(Kinshasa, vendredi 18 Mai 2012)
I. DOSSIER INSECURITÉ À L’EST
Nous allons ouvrir ce point de presse par le dossier de l’Est qui
s’invite à nouveau dans tous les médias à la suite de la énième rupture de la
paix dans certaines parties de nos provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu par
une bande de renégats récemment intégrés au sein des FARDC dans le cadre des
accords de paix de Goma.
La première chose à dire à ce sujet, c’est de louer la bravoure et le
professionnalisme des éléments des Forces Armées de la République Démocratique
du Congo, qui ont réussi à mettre en déroute ces inciviques en un court laps de
temps. De fait, nos services d’intelligence étaient parfaitement informés du
projet terroriste de ce groupe de militaires renégats. Alors que le Chef de
l’Etat n’avait accepté leur intégration au sein des forces gouvernementales
qu’à la stricte condition qu’ils se soumettent à la discipline qui régit
celles-ci, il a été constaté qu’ils se constituaient des dépôts d’armes et de
munitions en marge des arsenaux officiels notamment à Nyabibwe et Uvira (Sud
Kivu) et à Mushake et Kirolirwe (Nord Kivu), qu’au lieu de s’impliquer dans le
combat contre les forces négatives, ils se sont au contraire rapprochés
desdites forces négatives auxquelles ils fournissaient armes et ravitaillement
par esprit de lucre. Nous détenons la preuve que Ntanganda et une poignée des
mutins sont, au moment où nous parlons, confinés dans un réduit entre les
collines de Runyonyi et de Mbuzi ensemble avec Makenga qui ne dirige donc pas
une prétendue rébellion distincte de la mutinerie initiée par son chef de file
Ntaganda. S’y trouvent aussi, les officiers Ndahuye, Zimulenda, Sadam, un chef
coutumier prénommé Erasto et le colonel Mandevu, un des principaux chefs des
FDLR dont Ntaganda et consorts ont toujours pris prétexte de la présence en
terre congolaise pour justifier leurs exactions.
Les services du Gouvernement ont pu par ailleurs mettre à jour des
preuves de la collusion avec le groupe Mayi Mayi Tcheka de Walikale, ceux de
Kahasha et Lafontaine qui opèrent à partir du grand Nord, où ils ont dernièrement
attaqué des populations civiles à Beni, tuant et blessant grièvement des femmes
et des enfants (dont un bébé de 9 mois qui est soigné à l’hôpital de référence
de cette ville), ainsi qu’avec l’APCLS du sieur Janvier qui écume Nabiondo et
Lukweti dans le Masisi. Ils ont en outre créé de toutes pièces un groupe
supplétif dénommé FDC dans le cadre duquel ils recrutent de force des adultes
et des enfants soldats baptisés « guides » comme pour dissimuler leur
forfait.
Sur instruction de Monsieur le Président de la République, le Gouvernement
a fait de ce dossier une de ses priorités et décidé de tout mettre en œuvre
pour éradiquer une bonne fois pour toutes les menaces récurrentes contre la
sécurité de nos concitoyens qui vivent dans le Kivu. C’est pourquoi les FARDC
ont été déployées de manière appropriée pour permettre aux populations du
Nord-Kivu et du Sud-Kivu de vivre en paix et en sécurité. Au Sud-Kivu, nos
forces armées sont parvenues à démanteler tous les dépôts clandestins d’armement
et à neutraliser 304 mutins qui, après avoir été arrêtés, ont été, pour la
plupart d’entre eux, remis après enquête, à la disposition du commandement pour
redéploiement vers d’autres provinces du pays.
Le Gouvernement lance un appel à ceux des éléments qui seraient encore
aux côtés des mutins de Ntaganda pour qu’ils fassent rapidement le choix de la
raison. Il est apparu, en effet, que c’est soit par la ruse, soit sous la
contrainte et les menaces que ces jeunes compatriotes avaient suivi les
initiateurs de la mutinerie et les criminels parmi eux qui seront les seuls à
faire les frais des foudres de la justice militaire. Tous les lieutenants de
Ntaganda au Sud-Kivu ont été appréhendés par les services et attraits devant la
justice militaire.
Au Nord-Kivu, les FARDC ont connu des problèmes d’indiscipline dans
deux régiments, le 804ème et la 805ème qu’un certain
colonel Innocent Kayinga, proche de Ntaganda, a tenté de démobiliser sans grand
succès parce que seuls 10 % des éléments de ces régiments ont déserté, le reste
des unités ayant conservé sa loyauté à la République et à ses institutions. Ce
sont ces éléments au nombre de 250 en tout qui, fuyant leurs casernes, après y
avoir saboté du matériel militaire, ont occupé
très brièvement Bunagana. Très brièvement, car ils en seront délogés
après une heure de combats avec les troupes loyalistes qui vont récupérer 230
d’entre eux qui sont depuis, rentrés dans les rues et sont en voie de
redéploiement vers d’autres provinces congolaises. 9 se sont réfugiés en Ouganda.
Cette offensive victorieuse des FARDC sur Bunagana a libéré le territoire de
Rutshuru de l’emprise des mutins. Dans le territoire de Masisi, où il a procédé
à des recrutements forcés de combattants même parmi des enfants, Ntaganda avait
occupé un certain nombre de localités, dont Mweso, Kimoka, Karuba, Mushake,
Kichanga et Buiza et Kirolirwe. Entre le 29 avril et le 2 mai (4 jours),
Ntaganda et sa bande ont été chassés de l’ensemble de ces localités par les
FARDC. Le Commandement militaire annoncera alors une trêve pour, d’une part, se
réorganiser, et d’autre part, permettre aux éléments embrigadés de force par
Ntaganda de regagner les rangs pour leur redéploiement. Plusieurs dizaines
d’éléments ont saisi cette chance et se sont rendus pendant que d’autres, avec
Ntaganda, s’enfuyaient vers le Parc National de Virunga. C’est là qu’il va
faire la fameuse jonction contre-nature avec le colonel Mandevu et ses FDLR
pour revenir encore rôder à Masisi. Attaqués par les FARDC, les mutins
traverseront alors le Parc en passant par Kibumba avant de faire la jonction
avec son lieutenant Makenga près de Mikono à la frontière avec le Rwanda. Ils
vont alors investir les collines de Runyonyi et Mbuzi où ils se trouvent
littéralement confinés dans un petit réduit.
Nos relations avec le Rwanda sont au beau fixe, contrairement à certaines
relations de presse. C’est pour cette raison qu’une délégation officielle
conduite par le Vice-Premier Ministre, Ministre de la Défense Nationale et
comprenant des hauts responsables de nos forces de défense et des services
d’intelligence s’est rendue à Gisenyi-Rubavu (Rwanda) samedi 12 mai. Elle y a
eu une séance de travail avec une délégation rwandaise de même niveau. Disons tout de suite que, contrairement à
certaines informations diffusées aux quatre vents par un média périphérique qui
semble de plus en plus se spécialiser dans des informations sensationnelles sur
notre pays, cette rencontre s’inscrivait dans le cadre normal du suivi des mécanismes
bilatéraux convenus entre le Rwanda et la RD Congo depuis plus de trois ans
maintenant. Ces accords prévoient des rencontres d’évaluations régulières entre
Ministres des deux pays ayant l’intérieur, les affaires étrangères et la
défense dans leurs attributions, de même que celles entre les responsables au
plus haut niveau des forces armées et des services de renseignements.
Il convient de signaler que de telles rencontres ont eu lieu plus de 6
fois par an au cours des trois dernières années. Sans soulever les fausses
questions que certaines chroniques médiatiques ramènent lourdement à la surface,
peut-être dans le dessein de provoquer des polémiques porteuses de suspicions,
de discordes et de déstabilisation de la cohésion nationale face au péril.
Disons également que la rencontre de Gisenyi-Rubavu a permis aux
officiels rwandais et congolais de faire le constat des bonnes relations qui
continuent d’exister entre les deux pays et leurs gouvernements en dépit des
actions de sape des forces négatives internes et externes.
Il s’est agit en outre, pour les ministres congolais Luba Ntambo et rwandais
James Kabarebe et leurs délégations respectives, d’évaluer la situation
sécuritaire à la frontière commune, après plusieurs vagues de déplacements des
populations congolaises vers le Rwanda à la suite des troubles provoqués par
des éléments renégats de l’ex-CNDP.
C’est le lieu de clarifier une chose au nom du Gouvernement de la
République : il n’y a eu aucun nouvel accord conclu entre la RD Congo et
le Rwanda sous la pression des actes d’indiscipline de la bande de déserteurs
traqués par les FARDC, contrairement aux affirmations de certains médias. Seul
un procès verbal comme on en dresse à l’issue de toute rencontre, même entre
acteurs privés, a été adopté. Les mots ont leur sens. Ledit procès-verbal ne
peut en aucune façon être assimilé à un nouvel accord. Il annonce la décision,
en exécution d’accords antérieurs, d’activer pour des raisons évidentes, un
mécanisme conjoint de vérification de la situation sécuritaire aux frontières
communes du Rwanda et de la RDC. Par souci de transparence, je vous informe
qu’il est prévu dans ce cadre, la possibilité pour les officiels affectés à ce
mécanisme de part et d’autre, d’effectuer des visites d’évaluation à
l’intérieur du territoire de l’un et de l’autre.
Au regard du regain de l’agitation criminelle des rebelles rwandais des
FDLR qui ont fait plusieurs dizaines de victimes congolaises au cours de ces
derniers jours, et continuent à menacer la sécurité du Rwanda, la partie
congolaise a réitéré sa détermination à entreprendre des opérations plus
robustes visant à éradiquer cette milice terroriste de son territoire, la
partie rwandaise s’engageant à y apporter son appui notamment dans le cadre
d’un mécanisme conjoint de monitoring (surveillance et évaluation) impliquant
des experts des deux armées.
Ici aussi, il ne s’agit pas d’une offensive conjointe des armées
rwandaises et congolaises en RDC contre les FDLR, comme on l’a entendu ici et
là. Il est bien entendu dans le procès-verbal établi à Gisenyi-Rubavu que
seules les FARDC mènent les opérations sur le terrain contre les FDLR.
Le procès-verbal de la rencontre de Rubavu mentionne aussi la mise sur
pied d’un mécanisme de prévention de tout ce qui peut nuire au climat de
sécurité. Les deux gouvernements se sont ainsi résolus à faire en sorte
d’éviter toute propagande négative menée généralement par des éléments
opportunistes dans un pays contre l’autre, afin de préserver la concorde qui
existe si heureusement à l’heure actuelle, et donner une chance à la paix et à
la reconstruction de la région des Grands Lacs qui n’a que trop souffert.
À Gisenyi-Rubavu, la RD Congo a pris l’engagement de stabiliser la
situation aussi rapidement que possible pour que les près de 9.000 personnes déplacées
congolaises qui ont traversé la frontière pour trouver refuge au Rwanda à la
suite des actes d’indiscipline et des sévices infligés à la population par les
mutins, puissent regagner leur milieu d’origine en RD Congo, étant donné que
ces déplacés constituent un poids pour le pays-hôte.
Pour sa part, le Rwanda s’est engagé à apporter tout son appui aux
efforts du gouvernement de la RD Congo en vue de stabiliser de manière
définitive l’Est du pays.
Voilà toute l’information en ce qui concerne la rencontre de Gisenyi - Rubavu.
Une autre rencontre devrait être en train de se tenir au moment où nous
parlons entre le Rwanda et la RD Congo conformément à un calendrier vieux de
quelques années. Il s’agit de la Commission Mixte au niveau ministériel. Elle
réunit cinq ministres de part et d’autre sur des questions d’ordre politique,
sécuritaire et sectorielles touchant à la coopération entre les deux pays. Dès
que ses conclusions seront disponibles, vous les obtiendrez de bonnes sources.
Je prierai dès lors ces messieurs-dames de la presse de bien vouloir résister à
la tentation de vouloir jouer au porte-parole de l’un quelconque des deux
gouvernements qui sont en discussions à l’heure actuelle. Veuillez, s’il vous
plaît, attendre le communiqué conjoint qui ne tardera pas à être rendu public
et ne pas faire dire à nos gouvernements ce qu’ils ne disent pas.
A propos des événements tels que vécus sur le terrain, je voudrais
préciser que les actes d’indiscipline qui ont failli déstabiliser le Nord-Kivu,
particulièrement dans les territoires de Masisi et de Rutshuru à partir du 1er
avril 2012 sont le fait d’éléments issus de l’ancienne rébellion du CNDP
apparemment réfractaires à la discipline de corps qui est le propre d’une force
armée. L’idée selon laquelle on se trouverait en face d’une nouvelle rébellion
à laquelle on donne une identité particulière n’est qu’une ruse vieille comme
le monde pour minimiser les crimes de droit commun commis par ces indisciplinés
en les habillant du manteau communautaire ou politique. Le Gouvernement ne s’y laissera pas prendre. D’où,
la décision de réserver une fin de non recevoir à la fameuse offre de
négociations de ces criminels entre le Gouvernement et eux-mêmes par l’astuce
d’un grossier tour de passe-passe communicationnel. Et, parlant de médiation,
j’en profite pour préciser que le gouvernement du Rwanda, contrairement à ce
qu’on a entendu et lu dans la presse, ne nous a présenté aucune offre ni pour
la médiation, ni pour combattre les terroristes sévissant en RD Congo aux côtés
des FARDC.
Le Gouvernement sollicite par ailleurs la collaboration des membres de
la presse nationale et internationale pour qu’elle ne devienne pas une caisse
de résonnance de groupes terroristes comme ceux en œuvre au Kivu. C’est la
raison pour laquelle comme gouvernement, nous nous sommes fixés le devoir de ne
point interagir avec ces terroristes en aucune façon. De la même façon que dans
tous les pays de vieilles traditions démocratiques, les pouvoirs publics
imposent un black-out sur toute publicité aux terroristes, nous demandons cet
effort à nos partenaires que vous êtes. En effet, les crimes dont ces éléments
se sont rendus coupables, procèdent des crimes contre l’humanité qui ne
devraient pas interpeller seulement leurs victimes.
II. LES CONGOLAIS REFOULES D’ANGOLA
Je voudrais, à présent, évoquer un sujet d’actualité qui ne manque pas de
soulever dans le pays une véritable clameur autant qu’il éveille notre
sensibilité humaine. Il s’agit des vagues d’expulsions des citoyens congolais du
territoire de la République d’Angola.
Vous avez suivi comme nous le
sous-secrétaire des Nations unies aux droits de l’homme, Monsieur Ivan
Simonovic qui, à l’issue de sa visite en RD Congo a condamné, jeudi 10 mai à
Kinshasa, l’expulsion d’environ cent mille Congolais par année de l’Angola dans
des conditions questionnables.
Le Gouvernement de la République qui
déplore tout autant les traitements inhumains infligés à ces compatriotes lors
de leur expulsion, s’active à prendre le maximum de dispositions pour remédier
à cette situation en concertation avec ses partenaires angolais tout en
s’efforçant d’améliorer les conditions
d’accueil de ceux qui rentrent au pays.
Il se trouve, bien évidemment, que ces compatriotes se sont trouvés en
situation irrégulière en Angola. Aucun Etat responsable ne peut encourager une
telle situation. C’est même pour cela que les pouvoirs publics congolais procèdent eux aussi de temps en temps à
l’éloignement du territoire de tous les étrangers trouvés en séjour irrégulier,
dans le respect de la dignité humaine et des instruments internationaux
relatifs aux droits de l’homme. Nous engageons donc très fermement nos
compatriotes à respecter les lois et règlements des pays où ils désirent se
rendre pour une raison ou une autre.
III.
DES SPECULATIONS AUTOUR DU 14e SOMMET DE LA
FRANCOPHONIE À KINSHASA
L’on voit, ces derniers temps, un journaliste d’une chaine publique
française et quelques responsables politiques de l’opposition congolaise
s’activer furieusement pour obtenir le boycott du 14e Sommet de la
Francophonie prévu à Kinshasa en octobre prochain par le nouveau Président
français, François Hollande au motif que des irrégularités ont été observées
lors des élections générales de novembre 2011. Le lobbying très agressif qui
est mené à cet égard serait fondé sur le souci de ses auteurs de mettre fin aux
séquelles de la bien nommée Françafrique qui a vu d’anciens dirigeants français
se donner le rôle de proconsul des pays africains transformés quasiment en
sous-préfectures de l’Hexagone.
On a du mal à comprendre que ceux qui se veulent les champions de la
libération de l’Afrique des chaînes du néocolonialisme, demandent au nouveau
dirigeant de la France d’inaugurer son mandat en usurpant le rôle de juge du
contentieux électoral en RD Congo pour désigner le « vrai » vainqueur
d’une élection des Congolais pour les Congolais au Congo. C’est, en réalité,
vouloir une chose et son contraire. En fait dans ce véritable micmac
politico-médiatique ou un journaliste, qui n’a pipé mot sur les gros scandales
électoraux qui ont émaillé un certain nombre de scrutins sur le continent,
monte en épingle des disfonctionnements dont on ne voit pas comment ils
auraient pu être évités en l’état actuel du développement du pays, et escamote
cyniquement les conclusions des rapports des observateurs occidentaux selon
lesquels « les irrégularités
constatés ne sont pas de nature à remettre en cause l’ordre d’arrivée tel que
proclamé par la Commission électorale nationale indépendante ».
Le Gouvernement n’est nullement impressionné par ce regain d’agitation
qui procède du ‘Congo Bashing’, un sport très prisé dans certains milieux nostalgiques
en Europe qui se désespèrent à l’idée que les Congolais, en bonne voie pour
réaliser une cohésion significative, vont devenir de moins en moins malléables
et corvéables.
Nous réitérons notre sympathie et nos félicitations au Président François
Hollande, un homme de gauche qui vient de faire honneur à ce courant de pensée
dont nous nous réclamons en se faisant élire à la tête de ce pays ami qu’est la
France. Nous espérons le voir pour mieux le connaître à l’occasion du 14ème
Sommet de la Francophonie de Kinshasa si cela sera possible.
Pour ceux qui l’auraient perdu de vue, la RD Congo est aujourd’hui le
pays qui compte le plus grand nombre de locuteurs de la langue française, sans
compter ses autres atouts en tant que membre de l’Organisation
Internationale de la Francophonie dont
nous sommes fiers qu’elle ait choisi la capitale congolaise comme hôte de son
14e sommet.
Ceux qui secouent à tout bout de champ l’éventualité d’un boycott font
preuve d’infantilisme. Ils semblent avoir oublié la vanité de leurs efforts
dans le même sens lorsqu’ils firent des pieds et des mains à Bruxelles pour obtenir
le boycott des festivités du cinquantenaire de l’indépendance de notre pays par
le Roi Albert 1er de Belgique. Le motif en était qu’une bande de
policiers criminels avaient assassiné le militant des droits de l’homme
Floribert Chebeya. Il s’agit donc moins des élections et de leur intégrité que
d’une volonté radicale d’instrumentaliser une personnalité politique étrangère
pour affaiblir et déstabiliser un adversaire politique ou un pouvoir jugé trop
indocile devant des intérêts précisément liés à ceux de la controversée
françafrique. Appeler cela faire de la politique me révolte, étant entendu que
c’est tout le contraire qu’est censé faire un homme politique digne de ce nom,
quelles que soient ses convictions idéologiques.
Nous nous ferons le devoir d’explorer les voies et moyens pouvant nous
permettre d’éradiquer ce type de comportement antipatriotique de la part de
ceux qui dirigent ou aspirent à diriger notre pays. Nous avons à cet égard,
quelque chose à apprendre d’un pays de veille tradition démocratique comme la
France ou perdre une élection n’est pas une question de vie ou de mort.
IV. LA SPECULATION DE DEUX ONG SUR LA
SUPPRESSION DU MINISTERE DE LA
COMMUNICATION
Pour répondre au devoir d’informer et dans le
souci de dissiper tout mal entendu sur le fonctionnement du secteur des médias
qui a été placé sous ma responsabilité, je voudrais dire un petit mot sur la
nouvelle configuration du ministère dont la charge m’est confiée. En effet,
dans l’ordonnance présidentielle du
28 avril 2012, nommant les membres du Gouvernement, mes fonctions ont été
stipulées comme étant celles de « Ministre des Médias, chargé
des relations avec le parlement et de l'initiation à la nouvelle
citoyenneté ». Deux ONG qui avaient multiplié pendant la période d’intérim
des pressions maladroites sur les plus hautes autorités du pays, ont cru pouvoir
se réjouir déjà d’une prétendue suppression des attributions du Ministère sur
le secteur de la communication et des médias du simple fait que ce dernier ne
s’appelait plus que « Ministère des Médias… ». Ce qui est faux. Je
m’explique.
Certes, le terme communication a-t-il été élagué dans
la nouvelle dénomination du ministère. Mais, le mot « médias », terme global désignant sans exclusive la
presse, la radio, la télévision, le cinéma, le livre, le disque, l’affiche, les
supports multimédias, la communication en ligne, etc., renvoie en un sens large à tous les « moyens
de communication de masse » par lesquels sont diffusés, au public, les
messages et les contenus, de toutes natures, indispensables à la vie sociale.
Ces moyens de communication de masse sont le lieu d’échange des idées et des
opinions, de contrôle et de critique de tous les pouvoirs, sans lesquels il ne
peut y avoir de véritable démocratie. Ils constituent un des supports
essentiels de la création et de la diffusion culturelle. Ils sont le soutien
indispensable de toute activité économique comme le remarquait fort à propos
Derieux dans son droit des médias. La disparition du terme communication n’a
donc aucune incidence sur les attributions du Ministère, qui sont restées les
mêmes.
L’idée de supprimer le ministère en charge du secteur de la
communication (Ministère des Médias) procède manifestement d’une perception
totalement erronée dudit ministère par
rapport aux attributions dévolues par la loi congolaise au Conseil Supérieur de
l’audiovisuel de la communication (CSAC) ; une fausse perception qui
estimerait « incompatible » la coexistence entre un ministère en
charge du secteur de la communication et le CSAC. Il importe dès lors de
préciser certaines choses :
Le CSAC est une institution citoyenne, chargée de la régulation,
entendue comme un ensemble d’interventions visant à instaurer un équilibre dans
le fonctionnement des entreprises du secteur de la communication, à garantir à
tous les membres du public un accès égal aux médias publics et équitable aux
médias privés et à concilier l’usage de la liberté d’expression ainsi que
l’exercice loyal de la profession des métiers avec les missions d’intérêt
général (Article 1. 11 de la loi organique n° 11/001 du 10 janvier 2011 portant
composition, attribution et fonctionnement du CSAC). Ainsi entendu, le CSAC n’a rien à voir avec le Ministère.
Celui-ci fait en effet parti du Gouvernement de la République, une institution
politique constitutionnelle qui, conformément à l’article 91 de la
constitution, définit, en concertation avec le Président de la République, la
politique de la nation et la conduit. Le Gouvernement assume devant le
parlement la responsabilité de la politique de la nation qu’il conduit et
dispose à cet effet de l’administration publique, toutes choses dont la loi n’a
pas pourvu l’institution d’accompagnement qu’est le CSAC.
Il est dès lors
clair que le Ministère et le CSAC se complètent de par la volonté du
législateur. Ainsi, alors que le Ministère est chargé d’appliquer la loi fixant
les modalités d’exercice de la liberté de la presse (Article 1.B.22 de
l’ordonnance n° 08/074 du 24 décembre
2008 fixant les attributions des ministères), le CSAC veille au respect de
ladite loi (Article 9.6 de la loi organique n° 11/001 du 10 janvier
2011). De même, le Ministère, tout en gardant la faculté de sanctionner les
médias qui violent les dispositions réglementaires qu’il édicte, peut compter
sur le CSAC, qui est chargé de veiller au
respect des cahiers des charges par les opérateurs de l’audiovisuel (il peut
aussi sanctionner), lequel est élaboré par le Ministère car faisant partie de l’arsenal réglementaire mis en place par le
Ministère en exécution de la loi fixant les modalités d’exercice de la liberté
de presse.
Dans le même ordre
d’idées, le CSAC donne son avis au Gouvernement sur un certain nombre de
questions reprises à l’article 18 de la loi précitée sur le SCAC : il
s’agit du cahier des charges édicté par le Gouvernement, des choix fondamentaux
concernant l’adoption des nouvelles technologies de l’information et de la
communication tant dans les médias publics que privés. On ne voit pas comment
la loi enjoindrait au CSAC de donner des avis à un Ministère qu’elle aurait supprimé !
Par ailleurs, quoi que certaines sanctions relevant à la fois de la
compétence du Ministère et du CSAC soient de même nature, il existe des
spécificités dans leurs applications, selon qu’il s’agit d’une question qui
touche notamment à la déontologie professionnelle, laquelle relève du CSAC ou de
l’application de la loi fixant les modalités d’exercice de la liberté de la
presse, une prérogative du Ministère. Le CSAC veille au respect de ladite loi, tandis que le Ministère
l’applique en sanctionnant, le cas échéant.
Il n’y a pas de tutelle du
CSAC sur les médias publics, le régime de tutelle sur les médias publics étant
déterminé par l’article 25 de la loi n°
08/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux
établissements publics, qui dispose d’une part que l’établissement public est
placé sous la tutelle du Ministre en charge du secteur d’activités concerné
(alinéa 1), et d’autre part que les statuts de l’établissement public
déterminent les matières sur lesquelles portent la tutelle ainsi que les
mécanismes de son exercice ( alinéa 2), et enfin que le Ministre de tutelle
exerce son pouvoir de contrôle par voie d’approbation ou par voie
d’autorisation (alinéa 3).
De même, le CSAC ne dispose pas du pouvoir réglementaire. Il a donc
besoin du Ministère pour fonctionner.
Il découle de tout ce qui précède que le Ministère des médias n’a pas
perdu une seule de ses prérogatives. Il continue à les exercer avec tous les
privilèges attachés aux actes administratifs, dont le privilège d’exécution, à
savoir la possibilité dont dispose l’administration de modifier les situations
juridiques par sa seule volonté, sans le consentement des intéressés ; et
le privilège de préalable, entendu comme la présomption de conformité au droit
attachée à tout acte (ou décision) administratif exécutoire (J. Rivero, Droit
administratif, 16 édition 1996, Dalloz, paris, p 83 et 92). C’est le cas du
cahier des charges qu’il ne peut édicter et sans lequel on ne voit pas comment
il peut exercer ses attributions de régulation.
Je vous remercie.
Lambert MENDE OMALANGA
Ministre des Médias, chargé des Relations
avec le Parlement et de l’Initiation à la Nouvelle Citoyenneté
Porte-parole du Gouvernement
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