En 2006, une étude menée
par un professeur congolais a identifié huit villes de
l’est de la République Démocratique du Congo comme zones
sources de choléra. Cette
enquête notait que la majorité de ces foyers était située en
bordure des lacs. Cette étude a conduit à
l’élaboration du Plan national d'élimination du choléra.
Sept ans plus tard, le choléra
est installé durablement comme priorité sanitaire. Pour de
nombreuses villes, villages et contrées du pays, le choléra est
devenu une réalité, affectant des milliers de personnes chaque
année. Au Katanga, cette maladie, souvent dite « des mains
sales », est par exemple, endémique à Kalemie, ville
située au bord du Lac Tanganyika. Le lac est la source principale d’eau pour des
milliers de personnes à Kalemie. Il est aussi un vecteur principal de la
maladie.
Dans la province minière du Katanga,
le choléra fait des ravages. De 2012 à 2014, plus de 31 370 cas [6.930
cas en 2012, 13.700 cas en 2013 et 9.180 cas en 2014] ont été
enregistrés dans la province, 843 personnes en sont mortes durant la période.
En 2013, la seule province avait enregistré deux fois plus de cas de
choléra que toutes les autres provinces de la RDC réunies. Le District de
Lubumbashi qui avait enregistré près de 50 % des cas de la province en 2013
a « cédé » sa place en 2014 au District du Haut-Lomami (45 %
cas). Malgré les efforts consentis, le Katanga reste secoué.
L’année 2015 est
mal partie
Le
développement du choléra est inhérent au manque d'accès à l'eau
potable.
Bien que nous ne soyons qu’en début
de l’année, les spécialistes sanitaires agitent déjà le drapeau
d’avertissement car du 1er janvier au 22 mars
2015, ce sont plus de 1.950 cas notifiés. 37 personnes en sont
mortes. Cependant les experts reconnaissent que ces chiffres ne
disent pas toute l’histoire en raison des défis logistiques et faiblesses dans
la collecte des données (manque de communication). De janvier à
février, plus de 30 % des cas de ces premières semaines de 2015
proviennent de la seule zone de santé de Mufunga Sampwe dans le Territoire
de Mitwaba, une situation attribuable à plusieurs facteurs: personnel
soignant mal formé ou quand ils sont bien formés ils ne sont qu’une
poignée; des routes difficilement praticables qui parfois se transforment
en marécages en temps de pluie ; peu de moyens logistiques pour
acheminer des intrants ; l’absence d’acteurs humanitaires
spécialisés, souvent liée à un manque de financement. Etant une zone
non endémique, Mufunga Sampwe a rejoint le rang des zones épidémiques en
2014. La situation est quasi-similaire dans les zones voisines de Bukama,
Butumba, Kabondo Dianda et Kikondja. Par exemple dans les zones de santé
de Butumba et Kabondo Dianda, il y a absence de partenaires dans le
domaine de l’eau, hygiène et assainissement. A Bukama, aucune réponse
n’est apportée correctement face à cette épidémie, seule la zone de santé
assure la prise en charge, avec des moyens limités. AKikondja, les ONG Médecins
d’Afrique et Alima se sont désengagées de leurs activités de
prévention et prise en charge pour fin projet.
Depuis le début de mois de mars, la
situation, dans l’ensemble, semble s’améliorer avec une
baisse d’un tiers des cas par semaine en 2015, contrairement à
l’année précédente à la même période.
Moins de 35 % :
Pourcentage des ménages katangais ayant accès à l’eau
potable
En cette période pluvieuse,
plusieurs routes se transforment en petits marécages, limitant les activités de
réponse. Un pont reliant les localités de Mulongo et Malemba Nkulu s’est
écroulé, laissant le passage qu’aux vélos et motos. Quand elle n’affecte pas
les voies de communication, la pluie provoque des inondations, les détritus et
autres déchets se déversent dans les puits, rivières et autres sources et
contaminent les eaux que consomment les populations.
Le nécessaire cocktail de
solutions durables
Depuis 2013, la RDC a initié un
vaste programme de lutte contre le choléra avec pour objectif de
l’éliminer du pays avec un seuil d’élimination d’un cas confirmé
pour 100.000 habitants à l’échelle nationale. D’après le nouveau Plan
Stratégique Multisectoriel d’Elimination du Choléra en RDC de 2013-2017,
le choléra est abordé comme un problème de santé et la
stratégie contre le choléra est prise sous une
approche multisectorielle, combinant la « santé, l’eau, hygiène et
assainissement. »
Montant des
financements reçus 2012-2014 (en millions de dollars US)
En 2013 et 2014, par
exemple, plusieurs bailleurs ont financé des activités pour lutter contre
le choléra au Katanga: mise en place des sites de chloration d’eau, soins
des malades, construction des latrines familiales, organisation des
séances de sensibilisation sur les bonnes pratiques d’hygiène et
assainissement, etc. La majorité des projets financés en 2014
arrivent à échéance. Un arrêt des financements pourrait compromettre les
activités. Au-delà des actions d’urgence, ce sont des solutions de longue
portée et durable qui manquent.
L’accès insuffisant à l’eau reste la
principale cause du choléra. Au Katanga, moins de 35 % des ménages
ont accès à l’eau potable et un nombre totalement dérisoire – à peine 5 % de la
population – utilise des toilettes améliorées. La plupart des installations
d’adduction d’eau- nombreux datent de l’époque coloniale- sont vétustes.
La compagnie nationale de distribution remplit difficilement son rôle. Les
acteurs humanitaires œuvrant dans le domaine pensent que les actions
multisectorielles bien ciblées visant l’assainissement du milieu et la
fourniture de l’eau potable sont cruciales. Ceci pourrait consolider les
activités de prise en charge des cas et de sensibilisation en vue d’interrompre
durablement la transmission de la maladie dans les zones de santé affectées.
Entre temps, les humanitaires réfléchissent aussi à des activités de résilience
communautaire telles que la promotion à l’utilisation du chlore local.
Mais, l’urgence actuelle est de
renforcer la surveillance épidémiologique et le système d’alerte précoce. Il
faut préparer les zones de santé à faire face aux épidémies prochaines et
aux cas sporadiques qui pourront survenir en cette saison de pluies dans les
zones endémo épidémiques ; poursuivre les activités de prévention sur le
terrain.
Village et
école assainis
Depuis 2006, le
Gouvernement congolais, en collaboration avec le Fonds des
Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et autres
bailleurs met en œuvre un vaste programme de développement dénommé
« Village et école assainis ». C’est un programme qui vise à
améliorer l’accès à l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement de
plus de 11 millions des Congolais d’ici 2017 en milieu rural et
péri-urbain. Le but de ce projet est d’atteindre 6.000 villages et environ
1.250 écoles assainis, et permettre ainsi de réduire de 25 % la morbidité et la
mortalité dues aux maladies d’origine hydrique et au manque
d’assainissement. Comme dans les autres provinces du pays, ce programme
est aussi implémenté au Katanga où la qualité
de certaines eaux est de plus en plus détériorée à cause des
minerais.
Ainsi, depuis 2007, plus de 594.540
personnes dont environ 197.400 élèves ont bénéficié du paquet d’intervention
dans le domaine de l’eau, hygiène et assainissement, à travers ce programme
dans 365 écoles de la Province.
Le
choléra, encore un défi de sous-développement
Cependant le choléra reste un
problème de sous-développement, d’où les actions durables pour endiguer cette
épidémie telles que, entre autres, le développement hydraulique, la
réhabilitation et l'extension du réseau de distribution ; la construction
d'un réservoir de grande capacité ; le doublement de la capacité de
production de l'usine. Une étude pilote menée en 2009 à
Kalemie a permis de confirmer la possibilité de la disparition de la
maladie dans cette ville, en effectuant des activités efficaces et
durables tant en période de flambées épidémiques qu’en période d’accalmie. Ce
plan stratégique propose cinq axes stratégiques qui sont le renforcement
des activités de surveillance épidémiologique; le renforcement des mesures de
prévention ; la mise en place d’interventions ciblées liées à l’accès à
l’eau potable, à l’hygiène et l’assainissement ; la prise en charge
médicale des cas ; le renforcement de la coordination et de la
communication autour de la lutte contre le choléra. Le budget global
pour la mise en œuvre de ce plan stratégique est estimé à plus de 157 millions
de dollars US.
Le
Fonds Commun Humanitaire- mécanisme de financement dans
lequel les donateurs mutualisent leurs financements par OCHA- a aussi
été d’un appui remarquable envers le Katanga avec plus de 10.4
millions dollars US pour 22 projets visant à lutter contre le choléra entre
2011 et 2014.
La lutte contre
le choléra nécessite ainsi une
approche holistique dans laquelle, comme dans un puzzle, chacun a un
rôle spécifique à jouer : l’Etat congolais et
ses différents départements, les ONG et organisations spécialisées,
les bailleurs de fonds, les communautés elles-mêmes.
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