Le président Kabila se dit prêt à appréhender le général,
qui fait l’objet d'un mandat d'arrêt pour crimes de guerre
(Goma, le 13 avril 2012) – Le président de la République
démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, devrait ordonner immédiatement
l'arrestation du général Bosco Ntaganda et le transférer sans tarder à La Haye
pour qu'il soit jugé de manière équitable, a déclaré aujourd'hui Human Rights
Watch. Bosco Ntaganda fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale
internationale (CPI) pour crimes de guerre. Human Rights Watch a diffusé une vidéo contenant des récits
de témoins des crimes qui sont reprochés à Ntaganda.
Dans une déclaration publique prononcée dans l'est du
Congo le 11 avril 2012, le président Kabila a indiqué qu'il envisageait de
faire arrêter Ntaganda. La visite éclair de Joseph Kabila dans cette région survenait
dans le contexte d'un retour de l'insécurité dans le Nord Kivu et le Sud Kivu,
après que des soldats fidèles à Ntaganda eurent tenté de se mutiner. La
déclaration du président a paru signaler un revirement important dans
l'attitude du gouvernement congolais vis-à-vis du général Ntaganda, qu'il
considérait auparavant comme indispensable à la poursuite du processus de paix
dans le pays.
« Le président Kabila a mis clairement
l'arrestation de Ntaganda à l'ordre du jour, ce qui constitue un pas très important
vers la justice au Congo », a déclaré Anneke Van Woudenberg, chercheuse senior au sein de la division Afrique à
Human Rights Watch. « Les propos du président Kabila devraient être
suivis rapidement d'une arrestation menée en bonne et due forme, d'une manière
qui garantisse le transfert immédiat de Ntaganda à La Haye et qui soit sans
danger pour les civils. »
La CPI a émis un mandat d'arrêt sous scellés contre Bosco
Ntaganda en 2006, l'accusant de crimes de guerre pour avoir recruté des enfants
soldats et les avoir fait participer à des combats en 2002-2003 dans le
district de l'Ituri, dans le nord-est de la RDC. A l'époque, il était le chef
des opérations militaires de l'Union des patriotes congolais (UPC), une milice
armée congolaise. Les scellés du mandat d'arrêt ont été levés en avril 2008.
En dépit de ce mandat d'arrêt de la CPI, Bosco Ntaganda a
été intégré dans l'armée gouvernementale congolaise et promu général en 2009.
Il a pu se déplacer librement dans l'est du Congo sous les yeux de responsables
du gouvernement congolais, de Casques bleus des Nations Unies et de diplomates
étrangers. Le gouvernement congolais a affirmé que Ntaganda était un partenaire
important pour la paix et que l'arrêter ne ferait que compromettre le processus
de pacification. Les organisations de la société civile congolaises ont à
plusieurs reprises dénoncé sa promotion et réclamé son
arrestation.
Au cours de la dernière décennie, Human Rights Watch a
fréquemment documenté le rôle qu'a continué à jouer Bosco Ntaganda dans
d'atroces violations des droits humains, dont des massacres ethniques, des meurtres, des viols, des actes de torture, ainsi que le recrutement d'enfants soldats. La politique du
gouvernement consistant à récompenser des commandants impliqués dans des
violations, comme Ntaganda, en les nommant à des postes hiérarchiques dans
l'armée, démontre un mépris cruel pour les victimes de leurs atrocités, a
affirmé Human Rights Watch.
« Ntaganda s'est promené effrontément dans les
restaurants et sur les terrains de tennis de Goma, arborant son impunité comme
une médaille tout en se livrant à d'impitoyables violations des droits humains »,
a ajouté Anneke Van Woudenberg. « Les Nations Unies et d'autres
devraient prêter leur concours à son arrestation en bonne et due forme, qui n'a
que trop tardé, et ainsi apporter un peu de soulagement à ses nombreuses
victimes. »
En mars, la CPI a déclaré Thomas Lubanga, le co-accusé de
Ntaganda, coupable de crime de guerre pour avoir recruté et utilisé des enfants
soldats, dans un jugement qui constituait son premier verdict. A la suite de ce
verdict, le procureur de la CPI a annoncé qu'il allait ajouter les chefs
d'accusation de viol et de meurtre dans le dossier à charge ouvert à l'encontre
de Ntaganda, en rapport avec ses activités en Ituri.
Le verdict de la CPI à l'encontre de Lubanga a mis en
lumière l'impunité dont continuait à bénéficier Ntaganda et a accru les
pressions en faveur de son arrestation, a souligné Human Rights Watch.
Craignant l'imminence d'une action contre lui, Bosco Ntaganda a encouragé ses
troupes à quitter les rangs de l'armée congolaise. Mais sa manœuvre s'est
retournée contre lui car quelques centaines d'hommes seulement se sont ralliés
à lui, dont beaucoup ont par la suite de nouveau rejoint l'armée régulière ou
ont été arrêtés quelques jours plus tard.
Dans son discours de Goma, Joseph Kabila a dénoncé ces
défections et l'indiscipline dans l'armée et a déclaré: « Cela nous
donne des raisons d'arrêter n'importe quel officier, à commencer par Bosco
Ntaganda. » Joseph Kabila a également évoqué la possibilité que
Ntaganda soit jugé en RD Congo, plutôt que transféré devant la CPI après son
arrestation.
« Nous n'avons pas besoin d'arrêter Bosco pour le
livrer à la CPI », a-t-il dit. « Nous pouvons l'arrêter
nous-mêmes, et nous avons plus d'une centaine de raisons pour le faire, et le
juger ici, et si ce n'est pas possible, ailleurs, par exemple à Kinshasa [la
capitale], ou encore ailleurs. Nous ne manquons pas de raisons. »
Cependant, le gouvernement congolais a lui-même saisi la CPI de la situation dans le pays, en 2004. En tant qu'État partie au traité ayant constitué la CPI, la RD Congo est légalement tenue de coopérer avec la Cour et de suivre ses procédures, y compris d'exécuter le mandat d'arrêt lancé contre Ntaganda.
Si le gouvernement congolais souhaitait juger Ntaganda en RD Congo, il devrait déposer un recours devant les juges de la CPI, contestant l'admissibilité du dossier et démontrant que le système de justice congolais est réellement désireux et capable de poursuivre Ntaganda pour les mêmes crimes, dans le cadre d'une procédure équitable et crédible. Il reviendrait finalement aux juges de la CPI de décider si un procès national organisé en RD Congo pourrait s'imposer comme une meilleure solution que ses propres procédures.
Cependant, le gouvernement congolais a lui-même saisi la CPI de la situation dans le pays, en 2004. En tant qu'État partie au traité ayant constitué la CPI, la RD Congo est légalement tenue de coopérer avec la Cour et de suivre ses procédures, y compris d'exécuter le mandat d'arrêt lancé contre Ntaganda.
Si le gouvernement congolais souhaitait juger Ntaganda en RD Congo, il devrait déposer un recours devant les juges de la CPI, contestant l'admissibilité du dossier et démontrant que le système de justice congolais est réellement désireux et capable de poursuivre Ntaganda pour les mêmes crimes, dans le cadre d'une procédure équitable et crédible. Il reviendrait finalement aux juges de la CPI de décider si un procès national organisé en RD Congo pourrait s'imposer comme une meilleure solution que ses propres procédures.
Le système judiciaire en RD Congo a fait la preuve de ses
faiblesses lorsqu'il s'est agi de faire rendre des comptes aux responsables de
violences généralisées, a rappelé Human Rights Watch. Très peu d'officiers de
haut rang ou de chefs de groupes armés ont été amenés à répondre de crimes de
guerre ou de crimes contre l'humanité, malgré le grand nombre de crimes graves
commis au cours des récents conflits armés en RD Congo. Les tribunaux
militaires souffrent d'un manque de moyens, sont souvent handicapés par des
ingérences politiques et beaucoup de leurs procédures sont loin de respecter
les critères internationaux en matière de procès équitable. Certaines des
personnes qui ont été condamnées ont réussi à s'évader de prison.
« Ntaganda a à répondre de beaucoup de crimes
mais ce n'est pas le moment pour la RD Congo de revenir sur ses obligations
juridiques vis-à-vis de la CPI », a conclu Anneke Van
Woudenberg. « Sans d'importants
investissements et des réformes, le système judiciaire de la RD Congo sera
incapable de statuer de manière équitable sur les crimes internationaux dont
Ntaganda est accusé. Quand il sera arrêté, il devrait être transféré dans les
plus brefs délais à La Haye, afin que ses victimes puissent être enfin
entendues par la justice. »
Ntaganda est impliqué dans certaines des exactions les plus horribles perpétrées dans l’est de la RD Congo au cours des dix dernières années. En Ituri, en plus des accusations de la CPI portant sur l’utilisation d’enfants soldats, Ntaganda a été accusé de commander les troupes de l’UPC qui ont tué au moins 800 civils pour des raisons ethniques à Mongbwalu et dans les villages avoisinants en novembre et décembre 2002.
Bosco
Ntaganda : Un passé marqué par des atteintes aux droits humains
Bosco Ntaganda est un général tristement célèbre de l’armée de la République démocratique du Congo. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre. Ntaganda, surnommé « Terminator », et les troupes sous son commandement ont commis des exactions abominables depuis au moins 2002 dans le district de l’Ituri, dans le nord-est de la RD Congo, et dans les provinces du Nord et du Sud Kivu, dans l’est du pays, notamment des massacres ethniques, des meurtres, des violences sexuelles, des actes de torture, et le recrutement d’enfants soldats.
Bosco Ntaganda est un général tristement célèbre de l’armée de la République démocratique du Congo. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre. Ntaganda, surnommé « Terminator », et les troupes sous son commandement ont commis des exactions abominables depuis au moins 2002 dans le district de l’Ituri, dans le nord-est de la RD Congo, et dans les provinces du Nord et du Sud Kivu, dans l’est du pays, notamment des massacres ethniques, des meurtres, des violences sexuelles, des actes de torture, et le recrutement d’enfants soldats.
Ntaganda
est connu parmi ses troupes comme un « guerrier » qui dirige
depuis le front, commandant et participant directement dans les opérations
militaires. Selon les dires d’un enfant soldat qui a combattu avec Ntaganda et
a témoigné ultérieurement contre lui devant la CPI à La Haye, il est également
connu comme un homme qui « tue les gens facilement ».
Historique
Ntaganda est né en 1973 à Kinigi, au Rwanda. Il a fui à Ngungu, dans l’est de la République démocratique du Congo, alors qu’il était un jeune adolescent à la suite des attaques contre les Tutsis au Rwanda. Il a commencé sa carrière militaire en 1990 avec le Front patriotique rwandais (FPR), un groupe rebelle rwandais basé en Ouganda dirigé par Paul Kagame, l’actuel président du Rwanda. Après que le FPR a mis fin en juillet 1994 au génocide perpétré contre les Tutsis et les Hutus modérés et a formé le nouveau gouvernement rwandais, Ntaganda a intégré l’armée rwandaise. Pendant qu’il se trouvait dans l’armée rwandaise, il a participé à l’invasion de la RD Congo en 1996, durant ce qui sera ensuite connu sous le nom de première guerre du Congo. En 1998, durant la seconde guerre en RD Congo, il a rejoint un groupe rebelle congolais, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). Au cours des années suivantes, il a fait partie de divers groupes rebelles congolais, avant de rejoindre l’Union des patriotes congolais (UPC) dans le district de l’Ituri en 2002.
Ntaganda est né en 1973 à Kinigi, au Rwanda. Il a fui à Ngungu, dans l’est de la République démocratique du Congo, alors qu’il était un jeune adolescent à la suite des attaques contre les Tutsis au Rwanda. Il a commencé sa carrière militaire en 1990 avec le Front patriotique rwandais (FPR), un groupe rebelle rwandais basé en Ouganda dirigé par Paul Kagame, l’actuel président du Rwanda. Après que le FPR a mis fin en juillet 1994 au génocide perpétré contre les Tutsis et les Hutus modérés et a formé le nouveau gouvernement rwandais, Ntaganda a intégré l’armée rwandaise. Pendant qu’il se trouvait dans l’armée rwandaise, il a participé à l’invasion de la RD Congo en 1996, durant ce qui sera ensuite connu sous le nom de première guerre du Congo. En 1998, durant la seconde guerre en RD Congo, il a rejoint un groupe rebelle congolais, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). Au cours des années suivantes, il a fait partie de divers groupes rebelles congolais, avant de rejoindre l’Union des patriotes congolais (UPC) dans le district de l’Ituri en 2002.
De 2002
à 2005, il a servi sous les ordres du leader de l’UPC, Thomas Lubanga, qui en mars 2012 a été reconnu coupable par le CPI de
recrutement et d’utilisation d’enfants soldats en Ituri. Ntaganda était le chef
des opérations militaires sous Lubanga et a été impliqué dans un grand nombre
d’atteintes graves aux droits humains, notamment des massacres ethniques, des
actes de torture, des viols ainsi que dans le recrutement massif d’enfants,
dont certains n’avaient pas plus de 7 ans. Il était le co-accusé dans l’affaire
Lubanga.
En 2006,
après avoir quitté l’UPC à la suite de conflits internes, Ntaganda est devenu
chef d’état-major militaire pour le Congrès national pour la défense du peuple
(CNDP), un groupe rebelle dirigé par des Tutsis sous la direction de Laurent
Nkunda. Soutenu par le Rwanda, le groupe rebelle contrôlait une grande partie
du Nord-Kivu et remportait régulièrement des combats contre l’armée congolaise.
En janvier 2009, à la suite d’un accord secret entre les autorités congolaises
et rwandaises, et avec le soutien d’officiers de l’armée rwandaise, Ntaganda a
évincé Nkunda, s’est emparé de la direction du groupe rebelle et a accepté
d’intégrer les effectifs de celui-ci dans l’armée congolaise. Pour avoir mis
fin à la rébellion du CNDP, Ntaganda a obtenu en échange le grade de général
dans l’armée congolaise et est devenu sous-commandant des opérations militaires
dans l’est de la RD Congo.
Début
2009, consternée par la nomination de Ntaganda, une coalition de 51
organisations de la société civile a appelé le Président Joseph Kabila à arrêter Ntaganda,
plutôt que de lui donner une promotion :
Nous ne
pouvons pas oublier le malheur que Bosco Ntaganda nous a causé pendant
plusieurs années, en massacrant des milliers des personnes d'Ituri sans pitié
et sans sens d'humanité. Nous sommes porteurs de cicatrices indélébiles. Nous
devons honorer les mémoires des gens que nous avons perdus en disant jamais
encore des tueries et en envoyant un signal fort pour que ceux qui sont
coupables de tels crimes soient jugés. Il faut que les générations à venir
sachent non seulement que nous avons souffert, mais aussi que nous avons agi
pour mettre fin à la souffrance en luttant pour une justice équitable.
Exactions
commises alors que Ntaganda commandait les groupes rebelles en Ituri et au
Nord-Kivu
Ntaganda est impliqué dans certaines des exactions les plus horribles perpétrées dans l’est de la RD Congo au cours des dix dernières années. En Ituri, en plus des accusations de la CPI portant sur l’utilisation d’enfants soldats, Ntaganda a été accusé de commander les troupes de l’UPC qui ont tué au moins 800 civils pour des raisons ethniques à Mongbwalu et dans les villages avoisinants en novembre et décembre 2002.
L’opération militaire visant à
prendre le contrôle de la ville stratégique pour l’extraction de l’or de
Mongbwalu a duré six jours, durant lesquels les troupes de l’UPC ont massacré
les civils sur des critères ethniques, pourchassant les personnes qui tentaient
de se réfugier dans la forêt, et saisissant et tuant d’autres personnes à des
barrages routiers. Des témoins ont déclaré à Human Rights Watch avoir vu des
civils appartenant à l’ethnie Lendu se faire attaquer par des combattants de
l’UPC, qui les ont égorgés ou les ont assommés à coups de marteau, en
criant : « Nous allons vous exterminer – le gouvernement ne
va pas vous aider maintenant. » Des enfants soldats qui ont témoigné
devant la CPI de ce qu’ils avaient vécu ont décrit la façon dont Ntaganda dirigeait certaines des attaques.
Ntaganda a également été impliqué dans une campagne d’arrestations arbitraires, d’exécutions et de disparitions forcées de dizaines de civils selon des motifs à caractère ethnique à Mongbwalu, Bunia et autres lieux dans le district de l’Ituri tandis qu’il faisait partie de l’UPC. Des témoins ont décrit cette campagne comme une « chasse à l’homme » et dans le cadre de recherches menées entre 2002 et 2005, Human Rights Watch a recueilli des informations sur plus de 100 personnes victimes de cette campagne, même si les chiffres sont probablement beaucoup plus élevés.
Ntaganda a également été impliqué dans une campagne d’arrestations arbitraires, d’exécutions et de disparitions forcées de dizaines de civils selon des motifs à caractère ethnique à Mongbwalu, Bunia et autres lieux dans le district de l’Ituri tandis qu’il faisait partie de l’UPC. Des témoins ont décrit cette campagne comme une « chasse à l’homme » et dans le cadre de recherches menées entre 2002 et 2005, Human Rights Watch a recueilli des informations sur plus de 100 personnes victimes de cette campagne, même si les chiffres sont probablement beaucoup plus élevés.
L’implication présumée de
Ntaganda dans des atrocités a continué lorsqu’il a rejoint le groupe rebelle du
CNDP. En novembre 2008 au Nord-Kivu, les troupes du CNDP sous le commandement
de Ntaganda ont tué environ 150 personnes dans la ville de Kiwanja l’un des pires massacres perpétré par ce groupe au
Nord-Kivu. Les combattants sont allés de maison en maison, à la recherche de
jeunes hommes et d’adolescents qu’ils soupçonnaient d’être des combattants
ennemis. Les combattants du CNDP ont enfoncé les portes, exigé de l’argent et
des téléphones portables, puis ont abattu ou tué d’une autre manière les
hommes ou les garçons, les massacrant à l’intérieur de leurs maisons, devant
leurs familles ou dans les rues avoisinantes. Quelques femmes ont également été
tuées, notamment celles qui tentaient de protéger des membres de leur famille.
Ntaganda était présent durant le
massacre de Kiwanja. Une séquence vidéo tournée par des journalistes
internationaux l’a montré commandant et donnant des ordres à ses troupes à
Kiwanja le 5 novembre 2008, le jour du massacre. Les enquêteurs de
l’ONU chargés des droits humains ont conclu ultérieurement que nombre des
meurtres étaient « en représailles par nature, et ordonnés et
supervisés par le commandement du CNDP ».
À la suite du massacre de
Kiwanja, Ntaganda aurait enlevé deux adolescentes de Kiwanja, âgées de 15 et 16
ans, pour les emmener de force jusqu’à une position militaire du CNDP à
proximité à Rutshuru pour en faire ses « épouses ». Ntaganda a violé
les deux adolescentes à maintes reprises et les a forcées à cuisiner pour lui.
L’une des adolescentes s’est enfuie au bout de cinq jours. Dans un entretien
avec Human Rights Watch, elle a expliqué comment elle était obligée de vivre
dans la clandestinité parce que les soldats de Ntaganda étaient venus la
chercher chez elle après sa fuite. D’autres personnes proches de Ntaganda
interrogées par Human Rights Watch ont affirmé qu’il obligeait
régulièrement des jeunes femmes et jeunes filles à être ses
« épouses » quand il arrivait à une nouvelle position
militaire.
Exactions commises
en tant que général dans l'armée congolaise
Nttaganda a continué à
commettre des violations de droits humains après avoir été nommé
général dans l'armée congolaise et sous-commandant des
opérations militaires dans l'est de la RD Congo au début de 2009. Il a
utilisé son nouveau poste pour créer une structure de
commandement parallèle, donnant des ordres aux anciens soldats
du CNDP qui lui sont restés fidèles plutôt qu'à la
hiérarchie militaire officielle et également à d'autres
milices qui ne sont pas intégrées dans l'armée. Ntaganda a
chassé de nombreux chefs locaux dans certaines parties
de la province du Nord-Kivu, en les remplaçant par des
chefs qui lui étaient fidèles. Certains des chefs qui se sont
opposés ont été assassinés, d'autres ont été contraints par
l'intimidation et les menaces à partir. Par le biais de
cette structure parallèle, Ntaganda a ordonné ou a été
impliqué dans de graves exactions.
Attaques
délibérées contre les civils
Les troupes fidèles
à Ntaganda ont mené de nombreuses attaques contre des
civils, parfois pendant des opérations militaires autorisées
par la chaîne de commandement de l'armée congolaise, mais
le plus souvent au cours d’opérations que Ntaganda a ordonnées de
son propre chef. Bon nombre de ces opérations ont été motivées
par des tentatives visant à prendre le contrôle de terres
agricoles fertiles - forçant les agriculteurs d’ethnie
hunde et hutu à abandonner leurs terres pour faire place aux éleveurs
de bétail tutsis. En 2009, des troupes sous son
commandement ont tué délibérément au moins 270 civils dans la
zone située entre Nyabiondo et Pinga, dans l'ouest du territoire
de Masisi. Au cours des six premiers mois de 2010, Human Rights
Watch a documenté 25 attaques contre des villages dans la
même zone, entraînant la mort d'au moins 105 civils. Les soldats
de l'armée congolaise interrogés par Human Rights Watch ont
déclaré que Ntaganda a assumé le rôle de commandant
pour ces attaques.
Les attaques liées au
contrôle sur les terres dans certaines parties
du Nord-Kivu ont continué en 2011 et début 2012, avec
des petits groupes de soldats et de miliciens fidèles à Ntaganda
commettant de graves violations des droits humains – telles
que le meurtre, le viol et l’incendie de
maisons – dans des tentatives pour résoudre les litiges fonciers
individuels par la force.
Assassinats
ciblés, disparitions forcées et arrestations arbitraires
À partir de janvier 2010, et
peut-être plus tôt, Ntaganda a commencé une campagne brutale prenant pour cible les personnes qu'il
estimait être contre lui, notamment les militants de la société civile qui ont
dénoncé ses exactions ou appelé à son arrestation. Human Rights Watch a
documenté au moins 20 assassinats ciblés, deux tentatives d'assassinat, quatre
disparitions forcées et 18 enlèvements et arrestations arbitraires depuis janvier
2010 qui ont été soit directement commandés par Ntaganda soit dans lesquels il
était impliqué. Des dizaines d'autres personnes auraient été menacées ou
intimidées par Ntaganda ou ses proches. De nombreuses personnes ont fui
Goma et vivent dans la clandestinité. La plupart des incidents ont eu lieu
au Nord-Kivu, mais d'autres se sont déroulés dans les pays voisins du Rwanda et
de l'Ouganda.
Sylvestre Bwira Kyahi, le
président de la société civile du territoire de Masisi, a été l'une des
personnes prises pour cible. Il a été enlevé à Goma le 24 août 2010, et
détenu pendant une semaine dans une prison souterraine. Bwira vivait dans
la clandestinité depuis la fin juillet à la suite d'un appel téléphonique
menaçant du « secrétaire » de Ntaganda au sujet d'une lettre publique que Bwira
avait écrite au président Kabila, dénonçant, entre autres, les exactions
commises par les troupes sous le commandement de Ntaganda et appelant à
l'arrestation de Ntaganda sur la base du mandat d'arrêt de la CPI.
Pendant sa détention, Bwira a eu
les yeux bandés, a été attaché à un pilier, et a été battu à plusieurs
reprises. Il a été interrogé par des anciens soldats du CNDP sur la raison
pour laquelle il s’opposait à eux. Suite à la pression exercée par la
société civile et les défenseurs des droits humains, Bwira a été placé en
« liberté provisoire » et a fait l'objet d'un traitement médical pendant
des mois suite aux blessures qu'il a subies.
L'un des assassinats les plus
médiatisés est celui du lieutenant-colonel Antoine Balibuno, un ancien membre
bien connu du cercle intime de Nkunda qui était contre le leadership de
Ntaganda. Balibuno a été abattu dans le centre de Goma le 14 septembre
2010 après avoir été convoqué à une réunion dans un bar avec deux proches
partisans de Ntaganda. Plusieurs officiers de l'armée congolaise,
notamment des anciens membres du CNDP, ont déclaré à Human Rights Watch que
Ntaganda avait ordonné l'assassinat de Balibuno.
Certaines des personnes que
Ntaganda a perçues comme une menace avaient un profil plus
discret. Martine Ndayabaje, une femme de 23 ans responsable de la
livraison du lait à la maison de Ntaganda à Goma, a été délibérément tuée à la
fin de décembre 2010. Des personnes proches de Ndayabaje ont expliqué à
Human Rights Watch qu'elle avait surpris une conversation confidentielle chez
Ntaganda et avait été tuée pour la faire taire. Trois jours après Noël
2010, peu de temps après que Martine Ndayabaje a été vue pour la dernière fois,
son corps a été découvert sur les rives du lac Kivu. Les soldats de
Ntaganda sont rapidement venus le récupérer, affirmant aux membres de famille
en deuil et aux curieux qu'ils prenaient le corps pour effectuer « une
enquête ». Le corps n'a jamais été restitué à la famille. Deux
officiers de l’armée fidèles à Ntaganda sont venus plus tard à la maison de
Martine Ndayabaje et ont menacé sa famille, en disant qu'ils seraient tués
s'ils racontaient ce qui s'était passé.
Recrutement
d'enfants
Bien que faisant l’objet
d’un mandat d'arrêt de la CPI pour le crime de recrutement et
utilisation d'enfants soldats, Ntaganda et les officiers qui lui
sont fidèles ont continué le recrutement forcé
d'enfants. L'une des pires vagues de recrutement a eu
lieu à la fin 2010, lorsque des centaines de jeunes hommes et de
garçons ont été recrutés dans les provinces du Nord et du Sud
Kivu, notamment au moins 121 enfants de moins de 18
ans. Les rapports reçus par Human Rights Watch ont indiqué qu'il
y en avait probablement beaucoup plus.
Dans la zone de Kitchanga, à la mi-novembre 2010, des officiers fidèles à Ntaganda ont visité des écoles et établi des listes des élèves de sexe masculin âgés de 15 à 20 ans. Au cours des semaines suivantes, les soldats de Ntaganda ont enlevé les jeunes des écoles, des maisons, des champs, ou bien alors qu’ils allaient à l'école ou qu’ils en revenaient, et les ont recrutés de force dans l'armée. Dans le village de Charamba le 15 novembre 2010, sept jeunes hommes ont été enlevés d'un terrain de football avant un match. Ceux qui résistaient risquaient de rudes châtiments, voire la mort. Un grand nombre de jeunes dans les régions touchées se sont cachés dans les forêts ou ont tenté de fuir vers les grandes villes pour échapper au recrutement forcé, selon ce qu’ont rapporté des témoins à Human Rights Watch.
Dans la zone de Kitchanga, à la mi-novembre 2010, des officiers fidèles à Ntaganda ont visité des écoles et établi des listes des élèves de sexe masculin âgés de 15 à 20 ans. Au cours des semaines suivantes, les soldats de Ntaganda ont enlevé les jeunes des écoles, des maisons, des champs, ou bien alors qu’ils allaient à l'école ou qu’ils en revenaient, et les ont recrutés de force dans l'armée. Dans le village de Charamba le 15 novembre 2010, sept jeunes hommes ont été enlevés d'un terrain de football avant un match. Ceux qui résistaient risquaient de rudes châtiments, voire la mort. Un grand nombre de jeunes dans les régions touchées se sont cachés dans les forêts ou ont tenté de fuir vers les grandes villes pour échapper au recrutement forcé, selon ce qu’ont rapporté des témoins à Human Rights Watch.
Ingérence
dans la justice et dans les élections, implication dans la
contrebande des minéraux
L’étendue de l’influence de
Ntaganda est allée jusqu’à interférer dans le système judiciaire congolais et
les élections nationales. Dans au moins neuf cas documentés par Human
Rights Watch, Ntaganda a empêché que les personnes lui étant fidèles soient
déférées à la justice ou les a protégées de l'arrestation. Dans un des cas
les plus flagrants, le lieutenant-colonel Ndayambaje Kipanga, un ancien
officier du CNDP proche de Ntaganda, a été arrêté le 7 mai 2009, pour le viol
et l'emprisonnement présumés de cinq jeunes filles dans sa base militaire à
Rutshuru. Il s'est évadé deux jours après son arrestation et a ensuite été
jugé et condamné par contumace par un tribunal militaire congolais pour crimes
contre l'humanité pour viol et emprisonnement. Des officiers militaires
congolais interrogés par Human Rights Watch ont déclaré que Ntaganda a
contribué à faciliter l’évasion de Kipanga et a continué à le protéger contre
une nouvelle arrestation.
Ntaganda a également cherché à
s'immiscer dans les élections présidentielles et législatives de la RD Congo en
novembre 2011 en soutien au président Kabila et aux membres du parti politique
du CNDP se présentant aux élections. Sur les ordres de Ntaganda, certains
candidats et leurs partisans ont été menacés, torturés, arrêtés, et empêchés de
mener campagne.
Dans un cas en août 2011, un chef
local, Kapenda Muhima, a été abattu près de Kitchanga, prétendument sur les
ordres de Ntaganda, parce qu'il avait changé son alliance avec le parti
politique du CNDP. Avant sa mort, des membres du CNDP ont prévenu Kapenda
qu'il avait deux mois pour revenir au parti ou ils le tueraient, ont déclaré
des personnes proches de Kapenda interrogées par Human Rights Watch.
Dans certaines parties du
territoire de Masisi, au Nord-Kivu, les anciens rebelles du CNDP fidèles à
Ntaganda se trouvaient sur les lieux de vote en civil, agissant en tant que
témoins des partis politiques ou assurant même la sécurité, ont indiqué de
nombreux témoins à Human Rights Watch. Certains électeurs ont déclaré à
Human Rights Watch qu'ils se sentaient intimidés par leur
présence. D'autres ont dit avoir vu des anciens soldats du CNDP remplir
eux-mêmes des bulletins de vote et menacer directement les témoins des partis
d'opposition.
Ntaganda a également été à plusieurs reprises accusé d'implication dans la contrebande minière illégale par un groupe d'experts des Nations Unies chargé de l'enquête sur le trafic illégal d'armes et l'exploitation des ressources naturelles et il a été inscrit sur une liste de sanctions de l'ONU depuis 2005. La richesse amassée par le biais de ces activités illégales lui a permis de consolider son pouvoir et d’acheter la loyauté d'autres autorités militaires, et facilite ses violations continuelles des droits humains.
Ntaganda a également été à plusieurs reprises accusé d'implication dans la contrebande minière illégale par un groupe d'experts des Nations Unies chargé de l'enquête sur le trafic illégal d'armes et l'exploitation des ressources naturelles et il a été inscrit sur une liste de sanctions de l'ONU depuis 2005. La richesse amassée par le biais de ces activités illégales lui a permis de consolider son pouvoir et d’acheter la loyauté d'autres autorités militaires, et facilite ses violations continuelles des droits humains.
Bosco Ntaganda : Chronologie
1973 Naissance à Kinigi, Rwanda. Milieu
des Déménage à Ngungu, dans l’est du Congo. Suit l’enseignement années 80 secondaire mais n’obtient
pas son diplôme.
1990 Rejoint les rebelles du Front patriotique rwandais
(FPR) dans le sud de l’Ouganda.
1994 Combat avec le FPR pour mettre fin au génocide
rwandais.
1994 Rejoint l’Armée patriotique rwandaise (APR).
1996 Première guerre en RD Congo – participe aux
côtés de l’APR/AFDL.
1997 Rejoint l’armée congolaise.
1998 Seconde guerre en RD Congo – rejoint les
rebelles du RCD à Goma.
1999 Scission du RCD. Rejoint la faction dissidente
du RCD-K-ML à Kisangani.
1999/2000 Part à Bunia, district d’Ituri, avec les
rebelles du RCD-K-ML.
2002 Scission du RCD-K-ML. Rejoint les rebelles de
l’UPC.
2004 Scission de l’UPC. Rejoint la faction rebelle de
l’UPC/Lubanga.
Déc 2004 Est promu général dans
l’armée congolaise, mais refuse
d’occuper le poste.
2005 Rejoint les rebelles du MRC, mais cette milice
dure peu.
Nov 2005 Inscrit sur la liste des sanctions de l’ONU
pour violation de l’embargo sur les armes.
2005/2006 Rejoint les rebelles du CNDP et part à Masisi,
dans le Nord-Kivu.
Août 2006 La
CPI émet un mandat d’arrêt sous scellés à l’encontre de Ntaganda pour crimes de guerre commis en
Ituri.
Avril 2008 Le mandat d’arrêt de la CPI contre
Ntaganda est rendu public.
Jan 2009 Renverse
Laurent Nkunda avec le soutien du Rwanda et s’empare de la direction du CNDP.
2009 Est promu général dans l’armée congolaise et
prend son poste de commandant en second des opérations militaires dans l'est du
Congo.
2011 Occupe le rôle de commandant par intérim des
opérations militaires quand son officier commandant est blessé dans un accident
d’avion.
March 2012 Le co-accusé de Ntaganda, Thomas
Lubanga, est reconnu coupable de crimes de guerre à la CPI. Le procureur annonce
qu’il ajoutera les chefs d’accusation de meurtre et de viol aux crimes de
Ntaganda.
Avril 2012 Ntaganda exhorte ses
fidèles à se mutiner et à déserter de l’armée congolaise ; ce plan échoue.
FPR – Front patriotique rwandais ; APR – Armée
patriotique rwandaise ; AFDL − Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre ; RCD – Rassemblement
congolais pour la démocratie ; RCD-K-ML – Rassemblement congolais pour la démocratie – Mouvement de
libération-Kisangani ; UPC − Union des patriotes congolais ; MRC –
Mouvement révolutionnaire congolais ; CNDP – Congrès
national pour la défense du peuple ; CPI – Cour pénale internationale.
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