En
cause : Ministère Public et partie civile la RD. Congo
Contre
: Les prévenus :
1.
SAMIH JAMMAL, en détention ;
2.
KAMERHE LWA KANYIGINI Vital, en détention ;
3.
MUHIMA NDOOLE Jeannot, en liberté.
Par
sa requête aux fins de fixation d’audience n° 1698/RMP 1641/PG 023/a/LUK/2020
du 24/04/2020, le Procureur Général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe
saisit le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe contre les prévenus
SAMIH JAMMAL, KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA NDOOLE Jeannot pour :
A.
A charge des prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital
1.
Avoir, à Kinshasa, Ville de ce nom et capitale de la République Démocratique du
Congo, sans préjudice de date plus précise, mais entre les mois de mars 2019 et
janvier 2020, période non encore couverte par le délai légal de prescription de
l’action publique, comme co-auteurs par coopération directe, étant
respectivement, Directeur Général de la Société SAMIBO SARL et Agent public de
l’Etat, en l’occurrence personnel politique de la Présidence de la République,
détourné la somme globale de 48.831.148 $US (dollars américains quarante-huit
millions huit cent trente et une mille cent quarante-huit) qui était remise à
la Société SAMIBO SARL pour l’achat et l’érection de 1.500 maisons 2
préfabriquées dans le cadre du projet des logements sociaux, au profit de cinq
provinces de la République Démocratique du Congo, en l’occurrence celles de
Kinshasa, du Kongo Central, du Kasaï Central, du Kasaï Oriental et du Sud-Kivu,
inscrit au programme de 100 jours initié par le Président de la République.
Faits prévus et punis par les articles 21 et 23 du Code Pénal Livre 1er et 145
du Code Pénal Livre II.
2.
Avoir, dans les mêmes circonstances des lieux que ci-dessus, sans préjudice de
date certaine, mais entre les mois d’août et septembre 2019, comme co-auteurs
par coopération directe, étant respectivement, Directeur Général de la Société
HUSMAL SARL et Agent public de l’Etat, en l’occurrence personnel politique de
la Présidence de la République, détourné la somme de 2.137.500 SUS (dollars
américains deux, millions cent trente-sept mille cinq cent) qui était remise à
la Société HUSMAL SARL pour l’achat et l’érection de 3.000 maisons
préfabriquées pour les policiers et militaires de la Ville de Kinshasa dans le
cadre du programme de 100 jours initié par le Président de la République. Faits
prévus et punis par les articles 21 et 23 du Code Pénal Livre 1er et 145 du
Code Pénal Livre II.
3
B. A charge des prévenus KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA NDOOLE Jeannot
Avoir, à Kinshasa, Ville de ce nom et capitale de la République Démocratique du
Congo, le 21 août 2019, comme co-auteurs par coopération directe, étant
respectivement, Agent public de l’Etat, en l’occurrence personnel politique de
la Présidence de la République et Fonctionnaire public, détourné la somme de
1.154.800 $US (dollars américains un million cent cinquante-quatre mille huit
cent) qui était remise à MUHIMA NDOOLE Jeannot pour le dédouanement des
containers des maisons préfabriquées. Faits prévus et punis par les articles 21
et 23 du Code Pénal Livre 1er et 145 du Code Pénal Livre II. C.
A
charge de SAMIH JAMMAL
1. Avoir,
dans les mêmes circonstances des lieux et des temps que sub.A.1,
frauduleusement transféré au Liban, de fonds notamment plus de 10.000.000 SUS
(dollars américains dix millions), sans passer par un établissement de crédit
ou par son intermédiaire. Faits prévus et punis par les articles 6 et 38 alinéa
9, point 2 de la loi n°04/016 du 19 juillet 2004 portant lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
4
2. Avoir, dans les mêmes circonstances de lieu et de temps que sub.A1,
intentionnellement opéré le transfert de plus de 10.000.000 SUS (dollars
américains dix millions) au Liban dans le but de dissimuler le détournement des
deniers publics commis au préjudice du Trésor public. Faits prévus et punis par
les articles I point I et 34 de la Loi n°04/016 du 19 juillet 2004 portant
Lutte contre le Blanchiment des Capitaux et le Financement du terrorisme.
D.
A charge du prévenu SAMIH JAMMAL 1. Avoir, dans les mêmes circonstances des
lieux que ci-dessus, le 23 janvier 2019, octroyé, indirectement par
l’intermédiaire de Madame SORAYA MPIANA, à Monsieur KAMERHE LWA KANYIGINI
Vital, Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat, beau-père de la précitée, une
partie de sa concession mesurant 50,00 mètres x 100,00 mètres située sur la
baie de Ngaliema, au Quartier Basoko, dans la Commune de Ngaliema, à Kinshasa,
en vue de gagner au nom des Sociétés SAMIBO SARL et HUSMAL SARL, les marchés
publics de construction de 1.500 et 3.000 maisons préfabriquées évoquées
ci-haut, en violation de la procédure d’appels d’offres et des seuils fixés par
la législation en matière de passation des marchés par voie de gré à gré. 5 Faits
prévus et punis par les articles 147 bis, points 2 et 3, et 149 alinéas I et 2,
point 2a du Code Pénal Livre II tel que modifié et complété par la Loi n°05-006
du 29 mars 2005.
2.
Avoir, dans les mêmes circonstances des lieux que ci-dessus, le 25 avril 2019,
acheté, indirectement par l’intermédiaire de madame SORAYA MPIANA, au profit de
monsieur KAMERHE LWA KANYIGINI Vital, Directeur de Cabinet du Chef de lEtat,
beau-père de la précitée, une concession mesurant 70,00 mètres x 100,00 mètres
située sur la baie de Ngaliema, au Quartier Basoko, dans la Commune de
Ngaliema, à Kinshasa, pour une valeur de 100.000 $US (dollars américains cent
mille) en vue de gagner au nom des Sociétés SAMIBO SARL et HUSMAL SARL, les
marchés publics de construction de 1.500 et 3.000 maisons préfabriquées
évoquées ci-haut, en violation de la procédure d’appels d’offres et des seuils
fixés par la législation en matière de passation des marchés par voie de gré à
gré. Faits prévus et punis par les articles 147 bis, points 2 et 3, et 149,
alinéas I et 2, point 2a du Code Pénal Livre II tel que modifié et complété par
la Loi n°05-006 du 29 mars 2005.
E.
A charge du prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital I. Avoir, dans les mêmes
circonstances de lieu et de temps Sub.D.1, accepté, indirectement par
l’intermédiaire de madame SORAYA MPIANA qui est sa belle- fille, la cession
d’une partie de 50,00 mètres x 100,00 6 mètres de la concession appartenant à
monsieur SAMIH JAMMAL, située sur la baie de Ngaliema, au Quartier Basoko, dans
la Commune de Ngaliema, à Kinshasa, afin d’abuser de son influence réelle en
tant que Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat et superviseur du programme de
100 jours initié par le Président de la République, pour faire gagner à ce
dernier, sous les noms de ses Sociétés SAMIBO SARL et HUSMAL SARL, les marchés
publics de l’achat et de l’érection de 1.500 et 3.000 maisons préfabriquées
évoquées plus haut, en violation de la procédure d’appels d’offres et des
seuils fixés par la législation en matière de passation des marchés par voie de
gré à gré. Faits prévus et punis par les articles 147 bis, point 1 et 149,
alinéas I et 2, point 2a du Code Pénal Livre II tel que modifié par de la Loi
n°05-006 du 29 mars 2005.
2.
Avoir, dans les mêmes circonstances de lieu et de temps que Sub.D.2, accepté,
indirectement par l’intermédiaire de Madame SORAYA MPIANA qui est sa belle-
fille, l’achat à son profit de la concession mesurant 70,00 mètres x 100
mètres, située sur la baie de Ngaliema, au Quartier Basoko, dans la Commune de
Ngaliema, à Kinshasa, afin d’abuser de son influence réelle en tant que
Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat et superviseur du programme de 100 jours
initié par le Président de la République, pour faire gagner à monsieur SAMIH
JAMMAL sous les noms de ses Sociétés SAMIBO SARL et HUSMAL SARL, les marchés
publics de l’achat et de 7 l’érection de 1.500 et 3.000 maisons préfabriquées
évoquées plus haut, en violation de la procédure d’appels d’offres et des
seuils fixés par la législation en matière de passation des marchés par voie de
gré à gré. Faits prévus et punis par les articles 147 bis, point I et 149,
alinéas I et 2, point 2a du Code Pénal Livre II tel que modifié par de la Loi
n°05-006 du 29 mars 2005.
A
l’audience publique du 11/06/2020 au cours de laquelle, la cause a été appelée,
instruite, plaidée et mise en délibéré, la partie civile a comparu représentée
par ses conseils Maitre KALUBA DIBWA Dieudonné et le Bâtonnier KAYUDI MISAMU
Coco, respectivement avocat au Barreau près la Cour de cassation et le Conseil d’Etat
et avocat au Barreau près la Cour d’Appel de Kinshasa/ Matete ; les prévenus
ont comparu en personne assistés de leurs Conseils : Pour le prévenu SAMIH
JAMMAL par le Bâtonnier National honoraire MBU NE LETANG, Maitres Nicodème
MUKA, Serge LEPIGHE, Tshitsha BOKOLOMBE, Christian BEYA, Arlette ODIA KASHAMA,
Patrick TAMBWE, Gervais KALONGAMA, Papy MALOBA et Jardel MULONGOY ; le prévenu
KAMERHE LWA KANYIGINI Vital par le Bâtonnier Joseph GUHANIKA, Maîtres Roger
THOTO, Jean Marie KABENGELA ILUNGA, Gérard KABEMBA, Giscard MUBIALA et Aimé
MURUHUKA et le prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot par Maîtres KALOMBO BETU William
et NGONGO KITETE Yannick-Albert ; tous Avocats.
La
procédure ainsi suivie étant régulière et contradictoire, le Tribunal de céans
s’est donc déclaré valablement saisi à leur égard. Au cours de l’audience de
plaidoirie du 11/06/2020, le prévenu SAMIH JAMMAL a, soulevé un déclinatoire de
compétence, une fin de non-recevoir et une exception d’inconstitutionnalité ;
Expliquant le premier moyen, il soutient, d’une part, que le Tribunal de céans
n’est compétent, en vertu de l’article 89 de la loi organique numéro 13/011-B
du 11/04/2013, que pour connaitre des infractions punissables de la peine
supérieure à 5 ans de servitude pénale principale et de la peine de mort ; dès
lors, l’infraction de détournement des deniers publics mise à sa charge étant
punissable de la peine de travaux forcés, le susdit Tribunal n’est pas
compétent pour en connaitre ; et, d’autre part, ayant une résidence dans la
commune de la Gombe, le Parquet Général près la cour d’appel de Kinshasa/Matete
qui l’a interpellé et ouvert une instruction judiciaire à sa charge est
territorialement incompétent pour saisir le Tribunal de céans ; Donc, en le
faisant, cette saisine est irrégulière, car opérée en violation des articles 19
de la constitution qui proscrit de distraire quelqu’un de son juge naturel et
104 alinéa 1 de la loi organique sus évoquée ; Abordant le deuxième moyen
d’irrecevabilité, le prévenu SAMIH JAMMAL soutient que l’exploit de citation à
prévenu qu’il a reçu est 9 obscure en ce que, d’une part, il ne lui permet pas
de comprendre pourquoi l’organe de la loi lui reproche d’avoir détourné
48.831.148 $USD, alors que c’est la somme de 57.500.000$ USD qui lui a été
remise; et d’autre part, il ne précise pas le degré de participation des
prévenus dans la commission de l’infraction sus indiquée ; Ainsi, infère-t-il à
l’irrecevabilité de l’action sous examen ; S’agissant l’exception
d’inconstitutionnalité, il fait observer que le Parquet Général de
Kinshasa/Gombe qui l’a saisi n’a jamais posé un quelconque acte d’instruction
et que les procès-verbaux qui gisent au dossier ont, plutôt, été dressés par
les officiers ministériels du Parquet Général de Kinshasa/Matete ; Dès lors,
conclut-il, c’est en violation de l’article 19 de la constitution qui dispose
que nul ne peut être ni soustrait ni distrait contre son gré du juge que la loi
lui attribue ; Aussi, fait-il remarquer, la présente action étant mue en
violation de la constitution, il échet de surseoir à son examen, en attendant
que la cour constitutionnelle se prononce quant à ce ; En outre, relève-t-il,
l’infraction de détournement des deniers publics mise à sa charge étant
punissable de la peine de travaux forcés qui, au regard de l’article 17 de la
constitution, est contraire à celle-ci ; Partant, il conclut à ce qu’il plaise
au Tribunal de céans de surseoir à statuer en vertu de l’article 162 de la
constitution qui prescrit que 10 lorsqu’une exception d’inconstitutionnalité
est soulevée devant le juge de fond, ce dernier sursoit à statuer et saisit,
toutes affaires cessantes, la cour constitutionnelle ; Pour sa part, le prévenu
KAMERHE a également, au cours de la même audience, soulevé un moyen de
surséance pris de l’exception d’inconstitutionnalité en ce que la peine de
travaux forcés prévue pour l’infraction de détournement des deniers publics
viole la constitution de la République et a demandé de ce fait, la surséance.
En droit, de l’examen de l’article 5 du code Pénal Livre I, les peines
applicables aux infractions sont : la peine de mort, les travaux forcés, la
servitude pénale, l’amende, la confiscation spéciale, l’obligation de
s’éloigner de certains lieux ou d’une certaine région ; la résidence imposée
dans un lieu déterminé et la mise à la disposition de la surveillance du
Gouvernement ; En outre, la loi organique numéro 13/011-B du 11/04/2013 portant
organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l’ordre
judiciaire dispose, en son article 89, que les Tribunaux de Grande Instance
connaissent des infractions punissables de la peine de mort et de celles
punissables d’une peine excédant cinq ans de servitude pénale principale ; Il
suit que les Tribunaux de Grande Instance étant compétents pour connaitre des
infractions punissables même de la peine de mort, ils sont 11 également
compétents pour connaitre de celles qui ne sont punissables que de la peine de
travaux forcés, dès lors qu’aucune disposition légale n’attribue cette
compétence à aucune autre juridiction ; Ainsi, pour le Tribunal le raisonnement
consistant à lui denier la compétence au motif que l’infraction de détournement
des deniers publics dont il est saisi est punie de la peine de travaux forcés
est spécieux, le législateur ne pouvant pas, du reste, instituer une
incrimination sans prévoir le Tribunal compétent pour en connaitre ; Par
ailleurs, l’article 67 de la loi sus évoquée dispose qu’en matière répressive,
le Ministère public recherche les infractions aux actes législatifs et
réglementaires qui sont commises sur le territoire de la République ; A ce
propos, la doctrine enseigne que la recherche des infractions aux différentes
lois du pays commises sur toute l’étendue du territoire incombe au Ministère
Public ( Gabriel KILALA, Attributions du Ministère Public et Procédure Pénale,
Tome I, éd. AMUNA, Kinshasa 2006, p.92) ; Il en résulte que le Ministère Public
est compétent pour interpeller quiconque, quel que soit le lieu de sa
résidence, qui commettrait une infraction à n’importe quel endroit situé sur le
territoire de la République ; Par ailleurs, l’article 150 de l’arrêté
d’organisation judiciaire numéro 299/79 du 20/08/1979 portant règlement
intérieur des cours, 12 tribunaux et parquets dispose que lorsqu’un dossier est
à transmettre, pour compétence ou disposition à un autre parquet, il est, après
avoir été inventorié, communiqué au procureur de la République qui en vérifie
la nécessité. Si la transmission doit être faite à un parquet du ressort d’une
autre cour d’appel, le dossier est adressé au procureur général qui en assure
la transmission ; En outre, l’article 104 de la loi organique sus évoquée
dispose que sont compétents le juge du lieu où l’une des infractions a été
commise, de la résidence du prévenu et celui du lieu où le prévenu aura été
trouvé ; Dans le cas sous examen, le Tribunal relève que le Procureur Général
près la cour d’appel de Kinshasa/Matete a, sur injonction lui donnée par le
Vice-Premier Ministre et Ministre de la Justice et Garde des sceaux par sa
lettre du 10/02/2020, ouvert une enquête judiciaire aux termes de laquelle le
prévenu SAMIH JAMMAL notamment a été interpellé et placé en détention ; Ce
dernier étant de résidence dans la commune de la Gombe, située dans le ressort
du Parquet Général près la cour d’appel de Kinshasa/Gombe, il a transmis le
dossier ainsi ouvert à son office à son collègue qui, par sa requête aux fins
de fixation d’audience numéro 1698/RMP 1641/PG 023/a/LUK/2020 du 24/04/2020,
l’a envoyé en fixation devant le Tribunal de céans ; 13 Il en découle que c’est
sans pertinence que le prévenu SAMIH JAMMAL conteste la compétence tant de
l’officier du Ministère Public qu’il a entendu lors de son interpellation et
donc la régularité des procès-verbaux par lui dressés à ce sujet que celle du
Tribunal de céans ; Partant, ce moyen sera rejeté pour non fondement ; Par
ailleurs, le Tribunal relève que l’article 57 du CPP prescrit que la citation
doit indiquer à la requête de qui elle est faite. Elle énonce les noms, prénoms
et demeure du cité, l’objet de la citation, le tribunal devant lequel la
personne citée doit comparaître, le lieu et le moment de la comparution. La
citation à prévenu contient, en outre, l’indication de la nature, de la date et
du lieu des faits dont il aura à répondre ; Aussi, a-t-il été jugé que si les éléments
contenus dans la citation à prévenu, tels que le lieu, le mois, l’année de la
commission des faits, la nature de ceux-ci, les victimes, permettent au prévenu
de se défendre, l’exception obscuri libelli est infondée (CSJ, RPA 376,
02/04/2010 in Odon NSUMBU, Cour Suprême de Justice : Héritage de Demi-Siècle de
Jurisprudence ; Les Analyses Juridiques, Kinshasa, 2015, p.327 ) ; Il en
résulte que pareille fin de non-recevoir ne peut qu’être soulevée in limine
litis, car elle tend à sauvegarder les droits de la défense ; Cependant, dans
le cas d’espèce, le Tribunal note que d’une part, la citation à prévenu qu’a
reçu le prévenu SAMIH JAMMAL qui soulève le 14 moyen sous examen indique bel et
bien le lieu, la date et la nature des faits dont il a à répondre ; en
l’occurrence Kinshasa, entre les mois de mars 2019 et janvier 2020 ; entre les
mois d’Août et septembre 2019 en ce qui concerne les faits relatifs à
l’incrimination de détournement des deniers publics et en ce qui concerne les
faits relatifs à la prévention de corruption, Kinshasa le 23 Janvier 2019 et le
25 Avril 2019 ; enfin, pour ce qui est des faits susceptibles d’être qualifiés
de blanchiment des capitaux, Kinshasa, entre les mois de Mars 2019 et Janvier
2020 ; bien plus, la susdite citation indique le degré de participation du
prévenu prénommé à la commission des infractions mises à sa charge en ce
qu’elle précise, dans chaque cas où il est poursuivi avec le prévenu KAMERHE
LWA KANYIGINI Vital qu’il est co-auteur ; et d’autre part, le susdit moyen est
soulevé à l’audience publique du 11/06/2020 consacrée aux plaidoiries, alors
que tout au long des audiences précédentes, le prévenu s’est défendu, sans la
moindre réserve, sur les faits lui imputés ; Pour le Tribunal, l’impertinence
du présent moyen est univoque ; partant, il le rejettera ; En outre, le
Tribunal fait observer que pour rendre intelligible le prescrit de l’article
162 de la constitution de la République, le Premier Président de la cour de
cassation a, dans sa circulaire numéro 001 du 07/03/2017, souligné que
l’exception d’inconstitutionnalité en tant 15 qu’incident de procédure peut
être soulevée soit d’office par la juridiction elle-même, soit par un
justiciable, soit par le Ministère Public ; Aussi, poursuit-il, lorsque, par
inadvertance, le justiciable saisit la cour constitutionnelle, par voie
principale, d’une requête en inconstitutionnalité d’un acte législatif ou
réglementaire ou encore d’un édit provincial, la requête ainsi formée par le
justiciable est inopérante pour produire, par son dépôt au greffe de la cour
constitutionnelle, l’effet de la surséance devant le juge de fond ; Bien plus,
renchérit-il, dans l’hypothèse où le justiciable désire soulever pareil moyen
devant le juge de fond, il devra le faire une seule fois et in limine litis ;
En fin, fait-il observer que sa position est tirée de l’arrêt qu’a rendu, sous
R.Const. 310/311 TSR, la cour suprême de justice, faisant office de cour
constitutionnelle ; Dans le cas d’espèce, le Tribunal fait observer que les
prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital soulèvent, après s’être
défendu, au cours des audiences d’instruction du 11/05, 25/05, 03/06 et
04/06/2020 sur les incriminations mises à leur charge, à l’audience de
plaidoirie du 11/06/2020, une exception d’inconstitutionnalité et sollicitent,
par là même, la surséance à l’examen de la présente cause ; 16 A l’appui de son
moyen, le prévenu KAMERHE produit même le récépissé du greffe de la cour
constitutionnelle qui atteste qu’une requête a été enrôlée en date du 12/06/2020
sous R.Const 1248 ; Pour sa part, le Tribunal relève que ce moyen est
impertinent en ce que d’une part, il n’est pas soulevé in limine litis, donnant
ainsi l’air d’un dilatoire et d’autre part, une requête en inconstitutionnalité
introduite devant la Cour Constitutionnelle par une partie est inopérante
devant le juge de fond qui ne peut donc pas sursoir à l’examen de la cause ; Il
ressort des pièces du dossier et de l’instruction menée devant ce Tribunal que
les faits de la présente cause peuvent être ainsi résumés : Après son élection
à la magistrature suprême, Monsieur Félix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO,
Président de la République Démocratique du Congo, a, pour satisfaire aux
promesses de campagne faites à ses électeurs, annoncé, en date du 02/03/2020,
la mise en œuvre d’un programme d’urgence de 100 jours ; A ce titre, dans le
volet habitat dudit programme, la construction des logements sociaux en faveur
des couches de la population démunie fut préconisée ; Cependant, alors que des
fonds importants ont été décaissés, depuis plusieurs mois, du Trésor public
pour y faire face ; des soupçons de détournements ont commencé à circuler dans
l’opinion publique, car 17 sur terrain il n’y avait que des signes timides de
l’exécution du programme sus évoqué ; C’est alors qu’au cours du conseil des
Ministres tenu au mois de Février 2020, le Gouvernement de la République
instruit le Vice Premier Ministre et Ministre de la Justice et Garde des sceaux
de diligenter des enquêtes judiciaires pour faire la lumière sur la situation ;
Par sa lettre numéro 273/Secab 12/D/CAB/MIN/VPM/J et GS/2020 du 10/02/2020, ce
dernier donna injonction aux Procureurs Généraux près les Cours d’Appel de
Kinshasa/Gombe et Matete de mener des investigations. Le Procureur Général près
la cour d’appel de Kinshasa/Matete ouvrit une enquête qui aboutit à
l’interpellation des prévenus SAMIH JAMMAL, gérant des sociétés SAMIBO SARL et
HUSMAL SARL, ayant bénéficié des fonds publics pour la fourniture des maisons
préfabriquées dans le cadre du programme sus vanté ; KAMERHE LWA KANYIGINI
Vital, Directeur de Cabinet du Président de la République et ordonnateur du
décaissement des susdits fonds ainsi que MUHIMA NDOOLE Jeannot, Chef de
Division à la Présidence de la République en charge de l’ImportExport, ayant
reçu, sur injonction du prévenu KAMERHE, des fonds pour effectuer des
formalités douanières qui n’auraient, pourtant, pas nécessité ce décaissement ;
18 Bien plus, l’organe de la loi conclut d’une part que le prévenu SAMIH JAMMAL
aurait obtenu les marchés mis en cause en offrant des présents au prévenu
KAMERHE LWA KANYIGINI Vital qui les aurait allégrement acceptés et d’autre
part, le prévenu SAMIH JAMMAL aurait, en violation de la législation y
afférente, transféré, à l’étranger, des sommes importantes qui proviendraient
du détournement décrié ; Après avoir clôturé ses enquêtes, le Parquet Général
de Matete transmit, pour disposition et compétence, en raison des lieux de
résidence des prévenus, le dossier au Parquet Général de la Gombe qui, sans
désemparer, saisit, par la requête sus indiquée, le Tribunal de céans aux fins
d’obtenir la condamnation des prévenus pré qualifiés. Pour la partie civile,
les incriminations mises à charge des prévenus sont établies et qu’il échet de
condamner les prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital in solidum à
la restitution de la somme de l’équivalent en FC de 48.831.148$USD + 2.137.500$
USD et aux dommages-intérêts de l’équivalent en FC de 100.000.000$ USD et de
condamner in solidum les prévenus KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA NDOOLE
Jeannot à la restitution de la somme de l’équivalent en FC de 1.154.800$ USD
ainsi qu’aux dommages-intérêts de l’équivalent en FC de 50.000.000$ USD ; Pour
sa part, l’organe de la loi requiert à ce qu’il plaise au Tribunal de dire
établie en fait et en droit l’infraction de détournement des 19 deniers publics
portant sur le montant de 48.831.148 $USD à charge des prévenus SAMIH JAMMAL et
KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et de les condamner chacun à 20 ans de travaux
forcés, tout en prononçant en outre l’interdiction pour 10 ans après
l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité en ce qui
concerne le prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; l’interdiction d’accès aux
fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon à charge du même
prévenu ; la privation du droit à la condamnation ou à la libération
conditionnelle et à la réhabilitation à charge de tous les deux prévenus et
l’expulsion définitive du territoire de la République après l’exécution de la peine
à charge du prévenu SAMIH JAMMAL ; dire établie à charge de ce dernier et du
prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital l’infraction de détournement des deniers
publics portant sur la somme de 2.137.500 $USD et de les condamner chacun à la
peine de 10 ans de travaux forcés, tout en prononçant en outre l’interdiction
pour 5 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit
d’éligibilité en ce qui concerne le prévenu KAMERHE, l’interdiction d’accès aux
fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon à charge du même
prévenu ; la privation, à charge de deux prévenus, du droit à la condamnation
ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation ainsi que l’expulsion
définitive du territoire de la République après l’exécution de la peine contre
le prévenu SAMIH JAMMAL ; dire établie en fait et en droit à 20 charge des
prévenus KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA NDOOLE Jeannot l’infraction de
détournement des deniers publics relative à la somme de 1.154.800$ USD et les
condamner chacun à 2 ans de travaux forcés, en prononçant en plus contre tous
deux : l’interdiction pour 5 ans après l’exécution de la peine du droit de vote
et du droit d’éligibilité; l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et
paraétatiques quel qu’en soit l’échelon et la privation du droit à la
condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation ; dire
établies les deux préventions de blanchiment des capitaux à charge du prévenu
SAMIH JAMMAL et de le condamner, pour la première, à une amende égale à deux
fois la somme blanchie, soit 20.000.000 $USD et, pour la seconde, à la peine de
10 ans de servitude pénale principale et une amende égale à deux fois la somme
blanchie, soit 20.000.000$ USD; constater que ces deux infractions sont en
concours idéal et prononcer la peine de la seconde prévention qui est la plus
forte ; dire établie, séparément, à charge de SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA
KANYIGINI Vital l’infraction de corruption aggravée et les condamner chacun à
15 ans de servitude pénale principale et à une amende de 1.000.000 FC constants
; ordonner la confiscation des fonds contenus dans les relevés bancaires des
nommés AMIDA SHATUR, SORAYA MPIANA et NSHANGALUME NKINGI Daniel alias MASSARO
ainsi que la confiscation des propriétés immobilières acquises avec les fonds
détournés pendant 21 la période allant de Janvier 2019 à ce jour, couvertes par
les titres ciaprès : le contrat de location numéro 1348/2019 AD 44988, commune
de Ngaliema au nom de SHANGALUME Daniel ; le certificat d’enregistrement AKN 11
folio 46 AD 193, commune de Kasa-vubu au nom de MPIANA DAIDA ; le certificat
d’enregistrement AGL 547 folio 171 AD 5082, commune de la Gombe au nom de
SHANGALUME Daniel ; le certificat d’enregistrement A/ML 01 folio 179 AD 1401,
commune de Maluku au nom de MAYUKU NAMWISI Dieudonné ; le certificat
d’enregistrement NN 45 folio 33 AD 71860, commune de la N’sele au nom de HAMIDA
CHATUR KAMERHE ; le certificat d’enregistrement A/N 45 folio 34 AD 137.110,
commune de la N’sele au nom de KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; le certificat
d’enregistrement AGL 547 folio 56 AD 5807, commune de Lingwala au nom de
SHANGALUME NKINGI Daniel et le contrat de cession entre JAMMAL SAMIH et SORAYA
MPIANA, AD 44.196, Commune de Ngaliema ; dire qu’ à part les deux préventions de
blanchiment mises à charge du prévenu SAMIH JAMMAL qui ont été commises en
unicité d’intention, les autres sont en concours matériel et ordonner, en
conséquence le cumul des peines à subir par chaque prévenu en veillant à ce que
leur maximum, après sommation, ne puisse dépasser 20 ans de travaux forcés ou
de servitude pénale principale ; ordonner l’arrestation immédiate du prévenu
MUHIMA NDOOLE 22 Jeannot ; allouer des dommages-intérêts à la partie civile
tels qu’elle l’a demandé et condamner les prévenus aux frais de la présente
instance ; Interpellés sur les faits infractionnels leur imputés, les prévenus
ont, après avoir clamé leur innocence en soutenant que ceux-ci sont non établis
; En effet, le prévenu SAMIH JAMMAL a, au cours des audiences d’instruction du
11/05, 25/05, 03/06 et 04/06/2020, soutenu avoir conclu en Avril 2018 avec la
partie civile, par le biais du Ministère du Développement Rural, pris en la
personne du témoin Justin BITAKWIRA, Ministre en charge dudit département à
l’époque, un contrat de fourniture des maisons préfabriquée, lequel, en vertu
de l’avenant d’avril 2019, a été reconduit par les parties ; Aussi,
poursuit-il, c’est à ce titre qu’il a, au nom de la société SAMIBO SARL dont il
est le gérant, reçu 57.500.000$ USD pour fournir et ériger 1500 maisons
préfabriquées dans les cinq provinces que voici de la République Démocratique
du Congo : Kinshasa, Kongo Central, Kasaï Central, Kasaï Oriental et Sud-Kivu ;
Ainsi, renchérit-il, en exécution du susdit contrat, conclu régulièrement, 211
maisons ont déjà été érigées au camp Tshatshi, à Kinshasa ; site indiqué par
les préposés de la partie civile ; 23 Bien plus, fait-il observer, plusieurs
conteneurs contenant des maisons préfabriquées sont bloqués, faute pour la
partie civile de payer les frais y afférents, dans les ports de Dar-es-salam et
Lobito ; En outre, quelques maisons sont déjà entrain d’être érigées dans la
ville de Mbuji-Mayi au Kasaï Oriental ; Il conclut que, c’est à tort que le
Ministère Public lui impute un quelconque détournement de la somme sus indiquée
; Par ailleurs, reconnaissant avoir reçu, en vertu de la commande lui adressée
par la Présidence de la République d’ériger, en faveur des militaires et
policiers, 3000 maisons ; 2.137.500$ USD, à titre d’acompte sur la facture de
la susdite commande de 57.000.000$USD, le prévenu SAMIH JAMMAL soutient avoir
déjà importé des maisons contenues dans 31 conteneurs bloqués au port de
Matadi, faute, pour la partie civile, d’avoir payé les frais relatifs au
dédouanement et au transport ; Il fait remarquer que l’acte matériel de
détournement, exigé par la loi pour que cette incrimination soit établie dans
son chef manque en fait ; En ce qui concerne la prévention de blanchiment des
capitaux, tout en admettant avoir transféré à l’étranger des sommes importantes
d’argent, il soutient que celles-ci n’ont pas une origine délictueuse dès lors
qu’elles sont le produit des marchés publics régulièrement obtenus 24 et ont
été destinées à honorer ses engagements dans le cadre desdits marchés ; Il
infère que c’est à tort que l’organe de la loi le retient sous le lien de cette
incrimination et sollicite donc son acquittement ; Pour ce qui est de la
prévention de corruption, le prévenu SAMIH JAMMAL soutient avoir agi de bonne
foi en récompensant, non pas le prévenu KAMERHE ni sa belle-fille, le témoin
SORAYA MPIANA qu’il n’a, du reste, jamais connue ; mais plutôt le témoin Daniel
SHANGALUME NKINGI alias MASSARO, ami de ses enfants ; ce, pour des nombreux
marchés qu’il lui a procurés ; Il fait observer que lors de la première
transaction en date du 23/01/2019, le prévenu KAMERHE n’était pas encore nommé
Directeur de cabinet du Chef de l’Etat ; Il poursuit que la seconde transaction
est intervenue le 25/04/2019 alors qu’il était déjà attributaire du marché de
1500 maisons préfabriquées ; Il invite alors le Tribunal à constater qu’une
entente préalable n’a jamais eu lieu entre lui et le prévenu KAMERHE et que,
par conséquent, l’infraction de corruption ne peut être déclarée établie à sa
charge. Pour sa part, le prévenu KAMERHE a également, au cours des mêmes
audiences publiques sus évoquées, clamé son innocence ; 25 En effet,
relativement aux faits de détournement des deniers publics lui imputés, il fait
observer avoir agi, en vertu de ses prérogatives de Directeur de cabinet du
chef de l’Etat et l’un des superviseurs du programme d’urgence de 100 jours mis
en place par le Président de la République en vue de répondre aux attentes
nombreuses de ses électeurs à l’issue de son investiture à la magistrature suprême
; Ainsi, poursuit-il, c’est uniquement pour faire face à l’urgence de la
situation qu’il devait veiller à la célérité dans le décaissement des fonds
relatifs à l’exécution du susdit programme ; Aussi, fait-il remarquer que,
d’une part, le contrat en vertu duquel 1500 maisons préfabriquées ont été
commandées, dans le cadre du volet Habitat du programme d’urgence sus évoqué,
n’est que la continuité de celui qui, en Avril 2018, a été conclu par le
Ministre du Développement Rural de l’époque, Monsieur Justin BITAKWIRA dans la
mesure où l’avenant audit contrat a bel bien été signé par les parties
contractantes ; En plus, il soutient que la commande de 3000 maisons faite à la
société HUSMAL SARL dont le prévenu SAMIH JAMMAL est gérant, destinées aux
militaires et policiers étant dictée par le Président de la République,
satisfait de la qualité des maisons érigées au Camp Tshatshi par le même
JAMMAL, gérant de la société SAMIBO SARL qui, elle, avait reçu la commande de
1500 maisons, devait également être traitée avec célérité ; 26 En outre, il
relève que, tout en soulignant que ce dernier marché a bel et bien été agréé
par la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics par l’émission de son
avis de non objection y afférent ; il était de son devoir de demander aux
Ministres de Finances et du Budget ainsi qu’au Gouverneur de la Banque Centrale
du Congo de prendre, chacun en ce qui le concerne, les dispositions idoines
pour rendre possible l’exécution de ces marchés qui donc, à ses yeux, étaient
régulièrement gagnés par le prévenu SAMIH JAMMAL ; Bien plus, il soutient
n’avoir bénéficié d’aucune somme d’argent de tout ce qui a été payé à ce
dernier et met l’organe de la loi au défi d’apporter la preuve contraire ; Par
ailleurs, tout en reconnaissant avoir confié au prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot,
chef de Division en charge d’Import-Export à la Présidence de la République, la
mission de dédouaner les containeurs se trouvant au port de Dar-es-Salam, il
fait observer que les frais y afférents, à savoir la somme de 1.154.800$ USD,
lui a été directement remise par le Comptable Public et qu’il n’existe aucune
preuve de son implication dans le détournement éventuel de la susdite somme ;
Il conclut à son acquittement pour faits non établis. Concernant les faits de
corruption, il relève n’avoir jamais été au courant de la cession faite par le
prévenu SAMIH JAMMAL à sa belle- fille, 27 SORAYA MPIANA et fait observer que
lorsqu’il l’a su, instruction fut donnée pour que le titre y afférent soit
annulé ; Aussi, souligne-t-il n’avoir jamais rencontré le prévenu SAMIH JAMMAL,
ni à son lieu de travail ni à son domicile, pour parler des marchés dont il a
été attributaire ; Il conclut à l’absence d’éléments constitutifs de cette
incrimination, tout en soutenant que les marchés attribués à JAMMAL l’ont été
de manière régulière et que donc, il ne peut être retenu sous le lien de la
susdite incrimination. Le prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot, quant à lui, soutient
avoir affecté les fonds reçus du comptable public de la Présidence de la République
aux opérations tendant à obtenir l’acheminement de 167 containeurs contenant
les maisons préfabriquées se trouvant au port de Dars-es-Salam jusqu’à
Mwene-Ditu ; Aussi, renchérit-il, à ce jour, 77 conteneurs sont arrivés à leur
destination, soit à Mwene-Ditu et 15 sont dans les installations de la SNCC à
Lubumbashi ; tandis que 75 sont encore à Dar-es-Salam en attendant le deuxième
décaissement des fonds ; Bien plus, il produit un état détaillé des dépenses
par lui effectuées ainsi que l’ordre de mission signé par le prévenu KAMERHE
qui avait instruit le comptable public de la Présidence de la République de lui
remettre les fonds dont question, soit 1.154.800 $USD ; 28 Partant, infère-t-il
à ce qu’il plaise au Tribunal de céans de l’acquitter. Position du Tribunal A.
DU DETOURNEMENT DES DENIERS PUBLICS PORTANT SUR LA SOMME DE 48.831.148 $USD A
CHARGE DE SAMIH JAMMAL ET KAMERHE LWA KANYIGINI VITAL En droit, l’article 145
du code Pénal Livre II dispose que tout fonctionnaire ou officier public, toute
personne chargée d’un service public ou parastatal, toute personne représentant
les intérêts de l’Etat ou d’une société étatique au sein d’une société privée,
parastatale ou d’économie mixte en qualité d’administrateur, de gérant, de
commissaire aux comptes ou tout autre titre, tout mandataire ou préposé des
personnes énumérées ci-dessus, qui aura détourné des deniers publics ou privés,
des effets en tenant lieu, des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui
étaient entre ses mains, soit en vertu, soit à raison de sa charge, sera puni
de un à vingt ans de travaux forces ; Il en découle que les éléments ci-après
doivent être réunis pour que l’infraction de détournement des deniers publics
soit établie : la qualité de l’agent, l’objet de l’infraction, la victime,
l’acte incriminé et l’intention criminelle ; 29 Relativement à la qualité de
l’agent, la doctrine enseigne qu’il doit s’agir d’un fonctionnaire ou agent
public ou d’une personne chargée d’un service public (MINEUR, Commentaire du
code Pénal, p. 320 ) ; Bien plus, le Décret-loi numéro 017/2002 du 03/10/2002
portant code d’éthique de l’agent public définit l’agent public de l’Etat comme
toute personne qui exerce une activité publique de l’Etat et ou rémunérée par
ce dernier ; Aussi, résulte-t-il de l’examen de celui-ci que le personnel
politique et administratif de la Présidence de la République est considéré
comme un agent public ; En outre, la doctrine précise que par personnes
chargées d’un service public il faut entendre celles qui sont dépositaires ou
comptables qui, sans être fonctionnaires ou officiers publics, sont instituées
pour un intérêt d’ordre public et qui reçoivent des deniers ou effets en vertu
de leur charge (MINEUR, op cit ) ; Aussi, a-t-il été jugé que la qualité de
fonctionnaire ou de personne chargée d’un service public est un élément
essentiel pour justifier l’application de l’article 145 du code Pénal (CSJ, RP
271, 27/06/1979 in Odon NSUMBU, op cit, p.80 ) ; Dans le cas sous examen, le
Tribunal note que le prévenu SAMIH JAMMAL, gérant de la société SAMIBO SARL, a
reçu du trésor public au nom de cette dernière, des fonds pour ériger, en
faveur des couches 30 sociales démunies, 1500 maisons préfabriquées et ce, dans
le cadre du programme d’urgence de 100 jours du chef de l’Etat ; En outre, il
fait observer qu’aux termes de l’ordonnance du 25/01/2019, le prévenu KAMERHE
LWA KANYIGINI Vital a été nommé Directeur de cabinet du Président de la
République ; Il en résulte que les deux prévenus prénommés sont respectivement
investis de la qualité de personne chargée d’un service public et d’agent
public ; Par ailleurs, pour que l’infraction de détournement des deniers
publics soit établie il faut qu’il s’agisse de certains biens, c’est-à-dire
d’une nature donnée, et que lesdits biens aient été confiés à la personne qui
les a détournés ; Ainsi, il ressort de l’examen de la disposition légale y
afférente qu’il est question de deniers qui ont été remis ou confiés à l’agent
public ou assimilé qui les a détournés, et que cette remise ait eu lieu à raison
des fonctions officielles ou de l’emploi dont il était investi ; Cependant, la
jurisprudence précise qu’il n’est pas nécessaire que les sommes détournées
soient entre les mains du détourneur, mais il suffit qu’en vertu de sa charge,
il exerce un certain pouvoir sur lesdites sommes ( CSJ, RPA 89, 20/01/1984 in
B.A 1980-1984, Kin 2001, p.436 et suivants ) ; 31 Le Tribunal fait observer
que, dans le cas sous examen, sur instruction du prévenu KAMERHE, Directeur de
cabinet du chef de l’Etat et superviseur du programme d’urgence de 100 jours du
Président de la République, le Ministre des Finances a ordonné le payement de
57.500.000$ USD au prévenu SAMIH JAMMAL ; En effet, outre ses propres
affirmations, les témoins Henri YAV MULANG et Déogracias MUTOMBO, respectivement
Ministre des Finances et Gouverneur de la Banque Centrale du Congo au moment
des faits, ont confirmé les instructions du prévenu KAMERHE tendant à payer, en
procédure d’urgence, le prévenu SAMIH JAMMAL ; d’autant plus qu’en vertu du
communiqué qu’il avait signé, en date du 25/01/2019, aucune dépense publique,
en dehors de celle relative aux rémunérations, ne pouvait être effectuée sans
son autorisation ; Il suit que la nature des biens détournés comme la détention
préalable desdits biens par les prévenus sont sans équivoque ; En plus, la
doctrine enseigne que la loi exige que la victime du détournement soit l’Etat
ou ses démembrements. Dans certains cas, il peut s’agir d’une personne morale
semi publique (Bony CIZUNGU, Les Infractions de A à Z, éd. Laurent NYANGAZI,
P.309) ; Le Tribunal fait remarquer que, dans le cas d’espèce, c’est l’Etat qui
se plaint d’être victime du détournement, étant entendu que les fonds 32
détournés par les prévenus sont sortis du trésor public ; d’où, la constitution
de la RD Congo comme partie civile; Il en découle que cet élément exigé par la
loi pour que l’infraction sous examen soit établie ne fait l’ombre d’un moindre
doute dans le cas d’espèce ; Relativement à l’acte incriminé, la doctrine
enseigne qu’il s’agit du détournement qui est l’élément matériel qui
caractérise cette infraction; Aussi, entend-on par détournement l’usage ou la
disposition d’objets ou de deniers qui sont dans les mains ou au pouvoir de
l’auteur, à une fin qui ne leur était pas destinée. Il y a détournement dès que
l’objet a été distrait de sa destination et est sorti de la droite voie ( Bony
CIZUNGU, op cit, p.310-311 ) ; Ainsi, dans le cas d’espèce, le Tribunal fait
remarquer qu’il ressort tant des pièces du dossier que des dépositions des témoins
Henri YAV MULANG et Déogracias MUTOMBO, précédemment identifiés, que le trésor
public a décaissé, du 18 mars au 21 Mai 2019, la somme de 57.500.000 $USD, en
faveur de la société SAMIBO SARL, pour la fourniture de 1500 maisons
préfabriquées, seule la somme de 8.668.852 $USD qui a, effectivement, été
transférée, du compte de la susdite société logé à la RAWBANK au fournisseur
des maisons préfabriquées se trouvant en Turquie ; le reste, soit 48.831.148
$USD ayant pris une destination autre que celle à laquelle il devait avoir ; 33
En effet, les pièces du dossier qui, du reste, corroborent les dépositions
faites par le prévenu SAMIH JAMMAL tant lors de l’instruction pré
juridictionnelle qu’au cours des débats aux audiences d’instruction, révèlent
que des retraits des fonds ont été opérés sur le susdit compte dès le lendemain
du premier approvisionnement par la Banque Centrale du Congo, lesquels ont
atteint 35.000.000 $USD ; alors même que le prévenu, sans en donner une
justification solide, cohérente et incontestable, s’est limité à affirmer
qu’une partie de cet argent a été expédié, par des canaux informels, en Turquie
pour la commande faite au fournisseur ; Il suit qu’aucun doute ne persiste sur
l’élément matériel sous examen qu’est le détournement ; En fin, la loi retient
l’intention criminelle pour que celui-ci soit puni ; A ce propos, la doctrine
dit que cette infraction exige l’intention frauduleuse ou méchante qui est
réalisée lorsque l’auteur agit pour procurer un bénéfice illicite, soit à
lui-même, soit à autrui (MINEUR, op cit, p.322 ) ; Aussi, a-t-il été jugé que
l’infraction de détournement réclame comme condition la détention précaire de
biens mobiliers en vertu d’un titre conférant celle-ci et exige ensuite par
l’acte infractionnel la translation frauduleuse par détournement ou dissipation
de cette 34 possession précaire en possession définitive au profit de l’auteur
ou d’un tiers ( CSJ, RPA 22, 01/02/1973, in Odon NSUMBU, op cit ) ; Il a
également été jugé que la preuve de l’intention frauduleuse de l’infraction de
détournement est établie soit sur base de présomptions graves, précises et
concordantes, soit sur base de présomptions déduites des contradictions dans
les explications du prévenu tant à l’instruction préparatoire qu’aux audiences,
soit aussi sur base de présomptions résultant de la non justification
concluante de sommes détenues à titre précaire ( CSJ,RPA 26, 04/05/1974 in Odon
NSUMBU,op cit, p.76 ) ; Dans le cas sous examen, le Tribunal note que le
prévenu SAMIH JAMMAL n’est pas en mesure de justifier la destination prise par
la somme de 48.831.148 $USD sur les 57.500.000 $USD reçus, alors qu’il
reconnait que plusieurs retraits, allant jusqu’à 35.000.000$USD ont été
effectués soit par ses enfants, soit par son beau-fils soit encore par d’autres
personnes qui, tous, n’ont rien à voir avec la commande de 1500 maisons
préfabriquées pour lesquelles le trésor public a décaissé ces fonds ; Dès lors,
l’intention criminelle dans son chef ne fait l’ombre d’aucun doute ; Mais, il
ne pouvait arriver à ses fins s’il n’avait pas reçu une aide indispensable du
prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital qui, en vertu de ses charges, Directeur de
cabinet du Président de la République, 35 unique superviseur du programme
d’urgence de 100 jours du chef de l’Etat et seul, en vertu du communiqué
officiel du 25/01/2019, habilité à autoriser les dépenses publiques autres que
celles relatives aux rémunérations, a littéralement et délibérément violé les
prescrits légaux sur les marchés publics ; En effet, alors que le contrat
attribuant le marché de fourniture des maisons préfabriquées à la société
SAMIBO, conclu en avril 2018 avec le Ministère du Développement Rural pris en
la personne du témoin Justin BITAKWIRA, responsable d’alors dudit ministère,
est tombé caduc, son avenant n’ayant jamais été conclu, faute d’autorisation de
la Direction Générale de contrôle des Marchés Publics, le prévenu KAMERHE a
ordonné, au mépris des règlesimpératives en la matière, le décaissement en
procédure d’urgence et sur les réserves de change, de la somme de
57.500.000$USD en faveur de la susdite société ; A cet effet, le Tribunal
relève qu’aux termes de la loi numéro 10/010 du 27/04/2010 relative aux marchés
publics, aucun marché public ne peut être régulièrement conclu s’il n’obtient
l’avis de non objection de la Direction Générale du Contrôle des Marchés
Publics ; Bien plus, le prescrit de ladite loi proscrit le paiement intégral du
prix avant que le prestataire s’exécute ; Cependant, il ressort des pièces du
dossier et des dépositions des témoins Justin BITAKWIRA et Michel NGONGO
SALUMU, Directeur 36 Général a.i de la susdite direction ; que le contrat
conclu en avril 2018, régulièrement du reste, car ayant obtenu toutes les
autorisations requises, n’a jamais été reconduit contrairement aux allégations
du prévenu KAMERHE qui s’y accroche pour légitimer ses actes ; Ainsi, son
intention frauduleuse découle également de sa volonté de gérer ce dossier en
toute opacité ; En effet, alors qu’il a soutenu, pendant son audition au
Parquet et devant le Tribunal de céans, qu’une supervision composée des
Ministres sectoriels, des Ministres des Finances et du Budget ainsi que du
Gouverneur de la Banque centrale, était mise en place à la Présidence de la
République pour agréer le projet de 1500 maisons retenu dans le programme
d’urgence du chef de l’Etat, le témoin BITAKWIRA, Ministre du Développement
Rural d’alors, a déclaré n’avoir jamais été invité à la Présidence de la
République pour prendre part à une telle réunion ; Aussi, a-t-il ajouté que
c’est le Secrétaire Général de ce ministère, le témoin Georges NKOSHI, qui
avait pris part à certaines réunions ; Entendu, ce dernier reconnait avoir pris
part à deux réunions, mais dont l’objet était l’approvisionnement des milieux
ruraux en eau potable et l’aménagement des routes de desserte agricole. Il n’a
donc jamais été question des maisons préfabriquées ; Bien plus, contrairement
au soutènement du prévenu KAMERHE lors de son audition devant le Ministère
Public, le témoin NKOSHI a 37 déclaré n’avoir jamais représenté le Ministre
BITAKWIRA à une réunion de la supervision du programme d’urgence à la
Présidence de la République ; Pour leur part, les témoins Déogracias MUTOMBO,
Gouverneur de de Banque Centrale du Congo, Henri YAV MULANG, Pierre KANGUNDIA
et Thomas LUHAKA MBAYI, respectivement anciens Ministres des Finances, du
Budget et de l’Urbanisme et de l’habitat ont dans leurs dépositions
concordantes et non contredites soutenus n’avoir jamais été informés qu’ils
étaient membres d’une structure dénommée supervision et déclaré n’avoir jamais
pris part à une réunion y afférente au cours de laquelle ils auraient parlé du
marché d’érection de 1500 maisons préfabriquées attribué à SAMIBO ; En outre,
des dépositions des témoins Nicolas KAZADI, Justin KAMERHE, Marcelin BILOMBA,
BADAGA Aphy, BANYWESIZE Jacques et Peter KAZADI, tous membres de la
coordination chargée du suivi du programme d’urgence sus vanté, il ressort
qu’aucune réunion portant sur le marché d’érection des maisons préfabriquées
n’a été tenue ; mais seuls Justin KAMERHE, jeune frère du prévenu ; BADAGA Aphy
et BANYWESIZE Jacques, originaires du territoire de Walungu et membres du parti
politique UNC comme le prévenu, ont reçu, de manière informelle, c’est-à-dire
sans qu’une réunion de la coordination soit régulièrement convoquée, les
délégués de SAMIBO, prétendument pour 38 s’enquérir de la capacité de cette
entreprise à honorer ses engagements ; Par ailleurs, il n’est pas inutile de
souligner que le témoin Henri YAV MULANG a, au cours de sa déposition, soutenu,
sans être contredit, que le prévenu KAMERHE, au-delà de sa correspondance lui
enjoignant de payer, en procédure d’urgence, lui a fait comprendre, par un
appel téléphonique, qu’il devait tout faire, même en recourant aux réserves de
change, pour payer le prestataire ; De ce qui précède, l’existence de
l’intention criminelle dans le chef du prévenu KAMERHE est également sans
équivoque ; Bien plus, le Tribunal note que les deux prévenus ont directement
coopéré pour perpétrer ce détournement ; En effet, l’article 21 du code Pénal
Livre I dispose que sont considérés comme auteurs d’une infraction notamment
ceux qui l’auront exécutée ou qui auront coopéré directement à son exécution
ainsi que ceux qui, par un fait quelconque, auront prêté pour l’exécution une
aide telle que, sans leur assistance, l’infraction n’eut pu être commise ;
Ainsi, il est de jurisprudence que constitue une aide nécessaire prévue à
l’article 21 du code Pénal Livre I et sans laquelle l’infraction de
détournement des deniers publics n’eut pu être commise de la manière qu’il l’a
été, la passation d’un marché imaginaire en vertu duquel les 39 fonds ont été
utilisés en paiement ( CSJ, RP 20/CR, 15/08/1979, in Odon NSUMBU, op cit, p.36
) ; Il a, en outre, été jugé que participe à l’infraction de détournement de
deniers publics, le prévenu qui, sur base des machinations et artifices, crée
l’espoir d’une abondance matérielle et provoque la sortie des sommes d’argent
dont il tire profit tel qu’il ressort des présomptions de culpabilité. Cette participation
ne requiert pas nécessairement une volonté convergente, la seule conscience de
provoquer l’infraction suffit ( CSJ, RPA 94, 31/08/1984, in Odon NSUMBU, op cit
) ; Dès lors, au regard des éléments de la cause tels qu’exposés supra, la
participation du prévenu KAMERHE, en tant que co-auteur, à la commission de
l’infraction du détournement de deniers publics ne fait l’ombre d’un moindre
doute ; De tout ce qui précède, le Tribunal dira établie en fait comme en droit
l’infraction de détournement des deniers publics portant sur le montant de
48.831.148 $USD mise à charge des prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA
KANYIGINI Vital ; en conséquence, le condamnera chacun à 20 ans de travaux
forces ; En outre, il prononcera les peines accessoires ci-après : A charge de
SAMIH JAMMAL : la privation du droit à la condamnation ou à la libération
conditionnelle et à la réhabilitation et l’expulsion définitive du territoire
national, après l’exécution de la peine ; 40 A charge de KAMERHE LWA KANYIGINI
Vital : l’interdiction pour 10 ans après l’exécution de la peine, du droit de
vote et du droit d’éligibilité, l’interdiction d’accès aux fonctions publiques
et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon et la privation du droit à la
condamnation ou à la libération conditionnelles et à la réhabilitation ; B. DU
DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS PORTANT SUR LA SOMME DE 2.137.500 $USD A CHARGE
DES PREVENUS SAMIH JAMMAL ET KAMERHE LWA KANYGINI Vital Le Tribunal relève, au
regard des pièces du dossier et de l’instruction, que, sans qu’un contrat soit
régulièrement conclu entre la partie civile et la société HUSMAL SARL, dont
toujours le prévenu SAMIH JAMMAL est le gérant, le prévenu KAMERHE, répondant à
une commande adressée par ce dernier à la Présidence de la République et sans que
le Ministre sectoriel soit impliqué, instruit le Ministre des Finances de
payer, en procédure d’urgence, 30% de la facture de 57.000.000$USD sous
prétexte d’obtenir la livraison de 3000 maisons destinées aux militaires et
policiers ; Cependant au vu des difficultés de la trésorerie, le Ministre des
Finances ne put que donner injonction à la Banque Centrale de décaisser la
somme de 2.137.500$USD en faveur de la société HUSMAL ; Le Tribunal note qu’il
n’existe aucune preuve que ces fonds ont été utilisés pour passer la commande
sus indiquée ; 41 En plus, depuis lors, le prévenu SAMIH JAMMAL n’a livré les
maisons promises, se limitant à affirmer, sans administrer ni promettre
d’administrer la moindre preuve y relative, que 31 containeurs se trouvent à
Matadi ; Entendu au cours de l’audience publique du 04/06/2020, le témoin
TSHIWEWE Christian, Général-Major et commandant de la Garde Républicaine a
soutenu, sans être contredit, qu’au camp TSHATSHI se trouvent érigées 211
maisons, faisant partie du lot de 300 maisons qui devaient être livrées dans le
cadre du marché SAMIBO et que la demande exprimée par les militaires d’avoir
700 autres maisons dans le cadre du marché HUSMAL n’a jamais été satisfait ;
Par ailleurs, le témoin Michel NGONGO SALUMU qui reconnait avoir autorisé la
passation de ce marché de gré à gré, mais soutient n’avoir jamais, comme
l’indique sa correspondance versée au dossier, donné un avis de non objection
pouvant ainsi rendre ledit marché régulier ; Ainsi donc, comme dans le cas du
marché SAMIBO, le prévenu KAMERHE est resté insensible au respect des règles
impératives de passation des marchés publics et a autorisé le paiement en
urgence de la facture de HUSMAL ; Au vu des dispositions légales et
jurisprudentielles sus évoquées, tous les éléments constitutifs de l’infraction
de détournement de deniers publics sont établis en fait et en droit à charge
des prévenus SAMIH 42 JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; en conséquence,
le Tribunal les condamnera chacun à 10 ans de travaux forces ainsi qu’aux
peines accessoires ci-après : A charge de SAMIH JAMMAL : la privation du droit
à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation
ainsi que l’expulsion définitive du territoire national, après l’exécution de
la peine ; A charge de KAMERHE LWA KANYIGINI Vital : l’interdiction pour 5 ans
après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité ;
l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit
l’échelon et la privation du droit à la condamnation ou à la libération
conditionnelle et à la réhabilitation ; C. DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS
PORTANT SUR LA SOMME DE 1.154.800 $USD A CHARGE DES PREVENUS KAMERHE LWA
KANYIGINI VITAL ET MUHIMA NDOOLE JEANNOT De l’examen des pièces du dossier et
de l’instruction de la cause, il ressort que, sur instruction du prévenu
KAMERHE, le témoin NGUNDA MUZUMBU José, comptable public à la Présidence de la
République, a remis en date du 21/08/2019, la somme de 1.154.800 $USD, au
prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot, Chef de Division chargé de l’Import-Export à la
Présidence de la République ; ce, pour procéder au dédouanement des containeurs
contenant les maisons préfabriquées ; 43 Cependant, le Tribunal note que d’une
part, le contrat de fourniture des susdites maisons n’ayant jamais été
régulièrement conclu, l’avenant au contrat d’Avril 2018 n’ayant jamais reçu
l’avis de non objection, comme l’a indiqué le témoin Michel NGONGO SALUMU,
Directeur Général a.i de la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics et
d’autre part, en lisant le susdit contrat en vertu duquel le prévenu KAMERHE
prétend avoir donné ses injonctions, il est stipulé en son article 6 que les
frais afférents à la parfaite exécution du marché sont à charge du prestataire
; Bien plus, il fait observer qu’une exonération douanière, en vertu d’une
décision du Ministre des Finances prise à la requête du même prévenu, a été
accordée à SAMIBO ; Ainsi, il résulte de ce qui précède que c’est sans
soubassement juridique (légal ou contractuel) que ce dernier a ordonné le
décaissement de ces fonds du trésor public ; En plus, le Tribunal relève que le
prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot a reconnu avoir effectué des dépenses n’ayant
aucun lien avec le dédouanement. En effet, il affirme avoir payé son titre de voyage
et fait face aux frais relatifs à sa restauration et son logement avec l’argent
prétendument destiné au dédouanement des conteneurs, alors que, paradoxalement,
il était détenteur d’un ordre de mission signé par le prévenu KAMERHE ; 44 Le
Tribunal relève que le prévenu MUHIMA donne, sans le prouver des détails sur
les dépenses par lui effectuées. De tout ce qui vient d’être dit et au regard
des éléments de droit précédemment développés, le Tribunal de céans constate
que tous les éléments constitutifs de l’infraction de détournement des deniers
publics sont réunis ; partant, il dira celle-ci établie en fait et en droit à
charge des prévenus KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA NDOOLE Jeannot et les
condamnera chacun à 2 ans de travaux forcés ; Il prononcera à leur charge, en
plus, les peines accessoires suivantes : l’interdiction pour 5 ans après
l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité,
l’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit
l’échelon et la privation du droit à la condamnation ou à la libération
conditionnelle et à la réhabilitation ; D. DU BLANCHIMENT DES CAPITAUX A CHARGE
DU PREVENU SAMIH JAMMAL En droit, la loi numéro 04/016 du 19/07/2004 portant
lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
dispose, en ses articles 6 et 38 alinéa 9, point 2 que tout transfert vers
l’étranger ou en provenance de l’étranger, de fonds, titres ou valeurs pour une
somme égale ou supérieure à 10.000$ USD, doit être effectué par un établissement
de crédit ou par son intermédiaire ; 45 En outre, sont considérés comme
blanchiment des capitaux, les actes ci-dessous commis intentionnellement : -La
conversion, le transfert ou la manipulation des biens dans le but de dissimuler
ou de déguiser l’origine illicite desdits biens, ou d’aider toute personne qui
est impliquée dans la commission de l’infraction à échapper aux conséquences
juridiques de ses actes ; -La dissimulation ou le déguisement de la nature, de
l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété
réels des biens ; -L’acquisition, la détention ou l’utilisation des biens par
une personne qui sait, qui suspecte ou qui aurait dû savoir que lesdits biens
constituent un produit d’une infraction ; Seront punis d’une amende dont le
maximum est égal á trois fois le montant de la somme blanchie : ceux qui auront
effectué ou accepté des règlements en espèces pour des sommes supérieures au
montant autorisé par la présente loi ou les textes réglementaires pris pour son
application et ceux qui auront contrevenu aux dispositions de l’article 6
relatives aux transferts internationaux de fonds ; Il se dégage de ce qui
précède que l’infraction de blanchiment peut être perpétrée du fait tout
simplement de transférer frauduleusement plus de 10.000$ USD ou en dissimulant
les fonds d’origine illicite ; 46 Ainsi, cette dernière infraction de
blanchiment requiert, pour sa consommation, la réunion des éléments que voici :
-L’existence d’une infraction : le blanchiment suppose la réalisation
antérieure d’une autre infraction ; cependant, la jurisprudence précise qu’il
n’est pas nécessaire que ladite infraction ait été punie ; il suffit donc que
le juge du fond constate l’existence de cette infraction antérieure (Cour de
droit.net : Qu’est-ce que le blanchiment d’argent et ses éléments constitutifs
?) ; -Les procédés de blanchiment : il s’agit de tout moyen utilisé pour donner
une justification mensongère à l’origine des biens, fonds ou revenus. C’est
donc le moyen auquel l’auteur recourt pour dissimuler ou déguiser l’origine
illicite desdits biens, fonds ou revenus ; -L’élément moral : c’est l’intention
coupable qui nécessite que l’auteur ait pu se convaincre de l’origine illicite
des biens, fonds ou revenus dissimulés ; Dans le cas d’espèce, le prévenu SAMIH
JAMMAL qui reconnait avoir reçu du trésor public, à travers son compte logé à
la RAWBANK, la somme de 57.500.000 $USD, affirme avoir transféré au Liban plus
ou moins 10.000.000$USD qui s’y trouvaient ; ce, sans avoir recours aux
circuits bancaires officiels et légaux ; Il en découle que, par le simple fait
d’avoir transféré à l’étranger plus de 10.000$USD, sans observer la
règlementation prescrite à cet effet 47 par la Banque Centrale, le Tribunal
retiendra le prévenu SAMIH JAMMAL sous le lien de la première prévention de
blanchiment des capitaux ; En conséquence, il le condamnera à une amende égale
à deux fois la somme blanchie, soit 20.000.000 $USD ; Par ailleurs, le Tribunal
fait observer que les fonds que le prévenu SAMIH JAMMAL a transférés, par des
voies non officielles, au Liban ont été prélevés sur ceux détournés qui,
pourtant, étaient destines à payer le fournisseur des maisons préfabriquées,
attendues dans le cadre du programme d’urgence de 100 jours du chef de l’Etat ;
Il note, en outre, qu’en procédant comme il l’a fait, le prévenu connaissait
bien l’origine illicite desdits fonds qu’il voulait dissimuler ; Il en découle
que les éléments matériel et moral de la seconde incrimination de blanchiment
des capitaux sont réunis dans son chef ; partant, il la dira établie en fait et
endroit et le condamnera à une servitude pénale principale de 10 ans et une
amende égale à deux fois la somme blanchie, soit 20.000.000 $USD ; E. DE LA
CORRUPTION A CHARGE DU PREVENU SAMIH JAMMAL En droit, l’article 147 bis du code
Pénal Livre II tel que modifié et complété par l’article 2 de la loi numéro
05-006 du 29/03/2005 dispose que sont constitutifs de corruption : -Le fait,
pour un agent public ou toute personne de solliciter ou d’accepter directement
ou indirectement, des sommes d’argent, tout 48 bien ayant une valeur pécuniaire
ou tout autre avantage, tel qu’un don, une faveur, une promesse ou un gain pour
lui-même ou pour autrui, personne physique ou morale, en contre partie de
l’accomplissement ou de l’omission d’un acte dans l’exercice de ses fonctions ;
-Le fait d’offrir ou d’octroyer, directement ou indirectement, à un agent
public ou à toute personne, des sommes d’argent, tout bien ayant une valeur
pécuniaire ou tout autre avantage, tel qu’un don, une faveur, une promesse ou
un gain pour lui-même ou pour autrui, personne physique ou morale, en vue de
l’accomplissement ou de l’omission d’un acte dans l’exercice de ses fonctions ;
-Le fait d’offrir, de donner ou de promettre directement ou indirectement un
avantage indu à une personne qui dirige un organisme du secteur privé ou est
employé par ce dernier en quelque qualité que ce soit, ou le fait, pour cette
personne de solliciter ou d’accepter cet avantage indu, directement ou
indirectement, à titre personnel ou pour autrui, pour qu’elle agisse en
contravention de ses devoirs ou qu’elle s’abstienne d’agir ; -Le fait pour un
agent public ou toute autre personne, de solliciter ou d’accepter, directement
ou indirectement, un avantage indu pour luimême ou pour autrui, afin d’abuser
de son influence réelle ou supposée, en vue de faire obtenir d’une
administration ou d’une autorité publique un avantage indu ; 49 -L’usage, la
dissimulation ou l’aliénation frauduleuse du produit ou des biens tirés de l’un
des actes visés au présent article ; -Le fait d’utiliser la fraude pour
échapper ou faire échapper autrui aux obligations fiscales, douanières et
administratives ; -L’enrichissement illicite ; Il suit que toute personne,
agent public ou pas, peut être coupable de corruption active (lorsqu’elle corrompt) ou passive (quand elle est corrompue) ; Il convient, en outre, de
relever que l’article 149 du code Pénal tel que modifié à ce jour a ajouté les
circonstances aggravantes à l’incrimination de corruption lors que les actes de
corruption ont été perpétrés en vue de gagner les marchés publics en violation
de la procédure d’appels d’offres et des seuils fixés par la législation en
matière de passation des marchés de gré à gré ; Aussi, a-t-il été jugé que l’infraction
de corruption est établie dans le chef du Fonctionnaire dès qu’il est établi
que celui-ci, à la suite d’une entente préalable avec son corrupteur, a agréé
des dons et promesses, reçu des dons ou des présents, soit pour accomplir dans
le cadre de son emploi, un acte injuste ou pour s’abstenir de faire un acte qui
entre dans le cadre de ses devoirs, soit pour commettre une infraction dans
l’exercice de sa charge ( CSJ, RPA 22, 01/02/1973, Odon NSUMBU, op cit, p. 66 )
; 50 Dans le cas d’espèce, le Tribunal relève que le prévenu SAMIH JAMMAL, dont
le contrat de fourniture de 900 maisons préfabriquées conclu régulièrement en
Avril 2018, au prix de 26.500.000 $USD avec le Ministre du Développement Rural
n’avait pas prospéré, comme l’a soutenu le témoin Pierre KANGUDIA MBAYI,
Ministre du Budget de l’époque, prit contact avec le témoin Daniel SHANGALUME
NKINGI alias MASSARO, cousin du prévenu KAMERHE ; Aussi, fait-il remarquer
qu’il fit, en date du 23/01/2019, soit deux jours avant que ce dernier soit nommé
Directeur de cabinet du Président de la République, cession d’une partie de sa
parcelle située sur la baie de Ngaliema et mesurant 50 sur 100 mètres, à
Mademoiselle SORAYA MPIANA, belle-fille du prévenu KAMERHE ; Le Tribunal relève
que dans sa déposition, faite au cours de l’audience publique du 04/06/2020,
cette dernière a déclaré ignorer totalement cette cession ; cependant, le
témoin Daniel SHANGALUME NKINGI alias MASSARO a, après avoir confirmé cette
assertion, reconnu avoir délibérément donné le nom de SORAYA MPIANA à son
donateur, le prévenu SAMIH JAMMAL qui a soutenu avoir fait cette offre à ce
dernier pour le récompenser pour des marchés qu’il lui a fait gagner ; En
outre, alors qu’à l’audience publique du 11/05/2020, ce dernier a déclaré
n’avoir jamais rencontré le prévenu KAMERHE, le Tribunal fait observer qu’au
cours de l’audience du 04/06/2020, il a confirmé les 51 allégations du témoin
Pierre KANGUDIA MBAYI selon lesquelles il l’avait trouvé un jour dans l’anti
chambre du bureau de prévenu KAMERHE, prêt à être reçu par ce dernier ; Aussi,
a-t-il ajouté qu’il a été reçu pendant trois ou cinq minutes dans le cadre des
démarches tendant à faire aboutir le dossier du marché SAMIBO ; Bien plus, le
Tribunal note qu’en date du 25/04/2020, le prévenu SAMIH JAMMAL a encore fait
cession de sa concession mesurant 70 sur 100 mètres, située sur la baie de
Ngaliema et ayant une valeur de 100.000 $USD, à SORAYA MPIANA, représentée
devant le conservateur des titres immobiliers par MASSARO ; Aussi, relève-t-il que
ce dernier a déclaré que Mademoiselle SORAYA ignorait toutes ces opérations ;
Cependant, le témoin KILANGALANGA, conservateur des titres immobiliers de
Ngaliema au moment des faits, a, lors de sa déposition au cours de l’audience
publique du 04/06/2020, soutenu avoir opéré la mutation, en présence des
parties, MASSARO ayant déclaré, sans être contredit par SAMIH JAMMAL,
représenter SORAYA MPIANA ; Il a, en outre, dit avoir remis les titres de
JAMMAL au témoin MOLENDO SAKOMBI, Ministre des Affaires Foncières et membre de
l’UNC, le parti politique dont le prévenu KAMERHE est le Président et 52 celui
établi au nom de SORAYA à Daniel KANYEMESHA, chef de Division du cadastre et
proche du prévenu KAMERHE ; En plus, pour battre en brèche les dénégations de
ce dernier, le témoin KILANGALANGA a soutenu avoir annulé le certificat établi
au nom de SORAYA à la suite de la cession du 23/01/2019 non pas à cause de
l’opposition de ce dernier qu’il a mis au défi d’en produire la preuve, mais
sur injonction du Parquet, saisi par JAMMAL pour corriger une erreur de
l’emplacement du lieu cédé ; Le Tribunal relève que ce dernier n’a pas contesté
cette affirmation ; De ce qui vient d’être dit, il ressort que le prévenu SAMIH
JAMMAL a fait toutes ces offres, non pas à SORAYA MPIANA, mais certainement au
prévenu KAMERHE pour obtenir son implication dans l’attribution en sa faveur
des marchés des maisons préfabriquées dont la procédure a, du reste, été
décriée supra ; Ainsi, le Tribunal dira établies en fait comme en droit les
deux infractions de corruptions mises à charge du prévenu SAMIH JAMMAL et le
condamnera à une servitude pénale principale de 15 ans et à une amende de
1.000.000 FC constants ou une servitude pénale subsidiaire de 6 mois ; F. DE LA
CORRUPTION A CHARGE DU PREVENU KAMERHE LWA KANIGYNI VITAL 53 Sans qu’il soit
nécessaire de reprendre les développements juridiques exposés ci-haut, le
Tribunal fait observer qu’il résulte des pièces du dossier et de l’instruction
de la cause que le témoin KILANGALANGA a déclaré avoir reçu de Daniel
SHANGALUME NKINGI alias MASSARO, cousin du prévenu KAMERHE, l’identité complète
de SORAYA MPIANA pour lui permettre d’établir les titres consécutifs aux
cessions faites par le prévenu SAMIH JAMMAL et que ceux-ci ont été remis à un
proche du prévenu KAMERHE, en l’occurrence monsieur Daniel KANYEMESHA ; Il en
découle que le prévenu KAMERHE, par son silence, a bel et bien accepté ces
offres qui, du reste, l’ont même poussé à ne pas observer la procédure légale
prescrite en matière de passation des marchés publics, comme plus haut démontré
; Ainsi, pour le Tribunal, l’infraction de corruption aggravée est également
établie en fait et en droit à sa charge ; par conséquent, il le condamnera à 15
ans de servitude pénale principale et à une amende de 1.000.000 FC constants ou
6 mois de servitude pénale subsidiaire ; Par ailleurs, l’article 20 du code
Pénal Livre I dispose que lorsque le même fait constitue plusieurs infractions,
la peine la plus forte sera seule prononcée. Lorsqu’il y a concours de plusieurs
faits constituant chacun une ou plusieurs infractions, le juge prononcera une
peine pour chaque fait et il cumulera les peines prononcées, sous réserve de
l’application 54 des dispositions suivantes notamment : la peine de mort et la
servitude pénale à perpétuité absorbent toute peine privative de liberté et la
somme des peines de servitude pénale à temps ne pourra dépasser 20 ans ; Ainsi,
il est de jurisprudence que sont en concours matériel les infractions qui ne
sont pas liées par l’unité d’intention (CSJ, RP 23/CR, 26/01/1981, in Odon
NSUMBU, op cit, p.23) ; Aussi, relève le Tribunal, ne sont en concours idéal
que les infractions de blanchiment des capitaux commises par le prévenus SAMIH
JAMMAL, car liées par l’unité d’intention criminelle ; tandis que toutes les
autres infractions sont en concours matériel ; Il en découle que pour celles
qui sont en concours idéal, le Tribunal fera application du principe de la plus
haute expression pénale, alors que pour les autres il cumulera les peines, sans
préjudice des restrictions légales sus évoquées ; Par ailleurs, le Tribunal
note que du prescrit de l’article 14 du code Pénal Livre I il ressort que la
confiscation spéciale s’applique aux choses qui ont été produites par
l’infraction ; A ce propos, la doctrine enseigne que les choses produites par
l’infraction peuvent toujours être confisquées, quel que soit le propriétaire
et elle précise que d’une part, le prononcé de la confiscation est une
obligation pour le juge qui ne peut se dispenser de l’infliger parce 55 qu’il
existerait des circonstances atténuantes et d’autre part, la confiscation n’est
pas subordonnée à l’existence de la saisie préalable, le juge devant tout
simplement vérifier si les conditions qui la prescrivent sont réunies (MINEUR,
op cit, p. 32 et 53) ; Dans le cas sous examen, le Tribunal relève que les
prévenus et leurs proches se sont illicitement enrichis en acquérant,
concomitamment avec la commission des infractions, certains biens qui
indubitablement, au vu des professions et revenus normaux de leurs
propriétaires que ceux-ci peuvent leur procurer, sont les produits desdites
infractions ; Dès lors, comme l’a requis l’organe de la loi, il prononcera leur
confiscation ; En outre, l’article 85 du code de procédure pénale dispose que
l’arrestation immédiate peut être ordonnée s’il y a lieu de craindre que le
condamné ne tente de se soustraire à l’exécution de la peine et que celle-ci
soit de 3 mois de servitude pénale au moins ; Dans le cas d’espèce, le Tribunal
relève qu’étant condamné à 2 ans ferme de travaux forcés, le prévenu MUHIMA
NDOOLE Jeannot risque de se soustraire, par la fuite, à l’exécution de cette
peine ; Ainsi, il ordonnera son arrestation immédiate ; De tout ce qui précède,
il recevra l’action civile, la dira fondée et lui allouera les dommages-
intérêts qu’il fixera en tout équité de 56 l’équivalent en franc congolais de
150.000.000 $USD (cent cinquante millions de dollars américains) estimant le
montant de 2O0.000.000 $USD sollicité exorbitant; Néanmoins, il n’ordonnera pas
la restitution telle que sollicitée par la partie civile, motif pris de ce que
les fonds détournés ne sont pas saisis ; En effet, il a été jugé qu’est d’ordre
public et entraine cassation partielle avec renvoi, le moyen pris de la
violation de l’article 15 du code Pénal Livre I en ce que l’arrêt a ordonné la
restitution des biens non saisis ( CSJ,RP 360/361, 29/07/1980 in Odon NSUMBU,
op cit., p. 50); S’agissant de l’action reconventionnelle introduite par
prévenu SAMIH JAMMAL bien que recevable, sera déclarée non fondée en ce que les
faits mis à sa charge sont établis ; De tout ce qui vient d’être dit, le
Tribunal condamnera les prévenus aux frais de la présente instance ; Par ces
motifs ; Le Tribunal ; Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard de
toutes les parties ; Vu la constitution de la République, spécialement en son
article 162 ; 57 Vu la loi organique numéro 13/011-B du 11/04/2013 portant
organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l’ordre
judiciaire ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le code pénal, en ses articles
5, 14, 145 et 147 bis ; Vu la loi n° 04-016 du 19/07/2004 portant lutte contre
le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, en ses articles 1
point 1, 6, 34 et 38 alinéa 9, point 2 ; Vu la loi n° 10/010 du 27/04/2010
relative aux marchés publics ; Vu le Décret-loi n° 017/2002 du 03/10/2002
portant code d’éthique de l’agent public ; Vu le Décret n° 10/22 du 02/06/2010
portant manuel de procédures de la loi relative aux marchés publics ; Vu l’arrêté
d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20/08/1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquets, en son article 150 ; Le Ministère Public
entendu ; Reçoit le déclinatoire de compétence soulevé par le prévenu SAMIH
JAMMAL, mais le dit non fondé ; en conséquence, le rejette et se déclare
compétent ; 58 Reçoit, mais dit non fondée la fin de non-recevoir tirée de
l’obscurité du libellé soulevée par le même prévenu ; en conséquence, la
rejette ; Dit irrecevable l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par les
prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; en conséquence, dit
qu’il n’y a pas lieu à surséance ; Dit établie en fait et en droit l’infraction
de détournement des deniers publics portant sur le montant de 48.831.148 $USD à
charge des prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; en
conséquence, les condamne chacun à 20 ans de travaux forcés et prononce, en
outre : -L’interdiction pour 10 ans après exécution de la peine, du droit de
vote et du droit d’éligibilité en ce qui concerne le prévenu KAMERHE LWA
KANYIGINI Vital ; -L’interdiction d’accès aux fonctions publiques et
paraétatiques quel qu’en soit l’échelon à charge du même prévenu ; -La
privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelle et à la
réhabilitation à charge de tous les deux prévenus ; -L’expulsion définitive du
territoire de la République, après l’exécution de la peine à charge du prévenu
SAMIH JAMMAL ; Dit établie en fait et en droit l’infraction de détournement des
deniers publics portant sur le montant de 2.137.500 $USD à charge des 59
prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital ; en conséquence, les
condamne chacun à 10 ans de travaux forces et prononce, en outre :
-L’interdiction pour 5 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et
du droit d’éligibilité en ce qui concerne le prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI
Vital ; -L’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel
qu’en soit l’échelon à charge du même prévenu ; -La privation du droit à la condamnation
ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation à charge de tous les
deux prévenus ; -L’expulsion définitive du territoire national après
l’exécution de la peine contre le prévenu SAMIH JAMMAL ; Dit établie en fait
comme en droit à charge des prévenus KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et MUHIMA
NDOOLE Jeannot l’infraction de détournement des deniers publics portant sur la
somme de 1.154.800 $USD ; en conséquence, les condamne chacun à 2 ans de
travaux forces et prononce en outre contre tous deux : -L’interdiction pour 5
ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité ;
-L’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en
soit l’échelon ; 60 -La privation du droit à la condamnation ou à la libération
conditionnelle et à la réhabilitation ; Dit établies en fait et en droit les
deux préventions de blanchiment des capitaux mises à charge du prévenu SAMIH
JAMMAL et le condamne, pour la première, à une amende de 20.000.000 $USD et
pour la seconde, à 10 ans de servitude pénale principale et une amende de
20.000.000 $USD ; Dit établie en fait et en droit l’infraction de corruption
mise à charge du prévenu SAMIH JAMMAL et le condamne, en conséquence, à une SPP
de 15 ans et une amende de 1.000.000 FC constants ou une servitude pénale
subsidiaire de 6 mois ; Dit également établie en fait comme en droit la
prévention de corruption à charge du prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI Vital et le
condamne à une SPP de 15 ans et une amende de 1.000.000 FC constants ou une SPS
de 6mois ; Dit que les deux infractions de blanchiment des capitaux commises
par le prévenu SAMIH JAMMAL le sont en concours idéal ; par conséquent,
prononce l’unique peine, la plus forte soit 10 ans de SPP et une amende de
20.000.000 $USD ; Dit, en revanche, que les autres infractions commises par les
prévenus SAMIH JAMMAL et KAMERHE LWA KANYIGINI Vital le sont en concours
matériel ; partant, cumule les peines et prononce à leur 61 encontre la peine
de 20 ans de travaux forcés chacun ainsi que les peines accessoires ci-après :
-L’interdiction pour 10 ans après l’exécution de la peine, du droit de vote et
du droit d’éligibilité en ce qui concerne le prévenu KAMERHE LWA KANYIGINI
Vital ; -L’interdiction d’accès aux fonctions publiques et para-étatiques quel
qu’en soit l’échelon à charge du même prévenu ; -La privation du droit à la
condamnation ou à la libération conditionnelle et à la réhabilitation à charge
de tous les deux ; -L’expulsion définitive du territoire de la République après
l’exécution de la peine à charge du prévenu SAMIH JAMMAL ; Ordonne la
confiscation des fonds contenus dans les comptes des nommés AMIDA CHATUR,
SORAYA MPIANA et NSHANGALUME NKINGI DANIEL alias MASSARO ainsi que des
propriétés immobilières acquises avec les fonds détournés et qui sont couvertes
par les titres ci-après établis aux noms des personnes suivantes : -Le contrat
de location n° 1348/2019 AD 44988, commune de Ngaliema au nom de NSHANGALUME
Daniel ; -Le certificat d’enregistrement AKN 11 Folio 46 AD 193, commune de Kasa-vubu
au nom de MPIANA DAIDA ; -Le certificat d’enregistrement AGL 547 Folio 171 AD
5082, commune de la Gombe au nom de NSHANGALUME Daniel ; 62 -Le certificat
d’enregistrement A/ML 01 Folio 179 AD, commune de Maluku au nom de MAYUTU
NAMWISI Dieudonné ; -Le certificat d’enregistrement NN 45 Folio 33 AD 71860,
commune de la N’sele au nom de HAMIDA CHATUR KAMERHE ; -Le certificat
d’enregistrement AGL 547 Folio 56 AD 5807, commune de Lingwala au nom de
NSHANGALUME NKINGI Daniel ; -Le contrat de cession entre JAMMAL SAMIH et SORAYA
MPIANA, AD 44196, commune de Ngaliema ; Ordonne l’arrestation immédiate du
prévenu MUHIMA NDOOLE Jeannot ; Reçoit et dit fondée l’action civile ; en
conséquence, condamne les prévenus in solidum à payer à la partie civile la
somme de l’équivalent en FC de 150.000.000 $USD, à titre de dommages-intérêts ;
Reçoit, mais dit non fondée la demande reconventionnelle du prévenu SAMIH
JAMMAL ; Condamne chacun des prévenus à payer le 1/3 des frais d’instance
payables dans le délai légal, à défaut ils subiront une contrainte par corps de
30 jours.
Ainsi jugé et prononcé par le Tribunal de Grande Instance de
Kinshasa/Gombe, y céans en matière répressive au premier degré à son audience
publique du 20/06/2020 à laquelle ont siégé les Magistrats BAKENGE MVITA,
Président de chambre ; KASUNDA NGELEKA et MUKAYA KAYEMBE, Juges avec le
concours de LUMBU KATSHEWA, Officier du Ministère Public et l’assistance de
NYAMAKILA, Greffier du siège.
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