci seraient toujours mis en place et régis conformément au même acte de transition (cas du gouvernement Lumumba en 1960 mis en place par la Loi fondamentale qu’était une constitution de transition) vont s’atteler entre autres à rédiger et à adopter un projet de constitution définitive et à organiser le référendum populaire pour sanctionner ledit projet. Son mandat tournerait autour de 4 ans, car on ne pourrait accorder à des institutions élues moins de 4 ans pour la gestion du pays.
C’est toujours ce deuxième gouvernement de transition qui organisera les élections, cette fois-là conformément à la constitution définitive avalisée par le peuple sur proposition de ses représentants élus, pour mettre en place les institutions définitives de la République.
A cet effet, pour respecter la volonté des pères fondateurs, telle que déjà exprimée dans la Loi fondamentale de 1960, et afin d’éviter les coups de force contre l’ordre institutionnel établi, il serait judicieux de prévoir tant dans l’acte de transition que dans la constitution définitive, un article verrouillé selon lequel le pouvoir constituant originaire ne peut être qu’une assemblée élue au suffrage universel direct.
- LE DIALOGUE POLITIQUE APRES 2016
Conformément à l’article 70 de la Constitution, à la fin de son mandat en décembre 2016, le Président Joseph Kabila resterait en fonction mais avec une légitimité relative, jusqu’à son remplacement, soit par un autre président élu, soit par une Autorité de transition (qui pourrait être lui-même) selon le cas.
Dans l’hypothèse où l’Opposition viendrait à trouver l’unité et un message commun, avec la pression populaire, elle renforcerait sa position et obtiendrait le dialogue politique au mieux de ses conditions.
Deux (2) scénarii alternatifs pourraient se présenter dans ce cas :
- 1er Scénario : Participation de la Majorité et de toute Opposition à un dialogue dont l’initiative ne reviendrait plus au seul camp présidentiel
Le dialogue dans le cadre de ce scénario aurait toujours comme source de légitimité les forces représentées aux assisses (de la Majorité, de l’Opposition et de la Société civile).
Celui-ci ne pourrait dans le cadre de ce scénario reconnaitre aux institutions établies le pouvoir d’adopter et d’appliquer ses résolutions, à cause de la difficulté de mettre celles-ci en mouvement, pour de raisons évidentes ci-après :
- Le gouvernement actuel sera à la fin de son mandat. Il aura épuisé son programme. L’actuel Premier Ministre ou un autre, qui serait désigné (par qui et suivant quelle procédure dans ce contexte de crise ?), ne saurait se présenter au parlement pour présenter un autre programme, nécessaire à son investiture. Le pays serait sans budget voté ;
- Le parlement sera en train d’expédier les affaires courantes ;
- Le président serait en train de gérer les services publics dans une situation d’exception.
Ici aussi face à la difficulté d’appliquer la Constitution, le dialogue édicterait un acte constitutionnel de transition et mettrait en place une Autorité de transition (de fait), un parlement et un gouvernement de transition ; et les animateurs de nouvelles institutions seraient cooptés à la faveur d’un compromis politique. Les partis de la Majorité et de l’Opposition ainsi que les représentants de la Société civile entreraient dans les institutions d’union nationale.
Mais, le dialogue lèverait l’option privant à ces derniers le droit de participer aux premières élections qu’ils auront organisées.
S’agissant des compétences du parlement et du gouvernement comme vu précédemment, il va se présenter les deux (2) scénarii développés précédemment.
- 2ème Scénario : Tentative d’exclusion de la Majorité et de ses dirigeants par l’Opposition et la Société civile d’un dialogue dont celles-ci auraient l’initiative
Avec le concours de la pression populaire, l’Opposition s’engage à faire un coup de force contre le Pouvoir et sa majorité actuelle au pouvoir. Il lui est reproché d’avoir violé l’article 73 de la Constitution, pour n’avoir pas organisé les élections dans le délai constitutionnel.
Dans ce scénario, l’Opposition et la Société civile tentent d’écarter la Majorité actuelle du dialogue et des institutions de transition.
Les assisses édicteraient un acte constitutionnel de transition, mettant en place des institutions de transition d’où seraient exclus les partis de la Majorité et leurs dirigeants.
En outre, une résolution du dialogue politique serait prise pour priver aux gestionnaires de la transition, le droit de participer aux premières élections qu’ils auront organisées.
Dans ce cas aussi, il y aurait les deux scénarii ci-après :
Pour le premier, la constitution serait rédigée et adoptée par le parlement de transition non élu. Nous avons ci-haut relevé la faiblesse d’un tel scénario.
Pour le second scénario, le dialogue déciderait, comme dit précédemment, que la nouvelle constitution serait rédigée et adoptée par un parlement élu. Ce scénario nous semble plus pertinent.
Toutefois, la tentative pour un camp politique d’exclure un autre du dialogue ou de la gestion de la transition exaspérerait la crise politique.
L’histoire politique du Congo-Kinshasa nous enseigne que de telles crises ont appelé à chaque fois un 3ème larron, une force autre que celles initialement engagées dans le conflit, dicter sa loi.
Les cas de LUMUMBA et KASA-VUBU (MNC-ABAKO) en 1960-61, de TSHOMBE et KASA-VUBU (CONACO-ABAKO) en 1965, et de MOBUTU-TSHISEKEDI (FPC-USORAL) en 1997 nous en disent long.
Car, là où le langage politique a échoué, celui du feu a toujours pris la direction des débats.
Cette leçon de l’histoire politique congolaise devra nous inspirer tous.
- CONCLUSION ET SUGGESTION
- CONCLUSION
Dans cette tribune, nous avons voulu scruter les perspectives et les résultats possibles du dialogue politique annoncé, comme réponses à la crise électorale.
L’analyse de la tribune nous montre que le dialogue aura lieu et devra avoir lieu au courant de 2016 ou après cette année.
La question est celle de son issue et de la qualité de ses résultats. Pour des résultats durables et qui devraient constituer une vraie thérapeutique aux causes structurelles à la base des crises politiques récurrentes dans notre pays.
Notre analyse indique la nécessité pour les participants au dialogue d’aller au-delà des préoccupations électorales de conquête ou de conservation du pouvoir.
Car, bien que les crises congolaises apparaissent lors des périodes d’alternance démocratique, la cause profonde reste le non respect de textes constitutionnels par les acteurs politiques ainsi que la propension à changer les règles du jeu à chaque fois qu’apparaissent les enjeux de conservation du pouvoir ou de sa conquête.
A ce propos, ce qui oppose toujours les dirigeants, ce n’est pas le principe de violer ou non les textes, c’est plutôt les intérêts par rapport aux positions politiques du moment.
Toutes nos constitutions ont été violées par nous et cela chaque jour. Cependant nous ne dénonçons avec virulence que les violations qui gênent nos intérêts politiques du moment et nos préoccupations du pouvoir.
Dans le cadre de la crise actuelle, nous finirons toujours par nous mettre d’accord pour violer l’actuelle Constitution, comme les autres par le passé, si nous venions à trouver un consensus autour de nos intérêts politiques, mis devant le fait accompli.
Cependant, si la cause structurelle de la crise n’est pas résolue, celle-ci plus tard rebondira pendant que la crise (verticale) avec le peuple va toujours s’aggraver avec ses effets sur l’économie et le social.
Qui tue par l’épée, périt par l’épée.
La Constitution de Février 2006 comme toutes celles qui l’ont précédée (celles de 1964 et de 1967) a tué la Loi fondamentale en la violant et en violentant le peuple que celle-ci définissait comme source de légitimité du pouvoir constituant (non les pouvoirs putschistes). La Loi fondamentale a fixé deux verrous pour l’élaboration d’une constitution en RDC dont celui faisant du peuple l’ALFA et l’OMEGA. C’est la nécessité de recourir à lui pour recevoir le mandat de pouvoir constituant et toujours à lui pour la sanction référendaire de la constitution.
- SUGGESTIONS
Le dialogue politique, quels que soient les scénarii qu’il va retenir, doit être le plus inclusif possible.
Les acteurs politiques auront intérêt à :
- résoudre la crise actuelle par de moyens politiques et éviter ainsi l’émergence, comme nous l’apprend l’histoire, d’un 3ème larron, sans bilan, ni parcours de lutte, ni projet, etc. à la tête du pays ;
- retourner au peuple pour réhabiliter la Loi fondamentale, selon laquelle seul un pouvoir élu peut élaborer et adopter une constitution au Congo ;
- installer ainsi un deuxième verrou qui serait le peuple lui-même en ce qu’il deviendra la seule source de légitimité et légalité pour tout pouvoir constituant. Ainsi on aura verrouillé davantage la constitution définitive contre tout putschiste à venir qui serait tenté de faire rédiger une constitution par un parlement dont il aura nommé par lui-même les membres.
Fait à Kinshasa, le 18 janvier 2016.
Adolphe Muzito