Une lecture
éthique et sociopolitique du nouveau livre de Jean-Baptiste Malenge Kalunzu :
Philosophie africaine, philosophie de la communication (Kinshasa, Editions
Baobab, 2011)
Par Kä Mana
Dans l’abondante
littérature philosophique et sociopolitique qui s’épanouit actuellement selon
de multiples orientations en République démocratique du Congo, un livre a
vigoureusement frappé mon attention et
profondément marqué mon esprit. Il s’intitule : Philosophie africaine,
philosophie de la communication. Son auteur, Jean-Baptiste Malenge Kalunzu, est
un prêtre catholique, membre de la Congrégation des Pères Oblats de Marie
Immaculée (OMI) et correspondant de Radio Vatican en R.D Congo. Il enseigne
actuellement à l’Institut africain des sciences de la Mission et à l’Institut
théologique Saint Eugène de Mazenod à Kinshasa.
Philosophe et
spécialiste des sciences de la communication et de l’information, il s’est
placé au carrefour de ces champs du savoir et dans leur inter fécondation pour
proposer un livre original et novateur, un livre riche en réflexions et digne
d’être un socle pour penser à nouveau frais les problèmes de l’Afrique dans le
monde d’aujourd’hui.
Un livre sur le destin
de l’Afrique dans les temps actuels
Au cœur de
l’ouvrage de Jean-Baptiste Malenge Kalunzu vibre une question essentielle pour
la philosophie africaine : la question de la manière dont il convient de penser
actuellement le destin de l’Afrique dans le monde et la façon dont il faut
nouer les liens entre la société africaine dans sa particularité et la
pluralité des civilisations contemporaines dans leur vitalité, dans leurs
pulsations
intimes et dans leurs quêtes de valeurs pour construire l’avenir.
intimes et dans leurs quêtes de valeurs pour construire l’avenir.
Aux yeux du
penseur congolais, ces relations entre l’Afrique et le monde sont dominées par
un tropisme manifeste du point de vue philosophique : la confrontation avec
l’Occident. La confrontation avec un univers dont la trajectoire humaine a
rencontré celle de l’Afrique dans un choc frontal catastrophique. Ce choc, les
Africains ne s’en remettent pas encore parce qu’il fut le choc de la défaite,
de l’humiliation et de la domination sans appel.
Dans sa
substance la plus profonde, la philosophie africaine s’est essentiellement
élaborée dans le vertige de cette défaite. Elle est comme un effet tonitruant
de ses traumatismes et de ses déterminismes face à la manière dont est
considéré l’être africain dans sa particularité devant une modernité
occidentale tentée par l’illusion de se présenter comme l’universel englobant
et indépassable. C’est la confrontation entre cette particularité et cette
universalité que Malenge Kalunzu a décidé d’analyser, de saisir dans ses
enjeux, de décortiquer dans ses significations et de penser dans ses perspectives.
Cela à partir de la façon dont les philosophes d’Afrique configurent leur
problématique de fond dans le monde actuel.
Le souci de
Malenge Kalunzu est, comme l’écrit le philosophe Célestin Dimandja Eluy’a Kondo
dans sa présentation liminaire de l’ouvrage, de dégager et de fertiliser «la
logique de fond qui préside au développement» de la philosophie africaine
contemporaine. La logique essentielle de l’articulation du particulier et de
l’universel pour l’invention de l’Afrique nouvelle dans le cadre actuel de
l’ordre mondial. La logique, tout aussi essentielle, d’imaginer et de donner corps
à un monde nouveau des relations entre les peuples, entre les
cultures, entre les civilisations.
cultures, entre les civilisations.
Si le problème
de fond est celui-là, il faut fixer comme point de départ de la philosophie
africaine contemporaine ce que le Béninois Paulin Hountondji a appelé «l’effet
Tempels». Entendons par cette expression l’onde de choc et l’effet boomerang
produits par la publication du livre de Placide Tempels, La Philosophie
bantoue, juste après la deuxième guerre mondiale.
On le sait :
l’ambition de Tempels était de mettre en lumière la vision du monde globale des
Bantu selon un schéma théorique faisant de la force vitale et de la hiérarchie
ontologique des forces les concepts centraux d’une philosophie spécifique des
Nègres. De cette matrice tempelsienne surgiront des œuvres philosophiques
africaines qui, soit s’inscriront dans cette dynamique de la spécifique
négro-africaine, soit refuseront de s’inféoder dans une construction théorique
dont l’intention majeure était de livrer «l’âme noire» à la domination
spirituelle du christianisme et à l’oppression coloniale des nations européennes. La vision du particulier africain est ainsi placée, dès le départ, dans un contexte de violence et de négation de l’humain du côté occidental et dans un contexte de conquête de la liberté et de la dignité du côté africain. Malgré les théorisations de Tempels qui paraissent s’intéresser aux Bantu avec sollicitude et volonté de les comprendre, la réalité est qu’elles valorisent plutôt la supériorité
de l’Europe comme vision du monde, de l’homme blanc comme volonté de conquête, comme sommet dans la hiérarchie des êtres et comme représentation infériorisante de l’homme noir dans sa spécificité caricaturée.
spirituelle du christianisme et à l’oppression coloniale des nations européennes. La vision du particulier africain est ainsi placée, dès le départ, dans un contexte de violence et de négation de l’humain du côté occidental et dans un contexte de conquête de la liberté et de la dignité du côté africain. Malgré les théorisations de Tempels qui paraissent s’intéresser aux Bantu avec sollicitude et volonté de les comprendre, la réalité est qu’elles valorisent plutôt la supériorité
de l’Europe comme vision du monde, de l’homme blanc comme volonté de conquête, comme sommet dans la hiérarchie des êtres et comme représentation infériorisante de l’homme noir dans sa spécificité caricaturée.
La riposte
philosophique africaine à cette dynamique d’oppression destructrice, Malenge
Kalunzu n’a pas voulu en faire l’histoire, au risque de répéter ce que tout le
monde connaît de la philosophie africaine contemporaine depuis Tempels jusqu’à
nos jours. Notamment : la gloire du tempelsianisme à l’africaine avec des
hommes comme Alexis Kagame, Vincent Mulago, John Mbiti ou Tshiamalenga Ntumba,
tous les philosophes africains qui doivent au missionnaire belge l’impulsion de
leurs analyses du spécifique africain, ce particulier à partir duquel ils ont
organisé leur pensée.
L’avalanche
antitempelsienne de la philosophie critique exaltée par l’impétuosité des
philosophes caustiques comme Paulin Hountondji, Marcien Towa ou Fabien Eboussi
Boulaga, ces penseurs de la liberté comme force du refus de laisser l’Afrique
se définir selon des critères dits ethnophilosophiques et comme énergie de
confronter les pays africains aux exigences d’une révolution scientifique, technologique
et socioculturelle dans une modernité à prendre à
bras-le-corps en tant que défi et fureur de nouveaux enjeux pour le destin africain.
Le diorama des recherches philosophiques afrocentristes et néopharaonistes qui, avec la galaxie des personnalités comme Alphonsine Bouya, Bilolo Mubabinge, Massonssa Wa Masonssa, Matungulu Kaba, Ramsès Boa, Kabongo Malu ou Muamba Cabakulu, remontent aux sources africaines de la civilisation et construisent une dynamique vitale nouvelle fondée sur l’impératif de maîtriser le présent et d’inventer l’avenir par les pouvoirs de la spiritualité, de la gouvernance communautaire, de la conscience historique créatrice, du génie des langues africaines et du pouvoir de l’éducation à une nouvelle structuration de l’esprit humain.
bras-le-corps en tant que défi et fureur de nouveaux enjeux pour le destin africain.
Le diorama des recherches philosophiques afrocentristes et néopharaonistes qui, avec la galaxie des personnalités comme Alphonsine Bouya, Bilolo Mubabinge, Massonssa Wa Masonssa, Matungulu Kaba, Ramsès Boa, Kabongo Malu ou Muamba Cabakulu, remontent aux sources africaines de la civilisation et construisent une dynamique vitale nouvelle fondée sur l’impératif de maîtriser le présent et d’inventer l’avenir par les pouvoirs de la spiritualité, de la gouvernance communautaire, de la conscience historique créatrice, du génie des langues africaines et du pouvoir de l’éducation à une nouvelle structuration de l’esprit humain.
Les préoccupations
de réinvention de l’Afrique, comme dirait Mudimbe, ou d’invention de l’Afrique
nouvelle dans une philosophie d’inservitude (Kasereka Kavwahirehi), dans une
révolution radicale de l’imaginaire (Kalamba Nsapo) ou dans de nouvelles
rationalités politico-culturelles susceptibles de libérer définitivement
l’homme africain (Ngoma Binda, Jean-Claude Djeréké, Dimandja Eluy’a Kondo, Axelle
Kabou, Daniel Etounga Manguelle).
Les nouvelles
pistes et les nouveaux horizons que les générations montantes ouvrent avec de
nouvelles problématiques comme celles de l’ouverture de l’Afrique aux nouvelles
technologies (Pascal Tuayem), de la découverte de nouvelles puissances
politiques dans le monde par les pays africains (Emile Kenmogne) ou de la
construction de nouvelles utopies écologiques et socioculturelles sans commune
mesure avec l’univers imaginaire des générations précédentes (Jean-Blaise Kenmogne).
Pour une voie
novatrice dans la construction d’un monde nouveau
Sur toutes ces
orientations philosophiques, de bons travaux existent, depuis les recherche
historiques de A.J. Smet à Kinshasa dans les années 1970-1980 jusqu’aux
récentes considérations de J.G. Bidima à Paris. Malenge Kalunzu connaît à fond
ces travaux et il les utilise à bon escient. Il connaît minutieusement les
publications philosophiques qui ont précédé sa propre recherche et il les
exploite à merveille, sans pourtant s’enfermer dans leurs a priori théoriques
qu’il critique, ni se déterminer par rapport à leurs visées de monde dont il s’enrichit.
Son souci n’étant pas de reprendre le déjà-connu dont se délectent les
historiens de la philosophie africaine, il s’emploie à penser la question de la
particularité africaine et de sa relation à l’universel dans le monde
contemporain sous un nouveau jour.
Pour laisser
poindre la lumière de ce nouveau jour, il s’attelle avant tout à repérer, parmi
les philosophes africains, ceux qui se sont consacrés explicitement à penser la
question de particulier et de l’universel dans les relations entre l’Afrique et
l’Occident. Les œuvres de Fabien Eboussi Boulaga, de Melchior Mbonimpa et de Kä
Mana se sont alors imposées à lui et il les analyse avec attention, clarté, rigueur
et patience, dans une impressionnante maîtrise théorique de leurs
problématiques et avec une maestria admirablement lumineuse pour dégager leurs
enjeux essentiels. Creusant leurs sillons de
l’intelligence et sarclant leur champ conceptuel avec un intérêt passionnant, il parvient à mettre en lumière leur force structurante comme volonté de construire un autre monde possible. Celui dont le projet pour l’Afrique, ainsi que l’écrit Eboussi Boulaga, est «d’être pour et par soi-même, par l’articulation de l’avoir et du faire, selon un ordre qui exclut la violence et l’arbitraire». Pour Melchior
Mbonimpa, c’est un monde des identités ouvertes, inter-agissantes, inter enrichissantes et inter-fécondatrices, construisant des personnalités riches de toutes les diversités du monde et de tous les souffles des particularités sociales et culturelles. Ce monde, Kä Mana en rêve l’avènement dans une philosophie de l’humain irriguée par la soif du bonheur partagé, loin des fureurs des violences, même révolutionnaires, à la Fanon ou des terreurs de pensée, même verbalement destructrices, à la Césaire.
l’intelligence et sarclant leur champ conceptuel avec un intérêt passionnant, il parvient à mettre en lumière leur force structurante comme volonté de construire un autre monde possible. Celui dont le projet pour l’Afrique, ainsi que l’écrit Eboussi Boulaga, est «d’être pour et par soi-même, par l’articulation de l’avoir et du faire, selon un ordre qui exclut la violence et l’arbitraire». Pour Melchior
Mbonimpa, c’est un monde des identités ouvertes, inter-agissantes, inter enrichissantes et inter-fécondatrices, construisant des personnalités riches de toutes les diversités du monde et de tous les souffles des particularités sociales et culturelles. Ce monde, Kä Mana en rêve l’avènement dans une philosophie de l’humain irriguée par la soif du bonheur partagé, loin des fureurs des violences, même révolutionnaires, à la Fanon ou des terreurs de pensée, même verbalement destructrices, à la Césaire.
Si toutes ces
philosophies voient bien quelle direction devrait être prise par l’Afrique pour
sortir de l’univers de la violence, de la domination, de l’oppression, des
injustices et des humiliations dont le continent est victime dans l’ordre
mondial, elles souffrent, d’un point de vue spécifiquement philosophique, des
limites et de l’étroitesse du paradigme à l’intérieur duquel elles ont évolué
et qui structure leurs a priori. C’est ce paradigme que Malenge Kalunzu met en
lumière et remet en question. C’est face à lui qu’il définit
l’innovation conceptuelle et méthodologique conforme à sa propre démarche comme nouveau cadrage théorique. Cette nouvelle orientation, il cherche à la promouvoir par son livre dans l’immense champ de la pensée africaine contemporaine. Un champ dont la philosophie, les sciences humaines, la recherche politique et les réflexions économiques sont des dimensions importantes pour l’invention de l’avenir.
l’innovation conceptuelle et méthodologique conforme à sa propre démarche comme nouveau cadrage théorique. Cette nouvelle orientation, il cherche à la promouvoir par son livre dans l’immense champ de la pensée africaine contemporaine. Un champ dont la philosophie, les sciences humaines, la recherche politique et les réflexions économiques sont des dimensions importantes pour l’invention de l’avenir.
A ses yeux, il
n’est pas possible de réussir cet avenir sans sortir de la logique des
antagonismes sectaires entre le particulier africain et l’illusion
d’universalité qui caractérise le monde occidental dans sa condescendance.
Cette morgue qui n’est pas seulement de l’orgueil mal placé, dirais-je, mais
vraiment un lieu où l’on conserve les morts avant de les ensevelir et de les
enterrer calmement.
Dans le langage
philosophique, cette nouvelle perspective est définie par Malenge Kalunzu
lui-même de la manière suivante, pour casser l’a priori actuel de la
confrontation entre l’Afrique et l’Occident : «On ne peut, écrit-il, obtenir de
gage par la mort ontologique de l’un ni de l’autre, il faut réconcilier les
deux pôles antagonistes. Comment comprendre le nouvel enjeu et comment le faire
au niveau de la pensée ? Un nouveau paradigme de pensée est depuis longtemps
attendu dans la société africaine. »
En quoi consiste
ce paradigme ? « Nous soutenons que la philosophie de la communication est le
nouveau paradigme qui inaugure la renaissance de la pensée philosophique
africaine », répond sereinement l’auteur, conscient de la force de son
innovation théorique.
La majeure
partie de l’ouvrage de Malenge Kalunzu s’attelle à définir ce paradigme, ou
plutôt à le construire comme boussole, comme outil d’analyse et comme principe
de pensée. Pour ce faire, l’auteur s’épanouit dans une éblouissante érudition,
vraiment éblouissante, à la limite assourdissante et assommante, à travers un
voyage prodigieusement riche parmi les penseurs de la communication aujourd’hui.
Notamment : Francis Jacques et sa théorie du dialogisme comme cadre de pensée,
Jürgen Habermas et son éthique de l’agir communicationnel, Jean-Marc Ferry et
ses logiques de la narration, de l’argumentation, de l’interprétation et de la
reconstruction. Il n’oublie ni Jakobson et sa linguistique structurale, ni Levinas
et sa philosophie du visage, ni Martin Buber dans ses nœuds théoriques du Je et
du Tu. Un véritable pays de merveilles et d’éblouissements théoriques s’ouvre
ainsi aux yeux du lecteur, sous la conduite d’un guide sûr et maître de son
savoir.
J’aurais
personnellement voulu trouver dans la liste de penseurs qui ont inspiré Malenge
Kalunzu un philosophe africain comme Tshiamalenga Ntumba et son énergétique du
bisoïsme, cette philosophie du primat du biso («nous», dans la langue lingala)
sur le ngaï («moi», toujours dans la même langue). J’aurais aussi aimé
retrouver chez Malenge Kalunzu l’évocation de la sagesse initiatique africaine
comme l’a développée Amadou Hampâté Bâ dans sa pensée de l’unité du monde, ce tout
qui est dans le tout, dans une ontologie de l’universalité
anthropologique, cosmique et écologique dont tous les humains devraient se nourrir.
Si le philosophe congolais ne s’est pas tourné vers cette pensée africaine à ce point précis de sa recherche, c’est sans doute parce que les auteurs occidentaux qu’il a choisis comme socle lui permettaient de casser les ressorts de la dichotomie Afrique-Occident en lui-même. En outre, il avait déjà, au fil de ses analyses, parlé abondamment de la philosophie africaine pour en dégager la logique de fond dans son livre. Il lui fallait un nouveau cadrage qu’il le
définit très clairement : «Entre la prétention à l’universalité du paradigme occidental de l’homo sapiens faber dévastateur du monde et de l’humanité (l’expression est de Jean-Marc Ela), de cette Europe qui n’en finit pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, comme dit Fanon, et le paradigme symétrique suicidaire de l’africanisme, de l’originalité et de la différence africaine s’épuisant à perte de vue sur le procès de l’inhumanité de
l’Europe, nous n’avons qu’un choix. C’est pourquoi, nous proposons de rencontrer l’universel au cœur du particulier dans la nouveauté d’un rendez-vous où il s’agit de s’apercevoir enfin de la solidarité qui précède jusqu’à l’essence et à la pensée de la solidarité».
anthropologique, cosmique et écologique dont tous les humains devraient se nourrir.
Si le philosophe congolais ne s’est pas tourné vers cette pensée africaine à ce point précis de sa recherche, c’est sans doute parce que les auteurs occidentaux qu’il a choisis comme socle lui permettaient de casser les ressorts de la dichotomie Afrique-Occident en lui-même. En outre, il avait déjà, au fil de ses analyses, parlé abondamment de la philosophie africaine pour en dégager la logique de fond dans son livre. Il lui fallait un nouveau cadrage qu’il le
définit très clairement : «Entre la prétention à l’universalité du paradigme occidental de l’homo sapiens faber dévastateur du monde et de l’humanité (l’expression est de Jean-Marc Ela), de cette Europe qui n’en finit pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, comme dit Fanon, et le paradigme symétrique suicidaire de l’africanisme, de l’originalité et de la différence africaine s’épuisant à perte de vue sur le procès de l’inhumanité de
l’Europe, nous n’avons qu’un choix. C’est pourquoi, nous proposons de rencontrer l’universel au cœur du particulier dans la nouveauté d’un rendez-vous où il s’agit de s’apercevoir enfin de la solidarité qui précède jusqu’à l’essence et à la pensée de la solidarité».
Un projet
philosophique, un projet politique, un projet éducatif
Nous sommes ici
au cœur du projet de Malenge Kalunzu et de ses enjeux fondamentaux. Le projet
est manifestement philosophique. Il est aussi puissamment politique. Et il est
radicalement éducatif, à mes yeux.
C’est pour en
déployer la fécondité philosophique que le philosophe congolais déploie toute
l’érudition nécessaire pour enrichir le lecteur non seulement dans sa
connaissance des courants de pensée au sein des sciences de la communication et
de l’information, mais surtout dans une nouvelle interprétation de la
philosophie africaine, une fois qu’on la considère sous l’angle de ces sciences
et selon les grilles de lecture qu’elles permettent de construire.
Avec les penseurs comme Francis Jacques, Jean-Marc Ferry ou Jürgen Habermas dont on découvre chez Malenge Kalunzu une extraordinaire puissance de penser l’humain, on se rend compte que la dynamique de la communication est un socle de solidarité fondamentale. Elle porte des valeurs, configure des enjeux et suscite des espérances qui donnent aux personnes et aux peuples le pouvoir de dépassement, de transcendance, pour fonder une logique d’humanité fertile. Une humanité où l’on prend conscience que le particulier est dans l’universel comme l’universel est dans le particulier. Le seul fait de se parler les uns aux autres, d’échanger des informations et de débattre sur de multiples sujets à partir de la grammaire de nos langues ou des récits de nos vies implique une solidarité essentielle, un corps solide de règles rationnelles, de normes éthiques et de principes spirituels qui sont le fondement d’une nouvelle destinée dans les relations entre les humains, entre les ethnies, entre les
pays, entre les civilisations.
Avec les penseurs comme Francis Jacques, Jean-Marc Ferry ou Jürgen Habermas dont on découvre chez Malenge Kalunzu une extraordinaire puissance de penser l’humain, on se rend compte que la dynamique de la communication est un socle de solidarité fondamentale. Elle porte des valeurs, configure des enjeux et suscite des espérances qui donnent aux personnes et aux peuples le pouvoir de dépassement, de transcendance, pour fonder une logique d’humanité fertile. Une humanité où l’on prend conscience que le particulier est dans l’universel comme l’universel est dans le particulier. Le seul fait de se parler les uns aux autres, d’échanger des informations et de débattre sur de multiples sujets à partir de la grammaire de nos langues ou des récits de nos vies implique une solidarité essentielle, un corps solide de règles rationnelles, de normes éthiques et de principes spirituels qui sont le fondement d’une nouvelle destinée dans les relations entre les humains, entre les ethnies, entre les
pays, entre les civilisations.
S’il en est
ainsi, il faut en induire un projet politique planétaire : une dynamique de
solidarité mondiale bâtie sur le pouvoir humain de la communication, de
l’interlocution, comme dirait Francis Jacques. On ferait ainsi de ce pouvoir un
socle politique pour un être-ensemble, pour un vivre-ensemble, pour un
croire-ensemble, pour un rêver-ensemble et pour un agir-ensemble respectueux de
l’humain comme un universel construit, développé au cœur des particularités
dans leurs fibres profondes et dans leur souffle intime. Cette politique-là
est une tâche de civilisation qui incombe à tous les peuples aujourd’hui. C’est un devoir d’humanité.
est une tâche de civilisation qui incombe à tous les peuples aujourd’hui. C’est un devoir d’humanité.
D’où,
l’importance de l’impératif d’éducation. Cet impératif m’apparaît, à la lecture
de Jean-Baptiste Malenge Kalunzu comme l’enjeu le plus radical de sa pensée
(Lire à ce sujet mon livre : Eduquer l’imaginaire africain, Bandjoun, Presses
de l’Université Evangélique du Cameroun, 2012). Celui qui conditionne la
réussite du nouveau paradigme et du nouveau cadrage théorique proposés par
l’auteur à la philosophie africaine dans une perspective mondiale. Il faut enseigner ce paradigme, il faut promouvoir ce cadrage et en faire le limon d’un nouvel imaginaire dont l’humanité a besoin pour une nouvelle force d’universalité, pour une nouvelle puissance de mondialité solidaire.
l’auteur à la philosophie africaine dans une perspective mondiale. Il faut enseigner ce paradigme, il faut promouvoir ce cadrage et en faire le limon d’un nouvel imaginaire dont l’humanité a besoin pour une nouvelle force d’universalité, pour une nouvelle puissance de mondialité solidaire.
Si j’en arrive à
ces perspectives éducatives au bout de ma lecture de Philosophie africaine,
philosophie de la communication, c’est parce que je sens que la force de ce
grand livre philosophique congolais n’est pas seulement dans sa dynamique de
connaissances et de richesses théoriques qu’il offre et partage. Elle est
surtout dans une fertilité qui donne lieu aux possibilités des prolongements
pratiques importants : ceux que chaque lecteur pourra imaginer pour l’avènement
d’un autre monde possible, dans tous les domaines où se noue concrètement la communication
humaine, ce lieu créateur de liens vitaux.
L’ouvrage est à
mes yeux une invite à penser autrement pour agir autrement, dans l’urgence
d’une philosophie de la communication comprise comme «théorie et pratique
émancipatrice, qui réconcilie l’être de l’homme avec son visage, qui surmonte à
la fois et du même coup la dévastation du monde, l’anéantissement d’autrui et
la haine de soi». C’est un ouvrage de construction de l’humain, véritablement,
un chemin d’humanité profonde, une voie pour un autre monde possible.
N’est-ce pas
dans ce souci du nouveau monde possible que réside la vraie éthique pour notre
temps, grâce au pouvoir de la philosophie comme amour de la sagesse ? Sans
aucun doute. Nous devons être reconnaissants à Malenge Kalunzu de nous avoir
proposé cette sagesse dans un monde qui en a plus que jamais besoin dans ses
réalités vitales, dans ses rêves rayonnant comme et dans la splendeur de ses nouvelles
espérances.
Kä Mana,
président de Pole Institute, Goma (RDC)
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