Kinshasa, le 18 mars
2015 – L’arrestation d’au moins 26 activistes et autres personnes à Kinshasa
le 15 mars 2015 soulève de sérieuses inquiétudes quant à une répression plus
large de la liberté d’expression en amont de l’élection présidentielle de 2016 en République démocratique du Congo, a déclaré
Human Rights Watch.
Les arrestations, dont celles de journalistes étrangers et
d’un diplomate américain, ont eu lieu dans la foulée d’une conférence de presse
organisée par le mouvement d’action civique de jeunes Congolais Filimbi et
parrainée par l’ambassade des États-Unis à Kinshasa.
Le 17 mars, les autorités ont arrêté et brutalisé au moins 10
activistes congolais à Goma, ville de l’est de la RD Congo, lors d’une
manifestation pacifique organisée devant le bureau de l’Agence Nationale de
Renseignement (ANR) pour appeler à la libération des personnes arrêtées à
Kinshasa. Des agents de l’ANR ont pris à partie une spectatrice belge qui a
ensuite été hospitalisée, et ils ont brièvement interpellé un journaliste
belge.
« La détention d’activistes pro-démocratie par le
gouvernement congolais est le tout dernier signe alarmant de la répression de
manifestations pacifiques avant le scrutin présidentiel de l’année prochaine »,
a expliqué Ida Sawyer,
chercheuse senior à la Division Afrique de Human Rights Watch. « Les
autorités congolaises devraient immédiatement libérer les personnes placées en
détention si elles n’ont pas été inculpées d’un délit crédible, et elles
devraient veiller à ce que leurs avocats et les membres de leurs familles
puissent leur rendre visite. »
Human Rights Watch a appelé les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui ont prévu de discuter de la situation en RD Congo le 19 mars, à exhorter publiquement les autorités congolaises à libérer immédiatement toutes les personnes détenues en raison d’activités pacifiques et de propos exprimés.
Human Rights Watch a appelé les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui ont prévu de discuter de la situation en RD Congo le 19 mars, à exhorter publiquement les autorités congolaises à libérer immédiatement toutes les personnes détenues en raison d’activités pacifiques et de propos exprimés.
Parmi les personnes arrêtées le 15 mars figurent des
activistes congolais, des musiciens, des journalistes, des techniciens et des
spectateurs ; des dirigeants et activistes de mouvements de jeunes du Sénégal
et du Burkina Faso ; un diplomate américain ; deux journalistes
français ; et le directeur français d’une société de production. Le
diplomate américain, les ressortissants français ainsi que deux Congolais ont
été libérés quelques heures plus tard. Les autres personnes sont toujours
détenues, probablement par l’agence de renseignement. Elles n’ont pas été
déférées devant un juge, n’ont pas été officiellement inculpées d’un quelconque
délit, et n’ont pu recevoir la visite ni de leurs avocats ni de leurs familles,
ce qui soulève des inquiétudes quant à leur sécurité.
Dans la foulée de la conférence de presse au studio de
musique d’Eloko Makasi Productions, des hommes en uniforme de la police
militaire sont arrivés aux alentours de 16 heures et ont commencé à procéder à
des arrestations. Des témoins ont déclaré que les policiers ont tout d’abord
pris pour cible des étrangers. Ensuite, ils ont commencé à arrêter également
des Congolais, y compris ceux qui préparaient le podium pour le concert, ainsi
que des spectateurs. Selon des témoins, les forces de sécurité ont été très
brutales avec plusieurs Congolais et certains ressortissants d’Afrique de
l’Ouest, cognant la tête d’un activiste sénégalais contre la portière d’un
pick-up et frappant d’autres personnes.
Les forces de sécurité ont également emporté des ordinateurs
et des documents de la salle et ont détruit des banderoles.
La police militaire a emmené les personnes interpellées à
bord d’au moins trois pick-up banalisés blancs. Le diplomate américain et les
ressortissants français ont été conduits au siège de l’ANR à Kinshasa, où ils
ont été interrogés par des responsables du renseignement avant d’être libérés
quelques heures plus tard. On ignore où sont maintenus en garde à vue les
ressortissants congolais, sénégalais et burkinabés.
Le ministre de la Communication et des médias, Lambert Mende,
a déclaré aux journalistes que les activistes provenant du Sénégal et du
Burkina Faso étaient venus pour « promouvoir la violence en assurant
une sorte de formation, une sorte de coaching de certains groupes de jeunes
proches d’une certaine opposition à l’usage des instruments de violence contre
d’autres groupes ou contre des institutions de la République ».
Plusieurs organisations congolaises militant pour la démocratie
avaient organisé un atelier pour présenter Filimbi (« sifflet » en
swahili), un nouveau mouvement congolais de jeunes. Les objectifs de l’atelier
étaient de promouvoir l’engagement civique ainsi que la mobilisation de la
jeunesse, et de débattre de la façon dont les jeunes congolais peuvent
s’organiser de façon pacifique et responsable pour remplir leur devoir de
citoyens.
Des dirigeants et activistes d’organisations de jeunes du
Sénégal et du Burkina Faso sont venus à Kinshasa pour participer à l’atelier et
partager leurs expériences. Les Sénégalais étaient membres de Y’en a marre, un
groupe ayant participé au mouvement de protestation contre la tentative
controversée de l’ex-Président Abdoulaye Wade de briguer un troisième mandat en
2012. Les Burkinabés faisaient partie de Balai Citoyen, un mouvement ayant
participé aux manifestations organisées contre la tentative de l’ex-Président
Blaise Compaoré de changer la constitution afin de prolonger ses 27 années de
mandat.
« Les organisations Y’en a marre et Balai Citoyen
sont très respectées et œuvrent pour la promotion d’un engagement civique
responsable des jeunes en Afrique de l’Ouest », a souligné Ida Sawyer.
« Leurs représentants sont venus à Kinshasa pour partager leurs
expériences avec les jeunes Congolais, entre autres pour expliquer l’importance
des moyens pacifiques pour que les jeunes s’engagent dans le processus
politique. »
Filimbi a travaillé en partenariat avec Eloko Makasi, une
société de production de musique et de vidéos qui est socialement engagée et
est basée dans la commune de Masina de Kinshasa. Les musiciens qui ont
participé à l’atelier se sont rendus au studio d’Eloko Makasi le 14 mars 2015
pour créer une chanson à partir des discussions de l’atelier en vue
d’encourager la jeunesse congolaise à participer au processus démocratique et
en vue de promouvoir un processus électoral libre, transparent et pacifique.
Dans un communiqué publié
le 16 mars, l’ambassade des États-Unis à Kinshasa a déclaré que l’atelier
organisé par Filimbi était l’une des nombreuses activités que le gouvernement
américain appuie et à laquelle participent les jeunes et la société civile.
« Ces groupes de jeunes connus, respectés et non-partisans et les
organisateurs des événements de ce weekend comptaient promouvoir la
participation de la jeunesse congolaise au processus politique et encourager
les jeunes à exprimer leurs points de vue sur les questions qui les
concernent, » a souligné
le communiqué. « Des membres du gouvernement congolais et des partis de
la coalition au pouvoir étaient invités et certains d’entre eux étaient
présents lors de cet événement. »
Aux termes de la constitution congolaise, les présidents ne peuvent exercer que deux mandats consécutifs. Le second mandat du Président Joseph Kabila s’achèvera en 2016. Bien que les élections présidentielles ne soient prévues qu’en novembre 2016, les tensions politiques se sont accrues à travers le pays. En janvier 2015, au moins 40 personnes ont été tuées lorsque les forces de sécurité ont brutalement réprimé des manifestations organisées à Kinshasa et dans d’autres villes pour protester contre les propositions de modification de la loi électorale congolaise qui aurait reporté les élections et permis à Kabila de prolonger son mandat. De nombreux dirigeants de partis politiques et de la société civile ont été arrêtés après s’être prononcés contre les propositions de modification de la constitution ou du système électoral de la RD Congo.
Aux termes de la constitution congolaise, les présidents ne peuvent exercer que deux mandats consécutifs. Le second mandat du Président Joseph Kabila s’achèvera en 2016. Bien que les élections présidentielles ne soient prévues qu’en novembre 2016, les tensions politiques se sont accrues à travers le pays. En janvier 2015, au moins 40 personnes ont été tuées lorsque les forces de sécurité ont brutalement réprimé des manifestations organisées à Kinshasa et dans d’autres villes pour protester contre les propositions de modification de la loi électorale congolaise qui aurait reporté les élections et permis à Kabila de prolonger son mandat. De nombreux dirigeants de partis politiques et de la société civile ont été arrêtés après s’être prononcés contre les propositions de modification de la constitution ou du système électoral de la RD Congo.
« Ces dernières
arrestations en date sont le signe d’une répression inquiétante de la liberté
d’expression et de réunion en RD Congo – éléments fondamentaux d’un processus
électoral libre, transparent et pacifique », a conclu Ida Sawyer « Les responsables de mouvements de jeunes,
les musiciens et les activistes devraient pouvoir se rencontrer, discuter et
apprendre sans craindre d’être arrêtés. »
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