Le Réseau National des ONGs des Droits de l’Homme de la République
Démocratique du Congo, RENADHOC en sigle, demeure profondément préoccupé
par la pratique continuelle de la Torture dans plusieurs milieux carcéraux des
coins et recoins de la République Démocratique du Congo.
Le RENADHOC note avec regret, que le recours à la torture tant
physique que mentale est une pratique généralisée et au demeurant banalisée au
quotidien pour tous ceux qui ont le malheur de tomber dans les mailles des
forces rebelles, des forces négatives, des forces armées de la RDC, de la
Police Nationale Congolaise ou des services de sécurité de la République
Démocratique du Congo.
En dépit du fait que le droit de ne pas être torturé constitue l’un
des droits intangibles faisant partie des droits de la personne humaine
; Ce droit doit être protégé en toutes circonstances, y compris en période des
conflits armés ou des crises politiques internes graves. Plusieurs instruments
internationaux ratifiés du reste par la République Démocratique du Congo,
interdisent formellement de recourir à la torture en tout temps et en tout
lieu.
La Convention Contre la Torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants (CCT), par exemple, précise sans équivoque qu’aucune
circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de
guerre ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier
la torture.
1 La torture est l'imposition volontaire de sévices d'ordre
physique ou psychologique qui vise à faire souffrir un individu. Lorsque la
torture accompagne l'exécution d'une condamnation à mort on parle plutôt de
supplice, qui rend la mort longue et douloureuse sous forme de châtiment. La
torture est aussi un moyen employé pour obtenir des aveux ou terroriser des
populations ou des organisations, en ciblant des membres d'un groupe de
personnes particulier, afin que les autres restent passifs de peur d'être
victimes à leur tour. Les actes de torture produisent le plus souvent des séquelles
physiques (ex : mutilations) et psychologiques (ex : traumatismes). Du point de
vue du tortionnaire (ou bourreau), qui tient sa victime à sa merci, torturer
peut répondre à des pulsions sadiques ou simplement s'inscrire dans la
soumission à l'autorité établie. La torture est proscrite par le droit
international depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Outre la Convention
européenne des droits de l’homme, les conventions et traités suivant concernent
spécifiquement la torture :
· Le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (article 7) ;
· Les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles
additionnels de 1977 ;
· La Convention relative aux droits de l'enfant (1989) ;
· La Convention américaine relative aux droits de l'Homme
(1969) ;
· La Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples
(1981) ;
· La Charte arabe des droits de l'Homme (1994), qui n'est pas
encore entrée en vigueur.
La Convention précise encore que l’ordre d’un supérieur ou d’une
autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture. Cet
instrument international adopté par l’Assemblée Générale de l’ONU par sa
résolution 39/46 du 10 décembre 1984 et entré en vigueur le 26 juin 1987, a
force de loi en République Démocratique du Congo depuis sa ratification suivant
l’Ordonnance-Loi N°89-014 du 17 février 1989.
La Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples,
instrument juridique africain relatif aux droits de l’homme et ratifié par la
République Démocratique du Congo, précise sans équivoque à son article 4 que : La
personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie
et à l'intégrité physique et morale de sa personne : Nul ne peut être privé
arbitrairement de ce droit. Et l’article 5 de ladite Charte Africaine
insiste sur le fait que : Tout individu a droit au respect de la dignité
inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité
juridique. Toutes formes d'exploitation et d'avilissement de l'homme notamment
l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les
peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdites.
Cet instrument régional adopté le 27 juin 1981 à la 18ème Conférence
des chefs d’état et des gouvernements de l’OUA /UA tenue à Nairobi au Kenya,
est entré en vigueur le 21 octobre 1986 a force de loi en République
Démocratique du Congo suivant sa ratification du 20 juillet 1987. La
Constitution de la République Démocratique du Congo consacre à son article 16 :
« La personne humaine est sacrée. L'Etat a l'obligation de la respecter et
de la protéger. Toute personne a droit à la vie, à l'intégrité physique ainsi
qu'au libre développement de sa personnalité dans le respect de la loi, de
l'ordre public, du droit d'autrui et des bonnes mœurs. Nul ne peut être tenu en
esclavage ni dans une condition analogue. Nul ne peut être soumis à un traitement
cruel, inhumain ou dégradant. Nul ne peut être astreint à un travail forcé ou
obligatoire ».
De ce fait, les droits intangibles sont donc des droits qui ne
peuvent pas être supprimés, suspendus ou limités sans aucune exception. Ces
droits sont notamment, outre le droit de n’est pas être torturé ni de subir des
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit à la vie, le
droit de ne pas être tenu en esclavage ou en servitude, le droit à la
non-rétroactivité de la loi pénale, le droit à la reconnaissance de la
personnalité juridique, le droit à la liberté de pensée, de conscience et de
religion.
Les tortures corporelles (terme créé par la Jurisprudence)
constituent cependant des circonstances aggravantes d’une série d’infractions
prévues et punies aussi bien par le Code pénal ordinaire que par le Code pénal
militaire. Il s’agit généralement de l’arrestation arbitraire et de la
détention illégale.
De manière assez paradoxale, il existe cependant une note
circulaire N° 07/008/In/PGR/70 du 16 mai 1970 émanant du Procureur Général de
la République, interdisant aux Officiers de police judiciaire de recourir à la
torture. Dans la pratique, aucun cas de sanction disciplinaire pour les actes
de torture par un agent public n’a été rapporté. Les instructions menées par le
Parquet pour des actes de tortures ou mauvais traitements demeurent extrêmement
rares, augmentant encore le sentiment d’impunité.
Le recours des victimes est généralement freiné voir empêché pour différentes
raisons suivantes :
- Il y a lieu de relever l’ignorance par les victimes de leurs
droits ;
- La réticence des autorités d’ouvrir une enquête dans la
mesure où les auteurs des actes de torture ont la qualité d’agents publics ;
- L’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis de l’Exécutif
;
- L’absence de contrôle du parquet sur les officiers de police
judiciaire des services de sécurité ;
- L’impunité des tortionnaires et la peur des victimes de la
torture.
Par exemple : le décret N°003/2003 du 11 janvier 2003 portant
création et organisation de l’Agence Nationale de renseignements (ANR) stipule
en son article 23 alinéa 1 que « les officiers de police judiciaire de l’Agence
nationale de renseignements sont, dans l’exercice des fonctions attachées à
cette qualité, placés sous les ordres et la surveillance exclusifs de l’Administrateur
Général et accomplissent leurs missions de police judiciaire dans le respect
des lois et règlements ».
L’article 25 du même texte porte que : « Les officiers de
police judiciaire ou du ministère public, avant d’interpeller ou de poursuivre
les agents et fonctionnaires de l’Agence Nationale de Renseignements pour les
actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions doivent demander l’avis
préalable de l’Administrateur Général. Les officiers de police judiciaire ou du
ministère public, avant d’interpeller ou de poursuivre les fonctionnaires de l’Agence
Nationale de renseignements pour les actes n’ayant pas trait à l’exercice de
leurs fonctions, doivent en informer l’Administrateur général ».
En conséquence, si la torture est infligée à une personne par une
autorité de l’Etat, la victime ne pourra voir sa plainte contre cette dernière
aboutir, le Parquet pouvant recevoir un ordre du Ministre de la Justice pour
suspendre les enquêtes. Le droit de porter plainte connaît ainsi beaucoup des «
freins légaux ».
Que dire des prions et cachots de la RDC qui sont devenues des
mouroirs, des dépotoirs ou des réservoirs de transmission des maladies
contagieuses de toutes sortes ? Etre détenus dans nos prisons même sans
jugement définitif équivaut à une condamnation à mort, car les conditions
carcérales sont inhumaines et tragiques. En sortir vivant relève d’un miracle.
Nos prisonniers sont entassés comme des personnes ne bénéficiant d’aucun droit
: C’est de la pure torture !
Face à tous ces défis sur la pratique de la Torture en RDC, le
RENADHOC2 propose les recommandations suivantes :
1° Invitons le Gouvernement de
la République à vulgariser et à mettre en œuvre des mesures d’application de la
Loi N° 011/10 du 13 Juillet 2011 portant sur la criminalisation ou la
pénalisation de la pratique de la Torture en République Démocratique du Congo ;
2° Invitons le Gouvernement de
la République à adopter une politique d’appui Institutionnel aux 12 Centres de
Réhabilitation des victimes de la Torture que compte le Pays car l’assistance
médicale, judiciaire, psychologique et matérielle aux victimes de la Torture,
ne peut pas être l’apanage de seuls partenaires internationaux ;
3° Invitons le Gouvernement de
la République à doter les hôpitaux de nos différentes provinces de l’imagerie à
la résonance magnétique (IRM) qui est un outil médical indispensable
pour l’assistance aux victimes de la Torture ;
4° Rappelons au Gouvernement de
la République la recommandation du Comité contre la Torture selon laquelle la
RDC devrait prendre des mesures urgentes pour que tout lieu de détention soit
sous autorité judiciaire, en accord avec la décision du Président de la
République datée du 8 mars 2001 ;
2 Principale plate-forme nationale regroupant 750 ONGs des
Droits de l’homme de la République Démocratique du Congo, oeuvrant sur l’ensemble
du territoire national depuis août 2000 par le truchement de 11 Réseaux
provinciaux des ONG des droits de l’homme (REPRODHOC), avec pour mandat : de
lutter contre l’impunité ; de faire le monitoring national de la situation globale
des Droits de l’Homme en RDC ; de faire le plaidoyer national, régional et
international sur la situation des droits de l’homme en RDC ; Et de promouvoir
l’Etat de droit et de la bonne gouvernance en République Démocratique du Congo.
5° Rappelons au Gouvernement de
la République la recommandation du Comité contre la Torture selon laquelle la
RDC devrait prendre des mesures urgentes pour limiter au strict minimum le
nombre des forces et de services de sécurité dotés de pouvoirs d’arrestation,
de détention et d’enquête et Veiller à ce que la police reste la principale
institution responsable de l’application des lois ;
6° Rappelons au Gouvernement de
la République la recommandation du Comité contre la Torture selon laquelle la
RDC devrait prendre des mesures urgentes pour mettre fin aux pratiques
contraires à l’Ensemble des règles minima des Nations Unies pour le traitement
des détenus ;
7° Rappelons au Gouvernement de
la République la recommandation du Comité Contre la Torture selon laquelle la
RDC devrait prendre des mesures urgentes pour faire figurer dans son prochain
rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par
infraction, origine ethnique et sexe, sur les plaintes concernant des actes de
torture et des mauvais traitements qui auraient été commis par des responsables
de l’application des lois, ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions
pénales et disciplinaires correspondantes. Des renseignements ont été également
demandés sur les mesures d’indemnisation et les services de réadaptation
offerts aux victimes de la Torture en République Démocratique du Congo ;
8° Rappelons au Gouvernement
de la République, la nécessité et l’urgence de redynamiser l’Entité Nationale
de Liaison des Droits de l’Homme, en tant que mécanisme citoyen de dialogue
interinstitutionnel sur les préoccupations majeures des Droits de l’Homme en
République Démocratique du Congo ;
9° Rappelons au Gouvernement,
la nécessité et l’urgence de doter la République Démocratique du Congo, d’une
Politique Nationale des Droits de l’Homme ainsi que d’une Politique Nationale
de lutte contre l’Impunité.
Fait à Kinshasa, le 26 Juin 2013
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