Le 3 mai
2012
L’honorable
Hillary Rodham Clinton
Secrétaire
d’État
United
States Department of State
2201
C St, NW
Washington,
DC 20520
Madame la Secrétaire d’État,
Nous soussignées, 142 organisations
congolaises et internationales de la société civile et de défense des droits
humains, appelons le gouvernement américain à faire preuve, de toute urgence,
de leadership sur le plan diplomatique afin d’apporter son soutien au
gouvernement de la République démocratique du Congo pour arrêter Bosco
Ntaganda.
Les
violations brutales des droits humains commises par Ntaganda pendant de
nombreuses années ont affecté des dizaines de milliers de citoyens congolais
dans l’est de la RD Congo. Sa position en tant qu’officier haut gradé de
l’armée congolaise, tout comme sa capacité à continuer à perpétrer des
exactions, constitue l’exemple le plus flagrant de la culture d’impunité aux
effets destructeurs qui prévaut en RD Congo.
Comme
vous le savez, Ntaganda est recherché, en vertu d’un mandat d’arrêt délivré par
la Cour pénale internationale (CPI) pour crime de guerre pour le recrutement
d’enfants soldats de moins de 15 ans et leur engagement actif aux hostilités de
2002-2003 dans le district de l’Ituri, dans le nord-est de la RD Congo. En
dépit de ce mandat d’arrêt et l’obligation légale du gouvernement congolais –
en tant qu’État partie à la CPI – d’exécuter ce mandat, Ntaganda a été promu
général au sein de l’armée congolaise en 2009. Il continue d’être impliqué dans
des violations graves des droits humains, notamment des meurtres, des violences
sexuelles, des actes de torture et toujours le recrutement d’enfants soldats.
Jusqu’à il y a quelques semaines, il vivait au vu et au su de tous à Goma, dans
l’est de la RD Congo, sans crainte d’être arrêté. Il était considéré par le
gouvernement congolais comme un partenaire incontournable pour le processus de
paix.
Le fait
que Bosco Ntaganda puisse éviter son arrestation démontre les grandes
difficultés en matière de l’État de droit dans l’est de la RD Congo. La
population de l’est de la RD Congo s’oppose depuis longtemps à l’impunité pour
des auteurs des atteintes graves aux droits humains. Son désir de justice est
ardent, surtout face aux atrocités commises par Ntaganda. Les organisations
congolaises et internationales de défense des droits humains ont dénoncé à de
nombreuses reprises la promotion de Ntaganda au grade de général, les crimes
qu’il continue de perpétrer et le fait qu’il ne soit pas arrêté. Les militants
congolais des droits humains l’ont fait au prix d’énormes risques pour
eux-mêmes et pour leurs familles.
Nous
avons à nouveau l’espoir que la justice pourra être rendue. En avril, la
situation a considérablement changé lorsque Ntaganda a cherché en vain à
organiser des défections à grande échelle au sein de l’armée congolaise. Face à
la crise, le président congolais, Joseph Kabila, lors d’un meeting public à
Goma, a donné le signal d’un changement de position du gouvernement à l’égard
de Ntaganda. Il a indiqué qu’il envisageait de l’arrêter et que l’indiscipline
dans les rangs de l’armée ne serait pas tolérée. Des membres de la communauté
internationale, dont l’ambassadeur américain en RD Congo, ainsi que le ministre
belge des Affaires étrangères, l’ambassadeur néerlandais et d’autres, ont
également appelé publiquement à l’arrestation de Ntaganda et à son transfert à
la CPI. Nous avons accueilli ces propos avec grande satisfaction.
Nous
attendons maintenant une action concrète pour arrêter légalement Ntaganda tout
en protégeant les civils contre toute retombée éventuelle. Une meilleure
sécurité pour la population se base sur l’État de droit et doit commencer par
son arrestation. Cela ne peut attendre. Ntaganda, qui est toujours en liberté,
s’est récemment séparé de l’armée et se trouverait dans son ranch ou près de
son ranch dans le territoire du Masisi (Nord-Kivu), avec un nombre considérable
de ses partisans. L’absence d’action visant à arrêter Ntaganda constitue une
source constante d’anxiété et de traumatisme pour la population de l’est de la
RD Congo, qui craint qu’il ne déclenche une nouvelle vague de violences et de
violations des droits humains comme il l’a fait dans le passé. Les récentes
violences dans le territoire de Masisi sont des signes forts indiquant que ceci
est déjà en cours, et que Ntaganda est en train de rassembler les troupes qui
lui sont fidèles. L’absence d’action visant à arrêter Ntaganda risque de déboucher
sur une détérioration de la situation sécuritaire et sur de nouvelles attaques
contre les civils. Il faudrait éviter cela.
Au nom de la société civile congolaise
et des milliers de victimes des crimes de Ntaganda, nous appelons le
gouvernement américain à :
· Aider le gouvernement congolais
à planifier et à procéder de toute urgence à l’arrestation de Bosco Ntaganda,
notamment en procurant au gouvernement un soutien à travers la mission de
maintien de la paix des Nations Unies au Congo, la MONUSCO, pour que Ntaganda
soit traduit en justice.
· Presser le gouvernement
rwandais, qui a appuyé Ntaganda dans le passé, de soutenir l’arrestation légale
de Ntaganda par le gouvernement congolais et de lui refuser l’asile.
· Accorder la priorité à la
réforme globale du secteur de la sécurité en RD Congo, qui comprend un
mécanisme de contrôle pour démettre les officiers supérieurs avec un passé de
violations graves du droit international humanitaire et des droits humains, et pour
les traduire en justice.
Le 14 mars, notre combat contre
l’impunité a connu un nouvel élan important lorsque les juges de la CPI à La
Haye ont reconnu Thomas Lubanga Dyilo coupable de crimes de guerre perpétrés en
RD Congo. Comme l’ont déclaré publiquement des associations congolaises de
défense des droits humains dans les semaines qui ont suivi, l’heure est
maintenant venue pour le co-accusé de Lubanga, Bosco Ntaganda, d’affronter à
son tour la justice.
Nous connaissons les difficultés qui se
posent pour procéder légalement à l’arrestation de Ntaganda, mais nous croyons
fermement qu’avec l’engagement politique du gouvernement des États-Unis, elles
pourront être surmontées. Nous vous prions de recourir à toutes les actions
nécessaires et appropriées notamment dans l’assistance au gouvernement
congolais, afin que cette arrestation devienne réalité.
Veuillez agréer, Madame la Secrétaire
d’État, l’expression de notre haute considération.
En copie:
Thomas E. Donilon, conseiller à la Sécurité nationale
Ambassadrice Susan E. Rice, Représentante permanente aux Nations Unies
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