UNION EUROPÉENNE
MISSION D’OBSERVATION ÉLECTORALE
République démocratique
du Congo 2011
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE
DU CONGO
RAPPORT FINAL
Élections
présidentielle et législatives 28 novembre 2011
MISSION D’OBSERVATION
ÉLECTORALE DE L’UNION EUROPÉENNE
SOMMAIRE
I- RÉSUMÉ
II- INTRODUCTION
III- CONTEXTE POLITIQUE
1. L’amorce d’un repli
démocratique
2. Forces et stratégies
politiques en présence
2.1 Le retour de
l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS)
2.2 Confinement et
affrontement
2.3. L’opposition
désunie
3. La difficile
interprétation politique des résultats présidentiels
3.1 Un Katanga unanime
3.2 Le cas du Bandundu
4. Analyse des
résultats de l’élection législative
IV- CADRE JURIDIQUE ET
INSTITUTIONNEL
1. Le système électoral
présidentiel
2. Le système électoral
législatif
3. Analyse générale du
cadre juridique
4, La loi électorale
5. Le respect du cadre
juridique pendant la campagne électorale
6. Le respect du cadre
juridique pendant le scrutin résultats et la compilation des
V- CONTENTIEUX
ÉLECTORAL
1. L’absence de Cour
Constitutionnelle
2. La Cour Suprême de
Justice
3. Une nouvelle
procédure du contentieux électoral
4. Le contentieux sur
les listes de candidats
5. Le contentieux
durant la campagne électorale
6. Le contentieux
durant le scrutin
7. Les recours sur les
résultats provisoires déposes a la Cour Suprême
8. Les arrêts sur les
résultats provisoires
VI- ADMINISTRATION
ÉLECTORALE
1. La Commission
Électorale Nationale Indépendante (CENI)
1.1 Mandat et
composition de la CENI
1.2 Structure et
fonctionnement
1.3 Structure nationale
et démembrements locaux
1.4 Personnel et
formation
1.5 Les partenaires
internationaux de la CENI dans le processus électoral
1.6 Une administration
électorale fragilisée
2. Le corps électoral
2.1 Références légales
2.2 Constitution du
fichier électoral biométrique
2.3 Évaluation du
fichier électoral
3. Enregistrement des
candidats
3.1 Dispositions
légales
3.2 Procédures
d’enregistrement des candidatures
4. Préparation des
scrutins présidentiel et législatifs
4.1 Éducation civique
et information des électeurs
4.2 Préparatifs
électoraux
5. Observation des
scrutins présidentiel et législatifs du 28 novembre 2011
5.1. Observation des
scrutins
5.2 Rôle des observateurs
nationaux
5.3 Rôle des témoins
des candidats/partis politiques
6. Établissement des
résultats
6.1 Centralisations
locale et nationale des résultats provisoires
6.2 Proclamation des
résultats provisoires
VII- MÉDIA
1. Paysage médiatique
2. Cadre juridique du
secteur médiatique
3. Le Conseil Supérieur
de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC)
4. Le monitoring des
médias
5. Incidents contre les
médias
VIII- DROITS HUMAINS
1. Cadre juridique et
institutionnel
2. Les limitations au
suffrage universel en RDC
3. Situation du respect
des droits humains liés au processus électoral
3.1 Avant la campagne
électorale
3.2 Pendant la campagne
électorale
3.3 Le jour du scrutin
et la période post-scrutin
IX- GENRE ET
PARTICIPATION DES FEMMES
1. Une discrimination
persistante à l’égard des femmes dans le cadre juridique
2. Les femmes en tant
qu’électrices, candidates et scrutin leur participation le jour du
3. Violence liée à la
participation des femmes au processus électoral
X - RECOMMANDATIONS
IX- ANNEXES
LISTES DES ACRONYMES
AETA - Agir pour des
Élections Transparentes et Apaisées
ASADHO - Association
Africaine de droits de l’homme
BRTC - Bureau de
Réception et de Traitement des Candidatures
BVD - Bureau de Vote et
de Dépouillement
CA - Chef d’Antenne
CAFCO - Cadre permanent
de Concertation de la Femme Congolaise
CASE - Commission
Africaine pour la Surveillance des Élections
CCV - Chef de Centre de
Vote
CEJP - Commission
Épiscopale Justice et Paix
CENCO - Conférence
Épiscopale Nationale du Congo
CENI - Commission
Électorale Nationale Indépendante
CI - Centre
d’Inscription
CLCR - Centre Local de
Compilation des Résultats
CNT - Centre National
de Traitement
CONAFED - Comité
National Femme et Développement
CSAC - Conseil Supérieur
de l’Audiovisuel et de Communication
CSJ - Cour Suprême de
Justice
CVD - Centre de Vote et
de Dépouillement
EFEAC - École de
Formation Électorale en Afrique Centrale
FARDC - Forces Armées
de la République Démocratique du Congo
ECC - Église du Christ
au Congo
IFES - International Foundation for Electoral Systems
LE - Loi Électorale
MOEUE - Mission
d’Observation Électorale de l’Union Européenne
MONUSCO - Mission de
l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo
NDI - National
Democratic Institute
OIF - Organisation
Internationale de la Francophonie
PACE - Projet d’Appui
au cycle Électoral
PNC - Police Nationale
Congolaise
PNUD - Programme des
Nations Unies pour le Développement
PV - Procès-verbal
RACOJ - Réseau des
Associations Congolaises des Jeunes contre le sida
RDC - République
Démocratique du Congo
RENOSEC - Réseau
National pour l’Observation et la Surveillance des Élections au Congo
RENADHOC - Réseau
National des ONGs de Droits de l’Homme en RD Congo
ROC - Réseau
d'Observation des Confessions Religieuses
RTNC - Radio Télévision
Nationale Congolaise
SEP - Secrétariat
Exécutif Provincial
VSV - la Voix des Sans
Voix
I- RÉSUMÉ
1. A l’invitation du
Gouvernement de la République démocratique du Congo et de la Commission
Électorale Nationale Indépendante (CENI), l’Union européenne a déployé une mission d’observation électorale (MOE UE),
pour les élections présidentielles et législatives du 28 novembre afin de
fournir une évaluation détaillée, impartiale et indépendante du processus
électoral. Dirigée par Mariya Nedelcheva, députée européenne, la MOE UE
disposait de 147 observateurs en provenance des 27 Etats membres de l’UE, du
Canada, de la Norvège et de la Suisse répartis dans l’ensemble des onze
provinces de la République Démocratique du Congo sur 35 bases urbaines et
rurales, plus les 9 zones de Kinshasa. Elle a officiellement débuté ses
activités le 19 octobre 2011 et les a clôturées le 13 janvier 2012. La
délégation du Parlement européen, composée de six membres et dirigée par M.
Andrés Perello Rodriguez, s’est jointe à la MOE UE et a souscrit à ses
conclusions. La MOE UE est indépendante dans ses conclusions et adhère à la
Déclaration de principes pour l’observation internationale des élections,
commémorée aux Nations Unies en octobre 2005.
2. Les élections
présidentielles et législatives du 28 novembre 2011 ont été principalement financées
par le Gouvernement congolais et organisées par la Commission Électorale
Nationale Indépendante (CENI). Elles se sont tenues officiellement du 28 au 30
novembre 2011, bien que la MOE UE ait constaté que des opérations de vote se
soient poursuivies dans certains bureaux jusqu’au 5 décembre 2011. La MOE UE
tient à saluer le peuple congolais qui s’est rendu massivement aux urnes
faisant preuve de sa volonté démocratique.
3. Le cadre juridique
de ces élections a été marqué par :
i/ la révision
constitutionnelle de janvier 2011 qui a réduit à un seul tour de scrutin
l’élection présidentielle ;
ii/ la volonté de la
CENI de respecter à tout prix la durée du mandat présidentiel, aiguillonnée par
le refus de l’UDPS de renégocier les délais, avec comme conséquence de faire du
6 décembre la date limite pour la publication des résultats provisoires, nonobstant
les difficultés techniques et logistiques rencontrées ;
iii/ le maintien en
place de la Cour Suprême de Justice, malgré le prescrit constitutionnel et le
vote par le Parlement d’une loi organique instaurant le Conseil
Constitutionnel. Des vides juridiques et législatifs importants en outre
subsistaient dont la non-régulation du financement des partis politiques et des
campagnes électorales.
4. La MOE UE a constaté
que la discrimination à l’égard des femmes qui entrave leur pleine
participation à la vie politique se poursuit en dépit du fait que la
Constitution consacre le principe d’égalité entre les hommes et les femmes et
de la parité homme-femme dans les différentes instances de prise de décision.
La MOE UE a noté qu’il existe un manque de cohérence entre la Constitution et
la loi électorale en ce qui concerne le prince de parité et d’égale
représentation.
5. En dehors du respect
du délai constitutionnel, la MOE UE regrette que le cadre juridique électoral
n’ait pas été respecté dans son entièreté, notamment les délais légaux
concernant la publication des listes des électeurs et l’affichage des listes
électorales par bureau de vote, l’interdiction de tout affichage de propagande
sur les édifices publics, la participation active des agents de la fonction
publique à la campagne électorale et l’utilisation des ressources de l’État à
des fins de propagande électorale, le fait que, dans beaucoup de
circonscriptions, des gouverneurs, des maires et des bourgmestres étaient
candidats à la députation sans avoir eu à démissionner de leurs postes. La MOE
UE souligne que ni la CENI, ni le parquet n’ont diligenté des actions pour
empêcher ces violations à la loi électorale.
7. La MOE UE souligne qu’à cause de l’absence
effective d’une Cour Constitutionnelle, la Cour Suprême de Justice (CSJ) est la
seule instance compétente pour le contentieux électoral. La révision de la loi
électorale d’août 2011 a modifié les procédures en matière de contentieux sur
les résultats passant d’un système contradictoire, oral, transparent – où la
cour siégeait en audience publique avec les plaidoiries des parties concernées
– à un système inquisitoire, écrit, opaque où un magistrat mène l’instruction «
ex officio » et collecte tous les éléments nécessaires pour régler le
contentieux. La MOE UE déplore qu’en dépit de nombreux contacts avec la CSJ,
les observateurs de la MOE UE n’aient eu accès aux arrêts relatifs aux
candidatures.
8. La MOE UE pose la
question du rôle qu’a joué la CSJ dans le contentieux électoral présidentiel
car elle n’a pas appliqué la procédure prévue par la loi d’août 2011, en
s’abstenant de mener toutes les enquêtes utiles à la vérification de la
sincérité et de la régularité des résultats provisoires.
9. La MOE UE note les
problèmes de transparence et de crédibilité qui touchent à la CENI. De fait, la
CENI n’a reçu qu’au mois d’avril 2011, le mandat d’organiser l’ensemble du
cycle électoral 2011-2013, comprenant les scrutins présidentiel, législatif,
provincial et local. La composition politique de la CENI n’a cessé d’alimenter
de fortes critiques à l’approche des scrutins, notamment au sein d’une partie
de l’opposition congolaise.
10. Par ailleurs, la
MOE UE a constaté plusieurs problèmes et irrégularités avec le fichier
électoral biométrique qui comprenait 32.024.640 inscrits (dont 49,68% de
femmes). Aucun audit du fichier n’a eu lieu en dépit de plusieurs demandes
d’une partie de l’opposition, notamment de l’UDPS, malgré de nombreuses
protestations publiques. La MOE UE regrette qu’un manque de transparence ait entouré
les opérations de nettoyage du fichier électoral car la CENI n’a pas été en
mesure de fournir les rapports de ces opérations. De surcroît, la MOE UE note
que les opérations de nettoyage ont été effectuées après la distribution des
cartes d’électeur ; ce qui implique que les cartes d’électeur résultant des
doubles inscriptions étaient encore en circulation lors du scrutin.
11. En ce qui concerne
les préparatifs électoraux, de nombreuses difficultés sont apparues en raison
d’infrastructures insuffisantes et d’un calendrier très serré. Ainsi, la
cartographie électorale a été communiquée tardivement aux partis politiques et
la liste détaillée des bureaux de vote n’a été disponible que durant la
dernière semaine du scrutin. IFES, qui avait été chargé par la CENI de la
sensibilisation des électeurs, n’a pas pu développer un programme de
sensibilisation au vote adéquat au regard du calendrier électoral serré et du
grand nombre d’électeurs.
12. La communication
déficiente entre la CENI et les différents acteurs du processus électoral a eu
des répercussions négatives sur la transparence du processus et sur la
confiance de la société civile. La sécurisation insuffisante du matériel
électoral sensible avant, pendant et après le scrutin a eu pour conséquence a menacé
la crédibilité des élections alimentant un climat de suspicion vis-à-vis de
l’organisation du scrutin.
13. La MOE UE tient à
faire remarquer que la période de la campagne électorale a été marquée par de
multiples incidents tels que des atteintes aux libertés publiques, notamment la
liberté d’expression, allégations d’arrestations de candidats, restrictions et
entraves à la liberté de la presse. Tout au long de la campagne électorale,
l’accès des candidats aux médias publics ou privés a été fortement déséquilibré.
Ainsi, la MOE UE déplore que le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de
Communication (CSAC) n’ait pas joué son rôle de régulateur avec impartialité,
et n’ait pas garanti le droit à un accès équitable des candidats et des partis
politiques.
15. La MOE UE regrette
et condamne les actes de violence commis contre les médias et les journalistes
pendant et après le scrutin.
16. Aussi, la MOE UE a
été témoin du fait que le respect de facto des droits et libertés civiques et
politiques a été enfreint à de nombreuses reprises tout au long du processus
électoral. Les libertés de manifestation et d’expression ont été fortement
mises en danger ainsi que le droit à la sécurité.
17. La MOE UE a
constaté aussi que les scrutins présidentiel et législatif se sont poursuivis
jusqu'au 30 novembre 2011 dans le meilleur des cas ; et dans le pire des cas
jusqu’au 5 décembre 2011. Les difficultés rencontrées lors des préparatifs
logistiques ont conduit à de nombreux retards dans la mise en place des bureaux
de vote. Ainsi, seuls 15% des bureaux de vote observés ont ouvert à l’heure.
L’ouverture a surtout été retardée en raison de l’absence du matériel électoral
sensible.
18. La MOE UE a reçu
l’information que le jour du vote, de multiples incidents de fraude et de
bourrages d’urnes ainsi que des actes de violence à la suite du mauvais
fonctionnement de bureaux de vote, des actes d’intimidation et des attaques de
bureaux de vote ont été commis partout dans le pays.
19. La MOE UE doit
soulever la question du vote des « omis », c'est-à-dire, le vote sur simple
présentation de la carte d’électeur, que la CENI a autorisé, au tout dernier
moment. En effet, près de 3,2 millions d’électeurs ont ainsi voté sur des
listes de dérogation/omis, soit plus de 17 % du total des votants.
20. Par ailleurs, la
MOE UE a constaté que les témoins des candidats/partis politiques n’ont pas eu
systématiquement accès à une copie certifiée des résultats et ils/elles ont
souvent été écartés des Centres locaux de compilation des résultats et la CENI
leur a refusé l’accès au Centre National de Traitement (CNT). La MOE UE
considère que l’absence de témoins et d’observateurs, lors de cette phase
essentielle de consolidation et de vérification, n’a pu qu’affecter la
confiance dans les résultats annoncés et leur crédibilité.
21. La MOE UE note que
suite à deux reports de l’annonce des résultats provisoires pour l’élection
présidentielle, la CENI les a publiés le 9 décembre 2011 et la CSJ les a
confirmés le 19 décembre 2011. D’après les résultats publiés, Joseph Kabila
sort vainqueur de l’élection présidentielle du 28 novembre 2011, après avoir
obtenu 48,95% des suffrages exprimés.
S’agissant des
législatives, la Mouvance présidentielle emporterait la majorité absolue avec
341 sièges sur les 500 que compte le Parlement (dont 62 pour le PPRD). En
deuxième position arrive le parti de l'opposant Étienne Tshisekedi, l'Union
pour la démocratie et le progrès social (UDPS), avec 41 sièges, le Mouvement de
libération du Congo (MLC), recueillerait une vingtaine de sièges1. Au total,
près d’une centaine de partis devraient être représentés à l'Assemblée, avec un
ou deux sièges. Sur les députés donnés élus par la CENI, ne figurent
actuellement que 44 femmes. La MOE UE considère que les résultats publiés par
la CENI ne sont pas crédibles à la lumière des nombreuses irrégularités et
fraudes constatées lors du processus électoral.
22. Les recommandations
détaillées de la MOE UE sont formulées à la fin de ce rapport. Elles
s’adressent aux autorités de la République démocratique du Congo,
particulièrement dans la perspective des élections provinciales et locales et
d’un prochain cycle électoral. Les recommandations concernent les points
suivants :
I. La mise en place
d'une Cour Constitutionnelle ;
II. La révision de la
composition de la CENI (par le Parlement);
III. L’audit et la
révision du fichier électoral ;
IV. L'élaboration d'une
loi sur le financement des campagnes électorales;
V. L'appui à
l'indépendance du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;
VI. La promotion de la
parité des genres ;
VII. La définition
d'une stratégie nationale d'éducation civique ;
VIII. La limitation du
nombre de candidatures à la députation nationale et provinciale ;
IX. La ratification de
la Charte africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance.
II- INTRODUCTION
Les élections
présidentielles et parlementaires se sont tenues du 28 au 30 novembre 2011, bien
que la MOE UE ait été informée de l’ouverture de bureaux de vote jusqu’au 5
décembre 2011 dans certaines provinces du pays. D’après les résultats publiés
par la CENI et confirmés par la Cour Suprême, Joseph Kabila sort vainqueur de
l’élection présidentielle du 28 novembre 2011, après avoir obtenu 8.880.944
voix soit 48,95% des suffrages exprimés. Cela représente une baisse de 556.615
suffrages par rapport au second tour de l’élection de 2006.
Son principal
adversaire, Étienne Tshisekedi, obtient 32,33%, suivi par Vital Kamerhe avec
7,74%, puis Léon Kengo 4,9%, etc. Le taux de participation à ce scrutin s’élève
à 58,81%. Sur la foi des PV que détiendrait son parti, Étienne Tshisekedi a
contesté les résultats et s’est déclaré vainqueur de l’élection présidentielle.
Ses appels à la mobilisation de ses partisans ont échoué jusqu’ici.
S’agissant des
législatives, à la date d’écriture du rapport et à la suite des résultats
partiels et provisoires publiés par la CENI le 26 janvier 2012, la Mouvance
présidentielle emporterait la majorité absolue avec 340 sièges, dont 62 pour le
PPRD. Le parti de l'opposant Etienne Tshisekedi, l'Union pour la démocratie et
le progrès social (UDPS), arrive en deuxième position avec 41 sièges. Pour
rappel l’UDPS avait boycotté les élections générales de 2006. Au total, 98
partis sont représentés à l'Assemblée, dont 45 ayant un seul député. Le nouveau
Parlement ne compte que 44 femmes.
La MOE UE est arrivée
en RDC le 6 octobre 2012 et a clôturé ses activités le 13 janvier 2012.
Celle-ci était composée d’une Équipe-cadre de dix experts et de 147
observateurs de long et court terme (OLT et OCT), ressortissants des 27 Etats
membres de l'Union européenne, ainsi que de la Suisse, de la Norvège et du
Canada. Le travail d’observation a pu être mené à terme et a permis à
l’élaborer des conclusions et des recommandations sur la base du travail des
observateurs. Dès l’ouverture et jusqu’à la fermeture, 678 bureaux de vote ont
été observés soit 1,06% des 63.855 BV du pays. La MOE UE a pu observer
l’ensemble des opérations : ouverture, vote, clôture, dépouillement et
compilation dans les 11 provinces du pays. Suite à ce scrutin, la MOE UE a
publié une déclaration préliminaire.
La MOE UE souhaite
exprimer ses remerciements pour la coopération et l’assistance qu’elle a reçues
au cours de ses travaux de la part des autorités congolaises, de la CENI, des
partis politiques, des candidats, des organisations de la société civile, de la
Délégation de l’UE à Kinshasa, des représentants des Etats membres de l’UE et
des ambassades. La MOE UE remercie tout particulièrement les citoyens et
citoyennes congolais (es) pour l’accueil qu’ils (elles) lui ont réservé.
III- CONTEXTE POLITIQUE
1. L’amorce d’un repli
démocratique
Après le cycle
électoral de 2005-2007 qui avait clos la longue période des conflits (1996-
2003), les élections de 2011 devaient être celles de la consolidation de la
jeune démocratie congolaise. À l’arrivée de la Mission d’observation électorale
de l’Union européenne au début d’octobre 2011, l’environnement institutionnel
et juridique des élections en préparation présentait cependant un certain
nombre de points préoccupants.
Ainsi, en janvier 2011,
la Constitution largement approuvée par référendum en 2005, avait été modifiée
par un vote des deux Chambres. La modification visait l’article 71 relatif aux
modalités de l’élection du Président de la République et imposait l’abandon de
la règle de la majorité absolue en faveur d’une élection à seul tour à la
majorité relative. L’UE avait regretté à l’époque que cette modification, ayant
été votée majorité contre opposition, n’ait pas trouvé un consensus politique
large. On peut discuter des mérites des systèmes à un tour et à deux tours.
Beaucoup d’observateurs estiment néanmoins qu’un système à deux tours offre
plus de gages de stabilité et un système démocratique plus profond, entre autre
par la recherche d’une alliance politique indispensable pour franchir le seuil
des 50%.
La seconde «
modification institutionnelle » affectant le cadre politico-juridique des
élections annoncées concerne le juge du contentieux électoral. En effet, au
lieu de procéder au remplacement de la Cour Suprême de Justice par la Cour
Constitutionnelle comme prévu par la Constitution de 2006 dans ses articles 157
et suivants, la majorité présidentielle qui ne s’était pas opposée au vote de
la loi organique mettant en place la nouvelle institution a tacitement approuvé
que cette loi ne soit ni promulguée par la Président de la République, ni
publiée au Journal Officiel. Ainsi, la Cour Suprême de Justice, majoritairement
composée de membres nommés par le Président sortant et dont l’indépendance par
rapport au pouvoir est sujet de critiques, a continué de jouer son double rôle
de juge unique du contentieux électoral et d’institution de confirmation des
résultats du scrutin. La nomination par le Président de 17 nouveaux magistrats
à la CSJ peu de temps avant le scrutin est venue renforcer l'impression de
partialité
Enfin, malgré les
recommandations unanimement faites par les missions ayant observé les élections
de 2006, la RDC ne s’est pas doté avant les nouvelles élections d’un arsenal
législatif et règlementaire permettant de contrôler les dépenses consacrées aux
campagnes électorales. En effet, même si le législateur a adopté en juin 2008
une loi « portant financement public des partis politiques » mettant en place,
dans ses articles 8 à 15, un système de régulation du financement des campagnes
électorales, la Commission interinstitutionnelle instituée à l’article 11 de
cette loi et chargée de la gestion et du contrôle du système n’a jamais vu le
jour. Concrètement, aucune contrainte réelle n’est donc, en 2011, imposée aux
partis et aux candidats en matière de financement de leurs campagnes, donnant
un avantage aux partis de la majorité au pouvoir ainsi qu’à leurs alliés.
En conclusion, il
apparait que le cadre institutionnel et juridique modifié et incomplet ne
répond pas à l’objectif de renforcement du processus électoral par rapport à
l’expérience en 2006 et par rapport aux exigences de la Constitution. L’absence
d’un véritable consensus politique autour des modifications apportées a engendré
des tensions qui ont fragilisé davantage le processus électoral engagé.
2. Forces et stratégies
politiques en présence
2.1. Le retour de
l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS)
Signataire des Accords
de Sun City/Pretoria, l’UDPS, principale force d’opposition du pays, avait
refusé de participer à la Transition en 2003 pour finalement s’opposer à
l’enrôlement des électeurs en 2005 et boycotter les élections de 2006-2007. Son
retour dans le jeu démocratique en 2010 et sa volonté d’intégrer les nouvelles
institutions de la Troisième République constituaient un changement
considérable de la donne politique. Tout d’abord, ce retour offrait l’occasion
de consolider les institutions jusqu’alors boudées et quelquefois combattues
par l’UDPS. Il pouvait aussi laisser espérer un renouveau de l’opposition
parlementaire qui avait quasiment disparu au cours de la législature après
l’emprisonnement de Jean-Pierre Bemba et le déclin du MLC, permettre un
rééquilibrage des forces politiques au sein des institutions et donc à terme
contribuer au renforcement et à la réactivation de la démocratie congolaise.
D’un point de vue
strictement politique, ce revirement de l’UDPS et de son chef de file, Étienne
Tshisekedi, pouvait également contribuer à la réintégration dans le jeu
politique des populations urbaines défavorisées qui ont, pendant longtemps,
constituer le gros des troupes de l’UDPS et se sont constamment senties exclues
de toute représentation nationale, sous le régime de Mobutu, comme sous ceux de
Laurent Désiré et Joseph Kabila. L’enrôlement de ces populations défavorisées
des villes sur les listes électorales et leur participation au processus
électoral constituaient une opportunité de réconciliation des Congolais avec
leur Etat et leurs institutions.
2.2. Confinement et
affrontement
Engagée dans un
processus de « recentrage » autour du parti présidentiel (PPRD) et de remise au
pas de ses alliés, l’AMP (Alliance pour la Majorité Présidentielle) devenue MP
(Majorité Présidentielle), adopte très tôt une stratégie de confinement et
d’affrontement avec l’UDPS en s’appuyant sur certaines pratiques politiques
antérieures de parti d’opposition ainsi que sur la personnalité d’Étienne
Tshisekedi.
L’entretien accordé par
M. Tshisekedi à partir de Johannesburg le 7 novembre à une télévision
congolaise d’opposition dans laquelle le candidat de l’UDPS demande à ses
partisans « d’attaquer les prisons et de libérer les militants politiques
détenus » offre à la Majorité Présidentielle l’occasion de renforcer encore sa
campagne de marginalisation. Face à cette politique de confinement, l’UDPS
réagit avec ses réflexes de parti militant rarement confronté au cours de son
histoire à une « logique électorale ».
Le résultat de
l'absence de communication entre les deux forces politiques principales du pays
est une campagne électorale entachée par des nombreux affrontements entre
militants des deux camps et d’épisodes violents entre la police et les
sympathisants de l’opposition qui feront une trentaine de morts selon le rapport
publié par le Département des Droits Humains de la MONUSCO en mars 2012.
2.3. L’opposition
désunie.
Contrairement à ce que
l’on pouvait penser, la candidature à la Présidence de la République d’Étienne
Tshisekedi, opposant constant aux régimes autocratiques de Mobutu et de
Laurent-Désiré Kabila, n’a pas permis d’unifier l’opposition congolaise autour
de son nom. La personnalité et l’histoire politique du candidat de l’UDPS,
l’incertitude de son programme économique et une certaine méfiance « traditionnelle
» vis-à-vis de la communauté kasaïenne, apparaissent généralement comme les
principales raisons avancées par les autres candidats pour refuser son
leadership. Toutes les tentatives de recherche d’un programme commun de
gouvernement ou d’un arrangement autour d’une répartition des postes en cas de
victoire se sont heurtées à l’entêtement d’Etienne Tshisekedi mais aussi aux
stratégies divergentes de Vital Kamerhe et de Léon Kengo.
Léon Kengo, en tant que
président du Sénat et second personnage de l’État, s’est abstenu de toute
opposition ou approbation envers Joseph Kabila en juin 2010 quand celui-ci
lançait la réforme constitutionnelle. La décision du Président du Sénat n'a pas
contribué au rassemblement de l’opposition. L’entourage du Président du Sénat,
essentiellement composé d’anciens cadres du MLC à la recherche d’un leadership
que leur parti était incapable de leur offrir, n’a pas su imprimer une ligne
stratégique claire à la candidature de Léon Kengo empêchant la constitution
autour de lui d’une alternative à Joseph Kabila.
La candidature de Vital
Kamerhe était en gestation depuis son opposition à la politique de
rapprochement avec le Rwanda initiée par le Président Kabila en 2008.
Originaire du Sud Kivu, chantre en 2006 de la candidature de Joseph Kabila
qu’il avait concouru à faire élire massivement dans l’Est du pays en le
présentant comme le « Libérateur de la Nation «. Écarté du cercle du pouvoir
par le clan Kabila, l’ancien président de l’Assemblée nationale sait qu’il lui
faut créer un rapport de forces avec la majorité pour continuer d’exister. La
création de l’Union Nationale pour le Congo (UNC), puis sa candidature à la
présidentielle visent donc avant tout à entamer la toute-puissance de la MP et,
à constituer une force parlementaire. Cet objectif l’oblige à aller jusqu’au
bout de sa candidature afin de creuser son sillon dans les Kivu où les
populations sont à la recherche d’un porte-drapeau. L’âpreté de la campagne,
notamment au Bandundu, la forte mobilisation réussie par le chef de file de
l’UDPS, notamment au Bas-Congo et en Equateur, et l’ampleur des irrégularités
constatées, amèneront
Vital Kamerhe à réviser
sa stratégie. Au lendemain de la publication des résultats, Vital Kamerhe se
rapprochera de l’UDPS en reconnaissant Étienne Tshisekedi comme le président
désigné par les urnes et déposera en accord avec l’UDPS un recours en
annulation de l’élection du 28 novembre devant la Cour Suprême de Justice.
Au lendemain de la
publication des résultats de l’élection présidentielle, la désunion de
l’opposition congolaise continuait d’être présentée comme l’un des facteurs
explicatifs de l’échec d’Étienne Tshisekedi. Toutefois, force est de constater
que l’addition des scores attribués par la CENI aux trois principaux candidats
de l’opposition (32,3% + 7,7% + 4,9%, soit 44,9%) ne permet pas de tirer une
telle conclusion.
3. La difficile
interprétation politique des résultats présidentiels.
Avant le 28 novembre,
les principaux leaders de la Majorité Présidentielle que la Mission avait rencontré
(Evariste Boshab, secrétaire général du PPRD et président de l’Assemblée
nationale, Alexis Thambwe, Ministres des Affaires Etrangères, Aubin Miniaku,
Secrétaire exécutif de la MP, Marcelin Chisambo, gouverneur du Sud Kivu)
affichaient tous une confiance absolue dans la victoire du candidat Kabila.
Selon eux, le vote serait régionaliste, à l’Est, à l’Ouest et au Centre,
l’alliance avec le PALU était inoxydable malgré cinq années de gestion et elle
garantirait le soutien du Bandundu, la perte de popularité de Kabila dans les
Kivu serait limitée, les fiefs de l’UDPS (Kasaï et Kinshasa) ne permettraient
pas à Tshisekedi de faire la différence, la division de l’opposition ferait le
reste.
Les résultats publiés
par la CENI le 9 décembre ont paru, à première vue, donner raison à ces
prédictions. Pourtant une analyse politico-électorale approfondie montre que
les choses ne sont pas si simples en particulier dans les deux provinces –
Katanga et Bandundu – qui ont permis à Joseph Kabila de construire sa victoire.
3.1. Un Katanga unanime
Le Katanga affiche lors
du scrutin du 28 novembre un taux de participation exceptionnellement élevé
(69,68%) soit plus de dix pour cent au-dessus de la moyenne nationale. Ce n’est
pas dans les grandes cités minières du sud de la province où la campagne
électorale avait été animée et quelquefois violente que l’on constate une
mobilisation particulièrement élevée des électeurs (Lubumbashi 58,75%, Kambove
54,54%, Kimpushi 59,24%, Likasi 67,80%), mais dans les territoires reculés du nord
comme Manono 100%, Malemba Nkulu 99,46%, Bukama 98,81%, Kabongo 90,83%, Kabalo
89,25%, Kamina 87,43%, Dibolo 87,43%.
Il convient de relever
que cette mobilisation a lieu dans des territoires dépourvus d’infrastructures
et dont certains ont déjà été pointés du doigt par l’opposition politique pour
leur taux d’enrôlement « exceptionnel ». Ainsi Manono a, en 2011, enregistré
51,61% d’électeurs de plus qu’en 2006, Kabongo 38,65% et Malemba Nkulu 32,22%
quand la moyenne nationale était de 26%.
Avec 89,97% des voix
soit 2 823 234 votes en sa faveur, Joseph Kabila creuse un écart considérable
avec son adversaire Tshisekedi qui ne totalise que 221.922 voix soit 7,07%, à
peine plus que J-P Bemba au second tour de l’élection de 2006 (6,24%). Ces
résultats contredisent les analyses faites pendant la campagne électorale par
de nombreux observateurs qui avaient noté une forte mobilisation et une solide
détermination des électeurs katangais d’origine kasaïenne à aller voter.
Estimés à plusieurs centaines de milliers et localisés essentiellement dans les
villes du sud minier de la province, ces électeurs ne se retrouvent pas dans
les résultats de M. Tshisekedi. La divagation de bandes armées « incontrôlées »
dans les communes de Lubumbashi où la communauté kasaïenne est forte le matin
du 28 novembre a sans doute empêché le vote de nombreux électeurs favorables à
l’UDPS, mais elle ne peut qu’en partie expliquer ce déficit.
En définitive,
l’avantage de 2,6 millions de voix réalisé par le président sortant dans son
fief katangais s’explique, toute chose égale par ailleurs, par la conjugaison
de deux facteurs : (i) une mobilisation exceptionnelle et des scores unanimes
dans les territoires du nord de la province (Malemba Nkulu 100%, Kabongo 100%,
Manono 99,98%, Bukama 99,64%, Kabalo 99,38%, Dibolo 96,63%, etc.) et (ii) la
quasi absence du « vote kasaïen » en faveur Etienne Tshisekedi dans les villes
du sud (Lubumbashi 27,42%, Likasi 22,81%). Il convient de rappeler que les
résultats de 127 BVD rendus publics le soir du dépouillement et relevés par nos
équipes à Lubumbashi donnaient 52% des voix à Joseph Kabila et 43.5% à Etienne
Tshisekedi et ne correspondaient pas à ceux publiés par la CENI le 9 décembre
2011.
3.2. Le cas du Bandundu
La province du Bandundu
avait joué un rôle clé en 2006 puisque c’est grâce au report des voix d’Antoine
Gizenga et du PALU que Joseph Kabila avait pu franchir le seuil des 50 % au
second tour de la présidentielle et que le PPRD était parvenu à constituer sa
majorité de gouvernement.
À l’occasion du scrutin
présidentiel du 28 novembre, le président sortant fait beaucoup mieux qu’en
2006 puisqu’il parvient à réunir sur son nom plus de 73,40% des voix dans une
province où il n’avait rassemblé que 39,45% des suffrages, après une intense
mobilisation du PPRD, du PALU et de leurs alliés de l’AMP. Même s’il faut tenir
compte d’un nombre plus important d’enrôlés en 2011, il convient de souligner
qu’en nombre de voix Joseph Kabila réussit à multiplier son score par 2,5
passant ainsi de 571.000 à 1.419.000 voix depuis les élections de 2006.
Cette progression s’est
faite dans un contexte où le PALU, parti de gouvernement depuis 5 ans,
apparaissait traversé par de graves divisions entre des cadres ayant largement
profité de leur proximité avec le pouvoir et des militants déçus par le maigre
bilan des Premiers ministres du PALU. Dans une province où les cadres du régime
ont le plus souvent fait leur campagne législative en évitant d’apparaitre sous
la bannière du PPRD et après que le candidat Kabila ait mené une campagne
électorale discrète et plutôt morne, les scores réalisés par le président
sortant atteignent pourtant des sommets. Ainsi dans les territoires de l’Est et
du Sud de la province où le PALU est traditionnellement implanté et contrôle
totalement l’administration territoriale, les résultats sont exceptionnels :
Gungu (93,33%), Popokabaka (92,45%), Feshi (93,39%), Kahemba (88,52%), Kenge
(86,66%), Idiofa (85,43%). Comme dans le Nord-Katanga, certains de ces
territoires avaient eux aussi enregistré une progression exceptionnelle et
contestée du nombre des enrôlés par rapport à 2006 (Feshi +112,87%, Kahemba
+53,95%, Gungu +47,52%, Idofa +39,56%).
Une comparaison des
scores réalisés par Joseph Kabila en 2006 et en 2011 montre que dans les 20
territoires de la province - dans celui de Kiri, le CLCR n’a pas donné de
résultats en 2011 - le président sortant réalise des progressions fulgurantes
que l’analyse politique rationnelle a quelque mal à expliquer.
Tableau 1 : Comparaison
des scores obtenus par J. Kabila en 2006 et 2011
Territoire Kabila 2ème tour 2006 Kabila 2011
Kiri 7,52 %
Inongo 8,23 % 24,66 %
Mushie 8,57 % 46.51 %
Yumbi 58,49 % 82.18 %
Bolobo 23,12 % 54.27 %
Kutu 3,1% 16,21 %
Oshwe 14,20 %
48.48 %
Bandundu 6,58 % 16.27
%
Kwamouth 14,72% 33.64
%
Bagata 14,67% 52.80
%
Kenge 37% 86.66 %
Masi-Manimba 56,62 % 83.23
%
Bulungu 56,04% 80.02
%
Idiofa 47,06% 85.43
%
Feshi 58,91% 93.39
%
Kasongo-Lunda 34,19% 84.99
%
Gungu 84,31% 93.33
%
Kahemba 64,40% 88.52
%
Kikwit 37,51% 60.92
%
Popokabata 9.67 % 92.45
%
Étienne Tshisekedi, de son côté, doit se
contenter de 19,55% des voix là où l’opposition à Joseph Kabila, emmenée par
J.P. Bemba, avait réuni 60% des suffrages en 2006. Ses bonnes performances dans
trois territoires de l’Ouest (Kutu 78,37%, Inongo 65,93% et Kwamouth 56,68%)
ainsi que dans la capitale Bandundu-ville (78,18%) ne suffisent pas à contrer
ce qu’il faut bien appeler un « raz-de-marée majoritaire » qui contraste avec
les résultats obtenus dans le reste du pays, province du Katanga mis à part,
mais permet au président sortant de creuser un écart de 1.041.437 voix avec son
adversaire principal.
En résumé, dans ces
deux provinces l’écart creusé par le président sortant avec son adversaire de
l’UDPS est tout à fait impressionnant et surtout irréversible (2.601.312 voix
d’avance au Katanga et 1.041.437 au Bandundu, soit un total de 3.642.749 voix).
Une étude comparative avec le deuxième tour de l’élection présidentielle de
2006 révèle que l’écart entre Kabila et Bemba était de 2.263.594 voix au
Katanga et que Bemba devançait Kabila de 305.719 voix au Bandundu, soit une
avance au profit du candidat Kabila de 1.957.875. En 2011, Joseph Kabila est
donc parvenu à augmenter son avance de plus de 1,6 millions de voix dans deux
provinces ou le nombre de suffrages exprimés n’a lui progressé que d’un
million, ce qui signifie que le million de nouveaux électeurs se sont tous
prononcés en sa faveur et qu’en plus 600.000 électrices et électeurs qui
avaient choisi l’opposition en 2006 ont cette fois fait un choix inverse et
rallié le camp de la majorité.
L’analyse des chiffres
affichés par la CENI pour le Katanga et le Bandundu montre que, dans ces deux
provinces très symboliques pour le pouvoir en place et tout à fait décisives
pour le résultat final, toute tentative d’explication politique des motivations
des électeurs demeure problématique. Même si ce type d’étude mériterait d’être
étendu à d’autres provinces, l’illisibilité politique des résultats que l’on
constate, vient accroître le doute concernant la crédibilité du scrutin
présidentiel du 28 novembre.
4. Analyse des
résultats de l’élection législative.
La publication par la
CENI des résultats des élections législatives à partir du 26 janvier 2012 ne
permet guère d’améliorer la lecture politique des scrutins du 28 novembre 2011,
bien au contraire. Sur plusieurs points, les résultats de l’élection
législative viennent brouiller encore un peu plus les quelques enseignements
que l’on pouvait tirer du scrutin présidentiel.
Ainsi, alors que
l’élection présidentielle, tant par le déroulement de sa campagne que par ses
résultats, semblait annoncer une forte bipolarisation de la vie politique –
plus de 80% des Congolais se sont prononcés en faveur, soit de Joseph Kabila
(48,9%), soit d’Etienne Tshisekedi (32,3%) – le résultat des législatives
montre au contraire un apparent éclatement du paysage politique : 98 partis politiques
se partagent les 500 sièges de députés à l’Assemblée nationale soit 29 partis
de plus qu’en 2006 et 45 partis ne sont représentés que par un seul député ; 16
députés sont en outre élus comme « indépendants ».
Par ailleurs, alors que
l’élection présidentielle semblait révéler un certain rééquilibrage des forces
politiques entre majorité présidentielle et opposition (48,9% des voix pour
Kabila et 44,9% pour l’opposition si on additionne les scores de Tshisekedi,
Kamerhe et Kengo), le résultat des législatives donne un très net avantage au
camp présidentiel puisque 341 des députés, soit 68%, se réclament de la
majorité. Il convient de rappeler que l’élection de 2006 avait donné des
résultats plus cohérents entre les deux élections puisque Joseph Kabila avait
obtenu 58% des suffrages et que sa majorité représentait 63% de l’Assemblée
nationale, une soixantaine de députés se réclamant alors « indépendants ».
Dans les deux provinces
du Katanga et du Bandundu, certains aspects des résultats publiés par la CENI
viennent encore ajouter au trouble suscité par la lecture des résultats
présidentiels. Ainsi, dans les circonscriptions du Nord Katanga ou le président
sortant a réalisé des scores unanimes proches de 100%, les résultats des
législatives montrent en fait une large diversité dans le choix des électeurs
et mettent donc à jour des incohérences entre les résultats des deux scrutins
qui autorisent à s’interroger sur l’intégrité de la compilation. Au Bandundu,
qui a voté à plus de 73% pour M. Kabila, le PALU, principal parti de la
province et artisan annoncé du triomphe électoral du président sortant, perd 14
sièges, passant de 25 en 2006 à 11 en 2011, ce qui atteste de l’existence, dans
cette province, d’un véritable vote sanction qui a, bizarrement, épargné Joseph
Kabila.
Par contre, ces
résultats confirment à nouveau très largement le caractère ethnique et
provincial des partis politiques congolais, qu’ils soient anciens ou nouveaux.
Mis à part le PPRD qui, grâce à sa puissance financière et à l’appui généralisé
de l’administration, a réussi à avoir des élus dans les onze provinces du pays,
seuls quatre partis (l’UDPS, le PPPD, le MSR et le PALU) ont des élus dans plus
de 6 provinces. Les partis de la majorité et de position possèdent leurs bases
dans les provinces d’où sont originaires leurs leaders : le Katanga pour le
PPRD, le PPPD, l’ECT, l’UNADEF et l’UNAFEC ; l’Equateur pour le MLC et le PDC ;
le Bandundu pour le PALU et l’ARC ; le Kasaï-Oriental et Occidental pour l’UDPS
; le Nord-Kivu pour le RCD K-ML et le Sud-Kivu pour l’UNC.
IV - CADRE JURIDIQUE ET
INSTITUTIONNEL
La Constitution en
vigueur, depuis 2006, prévoyait un système semi-présidentiel équilibré, où le
Président est élu à la majorité absolue du suffrage universel direct. Le
Président de la République nomme le Premier Ministre au sein de la majorité
parlementaire, le gouvernement restant toutefois responsable devant l’Assemblée
nationale. L’État de droit est garanti à travers le système classique de
séparation de pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. L’exécutif est
formellement bicéphale, mais sous la coupe du Président de la République. Le
gouvernement définit, en concertation avec le Président, la politique de la
nation. Le pouvoir législatif est bicaméral : l’Assemblée nationale, dont les
membres sont élus au suffrage universel direct, et le Sénat, dont les membres
sont élus par les assemblées provinciales.
Le cadre juridique des
élections présidentielles et législatives de 2011 comprend les textes suivants
(Cf. annexe n°1) :
i) la Constitution ;
ii) les lois et
principaux actes règlementaires relatifs aux élections ;
iii) les textes
juridiques relatifs à la CENI ;
iv) les textes
juridiques relatifs à la CSJ ;
v) les textes
juridiques relatifs au CSAC.
1. Le système électoral
présidentiel
Le Président de la
République est élu au suffrage universel direct et à la majorité simple des
suffrages exprimés pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois. Le
scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la CENI
90 jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice. À la fin de son
mandat, le Président reste en fonction jusqu’à l’installation effective du
nouveau Président élu.
La circonscription
électorale pour l’élection du Président de la République est le territoire
national. Nul ne peut être candidat à l’élection présidentielle, s’il ne
remplit les conditions ci-après
: posséder la
nationalité congolaise d’origine, être âgé de trente ans au moins, jouir de la
plénitude de ses droits civils et politiques et avoir un diplôme de graduat au
moins ou justifier d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans dans
les domaines politique, administratif, économique ou socio-culturel.
2. Le système électoral législatif
Le nombre de sièges à
pourvoir à l’Assemblée nationale est de cinq cents (500). Les députés sont élus
au suffrage universel direct à la majorité simple pour les circonscriptions
électorales comptant un siège à pourvoir ou au scrutin proportionnel des listes
ouvertes, avec application de la règle du plus fort reste, dans les
circonscriptions électorales comptant plus d’un siège. La circonscription
électorale pour l’élection des députés nationaux est le territoire, la ville,
et quatre circonscriptions par regroupement des communes pour la Ville de
Kinshasa, soit au total 169 circonscriptions électorales pour l’ensemble du
pays.
La répartition des
sièges des députés nationaux par circonscription électorale est établie par la
CENI en tenant compte du nombre d’électeurs enrôlés dans chaque
circonscription. Elle est soumise à l’Assemblée nationale et au Sénat pour
adoption et publiée au Journal officiel comme une loi annexée à la loi
électorale. Nul ne peut être candidat aux élections législatives s'il ne
remplit les conditions ci-après : être de nationalité congolaise, être âgé de
vingt-cinq ans révolus à la date de clôture du dépôt des candidatures, jouir de
la plénitude de ses droits civils et politiques, avoir la qualité d'électeur ou
se faire identifier et enrôler lors du dépôt de sa candidature, avoir un
diplôme de graduat au moins ou justifier d’une expérience professionnelle d’au
moins cinq ans dans les domaines politique, administratif, économique ou
socio-culturel.
3. Analyse générale du
cadre juridique
Le cadre juridique est
en général conforme aux normes internationales. Ce cadre a été marqué par : i/
la révision constitutionnelle de janvier 2011 qui a introduit un seul tour pour
l’élection présidentielle, un système qui est généralement déconseillé dans des
sociétés dominées par des tensions ethniques ou régionales; ii/ la volonté de
la CENI de respecter à tout prix la durée du mandat présidentiel de cinq ans, a
fait du 6 décembre la date limite pour la publication des résultats
provisoires, nonobstant les difficultés techniques et logistiques.
Si la réforme
constitutionnelle de janvier 2011 qui a introduit le scrutin à un seul tour
pour l’élection présidentielle est conforme au droit interne, elle n’a pas
néanmoins été soumise à référendum puisqu’elle a été approuvée à la majorité
des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée Nationale et du Sénat réunis en
Congrès. Pourtant, cette modification de la Constitution de la RDC s’éloigne de
la doctrine constitutionnelle générale2, selon laquelle le système électoral
ferait partie du « bloc » constitutionnel. Dans ces conditions, il ne pourrait
être modifié que par une procédure plus stricte que celle qui est prévue dans
le cadre d’un amendement, sans pour autant avoir la rigidité de celle qui est
utilisée pour l’approbation de la Constitution elle-même.
S’agissant de la date
du 6 décembre, il faut rappeler que l’article 73 de la constitution stipule que
le scrutin pour l’élection du Président de la République doit être convoquée
par la CENI quatre-vingts dix jours avant l’expiration du mandat du Président
en exercice. Le président Kabila a prêté serment le 6 décembre 2006, il n’y
avait pas donc plus de délai possible pour reporter cette échéance sans tomber
dans le vide juridique tant redouté.
4. La loi électorale
Elle est globalement
conforme aux normes internationales. Cependant, cette loi de 2006 a été
modifiée en août 2011, au moment où les candidats déposaient leurs dossiers de
candidatures à la CENI pour être inclus dans les listes. Cette modification,
faite au début du processus électoral et touchant des éléments importants comme
la procédure du contentieux électoral, est contraire au principe de stabilité
du droit électoral, lequel considère que cette stabilité est essentielle afin
de non seulement garantir une bonne connaissance du cadre juridique par les
acteurs politiques, mais également afin d’éviter toute manipulation du droit
par les autorités en leur faveur.
Ces amendements datant
d’août 2011 ont introduit de nouvelles garanties pour le scrutin comme le droit
des témoins des partis politiques et des candidats à réclamer une copie du
procès-verbal (PV) de résultats de vote, mais ils n’ont pas comblé certains
vides juridiques importants :
(i) l’absence d’une
procédure précise permettant à la CENI de veiller sur la régularité du
processus et des procédures spécifiques pour certains délits électoraux pendant
la campagne électorale (activités de campagne en dehors du délai légal,
utilisation de biens ou fond publics, atteintes à la liberté de campagne) ;
(ii) la non-régulation
des finances des partis politiques en l’absence de contrôle effectif pour
garantir l’égalité des chances entre les candidats et aussi assurer la
transparence par rapport aux comptes de campagne ;
(iii) l’absence de
mécanismes de sanction pour certaines infractions comme l’achat de cartes
d’électeurs les copies de résultats, une activité condamnable car contraire au
principe de libre formation de la volonté de l’électeur ;
(iv) l’absence de
dispositions claires concernant le droit des témoins à exiger des présidents de
bureaux de vote la copie des résultats, la mention de leurs observations et
réclamations pendant le scrutin et le dépouillement ou lorsqu’un des membres de
la
CENI refuse de signer
les PV de consolidation des résultats.
5. Le respect du cadre
juridique pendant la campagne électorale
En dehors du respect du
délai constitutionnel du mandat du Président de la République, la MOE UE a
constaté que le cadre juridique électoral n’a pas été suivi dans son entièreté.
Ainsi, la loi électorale contient des dispositions claires concernant en
particulier la publication des listes des électeurs. La CENI devait avoir
publié la liste des électeurs par province et par circonscription électorale au
plus tard trente jours avant la date du début de la campagne électorale,
c’est-à-dire avant le 27 septembre 2011. Cependant, bien qu’elle pouvait
déterminer librement les modalités de publication, la CENI n’a réussi à rendre
accessibles, et seulement par internet ces listes qu’à la fin du mois
d’octobre. La modalité de publication choisie n’a pas été satisfaisante car
l’accès de la population congolaise à l’Internet est très réduit. En outre,
l’exigence légale d’affichage des listes des électeurs par bureau de vote
trente jours avant le scrutin, c’est-à-dire avant le 30 octobre 2011 n’a pas
été respectée par la CENI. Même, à cette date, la liste des bureaux de vote
n’était pas encore connue comme la loi l’exigeait. Malgré toutes ces
infractions, la CENI a publié un communiqué de presse, le 28 octobre, affirmant
que l’affichage des listes des électeurs dans chaque bureau de vote était
effectif.
L’interdiction générale
de tout affichage de propagande électorale sur les édifices publics n’a pas été
respectée par la majorité présidentielle ni à Kinshasa ni en province4. Il y a
eu, en outre, une participation importante de fonctionnaires publics aux
manifestations politiques et une utilisation assez large des biens publics5 à
des fins de propagande électorale en faveur des candidats de la majorité
présidentielle. Dans beaucoup de circonscriptions, on a trouvé des maires et
bourgmestres6 et même des magistrats qui étaient candidats à la députation sans
avoir démissionné7 de leurs postes préalablement comme la loi l’exige8. Ni la
CENI ni le parquet n’ont réagi pour empêcher d’une manière effective ces
violations de la loi électorale.
Le droit de manifester
est reconnu par la Constitution. Cependant, toute manifestation sur les voies
publiques ou en plein air impose aux organisateurs d’informer par écrit
l’autorité administrative compétente. Toutefois, il faut noter que la
législation contenant les mesures d’application est antérieure à la
Constitution de 2006. Datant de 1999, elle soumet ce droit à une autorisation
préalable de la part de l’autorité locale compétente 9. Sur le terrain, les
autorités doivent donc faire une interprétation non-restrictive de cette
législation « obsolète » pour ne pas enfreindre la Constitution. L’absence
d’une législation appropriée régulant le droit de manifestation publique en
conformité avec la Constitution peut s’avérer dangereuse comme en témoigne
l’incident de Mbuji-Mayi du 28 octobre 2008. Dans cette ville, le gouverneur
avait tenté d’interdire toute manifestation publique au début de la campagne
électorale et fait réprimer les marches de l’opposition causant la mort par
balle d’un enfant. À la suite de cet incident, la CENI a publié un communiqué
de presse rappelant le délai légal de notification de toute manifestation aux
autorités locales, tel que prévu par la loi électorale (art. 29 alinéa 3).
6. Le respect du cadre
juridique pendant le scrutin et la compilation des résultats
Pendant le scrutin et
la compilation des résultats, la Mission a constaté plusieurs atteintes graves
au cadre juridique électoral.
La CENI avait fixé
comme jour du scrutin le 28 novembre mais elle a aussi ouvert des bureaux de
vote le 29 et le 30 novembre en prétextant que ces BV n’avait pas pu ouvrir
comme prévu en raison de problèmes logistiques ou de sécurité. L’article 52 de
la loi électorale stipule cependant que « les jours et heures d'ouverture et de
fermeture des bureaux de vote sont fixés par la Commission Électorale Nationale
Indépendante ». Pourtant, l’article 41 des mesures d’application de la loi
approuvées par la CENI en août 2011 précise que « le scrutin dure 11 heures. Il
débute à 6 heures et prend fin à 17 heures, heure locale» ; la seule exception
prévue est lorsqu’: « à l’heure officielle de la clôture, le président du
bureau de vote constate qu’il y a une file d’électeurs en attente, il fait
ramasser les cartes à partir du dernier électeur présent ». Le fait que le
scrutin ait continué au delà du 28 novembre 2011 a donc pu influencer le vote
des électeurs et constitue indéniablement une irrégularité substantielle.
La loi électorale ne
prévoit, dans aucune de ses dispositions, la possibilité pour le bureau de la
CENI de publier de résultats partiels. Néanmoins, elle l’a fait pendant
plusieurs jours jusqu’au 4 décembre sans indiquer ni les BV dont les résultats
étaient pris en compte, ni la circonscription concernée ni les taux de
participation. Cela n’a, par conséquent, pas permis aux candidats et aux partis
politiques de vérifier la conformité des chiffres communiqués par rapport aux
PV des résultats affichés par le chef de bureau de vote et de dépouillement
dont une copie devait être remise aux témoins. Cette publication des résultats
partiels par la CENI sort non seulement du cadre juridique électoral mais est
contraire au principe général de transparence. Les seuls résultats partiels
prévus par la loi électorale, dans l’article 70, sont les résultats des Centres
locaux de Compilation des Résultats (CLCR) lorsqu’ils sont rendus publics par
affichage.
Aux CLCR, une fois la
compilation terminée, les présidents ont envoyé les PV à Kinshasa, au lieu de
les montrer à tous les témoins pour qu’ils puissent en vérifier les résultats
et les signer après avoir exercé leur droit d’observation et de contestation
tel que prévu par l’article 40 de la loi électorale. Pourtant, cette
transmission des PV des CLCR ne peut se faire qu’après affichage, ce qui n’a
pas été fait dans plusieurs circonscriptions. Ces PV des CLCR ont été
comptabilisés à Kinshasa au travers du Centre National de Traitement des
résultats (CNT) après examen par une "commission ad hoc », créée
conformément à l'art. 57 des mesures d'application de la Loi électorale « afin
de recevoir les résultats consolidés de tous les centres locaux de compilation
par les secrétaires exécutifs provinciaux ». Même si l’intervention de cette
commission est uniquement comptable, elle reste cependant soumise au principe
de transparence. Dans ce cadre les témoins et les observateurs ont donc le
droit d’être présents aux délibérations, notamment quand il s’agit de redresser
les résultats des PV des CLCR reçus, en suivant les dispositions de l’article
71 de la loi électorale. La MOE UE a malheureusement constaté que les témoins
et les observateurs n’ont eu accès ni au CNT et ni comité ad hoc pour la
comptabilisation des résultats des élections présidentielles et législatives.
Le fait que les PV des
CLCR, même affichés, n’aient pas été signés par les témoins des principaux
candidats, comme prévu dans l’article 56 de la loi électorale, n’implique pas
leur annulation ; cela remet cependant sérieusement en doute leur crédibilité
puisque les témoins, même s’ils ne sont pas d’accord avec les résultats
contenus dans le PV, peuvent toujours exiger la mention de leur contestation
dans ces documents (article 40 de la loi électorale). La non-compilation de
près de deux mille PV à Kinshasa, qui avaient été réceptionnés au niveau des
CLCR mais ont par la suite disparu ou ont été détruits, a affecté les résultats
des élections et leur crédibilité ; cela n’a pas donné lieu à des sanctions
pénales contre les responsables de ces pertes et destructions, conformément aux
articles 82, 83 et 89.
Alors que les travaux
de compilation n’étaient pas terminés, l’expulsion de témoins et d’observateurs
de certains CLCR était contraire à l’article 41 de la loi électorale. Cet
article ne prévoit de telles mesures qu’en cas de désordre ou d’obstruction aux
opérations électorales.
L’expulsion de témoins
et d’observateurs a, en particulier, été observée aux CLCR de Kinshasa en
plusieurs occasions. La publication des résultats a été effectuée sur le site
d’internet de la CENI. Ceci a été fait le 9 décembre, sans que la CENI ne
procède en même temps à une publication des résultats détaillés par BV et la
mise en ligne des copies scannées des PV de résultats. Cette manière de faire
aurait utilement contribué à rendre crédible des résultats qui suscitaient le
soupçon, notamment ceux des cinq CLCR du Katanga où la participation s’est
avérée supérieure à 89% et le vote pour le président sortant proche des 100%.
V- CONTENTIEUX
ÉLECTORAL
1. L’absence de Cour
Constitutionnelle
La loi électorale
stipule que la Cour Constitutionnelle est chargée de juger le contentieux
électoral mais cette dernière n’a toujours pas été installée. La loi organique
portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, votée en
son temps vers février-mars 2011 par le Sénat et l'Assemblée nationale, avait
été transmise au chef de l'État pour promulgation. Néanmoins, en faisant usage
des pouvoirs conférés spécialement par la constitution, le Président de la
République l'a déclarée non-conforme à la constitution et il l’a renvoyée pour
amendement. À la demande du Président, cette loi organique a été amendée par le
parlement et la loi a été de nouveau envoyée au Président pour promulgation ;
ce qui n’a pas été le cas jusqu’à ce jour. Dans tous les cas, à défaut de
promulgation de la loi par le président de la République, dans le délai de 15
jours, la loi devient de jure et entre en vigueur automatiquement (art .140
al.2 de la Constitution). La loi organique portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle n’est toutefois pas encore
opposable puisqu’elle n’a pas été publiée au Journal Officiel. Il convient de
rappeler que le service de publication de lois dépend en RDC, directement de la
Présidence de la République.
2. La Cour Suprême de
Justice
La Cour Suprême de
Justice, en l’absence de la Cour constitutionnelle, est devenue une
institution-clé dans le déroulement du processus électoral en RDC puisqu’elle
est juge du contentieux électoral et est chargée de proclamer les résultats
définitifs des élections présidentielle et législatives. L’ensemble de
l’opposition a contesté son indépendance car ses magistrats ont été choisis par
le Président, moyennant l’intervention formelle du Conseil Supérieur de la Magistrature,
une institution dont les membres sont aussi désignés par le Président. En
outre, la nomination de 18 nouveaux magistrats à la CSJ pendant la campagne
électorale a violé les conditions établies par le Statut de magistrats en
raison d’un enjambement spectaculaire et inadéquat de deux voire trois grades
sous prétexte d’assurer la bonne gestion du contentieux électoral. Ces nouveaux
magistrats ont prêté serment pendant la cérémonie de la rentrée judiciaire
présidée par le Président candidat, cérémonie qui non seulement n’est pas
prévue par la loi portant statut de magistrat, mais est devenue un acte de
campagne électorale. Enfin, le fait que le premier Président de la CSJ pourrait
avoir un conflit d’intérêt familial10 a été soulevé par l’opposition qui a
remis en cause une nouvelle fois l’indépendance de la CSJ par rapport au
contentieux électoral.
3. Une nouvelle
procédure du contentieux électoral
La procédure du
contentieux électoral relatif aux résultats introduits en août soulève un
certain nombre de préoccupations. Afin de réduire sa longueur, on est passé
d’un système contradictoire, oral, transparent, où la cour siégeait en audience
publique avec les plaidoiries des parties concernées, à un système
inquisitoire, écrit, opaque, où un magistrat mène l’instruction « ex officio »
et récolte tous les éléments nécessaires pour régler le contentieux. Dans une
situation comme celle de la RDC, où certains acteurs politiques n’avaient pas
confiance en l’indépendance du pouvoir judiciaire, ce changement n’apparaissait
pas comme une bonne solution. Pour éviter des recours de tierce opposition, le
législateur a imposé la notification de toute requête en contestation de
résultats non seulement au candidat dont l’élection est contestée mais aussi à
tout parti ou regroupement politique ayant présenté un candidat à cette
élection.
4. Le contentieux sur
les listes des candidats
La publication des
listes provisoires de candidats par la CENI a été très contestée. Néanmoins, la
quasi-totalité des recours a été rejetée car ils ont été considérés comme
irrecevables pour des raisons de forme. Le cas le plus controversé faisait
référence à l’apparition, dans les listes provisoires de certaines
circonscriptions, d’un nombre de candidats supérieur au nombre de sièges, ce que
la loi électorale considère comme une cause de radiation des candidats du parti
politique concerné. La CENI a expliqué que cette situation avait été causée par
des erreurs techniques relevant de programmes informatiques utilisés pendant la
compilation. Mais ces problèmes informatiques ont continué par la suite,
puisque les listes définitives ont été imprimées avec d’importantes erreurs14.
Pour parer à cette situation, sans que cela soit fondé sur une base légale, la
CENI a donné 48 heures à tous les candidats pour qu’ils puissent notifier les
erreurs pour corrections. 478 candidats "oubliés" ont alors été
réintégrés portant à 18.864 leur nombre final.
Le Cour Suprême de
Justice est elle-même soumise au principe de transparence qui doit régir tout
le processus électoral pour garantir des élections libres, crédibles et
apaisées. Pourtant, depuis son arrivée, et malgré de nombreux contacts, la MOE
de l’UE n’a pas eu accès aux arrêts relatifs aux contentieux des candidatures.
Cette situation, jugée très préoccupante par la MOE UE car elle risquait
d’empêcher une observation rigoureuse du processus électoral, a fait l’objet
d’un communiqué de presse de la MOE UE pour appeler à la CSJ à respecter le dit
principe de transparence.
5. Le contentieux
durant la campagne électorale
Bien que la MOE UE ait
observé de nombreux incidents et infractions à la loi pendant la campagne
électorale, le nombre de plaintes écrites déposées à la CENI ou au parquet est
très bas : au niveau local, il y en a eu deux en provenance de l’UDPS15 (pour
achat de cartes d’électeurs, utilisation de biens publics durant la précampagne
et affrontements inter-militants), une déposée par l’UNC (recrutement partisan
d’agents de la CENI) et une par le MLC (agression au candidat). Au niveau de la
CENI centrale, l’affichage de propagande électorale favorable au candidat
Président sur des édifices publics a donné lieu à une plainte de la part de
l’UNC, et par ailleurs, l’UDPS a déposé une requête sollicitant la radiation du
candidat Kabila pour l’utilisation de biens publics durant sa campagne dans
tout le pays.
Pourtant, même si la
Constitution stipule que la CENI doit assurer la régularité du processus
électoral, elle n’a initié aucune enquête ni fait appel au parquet pour
sanctionner les contrevenants. Le parquet, n’a, de son côté, poursuivi aucune
infraction à la loi électorale ni, en dépit de tous les incidents constatés,
aucun cas de violations des libertés publiques des candidats et des électeurs.
Cette situation a remis en cause le respect du principe de sécurité juridique
en RDC.
6. Le contentieux
durant le scrutin
Le jour du scrutin,
l’UNC a déposé une requête dénonçant au moins 66 cas de fraude commis par la
majorité présidentielle18, la conduite négligente de la MONUSCO par rapport aux
irrégularités du processus électoral, la prolongation illégale du scrutin le 29
novembre par la CENI, et sollicitant par la suite la correction ou l’annulation
du scrutin. La CENI n’a pas réagi à cette requête malgré la gravité des
dénonciations, la CENI n’a pas non plus réagi alors que le député Néron Mbungu
(majorité présidentielle) a été découvert par la population en flagrant délit
de tentative de fraude quand il manipulait des bulletins de vote déjà cochés
dans l’un des BV de Kinshasa. Bien plus, le parquet, pour éviter que le député
soit condamné, l’a accusé d’avoir incité la population à la violence, un acte
qui ne correspondait pas aux faits observés. La CSJ a finalement acquitté le
député concerné.
7. Les recours sur les
résultats provisoires déposés à la Cour Suprême
Après la proclamation
des résultats provisoires par la CENI, le dernier jour du délai pour déposer
des recours, l’UNC a présenté une requête à la CSJ en demandant l’annulation
des résultats provisoires et l’organisation d’une nouvelle élection
présidentielle. L’UNC avait le soutien politique de l’UDPS. Les griefs contenus
dans cette requête ont été les suivants : la violation par la CENI des délais
légaux concernant l’affichage des listes d’électeurs par province, par
circonscription et par BV, ce qui a eu pour incidence un faible taux de
participation ; le non-respect des droits des témoins dans les BV, ce qui a
permis la fraude ; la circulation illégale de bulletins de vote avant et
pendant le scrutin, comme cela a été démontré lors de l’arrestation du député
Néron Mbungu ; l’insuffisance de bulletins de vote pendant le scrutin, ce qui a
empêché beaucoup d’électeurs de pouvoir voter ; la passivité de la CENI devant
l’utilisation des ressources de l’Etat par le Président candidat, ce que la loi
sanctionne par la radiation du candidat concerné ; enfin le manque de sincérité
des résultats provisoires communiqués par la CENI, notamment au CLCR d’Idiofa
(Bandundu), au Katanga, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu.
L’analyse du
contentieux de l’élection présidentielle doit être faite dans le contexte de la
nouvelle procédure par la loi d’août 2011. Les articles 73 à 76 ont établi une
procédure inquisitoire, où le juge électoral est chargé de statuer sur la
sincérité des résultats électoraux. A cette fin, ce dernier mène « ex officio »
l’instruction avec le pouvoir de faire toutes les enquêtes requises pour réunir
tous les éléments nécessaires susceptibles de motiver son arrêt. Il faut
rappeler que l’ancienne procédure était contradictoire, les requérants plaidaient
dans une audience publique et avaient la responsabilité de fournir au juge tous
les moyens de preuve nécessaires en appui de leurs allégations.
La CSJ a siégé en
audience publique le 15 décembre 2011 pour écouter chacune des parties
prenantes. La Cour a pu compter sur l’assistance technique mise à disposition
par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), en la personne du
professeur Masclet de l’université de la Sorbonne. La Cour a estimé d’emblée
qu’en application de la procédure spéciale prévue par la loi électorale, le
requérant et le candidat dont l’élection est contestée devaient comparaître en
personne, assistés de leur avocats conformément à l’article 74 quater, alinéa 3
de loi sus-évoquée. Après la comparution du requérant, Vital Kamehre, candidat
présidentiel de l’UNC, la cour a prié les avocats de Mr Joseph Kabila de se
retirer de la barre faute de comparution personnelle de leur client, la
représentation n’étant plus admise en la matière. Avant d’examiner le fond du
recours, les avocats de l’UNC ont indiqué à la Cour que l’affaire n’était pas
en état d’être instruite à cette audience et ce, pour deux motifs:
(i) l’instruction de la
cause était prématurée, car la Cour n’a pas respecté le délai d’attente prévu
par la loi électorale, à savoir : 3 jours pour le dépôt des mémoires en réponse
et 2 jours pour l’avis du ministère public (article 74 quater alinéa). Selon
ces avocats, pour une requête introduite le 12 décembre 2011, la Cour aurait dû
observer un délai d’au moins cinq jours avant d’entamer l’instruction de
l’affaire ;
(ii) la Cour n’a pas
saisi les neuf autres candidats à l’élection présidentielle, ou à défaut ne
leur a pas transmis une copie de la requête en contestation, et ce en
application de l’article 74 ter, dernier alinéa de la loi électorale. Les
requérants ont conclu que la cour aurait dû au préalable procéder à la
notification de la requête aux autres candidats ayant concouru à l’élection
avant le début de l’instruction. Selon eux, le législateur a voulu, par cette
disposition, éviter les procédures des tierces-oppositions dans le contentieux
électoral, ce qui avait été décrié en 2006.
La cour a cependant
rejeté en bloc ces deux arguments :
(i) Sur le premier, la
Cour a estimé que la cause peut être instruite, car Joseph Kabila avait déjà
déposé son mémoire ainsi que le Ministère public. Pour la Cour, les délais
prévus par l’article 74 quater de la loi électorale ne sont donc pas des délais
de rigueur ;
(ii) Quant au deuxième
argument, la Cour a estimé qu’au sens de l’article 74 ter évoqué à l’appui, la
requête en contestation des élections ne doit être notifiée qu’au candidat dont
l’élection est contestée, les autres candidats n’étant pas intéressés.
Sur ce, les avocats de
l’UNC ont retiré leur comparution, estimant qu’ils ne pouvaient pas cautionner
ce qu’ils ont qualifié de parodie de justice. La Cour a, de son côté, pris
l’affaire en délibéré, après avoir pris acte de l’avis des avocats de la CENI
qui plaidaient l’irrecevabilité de la requête et invitaient la Cour à recevoir
la requête mais à la déclarer non-fondée.
7. Les arrêts sur les
résultats provisoires
Le lendemain, la Cour a
rendu son arrêt déclarant recevable mais non-fondée la requête introduite par
l’UNC. Elle a ensuite publié les résultats définitifs, tels qu’annoncés par la
CENI et a proclamé Joseph Kabila, Président de la République. La Cour a motivé
sa décision essentiellement par le fait que l’UNC n’avait pas apporté la preuve
des fraudes et des allégations d’irrégularités.
L’avis de la MOE UE est
que la CSJ dans le contentieux électoral présidentiel n’a pas appliqué la
nouvelle procédure en menant toutes les enquêtes utiles à la vérification de la
sincérité et la régularité des résultats provisoires, d’une part parce qu’elle
s’est limitée à statuer sur le recours exclusivement à partir des preuves
apportées par le requérant, d’autre part, parce qu’elle a fait une
interprétation « contra legem » de l’article 74 ter, lequel prévoyait la
notification de la requête à toutes les parties intéressées, quand bien même
cette exception « ab initio » eut été soulevée à l’audience publique par les
avocats du requérant. La CSJ en rendant un arrêt déclarant la requête recevable
mais non-fondée sur aucun de ces points, n’a pas véritablement joué son rôle de
garant de la sincérité du scrutin et de gardien de la démocratie, que lui avait
confié le législateur, et s’est comportée comme une simple caisse de résonnance
de la CENI.
Enfin, l’arrêt de la
CSJ proclamant comme définitifs les résultats provisoires tels que publiés par
la CENI n’a pas fait référence aux PV de BV mais aux résultats contenus dans le
CD-Rom communiqué par la CENI le jour de l’annonce des résultats provisoires.
Ce qui, de l’avis de la MOEUE, est regrettable. En effet, le CD-ROM fourni par
la CENI ne reprenait que les données saisies par ordinateur et non les
procès-verbaux scannés de tous les bureaux de vote. Or conformément à la loi
électorale, la CSJ doit recevoir les plis de résultats de chaque bureau de
vote, ce qui laisse penser que cela n’a pas été le cas.
VI- ADMINISTRATION
ÉLECTORALE
1. La CENI
1.1. Mandat et
composition de la Commission électorale nationale indépendante
Mise en place en
février 2011, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a reçu, au
mois d’avril, le mandat d’organiser l’ensemble du cycle électoral 2011-2013,
comprenant les scrutins présidentiel, législatif, provincial et local. En
effet, la Constitution, en son article 211, confie à la Commission la mission
d’assurer la régularité du processus électoral et référendaire 19. Ainsi, la
CENI a pris la relève de la Commission Électorale Indépendante (CEI), alors
dirigée par l’Abbé Malu Malu et en charge des précédents scrutins (notamment en
2005 et 2006) qui ont marqué la fin de la Transition. Les nouveaux commissaires
ont prêté serment début mars 2011, la présidence revenant au Pasteur Daniel
Ngoy Mulunda.
La CENI est ainsi chargée de l'organisation du
processus électoral, notamment de l'enrôlement des électeurs, de la tenue du
fichier électoral, des opérations de vote, de dépouillement et de tout
référendum. Elle assure également la régularité du processus électoral et
référendaire. Le Bureau est l’organe unique de la CENI. Il est composé de sept
membres : un Président, un Vice-président, un Rapporteur, un 1er
Rapporteur-adjoint, un 2ème Rapporteur-adjoint, un Questeur et un
Questeur-adjoint. Quatre commissaires sont désignés par la majorité
présidentielle et les trois autres par l’opposition à l’Assemblée nationale.
Leur mandat est de six ans, non renouvelable. Chaque membre du Bureau dispose
d’un Cabinet qui les assiste dans l’accomplissement de leurs attributions.
Tableau : Les membres
du Bureau de la CENI
Fonction
Nom
Président Pasteur
NGOY MULUNDA Nyanga Daniel
PPRD (majorité présidentielle)
Vice-président Professeur
NDJOLY ESENG’EKELI Jacques
MLC (opposition)
Rapporteur MPITA
PINTHO Tomadia Mathieu
PALU, (majorité présidentielle)
1er Rapporteur-adjoint NDAYE NKONDO
Mulekelay Laurent
ODR
(opposition)
2ème Rapporteur-adjoint
ENONGO
ELOKE Alukata Mamy
CCU (majorité présidentielle)
Questeur KABANGA
KOY Carole
CDC (opposition)
Questeur-adjoint MUHIMUZI
KINJA Elise
Société civile (proche de la majorité présidentielle)
Source : CENI, 2011.
1.2. Structure et
fonctionnement
La Commission
électorale fonctionne avec six directions, présidées chacune par un membre du
Bureau, à l’exception du Président qui en assume la coordination. On retrouve
ainsi : la direction des affaires juridiques ; la direction communication,
publication des résultats, centre national de traitement et télécommunications
; la direction sensibilisation et formation ; la direction inscription des
électeurs, réception et traitement des candidatures et accréditations ; la
direction des finances ; la direction logistique. Chaque direction est ensuite
décomposée en divisions.
Pour son
fonctionnement, la CENI est dotée de la personnalité juridique et de moyens
d’action très importants. En particulier, elle jouit de l’autonomie financière
avec un budget propre, qui est complété par des apports extérieurs (État
congolais, organisations internationales, etc.). La loi attribue, aux membres
de la CENI le bénéfice de l’immunité de poursuite et du privilège de
juridiction dans l’accomplissement de leur mission. La CENI a ainsi contribué à
l’élaboration du cadre juridique et réglementaire.
Afin de remplir sa
mission, la CENI s’est appuyée sur ses ressources techniques et logistiques
mais aussi sur celles de l’État et de ses partenaires internationaux, en
particulier la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation
en République Démocratique du Congo (MONUSCO). Toutefois, et pour la première
fois, la CENI était seule aux commandes du processus électoral à tous les
niveaux. En effet, l’appui de la communauté internationale, en particulier à
travers le financement des bailleurs de fonds et le soutien technique et
logistique de la MONUSCO, n’était plus aussi décisif qu’en 2006.
1. 3. Structure
nationale et démembrements locaux
Organisation
administrative du territoire
Selon l’article 2 de la
Constitution, l’organisation territoriale de la République démocratique du
Congo (RDC) se compose de la ville de Kinshasa ainsi que de 25 provinces.
Cependant, ce découpage n’a pas encore été mis en oeuvre et le pays est
actuellement composé de la ville de Kinshasa et de 10 provinces, lesquelles
sont subdivisées en 24 villes/regroupements de communes 20 et 145 territoires.
Ces territoires et villes, 169 en tout, constituent les circonscriptions
électorales pour les élections parlementaires (cf. infra graphique 3: structure
de l’administration électorale en RDC).
Administration
électorale et démembrements
La mise en place de la
CENI, en début d’année 2011, s’est accompagnée d’une restructuration de
l’administration électorale, notamment au sein des divisions locales. La CENI
est établie à Kinshasa. En plus du Bureau National, elle est constituée d’un
Secrétariat Exécutif National (SEN), qui coordonne les opérations au niveau
national21, et de démembrements dans les provinces. Relais indispensable pour
la conduite des opérations électorales, ces structures locales ont été mises en
place par échelons successifs, suivant l’organisation administrative du pays.
La CENI compte ainsi :
- 11 Secrétariats
Exécutifs Provinciaux (SEP) dirigés par des Secrétaires : Kinshasa, le
Bas-Congo, le Bandundu, l’Equateur, le Kasaï Occidental, le Kasaï Oriental, le
Katanga, le Sud-Kivu, le Nord-Kivu, le Maniema et la Province Orientale.
- 169 Antennes Locales
(AL – équivalent de la circonscription) dirigées par des Chefs
d’Antennes (CA).
- 166 Bureaux de
Réception et de Traitement des Candidatures (BRTC), soit un par circonscription
à l’exception de la province de Kinshasa où il n'y avait qu'un seul bureau en
charge des quatre circonscriptions.
Notons qu’à chaque
niveau, provincial comme territoriale, les démembrements de la CENI se
composent de plusieurs agents électoraux.
Comme en 2006, les
accusations de partialité portées contre la CENI, au niveau local, dès le début
des préparatifs électoraux se sont multipliées23. Alors que la CENI a rarement
réagi directement en réponse aux accusations de clientélisme politique et/ou
communautaire parmi son personnel, elle a néanmoins réalisé plusieurs
rotations/nominations à la tête des démembrements provinciaux (SEP24 ) et
territoriaux (CA25 ) afin de couper court à toute suspicion. Cependant, ces
permutations de personnels à une date si rapprochée de celle du scrutin,
notamment le 15 novembre pour plusieurs CA, ont impacté directement sur
l’organisation du cycle électoral. La phase de formation des agents électoraux
a été ainsi bloquée pendant plus d’une semaine dans l’attente des nominations
définitives et de leurs arrivées au sein des antennes locales. Plusieurs
équipes d’observation ont fait état de retards dans les programmes de
formation, notamment dans le Bas-Congo, en Équateur, dans le Bandundu ou encore
dans le Kasaï oriental.
Les Centres de Vote et
de Dépouillement/ les Bureaux de Vote et de Dépouillement
En vue des scrutins du
28 novembre 2011, la CENI a mis en place 16.948 Centres de Vote et de Dépouillement
(CVD)26 afin d’assurer la coordination et la supervision des opérations
électorales au niveau des 63.865 Bureaux de Vote et de Dépouillement (BVD) pour
la tenue des scrutins. Si le CVD pouvait réunir un ou plusieurs BVD partageant
la même adresse physique (établissement scolaire par exemple), le BVD était le
lieu où se déroulaient à la fois les opérations de vote et celles de
dépouillement. Ils étaient installés, le plus souvent, dans les écoles et
autres lieux publics ou privés connus par la population et mis à la disposition
de la CENI. En dépit des dispositions de la loi électorale, la Commission27 n’a
cependant établi la liste des bureaux de vote que le 28 octobre28. Cela a eu
pour conséquence une publication très tardive de la cartographie des BVD, dans
les meilleurs des cas, une semaine avant la date du scrutin. Un nombre
important d’électeurs ont eu, par conséquent, beaucoup de difficultés à trouver
leur BVD le jour du scrutin (Cf. partie 4.2 Observations des scrutins le 28
novembre 2011).
Le Centre Local de
Compilation des Résultats
Le Centre Local de
Compilation des Résultats (CLCR) est une structure technique, située au niveau
de chaque Antenne Locale, chargée de la centralisation, de la compilation et de
la transmission des résultats aux structures organiques de la CENI29. Au nombre
de 169, ils délibèrent, sous l’autorité du Bureau de la CENI, sur les
réclamations et contestations éventuelles relatives aux erreurs matérielles.
1.4. Personnel et formation
Formation des agents
électoraux
Élaborés en amont du
cycle électoral, les programmes de formations ont été mis en oeuvre avec
l’assistance du Projet d’Appui au cycle Électoral (PACE) géré par le Programme
des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Le 15 octobre 2011, une formation
en cascade des personnels des BVD a débuté à Kinshasa avec la formation de 216
formateurs nationaux et s’est poursuivie avec la formation des Chefs de Centre
de Vote (CCV) réunis dans les chefs-lieux de territoires et 41 sites
supplémentaires 30. Ces derniers ont ensuite conduit des formations au sein des
CVD pour les 321.514 membres des BVD31. Notons que parallèlement,
l’administration électorale a assuré la formation de 5.239 agents des CLCR32.
Toutefois, il faut
relever que la formation en cascade des personnels électoraux, commencée le 15
octobre à Kinshasa, a finalement été réduite, dans certains territoires, en
raison de contingences à la fois matérielle, financière, logistique et
humaine33. Plusieurs équipes de formateurs électoraux provinciaux ont, par
exemple, connu d’importantes difficultés pour rejoindre leurs sites de
formation au Bas-Congo, dans le Bandundu ou encore dans l’Équateur.
Par ailleurs, la liste
définitive des agents électoraux nécessaires à l’organisation des scrutins n’a
été établie que très tardivement en raison de la non-finalisation de la
cartographie des BVD selon les délais légaux. Ainsi, dans un nombre important
de circonscriptions, la formation s’est déroulée sur un seul jour au lieu de
trois comme initialement prévu ; voire parfois à la veille des scrutins, ce qui
ne pouvait qu’affecter d’autant la qualité de l’instruction dispensée.
Enfin, les efforts de
formation ont également été affectés par le manque de communication claire de
la CENI sur plusieurs points relatifs aux procédures de vote par exemple
concernant l’accès puis la rotation des témoins des candidats/partis politiques
au sein des BVD34. De même, la transmission de l’information jusqu’au plus bas
niveau des démembrements étant difficile, le processus a été marqué par le
caractère tardif de plusieurs décisions de l’administration électorale,
notamment celles relatives à la distribution d’une copie des résultats par BVD
aux témoins des candidats/partis politiques35 ou l’autorisation du vote des
électeurs en possession de leur carte mais qui ne figuraient pas sur les listes
électorales.
Paiement des agents
électoraux
En dépit du soutien de
la MONUSCO, le paiement des 350.000 agents électoraux pour la formation, les
opérations de vote, l’agrégation et la transmission des résultats a connu
d’importantes difficultés. Le transfert de certains paiements a été caractérisé
par des retards en raison de différends entre l’administration électorale et le
consortium retenu pour ces opérations, piloté par la société Soficom36. La CENI
est néanmoins parvenue à éviter les principaux écueils, en finalisant les
transferts et en limitant les cas de fraudes au niveau local.
1.5. Les partenaires
internationaux de la CENI dans le processus électoral
Les différentes étapes
du processus électoral ont fait l’objet d’un engagement important de la
communauté internationale. Certes moins important qu’en 2006 (en comparaison
avec la précédente Mission de l'Organisation des Nations Unies en République
démocratique du Congo – MONUC37), du fait de la réappropriation de
l’organisation des élections par la Commission électorale, ce soutien n’en a
pas moins été déterminant pour la tenue de ces élections, notamment en terme
logistique. La MONUSCO a assuré le déploiement du matériel nécessaire à la
tenue des scrutins dans 15 plates-formes principales réparties dans le pays
ainsi que dans 210 plates-formes secondaires.
Depuis sa mise en place
en début d’année 2011, la CENI a bénéficié du soutien logistique et technique
de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et de programmes plus ponctuels dans
le cadre de coopérations bilatérales. La MONUSCO a joué ainsi un rôle notable
dans l’organisation des élections présidentielle et législatives grâce au
soutien de la Division Électorale de la MONUSCO et du Projet d’Appui au Cycle
Électoral (PACE) du PNUD auprès de la CENI. En effet, dans sa Résolution 1991
du 28 juin 2011, qui proroge jusqu’en juin 2012 le mandat de la MONUSCO, le
Conseil de Sécurité indique entre autres choses que « la MONUSCO prêtera son concours
pour l’organisation et la tenue des élections sous forme d’un appui technique
et logistique ». La MONUSCO disposait de ce fait d’une section électorale dans
chaque province et de trois antennes provinciales supplémentaires.
L’appui de la
communauté internationale concernant le soutien financier s’est ensuite
renforcé tout au long du processus électoral. L’ONU a investi près de 108
millions de dollars US (USD) dans les opérations de révision du fichier
électoral, d’organisation des scrutins présidentiel et législatif et de
renforcement des capacités de la CENI, soit 20% du budget total de ces trois
opérations, notamment au travers de son programme PACE. La MONUSCO estime
ensuite à 74 millions USD la valeur de son appui logistique au cycle électoral 2011-
201338. La CENI a également profité de soutiens bilatéraux, amenant à plus du
quart du budget total des opérations électorales la part des supports
internationaux.
1.6. Une administration
électorale fragilisée
La composition
politique de la CENI, réalisée dans un relatif consensus à sa création, n’a
cessé d’alimenter, à l’approche des scrutins, des polémiques de la part de
l’opposition congolaise. Du fait de son boycott des précédents scrutins, l’une
des principales forces de l’opposition, l’UDPS, s’est retrouvée exclue des
nominations des membres de la nouvelle Commission électorale par l’Assemblée
nationale et par conséquent en marge de l’organisation du processus. Dans ce
contexte, les commissaires, particulièrement ceux issus de la majorité présidentielle
(quatre sur sept), ont fait l’objet de fortes critiques dans l’organisation des
scrutins et même de suspicions d’arrangements électoraux. L’opposition avait
d’ailleurs organisé durant plusieurs semaines, tous les jeudis à partir du mois
de juillet, une manifestation devant le siège de la CENI à Kinshasa, pour
protester notamment contre le nouveau fichier électoral. Ces manifestations qui
donnaient lieu régulièrement à de nombreux débordements. Ils se sont taris dans
le courant du mois de novembre 2011, mais la polémique a perduré tout au long
du processus électoral, notamment lors de la phase clef de la compilation et de
l’annonce des résultats.
La nomination du
Pasteur Daniel Ngoy Mulunda, un proche du Président sortant Joseph Kabila, à la
tête de la CENI a eu, ensuite, pour conséquence la démission de Flavien Misoni,
membre du MSR (majorité présidentielle), deuxième questeur adjoint et proche
collaborateur de l’Abbé Malu Malu au sein de l’ancienne CEI, quelques jours
après la mise en place de la Commission. Cette nomination du Pasteur Mulunda a
valu à la CENI d’avoir à faire face à de nombreuses récriminations, tout au
long du processus, de la part des partis politiques, des candidats et des
organisations de la société civile engagés dans ce cycle électoral.
2. Le corps électoral
2.1 Références légales
L’enregistrement des
électeurs est régi par l’article 5 de la Constitution41, la loi n°04/028 du 24
décembre 2004 portant identification et enrôlement des électeurs en République
Démocratique du Congo, la loi électorale de 2006 et sa modification de juin
2011 ainsi que la loi n°04/24 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité
congolaise. Est ainsi électeur toute personne de nationalité congolaise âgée de
18 ans révolus à la date de clôture des opérations d’enregistrement, jouissant
de ses droits civils et politiques, et se trouvant sur le territoire de la RDC
au moment de son inscription. Ne peuvent cependant prétendre à la qualité
d’électeur : les personnes frappées d’une incapacité mentale totale
médicalement prouvée ; les personnes privées par décision judiciaire définitive
de leurs droits civils et politiques ainsi que les membres des Forces Armées de
la République démocratique du Congo (FARDC) et de la Police Nationale
Congolaise (PNC).
2.2 Constitution du
fichier électoral biométrique
Malgré l’établissement
d’un premier fichier électoral biométrique en 2005/2006 et sa révision en 2009,
l’administration électorale a pris le parti de reprendre entièrement les
opérations d’enrôlement en 2011. Les procédures d’enregistrement, d’émission de
la carte d’électeur et de création des listes électorales sont définies par la
loi sur l’enrôlement, complétées par les décisions de la CENI. Les Congolais
étaient tenus de respecter la compétence territoriale des Centres d’Inscription
(CI) selon leur lieu de résidence principale, ou temporaire, et d’apporter la
preuve de leur éligibilité. En effet, la personne désirant s’inscrire devait
fournir une pièce prouvant son identité (certificat de nationalité, carte d’étudiant,
carte d’électeur de 2006 ou de 2009, etc.). À défaut, le témoignage de cinq
témoins déjà inscrits sur la liste électorale du même CI et résidant depuis au
moins cinq ans, dans la zone relevant du ressort du CI, pouvait être pris en
compte42. L’enregistrement biométrique était alors immédiatement concrétisé par
la remise immédiate d’une carte d’électeur, ayant également valeur de pièce
d’identité.
La liste des électeurs
devait être publiée par province et par circonscription électorale au plus tard
trente jours avant la date de début de la campagne électorale43. Tout électeur,
candidat et parti politique devait pouvoir se procurer ces listes dans les
conditions fixées par la CENI. Par ailleurs, dans chaque BVD, la liste des
électeurs devait être affichée trente jours avant la date des scrutins. Le
nouveau fichier électoral compte désormais 32.024.640 électeurs, (dont 49,68%
de femmes).
2.3 Évaluation du
fichier électoral
Des opérations de
révision du fichier mal-maîtrisées
L’opération de révision
du fichier électoral s’est déroulée sur l’ensemble du territoire dans plus de
12.000 Centres d’Inscription (CI) durant le premier semestre 2011. Le recours à
une technologie avancée, avec la collecte des données biométriques, devait
permettre la délivrance immédiate des cartes d’électeur et minimiser les
risques de fraudes. Toutefois, l’ampleur des contraintes logistiques et
techniques, le manque d’accessibilité à de nombreuses populations ou encore les
diverses pannes techniques ont gêné le bon déroulement des opérations. Les
opérations de révision devaient initialement se terminer début juillet, mais
une prolongation d’une dizaine de jours a été nécessaire dans six provinces
(Bandundu, Equateur, Kasaï Oriental, Province Orientale, Nord-Kivu et Sud-Kivu).
Il en est allé de même à Kinshasa en raison du faible taux d’inscrits à la
première date de clôture. Enfin, si le traitement des données a plutôt bien
fonctionné au Centre National de Traitement (CNT) basé dans la capitale
congolaise, une certaine lenteur a caractérisé le ramassage des données dans
les provinces, ralentissant de ce fait le processus de révision dans son
ensemble.
Dans certaines régions,
les opérations d’enregistrement n’ont donc pu être aussi inclusives ue prévu
par la CENI. Une faible sensibilisation des électeurs a caractérisé plusieurs
régions, notamment à Kinshasa, zone à priori favorable à l’opposition45. Par
ailleurs, la distribution des CI et la répartition du nombre de kits
d’enregistrement par province a parfois révélé des disparités de traitement
entre provinces ou au sein d’un même territoire. L’enregistrement des électeurs
a alors fait l’objet de contestations par plusieurs associations de la société
civile et partis d’opposition. Des règles divergentes d’application dans les modalités
d’inscription selon les CI, des taux importants d’erreurs de saisies et/ou de
traitement, des inscriptions multiples ainsi que l’enregistrement de mineurs et
d’étrangers ont été évoqués de manière récurrente par les différents acteurs du
processus46. Pour finir, un manque de transparence et d’explications
méthodologiques claires a entouré la finalisation du nombre total d’électeurs
du fichier, particulièrement les opérations de nettoyage du fichier électoral
(doublons, etc.).
Ainsi, alors qu’un premier
bilan sur le fichier électoral faisait apparaître 2,1 millions de doublons
devant faire l’analyse plus fine, quelques jours plus tard, la CENI avançait le
chiffre de 119.000 doublons 47 en se basant sur un rapport rendu en août 2011
par la société congolaise, Hologram48 In fine, les opérations de nettoyage ont
été effectuées après la distribution des cartes d’électeur ; ce qui implique
que les cartes d’électeur résultant des doubles inscriptions étaient encore en
circulation lors du scrutin.
Dans ce contexte, des
interrogations fortes autour de l’intégrité et de l’inclusivité du fichier
électoral ont subsisté tout au long du processus et abouti à la remise en cause
de la qualité du fichier par l’un des principaux partis d’opposition, l’UDPS.
Ce dernier a transmis un mémo, le 18 octobre 2011, à la Commission électorale
faisant état de plusieurs dysfonctionnements concernant l’enrôlement et
l’établissement dudit fichier Ces dysfonctionnements étaient principalement :
la distribution de cartes à des mineurs, les sous-estimations de l’électorat
des certaines provinces, l’absence de certains territoires dans le fichier, le
manque de cartes d’électeurs ou bien encore l’éloignement de certains centres
d’inscription des électeurs cibles dans certaines provinces.
L’UDPS a de même
introduit auprès de la CENI une demande d’accès au serveur central et d’audit
du fichier électoral. Bien qu’ayant reçu l’autorisation d’y accéder le 27
octobre 2011, l’UDPS n’a jamais eu la possibilité à se livrer à ses
investigations, l’administration électorale prétextant à plusieurs reprises des
problèmes de procédure afin d’annuler les rendez-vous. Ce débat non réglé
autour du fichier électoral a affecté la transparence du processus électoral
tout autant que la crédibilité de la CENI.
Une publication des
listes retardée
La finalisation des
opérations portant sur le fichier électoral en septembre 2011 a impacté la
publication des listes définitives par la CENI. En effet, selon la loi
électorale modifiée, la liste des électeurs devait être publiée par province et
par circonscription électorale au plus tard trente jours avant la date de début
de la campagne électorale, soit le 29 septembre50. Or ce délai n’a pas été
respecté par la CENI qui n’a publié sur son site Internet dans les délais
légaux que les listes de trois provinces. Les listes des autres provinces ont
été mises en ligne dans le courant du mois d’octobre ; cette manière de
procéder, outre qu’elle n’est pas conforme à la loi, pose avec acuité le
problème de la transparence, de la vérification et de l’accès aux listes par
les électeurs, les candidats et les partis politiques.
La question des
électeurs « omis »
Les difficultés qui ont
entouré la phase de révision du fichier électoral, notamment relatives à la
récupération des résultats de l’enregistrement, ont conduit à la perte des
données personnelles (CD-ROM perdus ou illisibles, données effacées, etc.) de
plusieurs centaines de milliers d’électeur 51 pourtant régulièrement inscrits.
Parallèlement, en raison d’une finalisation tardive de la liste des BVD,
l’administration électorale n’a achevé l’impression définitive de cette
dernière et sa distribution que très tardivement (durant les deuxième et
troisième semaines de novembre), réduisant la période d’affichage des listes à quelques
jours seulement avant la tenue des scrutins et uniquement dans les chefs-lieux
de territoire. Les possibilités de contrôle par les électeurs de leur présence
ou non sur les listes ont donc été quasi-impossibles dans la majorité des
circonscriptions. Un nombre assez considérable mais indéterminé de personnes en
possession régulière d’une carte d’électeur, se retrouvait ainsi « omis » des
listes électorales sans le savoir.
L’absence d’affichage
dans les BVD des listes de ces électeurs légitimement inscrits a constitué une
grave défaillance dont les conséquences ont eu un impact très important sur le
déroulement des scrutins du 28 novembre. En effet, la CENI, prise de court, a
finalement autorisé le 25 novembre 2011 « tout électeur qui dispose d’une carte
d’électeur et dont le nom n’est pas repris sur la liste des électeurs et
n’émarge pas sur la liste des radiés sera admis à voter dans le site de vote
mentionné sur sa carte d’électeur ou le site de vote le plus proche dans la
même circonscription ». Cette disposition, en donnant un accès au vote en
dehors des listes électorales établies, a ouvert une brèche dans les garde-fous
essentiels à l’intégrité des scrutins qui permettaient de s’assurer de
l’éligibilité des votants. Le jour du vote, la MOE UE a pu constater une
l’utilisation intempestive des registres de dérogation, faisant généralement
office de registre des omis. Ce sont finalement 3.262.725 électeurs qui ont
voté sur ces listes de dérogés/omis, soit 17,98% du total des votants (Cf.
partie 5. Observations des scrutins le 28 novembre 2011).
3. Enregistrement des
candidats
L’établissement des
listes de candidats, à l’élection présidentielle comme pour la députation,
constituait une étape clé du processus, donnant le coup d’envoi à une série
d’opérations particulièrement longues de conception, de production puis
d’acheminement des bulletins de vote à l’ensemble des circonscriptions.
3.1 Dispositions
légales
L’élection
présidentielle
Tout (e) candidat (e) à
l’élection présidentielle doit posséder la nationalité congolaise, être âgé de
trente ans au moins, jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques
et avoir au moins un diplôme de graduat ou justifier d’une expérience
professionnelle d’au moins cinq ans dans l’un des domaines suivants :
politique, administratif, économique ou socio-culturel. Le cautionnement, non
remboursable, était de 55.000 USD. Si en 2006, trente-trois candidats avaient
participé au scrutin présidentiel, ils n’étaient que onze en 2011.
L’élection législative
Les candidats (es) à la
députation nationale devaient posséder les mêmes qualités que pour l’élection
présidentielle à l’exception de la condition d’âge qui n’est que de vingt-cinq
ans minimum. Le cautionnement, non remboursable, est de 270 USD par liste/par
candidat. Aussi, et à l’inverse du scrutin présidentiel, le nombre de candidats
à la députation a fortement augmenté depuis le précédent exercice. Alors qu’en
2006, 9.707 candidatures avaient été validées, on en comptait 18.864 en 2011,
soit plus de 94% de compétiteurs supplémentaires.
En plus de la
multiplication des organisations partisanes depuis les dernières élections
législatives et du retour de l’UDPS dans la compétition électorale, le faible
montant de cautionnement a contribué de fait à l’explosion des candidatures à
la députation nationale.
3.2 Procédures
d’enregistrement des candidatures
Pour mener à bien la
phase d’enregistrement des candidatures, la CENI s’est appuyée sur les 166
Bureaux de Réception et de Traitement des Candidatures (BRTC) répartis sur
l’ensemble du territoire congolais. L’administration électorale a ouvert la
période d’inscription des candidats aux deux élections début août 2011 pour une
publication des listes définitives initialement prévue le 17 septembre suivant.
Publication des listes
provisoires
La publication des
listes provisoires de candidats par la CENI a été contestée. En effet, 90
recours ont été déposés devant la Cour Suprême de Justice (CSJ), six relatifs à
l’élection présidentielle et 84 aux élections législatives. La plupart de ces
recours ont été déclarés irrecevables par la CSJ pour des raisons de forme,
illustrant le faible niveau de formation juridico-électorale des candidats.
Certains de ces recours faisaient référence à la présence dans les listes
provisoires de certaines circonscriptions, d’un nombre de candidats supérieur
au nombre de sièges, ce que la loi électorale considère comme une cause de
radiation des candidats du parti politique concerné. La CENI a alors argué que
ces problèmes de listes avaient été causés par des erreurs techniques relevant
des programmes informatiques utilisés pendant la compilation mais aussi du fait
qu’un nombre important de candidats s’étaient inscrits dans les tous derniers
jours de la période officielle d’enregistrement. Notons que ces problèmes
informatiques ont perduré lors de l’impression des listes définitives.
Publication des listes
définitives
Néanmoins, le recours
de l’UDPS à l’encontre du PPRD à ce sujet a été rejeté par la Cour Suprême de
Justice pour des raisons de forme, le recours ayant été déposé hors délai. Cet
arrêt de la Cour Suprême a été critiqué par l’UDPS. En effet, ces derniers ont
fait remarquer que la publication des listes provisoires des candidats avait
duré trois jours après la date officielle de publication ; or les listes que
l’UDPS contestait ont été publiées à la fin de cette période. Alors qu’ils
considèrent avoir effectué leur recours dans les délais prescrits (c’est-à-dire
dans les quatre jours à compter de la date effective de publication de ces
listes), la Cour Suprême quant à elle, s’est référée à la date officielle pour
statuer.
Au 8 septembre 2011,
soit quelques 3 jours avant la clôture officielle de la période
d’enregistrement des candidatures, la CENI n’enregistrait alors que 4 000
prétendants à la députation. Entretien avec le Vice-président de la CENI, le 17
octobre à Kinshasa. Par exemple, la CENI avait « supprimé » sans raison les
candidats de l’AFRC à Masi-Manimba dans le Bandundu ou bien le nom d’un
candidat PPRD à Mweka (Kasaï Oriental).
La publication de la
liste définitive des candidats n’a pu se faire le 17 septembre que pour
l’élection présidentielle et ses onze prétendants. Compte-tenu du nombre
important des candidats, la publication de la liste définitive des candidats à
la députation n’a finalement eu lieu que le 20 octobre, soit avec trois
semaines de retard sur le calendrier prévu. En effet, après les arrêts rendus
par la CSJ concernant les listes provisoires de candidats, la CENI a fait
publier des « listes définitives » qui comportaient de nombreuses anomalies
(attribution du même numéro à plusieurs candidats, mauvaise orthographe des
noms, omissions de listes ou de candidats, etc. …), obligeant l’administration
électorale à ouvrir une nouvelle phase de corrections des listes avant
l’impression des bulletins de vote.
4. Préparation des
scrutins présidentiel et législatifs
Il est toujours apparu
essentiel pour la CENI de s’assurer que les scrutins aient lieu avant la date
symbolique du 6 décembre, fin officielle du mandat présidentiel. En effet, en
dépit de la mise en place tardive de la nouvelle CENI (mars 2011) et de la
promulgation très tardive de la loi électorale révisée (août 2011), le
gouvernement congolais a exercé une forte pression sur l’administration
électorale afin qu’un calendrier fixant la date des scrutins en novembre soit
tenu, au mépris des réalités techniques. La CENI a été, de ce fait, contrainte
d’annoncer, le 30 avril 2011, un calendrier fixant la date des scrutins au 28
novembre 2011. Cet agenda serré a alors suscité de nombreuses spéculations sur
la faisabilité de la tenue des élections, autant sur un plan logistique que
politique. Dans un climat de méfiance et de suspicion, les insuffisances voire
les maladresses de la CENI en matière de communication ont, tout au long du
processus, alimenté les polémiques générées par l’existence de problèmes
logistiques et techniques tels que l’élaboration du fichier électoral, la
cartographie des bureaux de vote, la publication des listes électorales, le
transport du matériel sensible et non-sensible.
4.1 Éducation civique
et information des électeurs
Étape essentielle de
toute consultation démocratique, la sensibilisation de la population aux enjeux
et procédures des scrutins revêtait une importance particulière. Or la
Commission électorale ne s’est que très faiblement investie dans la
sensibilisation des électeurs lors du cycle 2011. Alors que la RDC reste
caractérisée par un taux élevé d’analphabétisme et un système électoral
complexe (notamment pour la députation), cet effort aurait dû être prioritaire.
La MOE UE a pu
constater que la sensibilisation des électeurs a été essentiellement assurée
par la Fondation Internationale pour les Systèmes Électoraux (International
Foundation for Elections Systems – IFES). IFES s’est alors appuyé sur son
programme VOICE (Vot er Opinion and Involvement through Civic Education), mis
en oeuvre depuis septembre 2009. Il s’agit d’un projet d’éducation civique et
électorale réalisé en collaboration avec des partenaires congolais, notamment
des organisations de la société civile, la CENI et ses démembrements ainsi que
des partenaires internationaux tels que la MONUSCO. Pour cela, IFES a notamment
organisé des sessions de sensibilisation à la base59, sur des campagnes
médiatiques ou bien encore sur des caravanes motorisées. Toutefois, les
observateurs de l’Union européenne ainsi que des représentants d’IFES en
province indiquent la faiblesse des moyens mis en œuvre pour la sensibilisation
et le caractère tardif de certaines campagnes, notamment dans plusieurs
communes de Kinshasa, dans le Kasaï occidental, dans le Maniema ou encore dans
certaines parties du Katanga. La faible connaissance des procédures de vote par
la population et le recours important à une assistance au vote durant les
scrutins ont cependant mis à jour les limites de cette sensibilisation.
4.2 Préparatifs
électoraux
Plusieurs sessions de
sensibilisation, organisées par des organisations de la société civile
congolaise et soutenues par IFES, ont été rapportées par nos équipes, notamment
dans les Kasaï et au Katanga. Opérations de grande visibilité afin de rappeler
aux citoyens l’importance de leur participation au processus électoral, ces
caravanes ont notamment été observées au Bas-Congo et dans l’Équateur. Dans 57%
des BVD observés par les équipes de la MOE UE, des électeurs ont eu recours au
vote assisté. Le nombre très élevé de candidatures aux élections législatives
et la complexité du mode de scrutin nominatif à listes ouvertes ont fait de la
conception et de l’impression des bulletins un défi technique majeur,
engendrant des délais supplémentaires dans le calendrier électoral. Les
bulletins de vote destinés aux circonscriptions urbaines étaient
particulièrement compliqués d’utilisation (jusqu’à 55 pages à Kinshasa),
accentuant les difficultés logistiques et d’utilisation, par les agents
électoraux comme par les électeurs.
La distribution du
matériel électoral a été l’un des principaux enjeux de l’organisation des
scrutins présidentiel et législatifs. Tout d’abord, les contraintes logistiques
inhérentes à la superficie et à la géographie du pays, le choix des
fournisseurs (en Europe, en Afrique et en Asie) et le calendrier électoral très
serré ont eu pour effet de générer de multiples goulots d’étranglement au moment
de la distribution vers les plates-formes régionales (système reposant sur 15
hubs principaux et 210 plateformes secondaires), du matériel sensible et non sensible,
et ce malgré une mobilisation quasi-continue des moyens aériens de la CENI et
de ses partenaires internationaux. Ensuite, le couplage des deux élections a
posé d’importants problèmes techniques à la Commission : taille des bulletins
et leur impression, production et multiplication des urnes, imprimés électoraux
différenciés, etc. Enfin, dans la plupart des territoires observés,
l’acheminement du matériel a été marqué par de sérieuses difficultés
logistiques, notamment en raison du manque de moyens humains, de transport et
de carburant à la disposition des antennes locales. Tout ceci a entraîné de
nombreux retards et obligé la Commission à distribuer du matériel électoral
jusqu’au jour même des scrutins avec des succès relatifs, malgré l’important
soutien de la MONUSCO et le prêt de moyens aériens par plusieurs partenaires
régionaux (Angola, Afrique du Sud, Congo-Brazzaville, Ouganda). Une
distribution inégale du matériel dans le pays, avant et pendant les scrutins, a
alors été constatée par nos équipes d’observateurs dans la plupart des
provinces du pays.
De plus, le plan de
déploiement du matériel électoral a été affecté par la finalisation très
tardive, le 28 octobre 201165, de la cartographie des bureaux de vote et de la
liste des électeurs par BVD. La CENI n’a au final achevé l’impression et la
publication de ces listes que quelques jours avant le 28 novembre, alors que la
loi électorale prévoyait leur publication 30 jours avant la date du scrutin.
. L’impression des
bulletins de vote s’est faite en Afrique du Sud. Débutée fin octobre, cette
impression s’est déroulée jusqu’au jour même des scrutins. L’acheminement a été
assuré par l’armée Sud-africaine vers une quinzaine de hubs principaux puis par
la MONUSCO vers les échelons inférieurs. Initialement prévue en Allemagne, la
production des urnes a finalement été réalisée en Chine avec une modification
des caractéristiques de production. Plus de 80.000 urnes plastifiées d’environ
5 kg pièce ont ainsi été acheminées en RD Congo grâce à une vingtaine de vols
spéciaux. La MO EUE a pu constater l’ouverture de BVD au-delà de la phase
légale du 30 novembre dans certains territoires de l’Équateur, du Bandundu et
des Kasaï.
5. Observation des
scrutins présidentiels et législatifs du 28 novembre 2011
À l’occasion des
scrutins présidentiels et législatifs, la MOEUE avait un dispositif
d’observation de 147 observateurs répartis dans toutes les provinces du
territoire congolais afin d’évaluer le processus sur un échantillon
représentatif et géographiquement équilibré de près de 678 bureaux de vote. À
l’issue des scrutins, plus d’une quarantaine d’observateurs de long terme ont
assuré un suivi attentif de la phase cruciale d’établissement des résultats au
sein des CLCR du pays.
5.1 Observations des
scrutins
Ouverture
Les scrutins du 28
novembre 2011, prolongés les 29 et 30 pour des raisons logistiques, ont
enregistré une participation généralement importante sur l’ensemble du pays. En
participant largement aux scrutins, que ce soit en tant qu’électrices ou bien
comme membres de bureaux de vote, les femmes ont confirmé leur forte
implication dans le processus malgré un faible nombre de candidates aux
scrutins.
Les difficultés
rencontrées lors des préparatifs logistiques ont conduit à de nombreux retards
quant à la mise en place des bureaux de vote. Ainsi, seuls 15% des bureaux de
vote observés ont ouvert à l’heure. L’ouverture a, la plupart du temps, été
retardée en raison de l’absence du matériel électoral sensible (liste des
électeurs, bulletins de vote, imprimés électoraux, etc.), notamment dans les
provinces du Kasaï Oriental, Kasaï Occidental, du Katanga, du Bandundu, et dans
plusieurs centres de vote de la capitale congolaise. Plus de 20% des BVD
observés ont compté plus d’une heure de retard à l’ouverture. Par ailleurs,
dans les BVD qui ont ouvert selon les délais légaux, les agents électoraux ont
généralement accordé peu de temps aux formalités administratives de contrôle et
ont procédé rapidement à l’ouverture des scrutins. Enfin, un nombre important
d’électeurs ont rencontré des difficultés à trouver leur bureau de vote en
raison du déficit d’information de l’administration électorale quant à
l’affectation des électeurs par BVD. La présence des chefs de centres de vote a
toutefois contribué à améliorer l’orientation des électeurs vers leurs bureaux
d’affectation.
Procédures de vote
De manière générale, la
MOE UE a relevé une bonne maîtrise des procédures de vote par les membres des
bureaux de vote, même si le contrôle de l’encre indélébile à l’entrée des
électeurs n’a pas été systématique. Le secret du vote a généralement été
garanti. Les observateurs de la MOE UE ont cependant constaté une
sensibilisation insuffisante des électeurs aux procédures de vote, notamment
dans l’utilisation des bulletins de vote à la députation, ce qui s’est souvent
traduit par un ralentissement des opérations. Pour finir, les témoins des
candidats/partis politiques ont assuré une représentation pluraliste dans la
grande majorité des bureaux de vote observés. Des cas de refus d’accès des BV
aux témoins par des présidents de bureaux de vote ont toutefois été rapportés
par les équipes de la MOE UE dans près de 10% des bureaux de vote observés.
Par ailleurs, les
observateurs de la MOE UE ont observé directement un nombre important de
défaillances le jour des scrutins. Dans 79% des bureaux de vote observés, des
irrégularités de procédures ont été constatées. Si, le plus souvent, elles
peuvent être considérées comme mineures, le dispositif de garde-fous contre la
fraude, qui caractérise tout système électoral fiable et conforme aux standards
internationaux, a parfois été mis à mal. Il s’agissait notamment de l’absence
systématique de vérification de l’encre (dans 48% des cas observés), d’une
mauvaise utilisation des scellés pour les urnes (dans 17% des BVD visités), et
de l’utilisation intempestive, des registres de dérogation, faisant
généralement office de registre des omis. Au final, ce sont 3 262 725 électeurs
qui ont voté sur ces listes de dérogés/omis, ce qui représente 17,98% du total
des votants 68. Les provinces les plus marquées par ce phénomène sont, selon la
CENI, Kinshasa (27,77%), le Nord-Kivu (24,5%), l’Équateur (20,29%), le Sud-Kivu
(19,02%) et le Bandundu (18,54%). Enfin, la circulation de très nombreux
bulletins de vote en dehors des CVD/BVD, pré-marqués ou non, a même été
constatée par la MOE UE ainsi que par les différentes missions d’observations
nationales et internationales le jour du scrutin dans la plupart des provinces
du pays.
Malgré l’attachement
des électeurs congolais au processus électoral, et bien que la majorité d’entre
eux se soient exprimés dans le calme, des incidents graves ont marqué ces
scrutins, causant la mort de plusieurs personnes, notamment au Kasaï Oriental,
en Équateur et à Kinshasa (incidents à la suite d’allégations de fraudes et de
bourrages d’urnes, actes de violence à la suite du mauvais fonctionnement de
bureaux de vote, actes d’intimidation ou encore destruction de bureaux de
vote). En fait, la sécurisation du processus électoral, généralement effectuée
par les agents de la Police Nationale Congolaise (PNC), a été caractérisée par
de nombreuses défaillances (versement tardif de fonds, etc.) et logistiques, et
a eu pour conséquence le recours militaires et à des gardes privés comme ce fut
le cas à Kinshasa, et ce en totale contradiction avec la loi électorale.
À titre de comparaison,
en 2006 lors du second tour de l’élection présidentielle, 291.214 personnes
avaient voté sur la liste des omis et 1.103.041 sur le registre de dérogation
(MOE UE, 2006).
Dépouillement
Ouvertes dans la foulée
de la journée électorale, les phases de dépouillement des résultats au sein de
chaque BVD et de transmission des plis sécurisés ensuite aux CLCR se sont
généralement déroulées dans le calme. Dans la plupart des bureaux de vote
observés, les agents ont procédé au dépouillement sans discontinuer, immédiatement
après la clôture du vote, en dépit de la fatigue accumulée. Toutefois, la
simultanéité des deux scrutins et la complexité des bulletins de vote pour la
députation ont souvent rendu le dépouillement assez long.
5.2 Rôle des
observateurs nationaux
La mobilisation
importante d’une observation nationale non-partisane représentait une garantie
supplémentaire de la régularité des scrutins. Aussi, et afin de fédérer les
différentes missions d’observation nationale, une dynamique de rapprochement de
ces dernières sous une même ombrelle s’est mise en place, notamment sous
l’impulsion de l’École de Formation Électorale en Afrique Centrale (EFEAC) et à
l’initiative de l’ancien Président de la Commission Électorale Indépendante,
l’Abbé Malu Malu. Une dizaine d’organisations ont pu ainsi se regrouper pour
mieux se coordonner le jour du scrutin et arriver à un déploiement
d’observateurs dans l’ensemble des circonscriptions. Une onzième structure, la
Commission Africaine pour la Surveillance des Élections (CASE), a également
observé les scrutins.
Toutefois, la
mobilisation des observateurs nationaux est restée relativement modeste en
comparaison de celle de 2006. Selon les données communiquées par la CENI,
187.238 accréditations pour les observateurs nationaux ont été distribuées pour
les scrutins du 28 novembre 2011. Les réseaux issus de la société civile et des
confessions religieuses ont souvent mené un travail de formation important. La
Commission Épiscopale Justice et Paix (CEJP) a même bénéficié du soutien du Centre
Carter pour la formation et la sensibilisation de plus de 6.000 de ses membres
aux techniques d’observation. Toutefois, les organisations de la société civile
ont généralement manqué de moyens et de soutiens techniques, limitant d’autant
leur possibilité d’observation.
Aucune organisation n’a
ainsi pu réussir à couvrir l’ensemble des BVD. La Conférence Épiscopale
Nationale du Congo (CENCO), s’appuyant sur la CEJP, a fourni les effectifs les
plus nombreux, avec près de 32.000 observateurs nationaux à travers tout le
pays. Dans ce contexte, la présence des observateurs nationaux a été remarquée
lors des opérations de vote. Le déploiement d’observateurs nationaux a été plus
restreint durant les opérations de compilation des résultats dans les Centres locaux
de compilation des résultats (CLCR) en raison d’un manque important de moyens
logistiques et financiers. L’accès des observateurs à l’ensemble des étapes de
la compilation des résultats a par ailleurs été rendu difficile par la
résistance de certains membres de CLCR, notamment à Kinshasa, dans les Kasaï,
dans les Kivu, au Bandundu et en Equateur.
5.3 Rôle des témoins
des candidats/partis politiques
La présence des témoins
des candidats/partis politiques n’a pas été systématique dans les bureaux de vote
durant les jours du scrutin. Seules quatre formations partisanes, le PPRD,
l’UDPS, le MSR et l’UNC ont réussi à se déployer dans la quasi-totalité des
territoires. Garde-fou essentiel pour assurer la transparence des scrutins et
donc l’acceptation des résultats, la présence et les performances des témoins
ont été limitées à plusieurs niveaux :
• le système de
rotation des témoins au sein des BVD n’a pas permis une observation continue
par au moins un témoin de la majorité présidentielle et un témoin de l’opposition
dans 21% des cas observés. Cela a été particulièrement le cas au Katanga et
dans une moindre mesure à Kinshasa et dans le Nord-Kivu ;
• l’affichage des
résultats du BVD, aussitôt après le dépouillement, pour examen public, n’a pas
été réalisé pour le quart des bureaux suivis ;
• dans 43% des BV
observés à la clôture, la copie des résultats n’a pas été remise aux témoins
des candidats/partis politiques malgré l’assurance de la CENI de fournir un
minimum de 10 copies des fiches de résultats par BVD. Or ces PV constituaient
une base essentielle de calcul parallèle des résultats pour les organisations
partisanes et devaient servir de « preuves » éventuelles dans la formulation de
recours ;
• la performance des
témoins a souvent été médiocre. Ils sont généralement restés passifs face au
manque de mise en œuvre de la plupart des garde-fous nécessaires pour préserver
l’intégrité des scrutins. Par ailleurs, dans seulement 18% des BVD visités, des
réclamations, observations ou contestations ont été inscrites sur les procès-verbaux.
Les retards dans la
formation des membres des bureaux de vote par la CENI ont enfin affecté la
communication claire de la CENI concernant l’accès la rotation des témoins des
candidats/partis politique aux bureaux de vote.
6. Établissement des
résultats
6.1 Centralisations
locale et nationale des résultats provisoires
Compilation des
résultats
Commencée la nuit
suivant le premier jour du scrutin dans la majorité des 169 CLCR, la procédure
de compilation des résultats a été caractérisée par des situations très
contrastées. Si les équipes de la MOE UE ont observé une organisation plutôt
efficace au Bas-Congo, dans le Nord-Kivu ou encore dans certaines parties de la
Province Orientale, les CLCR de Kinshasa, du Sud-Kivu, de l’Equateur et du Sud
Katanga ont connu des situations organisationnelles plus difficiles, voire
chaotiques. L’arrivée massive des Chefs de centres de vote au niveau des CLCR a
créé un goulot d’étranglement avec, pour conséquence, le stockage du matériel
électoral sans protection à l’extérieur des bâtiments, et notamment en milieu
urbain. La transmission des plis sécurisés à destination de la CENI, du
Secrétariat Exécutif Provincial (SEP) et de la Cour Suprême de Justice (CSJ)
n’a pas été systématique et immédiate. Enfin, le système de transmission des
résultats par satellite, dit « V-sat », n’était présent que dans les 2/3 des
CLCR observés.
Par ailleurs, la
procédure de compilation des résultats au niveau des CLCR devait également être
garantie par plusieurs garde-fous, dont la présence des témoins des
candidats/partis politiques à toutes les étapes de la compilation, leurs
signatures de la fiche de compilation et du procès-verbal ainsi que l’affichage
public des résultats agrégés au niveau du territoire (article n°70 de la loi
électorale). Cependant, cette dernière a connu plusieurs entorses posant avec
acuité la question de la crédibilité des résultats de plusieurs CLCR. Les
procédures ont été jugées peu transparentes par les observateurs de la MOE UE
au Katanga, dans le Sud-Kivu, à Kinshasa et dans la Province Orientale où
plusieurs témoins de candidats/partis politiques et observateurs ont été
empêchés d’observer l’ensemble des étapes de la compilation72. La plupart du
temps, leur positionnement dans les CLCR ne leur permettait pas un accès à
l’information à toutes les étapes. Enfin, en contradiction avec la loi
électorale, le bureau de la CENI a demandé à plusieurs CLCR de ne pas afficher
immédiatement les résultats de la compilation pour examen public mais de les
envoyer avant au siège central en vue d’« un contrôle de cohérence ». Les
observateurs ont été les témoins de cette entorse grave à Goma, Mbandaka,
Mbanza-Ngungu, Kinshasa, Kisangani et Lubumbashi.
Mise en place d’une
commission ad hoc de consolidation des résultats et processus de compilation
national
Conformément à
l'article 57 portant sur les mesures d'application de la loi électorale, la
CENI a constitué une « Commission ad hoc » afin de « consolider les résultats
transmis » par les CLCR. Cette commission, composée des membres du Bureau de la
CENI, de plusieurs de ses cadres et d’experts de la division électorale la
MONUSCO et du programme PNUD/PACE, a statué sur l’ensemble des PV de CLCR avant
la publication des résultats nationaux provisoires. L’absence de témoins de
candidats/partis politiques mais aussi d’observateurs lors de cette phase clef
du processus de compilation a clairement porté atteinte à la transparence de
l’administration électorale. En outre, la CENI a refusé aux témoins des candidats/partis
politiques, aux observateurs, et ce malgré leurs demandes répétées, l’accès au
Centre National de Traitement (CNT), organe de réception des résultats avant
transmission à la « Commission ad hoc ».
6.2 Proclamation des
résultats provisoires
Proclamation des
résultats provisoires de l’élection présidentielle le 9 décembre 2011
L’annonce des résultats
provisoires, initialement prévue le 6 décembre 2011, a connu deux reports pour
finalement se tenir trois jours plus tard, soit le 9 décembre. Les raisons
avancées pour ces reports successifs étaient officiellement d’ordre technique
et logistique. La CENI a notamment expliqué qu’elle n’avait pas reçu la
totalité des procès-verbaux de consolidation en provenance des 169 CLCR. Les
résultats provisoires nationaux annoncés le 9 décembre restaient toutefois
incomplets. Tout d’abord, les résultats de cinq CLCR n’avaient pas encore été
compilés à cette date ; il s’agissait des CLCR de Kiri et Oshwe dans le
Bandundu, de Bongandanga dans l’Équateur, de Poko dans la Province Orientale et
de Lomela dans le Kasaï Oriental. Ensuite, un nombre important de résultats de
BVD, répartis sur l’ensemble du territoire, n’ont pas été comptabilisés. Selon
la CENI, ces BVD étaient au nombre de 4.87575 soit 7,63% du total national. En
prenant le nombre moyen d’électeurs par BVD donné par la CENI (soit 331), les
BVD non comptabilisés représenteraient ainsi 1.613.625 électeurs.
Par ailleurs, la
publication des résultats provisoires est restée caractérisée par un profond
manque de transparence. Si la CENI a finalement publié des résultats détaillés
par bureaux de vote, ils ne comprenaient pas le scan des procès-verbaux de
chaque BVD établis à la fin du dépouillement. Ces résultats ne reprenaient que
la saisie informatisée des PV, réalisée au sein des CLCR parfois sans témoins.
En outre, cette publication s’est limitée à la distribution d’une vingtaine de
CD-ROM, le jour de l’annonce des résultats, essentiellement au corps
diplomatique, et une mise en ligne partielle, sur le site de la CENI.
Plusieurs résultats de
BV rendus publics le soir du dépouillement et observés par nos équipes sur le
terrain ne correspondaient pas avec ceux publiés par la CENI. Ainsi, la
comparaison entre les résultats de 126 BV de Lubumbashi, notés par nos
observateurs avec ceux de la Commission électorale laisse apparaître un
différentiel de plus 13.783 voix pour J. Kabila (38.206 voix selon la CENI
contre 24.423 selon les PV des BVD compilés), de moins 99 voix pour Vital
Kamerhe (1.513 voix selon la CENI contre 1.612 selon les PV des BVD compilés)
et de plus 5.631 pour Etienne Tshisekedi (14.434 voix selon la CENI contre
20.065 selon les PV des BVD compilés).
Proclamation des
résultats provisoires de l’élection législative
L’annonce des résultats
provisoires par la CENI était prévue pour le 13 janvier 2011. La CENI a annoncé
un premier report, toujours en raison de délais techniques et logistiques pour
le traitement et la compilation des PV. L’annonce des résultats des
circonscriptions de Kinshasa devait avoir lieu le 26 janvier 2012, celles des
autres circonscriptions le 18.
Ce n’est que dans la
nuit du 26 janvier 2012 que la CENI a publié une première série de résultats
portant sur 432 des 500 sièges, soit près de 87 % du total. Une série de
résultats complémentaires a ensuite suivi. D’après ces résultats, la Mouvance
présidentielle obtient la majorité absolue avec 340 députés. À lui seul, le
parti présidentiel PPRD, est ainsi crédité de 61 sièges. En deuxième position
arrive le parti de l'opposant Étienne Tshisekedi, l'Union pour la démocratie et
le progrès social (UDPS), avec 41 sièges. L’émiettement est la principale
caractéristique de cette Assemblée nationale. En effet, 45 partis y sont
représentés par un seul député et plus de 74 partis ont moins de 5 sièges. Par
ailleurs, les indépendants ne représentent que 16 députés. Enfin, sur les
députés donnés élus par la CENI, ne figurent actuellement que 44 femmes.
Lors des publications
partielles et provisoires de résultats, la CENI a annoncé avoir demandé à la
CSJ l'annulation du scrutin dans 7 des 169 circonscriptions (soit 17 sièges) en
raison des cas de violences et/ou des incidents lors des scrutins, de même que
des poursuites judiciaires pour une quinzaine de candidats accusés de
violences.
VII - MÉDIA
1. Paysage médiatique
L’environnement
médiatique de la RDC est très riche avec près de 250 radios, 80 chaînes de
télévision et une centaine des journaux enregistrés. Le principal moyen
d’information utilisé par la population demeure la radio, ce qui est
particulièrement vrai dans les zones rurales, alors que la télévision domine
dans les principales villes. Depuis les années 1960, la Radiotélévision
nationale congolaise (RTNC) et l’Agence Congolaise de Presse (ACP) sont les
seuls médias publics représentés dans l’ensemble des 11 provinces du pays.
Radio Okapi, créée en 2002 par la Fondation Hirondelle79 en partenariat avec
l’ONU, avec près de 20 millions d’auditeurs, est la radio la plus écoutée sur
le territoire national. Les radios communautaires, majoritaires dans les
provinces, restent généralement apolitiques mais contribuent efficacement à
l’information de la population. Parmi les télévisions privées, Digital Congo et
RTGA couvrent une grande partie du pays. La presse écrite congolaise, entièrement
privée, est concentrée principalement dans la capitale, et a un impact très
limité.
Radio France
Internationale (RFI), Radio BBC, France 24 et TV5 sont les médias étrangers les
plus influents à côté des médias locaux. Cependant, le secteur médiatique congolais
reste fortement politisé, influençant le travail des journalistes en dépit des
règles de déontologie, un phénomène qui s’est accru pendant la période
électorale. Le manque de moyens financiers des médias et l’absence d’un cadre
juridique approprié, notamment la pénalisation des délits de presse, ont
contribué à fragiliser l’indépendance et le professionnalisme des médias. Aucun
financement n’existe et les organes de presse vivent principalement des
ressources tirées de la publicité, ce qui reste très limité.
2. Cadre juridique du
secteur médiatique
Le principe de la
liberté de la presse est garanti par la Constitution81 et par les lois du 22
juin 1996 fixant les modalités d’exercice de la liberté de la presse et du 10
janvier 2011 relative au fonctionnement du CSAC. Tout en consacrant le
pluralisme des médias, le cadre juridique reste lacunaire notamment en ce qui
concerne la gestion des délits de presse et d’accès aux informations. Proposé
depuis 2006, le projet de loi sur la dépénalisation du délit de presse, est
resté lettre morte au parlement jusqu’à ce jour ; une telle loi aurait pu
pourtant jouer un rôle important durant la période des élections. Par ailleurs,
il n’existe aucune loi sur l’accès aux sources d’information par les médias.
Pendant ces élections,
les médias congolais étaient soumis à un certain nombre de textes adoptés par
les organisations de journalistes notamment le Code de déontologie et d’éthique
des journalistes adopté en mars 2004 lors du congrès de l’Union Nationale de la
Presse du Congo (UNPC), toujours en vigueur, et le Code de bonne conduite entre
partis politiques et médias adopté à Kinshasa le 22 juillet 2011 par la CENI en
vue de la couverture de la campagne électorale. L’autorégulation de la
profession est assurée par l’OMEC (Observatoire de Médias Congolais) et par
l’Union Nationale de la Presse Congolaise à travers sa commission de discipline
; ces deux structures ont été fragilisées par un manque de moyens tandis que
leur mandat n’est pas reconnu par l’ensemble des journalistes.
3. Le Conseil Supérieur
de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC)
Hormis la loi du 11
janvier 2011 sur le CSAC, la loi électorale reconnaît également l’autorité
exclusive du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC)
en matière de régulation des médias. Cette autorité est appelée à veiller au
respect de la loi sur l’exercice de la liberté de la presse tant audiovisuelle
qu’écrite, à garantir le droit à une information pluraliste, fiable et
objective ; cette loi doit également garantir l’accès équitable des candidats
et des partis politiques aux médias publics et privés pendant la campagne
électorale. Le CSAC a été mis en place le 4 octobre 2011 alors que la Directive
relative à la campagne électorale à travers les médias a été rendue publique le
28 septembre 2011. Tout au long de la campagne électorale, le CSAC a été
quasiment inexistant à l’intérieur du pays et ses coordinations provinciales
n’étaient pas entièrement fonctionnelles.
Durant la campagne et
après le jour du scrutin, le CSAC a pris des mesures arbitraires et
discriminatoires contre les médias d’opposition qui ont vu leur signal coupé
sans aucune décision officielle, ni respect de la procédure légale. C’est le
cas de RLTV et Canal futur Tv. Cette situation a poussé plusieurs médias et
journalistes à pratiquer l’autocensure, ce qui s’est révélé très néfaste pour
la liberté d’information. Durant cette campagne, le CSAC n’a pas joué son rôle
de régulateur avec impartialité, il n’a pas non plus garanti le droit à un
accès équitable des candidats et des partis politiques, surtout dans les médias
publics.
La MOE UE déplore la
mise en place tardive du CSAC. Par ailleurs l’insuffisance de ses moyens
économiques, le partage du même bâtiment avec la RTNC ont influencé de manière
négative sur son image et son indépendance et ont compromis son efficacité
pendant la campagne et après le scrutin.
4. Le monitoring des
médias
La MOE UE a mis en
place une unité de suivi des médias composée de sept analystes congolais formés
à la méthodologie de l’UE, qui ont réalisé une analyse quantitative et
qualitative journalière d’un panel de médias audiovisuels et écrits82 sur la
période du 21 octobre au 28 novembre 2011. L’échantillon sélectionné prend en
compte 4 radios : Radio-télévision nationale congolaise (RTNC), Radio Okapi,
Top Congo FM, RTG@; 4 télévisions : RTNC Tv, RLTv, Digital Congo, Télé 7, et 3
journaux : Le Phare, Le Potentiel, l’Avenir. Parmi les journalistes proposés
pour les émissions, le CSAC n’a pas retenu ceux de Radio Okapi. Radio Okapi a
accordé 10 minutes à chaque candidat président suivant l’ordre de la liste de
la CENI.
Pendant la campagne
électorale, la communication politique à travers les médias audiovisuels (Voir
annexe, graphique n°1 et n°2) a été présentée sous des formats divers :
programmes interactifs d’échanges entre les électeurs et les candidats,
programmes spéciaux pour les élections, débats politiques pour les candidats à
la députation ; ces derniers ayant utilisé ce format afin de mener leur propre
campagne, et d’appuyer leurs candidats à la présidentielle. À défaut d’une
règlementation spécifique de la publicité, une grande partie du temps d’antenne
était constituée de spots, de chansons, de magazines et d’autres programmes
payant illimités sur les médias publics et privés. Cette situation a créé un
profond déséquilibre entre les candidats. Afin d’assurer un accès équitable aux
différents candidats à la présidence, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et
de Communication (CSAC) a organisé des émissions d’une heure, sur trente médias
audiovisuels publics et privés avec un panel de huit journalistes
sélectionnés83. Radio Okapi n’a pas diffusé ces émissions alors que sa large
couverture dans le pays aurait eu un impact significatif84. La MOE UE regrette
la diffusion tardive et limitée des messages d’information aux électeurs et
d’éducation civique à travers les médias analysés commencée seulement au milieu
de la campagne. Parmi les médias analysés, seule Radio Okapi a régulièrement
diffusé ces messages avant et pendant la campagne.
Depuis le début de la
campagne électorale, l’accès des candidats a été fortement déséquilibré dans la
majorité des médias publics et privés analysés, la couverture étant focalisée
sur deux partis politiques PPRD et UDPS et leurs leaders respectifs. La
bipolarisation de la presse écrite autour des deux principaux partis a été très
marquée. La tendance a été la même au sein des médias électroniques,
l’appartenance politique des propriétaires en conditionnant la ligne éditoriale
(voir en annexe, graphiques n°3, n°4, et n°5). Le suivi des médias par la MOEUE
révèle l’évidente disparité d’accès des différents candidats à la Radio
Télévision Nationale Congolaise (RTNC) qui n’a pas joué son rôle de service
public, négligeant le principe d'égalité et d’équilibre en matière
d'information (voir en annexe, graphiques n°6 et n°7).
Le plus souvent, les
médias privés appartiennent à des hommes politiques. Ces médias ont clairement
avantagé les candidats de leur parti ou coalition limitant ainsi l’accès aux
autres candidats. Parmi les radios analysées, seules Radio Okapi et Top Congo
ont réalisé une couverture équilibrée des candidats à la présidentielle (voir
en annexe, graphiques n°9 et n°10).
La couverture
médiatique des femmes candidates est restée négligeable sur tous les médias
analysés. Le temps qui leur a été dédié était de 4% sur les télévisions
analysées et de 1 % sur les radios. Comme les candidats masculins, elles ont
plus utilisé la télévision où elles ont eu accès au journal, aux programmes
spéciaux pour les élections et aux programmes payants. Les femmes de la
Majorité Présidentielle étaient plus présentes dans ces médias grâce aux moyens
mis à leur disposition par le parti. En effet, ces femmes candidates ont non
seulement parlé de leurs propres projets, mais également et surtout des
candidats de leurs partis à la présidentielle (voir en annexe, le graphique n°
11).
5. Incidents contre les
médias
La période de
pré-campagne, de la campagne électorale et post-scrutin a été caractérisée par
de nombreux actes de violences contre les médias et les journalistes.
L’incendie de Radio Lisanga télévision (RLTV), le 6 septembre 2011, a été
révélateur de ce que fut le travail des médias dans les semaines qui ont suivi.
Pendant la période de campagne, deux cameramen de Mbuji-Mayi ont été arrêtés et
détenus par la police de manière arbitraire. Des dérapages par certains médias
ont également contribué à l’accroissement des violences contre les
journalistes, notamment au Katanga et au Maniema, où des médias appartenant à
des candidats ont fait usage d’un langage violent et incendiaire, voire ont eu
recours à des actes de violence physique mettant en péril la sécurité des
journalistes. L’augmentation de l’intolérance politique fut à l’origine de
plusieurs cas de violations à la liberté d’information.
Les forces de l’ordre,
tout particulièrement la Police nationale congolaise, ont été sérieusement
mises en cause, accusées de s’en prendre directement aux professionnels de la
presse, comme l’ont rapporté nos observateurs sur le terrain mais aussi
certaines ONGs locales85. Après le scrutin, la situation des médias s’est
détériorée en raison des pressions exercées à leur encontre et/ou la coupure
des signaux de transmission des médias d’opposition.
Après le scrutin du 28
novembre, la situation des média s’est détériorée avec la fermeture de
plusieurs médias d’opposition qui ont vu leur signal coupé par le Ministère de
la Communication. Le CSAC a commencé à sanctionner plusieurs médias proches de
l’opposition, en prenant des mesures disproportionnées. Les médias et les
journalistes pratiquent désormais l’autocensure dans un climat de plus en plus
tendue, lié à la publication des résultats de l’élection présidentielle.
A Kinshasa, le CSAC a
déclaré la suspension de Canal Futur Télévision et RLTV pour 7 et 15 jours sans
avoir pris au préalable de décision officielle. L’animateur du programme Set 7
de RLTV dès le jour du scrutin a reçu des menaces de mort en cas de réélection
du président Kabila. CMC TV, un autre média d’opposition, n’a plus émis depuis
la période de campagne électorale. Le quotidien, le Phare, qui a publié un
article sur les allégations de fraude électorale a été convoqué par le Parquet
général de la République pour raison d’enquêtes avant que le CSAC décide de le
suspendre pour dix jours, une mesure que le journal n’a pas respecté.
L’hebdomadaire Congo News, un autre journal proche de l’opposition, a reçu une
mise en demeure du CSAC pour avoir publié une déclaration d’un ministre britannique
qui allait à l’encontre du président Kabila. Le directeur du journal, Michel
Mukebayi, reçoit désormais régulièrement des menaces anonymes. La télévision
CCTV a constaté que tous les agents de sécurité qui protégeaient ses
installations ont été relevés sans notification préalable, tandis que l’un des
cameramen de cette télévision, Papy Zombo, a été agressé et sa caméra confisqué
par des inconnus à Limeté après avoir filmé des bulletins de vote jetés par des
véhicules appartenant à la CENI.
Kasaï oriental
Le 5 décembre à
Mbuji-Mayi, RLTV a été pris d’assaut par plusieurs dizaines d’agents de la
Police nationale congolaise (PNC), qui ont procédé à la fermeture de la
station. Le gouverneur avait menacé les journalistes et les médias de
poursuites judiciaires les accusant d’incitation à la violence. Le jour du
scrutin, plusieurs journalistes de la ville ont été interpellés et maltraités
par la police.
VIII- DROITS HUMAINS
La République
Démocratique du Congo est classée en dernière position sur les 187 pays et
territoires couverts par l’indice de développement humain IDH 2011, qui fait
l’objet d’un classement publié par le PNUD. Des 53 pays évalués par la
Fondation «MO Ibrahim» sur le niveau de bonne gouvernance des pays africains,
la RDC se situe à la 50ème position. 73,2% de la population congolaise vit dans
un état de pauvreté, 46,5% dans un état d’extrême pauvreté. L’espérance de vie
est de 48,4 ans. L’enseignement secondaire n’est accessible qu’à 36,7 % de la
population masculine et seulement 10,7 % de la population féminine durant la
période 2001-201086. D’après l’indice d’inégalité de genre, la RDC est classée
142ème dans le monde.
1. Cadre juridique et
institutionnel.
La RDC a ratifié les
principaux instruments juridiques internationaux et régionaux relatifs aux
droits humains (Annexe X). La Constitution reconnaît des droits civiques et
politiques, ainsi que des libertés spécialement liés au processus électoral
dans son Titre II intitulé « Des droits humains, des libertés fondamentales et
des devoirs du citoyen et de l’Etat ». Le respect de facto des droits et
libertés reste loin de l’esprit de ces lois ; ce fut le cas notamment durant la
période électorale où de nombreuses violations envers les militants des partis
politiques de l’opposition et des civils, ainsi que des abus du pouvoir ont pu
être observés (voir infra « situation des droits humains liées aux élections
»). Des avancées par rapport aux recommandations de la MOE UE en RDC en 2006
ont été observées avec la promulgation de la Loi portant statut de l’opposition
politique (2007) et de la loi portant organisation et fonctionnement de la
Police Nationale Congolaise (2011), cette dernière réglementant l’usage de la
force par la police.
La résolution
1991(2011), qui définit le nouveau mandat de la MONUSCO, inclut spécifiquement
la mission de « constater et dénoncer les violations des droits de l’Homme dans
le contexte des élections ». Le Bureau Conjoint des Nations Unies au Droits de
l’Homme (BCNUDH) a publié le 9 novembre son rapport sur les violations des
droits de l'Homme et les libertés fondamentales en période pré-électorale (du
1er novembre 2010 au 30 septembre 2011). Ces violations sont concentrées autour
des membres ou partisans de partis d'opposition, des journalistes et des
défenseurs des droits de l’Homme. Le rapport confirme que les auteurs de ces
violations sont identifiés comme agents de la PNC ou de l'Agence Nationale des
Renseignements. Le BCNUDH a publié un deuxième rapport sur les violations des
droits de l'homme commises par des membres des forces de défense et de sécurité
congolaises dans la ville de Kinshasa entre le 26 novembre et le 25 décembre
2011 dans le contexte électoral. Le BCNUDH a été en mesure de confirmer qu'au
moins 33 personnes ont été tuées tandis qu'au moins 83 autres ont été blessées
par des membres des forces de défense et de sécurité durant cette période. Le
BCNUDH a en outre confirmé l'arrestation d'au moins 265 civils, “dont la
majorité aurait été maintenue en détention de manière illégale et/ou arbitraire,
pour la plupart en raison de leur appartenance, réelle ou présumée, à un parti
de l'opposition ou pour leur appartenance à la province d'origine du candidat
Etienne Tshisekedi, ou à des provinces dans lesquelles il bénéficie d'un
soutien important”.
Un an après la
publication du «Projet Mapping » des Nations Unis, les réformes nécessaires au
niveau juridique et institutionnel restent encore nombreuses. À l’initiative du
Ministère de Justice et Droits Humains, l’Entité de liaison des droits de
l’Homme a été créée par le décret n° 09/35 du 12 août 2009, bien que son
opérationnalité a été mise en cause dès le début. La réunion extraordinaire de
l’Entité des droits de l’Homme du 18 novembre 2011, bien qu’intervenue en
retard par rapport à la montée des tensions pendant la campagne électorale, a
pu être un pas en avant pour renforcer le cadre de concertation entre les
institutions publiques, la société civile et les partenaires internationaux.
Le positionnement
politique de nombreuses ONG s’est certainement aligné sur les contestations
portées par les partis de l’opposition. Contrairement au processus de 2006, la
société civile a été mise à l’écart par la CENI, sans espace de dialogue
possible, et sans participation dans les programmes de l’éducation civique et de
sensibilisation. Le manque de transparence de la CENI a ainsi été dénoncé
systématiquement. À la veille de la proclamation des résultats, plusieurs
communiqués88 de ces organisation de la société civile ont dénoncé des
irrégularités durant le processus électoral, et notamment le jour du scrutin.
2. Les limitations au
suffrage universel en RDC
Les limitations au
suffrage universel en RDC sont de deux natures : a) établies par la loi (comme
dans le cas de militaires, policiers ou des congolais résidant à l’étranger) ;
b) des facteurs comme la pauvreté, les faiblesses institutionnelles et
politiques, où la situation socioculturelle, qui constituent des freins
objectifs au suffrage universel.
Se trouver sur le
territoire de la RDC le jour des élections était une condition pour exercer le
droit de vote (art. 5 de la Loi électorale). Le droit de vote des détenus qui
n’ont pas été privés par décision judiciaire de leurs droits civils et
politiques est reconnu par la loi. La CENI n’avait pas envisagé l’opération
d’enrôlement dans les prisons pour ce cycle électoral. La question du vote des
populations déplacées est restée un enjeu bien que des données précises
n’étaient pas disponibles en ce qui concerne leur enrôlement et leur
participation effective au scrutin du 28 novembre. Les mesures prises par la
CENI le 25 novembre ont pu favoriser le vote des personnes déplacées qui ont dû
se déplacer à nouveau en raison de l’insécurité à l’approche du scrutin
(Katanga, Maniema). La non-représentation institutionnelle de la minorité
«pygmée» (environ 50.000 personnes) fait preuve de leur discrimination. Dans la
région de l’Équateur, les représentantes rencontrées affirment que la
population pygmée a été enrôlée en masse, mais leur situation en tant que
groupe ethnique marginalisé les a rendus plus facilement manipulables,
notamment pour l’achat de leurs cartes d’électeur. Aucune disposition n’est
prévue par la Constitution ou par la Loi électorale en vue de faciliter
l’enrôlement des personnes handicapées puis leur participation le jour du
scrutin.
Une grande partie de
l’électorat potentiel en RDC a vu l’exercice de son droit au vote limité, dès
le début de l’enrôlement. Le nombre insuffisant de centres d’enrôlement et leur
éloignement a été largement dénoncé. Cet électorat était d’autant plus motivé à
se faire enrôler afin d’obtenir la carte d’électeur, seul document officiel
d’identité pour tout citoyen âgé de plus de 18 ans. Enfin, le format du
bulletin de vote, surtout pour les élections législatives, n’a pas tenu compte
du taux élevé d’analphabétisme au sein de la population congolaise.
3. Situation du respect
de droits humains liés au processus électoral
Pendant la campagne
électorale et le jour du scrutin, des rapports d’incidents sur le processus
électoral ont été dressés à l’occasion par les équipes d’observation.
3.1 Avant la campagne
électorale
La situation
sécuritaire s’était améliorée par rapport à 2006, bien qu’une résurgence des
tensions et une augmentation des violations des droits humains liées à la tenue
du scrutin et à l’annonce des résultats fussent clairement prévisibles Dès août
2011, les partisans de l’UDPS manifestaient chaque jeudi devant le bureau de la
CENI à Kinshasa, afin de demander l’audit du fichier électoral. Lors de la
manifestation du 6 octobre et 20 octobre, des graves incidents ont été
enregistrés. Plusieurs cas de détention provisoire par la police puis par les
autorités judiciaires ont été suivis. Ces cas ont été à un certain degré une
atteinte à la liberté individuelle et à la présomption d’innocence, avec une
interprétation lato sensu des délais légaux de détention par les juridictions
congolaises.
3.2 Pendant la campagne
électorale
Des rapports
d’incidents ont été enregistrés par les équipes d’observation de la MOE UE.
Certaines violations de
droits humains liées au processus électoral étaient clairement identifiées. Ces
cas se rapportaient notamment au comportement des autorités congolaises (abus
de pouvoir) et des forces de l’ordre (usage abusif de la force). En résumé, la
liberté de manifestation, d’expression et d’opinion a été le plus souvent mise
en cause, suivie des violations contre la liberté et le droit à la sécurité, et
en troisième lieu des atteintes à l’intégrité physique et au droit à la vie.
Par territoire, Kinshasa, les Kasaï, le Katanga et les Kivu auront été les plus
affectés par ces violations.
La détention des
militants et partisans de différents partis est allée crescendo dès le début de
la campagne électorale. Des actes d’intimidation envers des candidats aux législatives
ont été enregistrés et suivis par nos équipes d’observation à Mbandaka,
Kinshasa et Mweka. Les éléments de la FARDC ont commis des exactions contre les
sympathisants de l’UNC et leurs candidats notamment à Goma et Bukavu. Le nombre
d’actes violents et d’affrontements entre militants a augmenté tout au long de
la campagne électorale. De multiples exemples ont été rapportés à Kinshasa et à
Lubumbashi. La fin de la campagne à Kinshasa a été marquée par une interdiction
de toute manifestation publique et de rassemblement à caractère électoral par
les autorités administratives. Cette limitation à la liberté de réunion et de
manifestation a été justifiée par la nécessité de maintenir l’ordre public et
la sécurité. En fait, une gestion équitable des espaces publics et une
utilisation adaptée des forces de sécurité auraient sans doute permis que ces
manifestations se déroulent sans violence.
Le phénomène « kuluna »,
ce terme est une déformation phonétique du terme portugais (d’Angola) pour
signifier cortège ou escorte qui s’est répandu à occasion de la période
électorale. Ce fait social particulièrement présent à Kinshasa depuis le milieu
des années 2000 a consisté en une récupération politicienne de certains groupes
de jeunes sportifs à l’approche des échéances électorales. Bien que
l’appartenance politique de ces groupes de kuluna soit difficile à prouver, les
noms de jeunes leaders proches du parti au pouvoir ont été souvent cités.
3.3 Le jour du scrutin
et la période post-scrutin
Le 28 novembre et les
jours suivants ont été marqués par des nombreux incidents violents. Comme
exemples, à Lubumbashi, un groupe d'environ 25 individus armés ont brulé
plusieurs bureaux de vote et menacé du personnel de la CENI et la population
locale. Dans les Kasaï, des incidents à Tshikapa (Kananga) et à Mbuji Mayi, ont
fait suite à des allégations de fraudes et de bourrages d'urnes, remettant en
cause l'efficacité de la sécurisation du processus électoral. Les actes
d'agression physique envers des individus, des membres du personnel de la CENI
ou des témoins par les forces de l’ordre et par des groupes armés non
identifiés ont de même été rapportés. A Mbandaka, l’attaque armée d’un site de
vote à Bamanya a commencé lors du dépouillement. À Kinshasa, l’ensemble des
forces de la PNC avait été déployé à partir du 3 décembre 2011 en sus d’une
forte présence de membres de la garde présidentielle. Ce dispositif qui semble
avoir eu un impact dissuasif sur la population a entravé également les
activités commerciales et professionnelles des kinois. Le service de messagerie
téléphonique par SMS a été suspendu sur l’ensemble de la RDC à la même date,
afin d’assurer la sécurité des personnes. Cette restriction constitue une
entrave grave à la liberté de communication et à la liberté d’expression durant
une période cruciale du processus électoral. Le gouvernement aurait dû ouvrir
une enquête pour déterminer les responsabilités concernant la provenance des
messages d’intimidations et menaces qui ont circulé les jours après le scrutin.
Le service n’a été rétabli que le 28 décembre.
La capitale Kinshasa
est devenue une ville morte durant la période du 6 au 11 décembre, puis du 19
au 20 décembre. Dès la publication de résultats, les manifestations en faveur
du candidat Tshisekedi ont été réprimées systématiquement par les forces de
l’ordre. De nombreux enlèvements par la PNC et l’ANR ainsi que des fouilles
systématiques de maisons des militants de l’UDPS par la garde présidentielle
auraient été perpétrées aux alentours de la proclamation des résultats et de la
prestation du serment, c’est-à-dire vers le 20 décembre. Au Kasaï Oriental, à
Mbuyi-Maji, le couvre-feu décrété par le Conseil Provincial de sécurité s’est
poursuivi jusqu’au 24 décembre, et ce, en dehors de tout délai raisonnable. Des
actes xénophobes à Kamina (Katanga) à l’encontre de kasaïens ont été dénoncés
avant la proclamation des résultats.
IX- GENRE ET
PARTICIPATION DES FEMMES
Les femmes représentent
52 % de la population en République Démocratique du Congo. Mais il n’y en a que
8,4 % à l’Assemblée Nationale et 4,6 % au Sénat. Plusieurs facteurs de diverse
nature sont évoquées pour expliquer la faible représentation des femmes dans la
vie politique: le poids de la culture (barrières traditionnelles et
culturelles), le manque de confiance de la femme en elle-même ; l’absence de
l’application de la loi pour la mise en œuvre de la parité; les violences
faites aux femmes de nature physique, sexuelle, morale, psychologique et
économique; l’influence de l’analphabétisme, plus répandue parmi les filles et
les femmes ; le manque de volonté politique vers un changement du statu quo des
dirigeants et des partis politiques ; l’insuffisance des ressources allouées
aux structures d’encadrement des femmes.
1. Une discrimination
persistante à l’égard des femmes dans le cadre juridique
La Constitution
consacre le principe de l’égalité dans son art. 12, et celui de l’équité dans
l’art. 14. Il en va de la responsabilité de l’État de veiller à l’élimination
de toute forme de discrimination à l’égard de la femme. Le projet de loi
organique portant mise en oeuvre de la parité homme – femme n’a pas encore été
approuvé par le Parlement en dépit du plaidoyer des organisations de défense
des droits de la femme, du Ministère du Genre, de la division Genre de la
MONUSCO, de la CENI et d’ONU-FEMME.
De nombreuses
dispositions légales sont encore discriminatoires envers les femmes, et ce en
flagrante violation de l’art. 14 et des traités internationaux souscrits par la
RDC. Citons le Code de famille90 ou le Code du Travail. La révision proposée au
niveau du Parlement pour adapter ces textes à l’esprit de la constitution doit
être renouvelée. En ce qui concerne les élections, la loi électorale inclut de
façon expresse une disposition contraire à la Constitution, en laissant le
principe de la parité vide de contenu. L’art. 13 de la loi électorale dispose :
«…Chaque liste est établie en tenant compte de la représentation paritaire
homme-femme (…). Toutes fois, la non réalisation de la parité homme-femme (…)
n’est pas motif d’irrecevabilité d’une liste ». Aucun mécanisme de mise en
oeuvre, aucune sanction en cas de non-respect de la représentation paritaire
n’est cependant prévue.
2. Les femmes en tant
qu’électrices, candidates et leur participation le jour du scrutin.
Les chiffres désagrégés
du fichier électoral montrent un équilibre entre le nombre d’électeurs et
d’électrices : 15.910.719 de femmes, dont 49,68% de l’électoral congolais. Le
fait que les femmes ont participé massivement aux opérations d’enrôlement, malgré
les difficultés dues au nombre insuffisant de centres d’inscription et
l’éloignement de ces derniers de lieux d’habitation, peut être clairement
justifié par l’intérêt d’obtenir la carte d’électeur (en absence d’une carte
d’identité) plus que par une quelconque motivation politique de participation
dans un processus électoral. Au niveau institutionnel, la Cellule Genre au sein
de la CENI devrait être appuyée, en finalisant la composition de son bureau,
l’assignation d’un budget adéquat et l’implantation de la représentation de la
cellule au niveau des démembrements de la CENI.
Il n’y a eu aucune
candidature de femme, déposée pour la course présidentielle (en 2006, il n’y en
avait eu que quatre). Pour les élections législatives, parmi les 18.386 candidatures,
2.271 étaient des femmes (soit 12,05 % du total). En raison du nombre faible de
candidatures féminines aux législatives, la représentation des femmes ne peut
qu’être faible dans les institutions publiques. Il n’y avait en outre que
seulement 5 % des femmes présidant des organisations politiques. L’ignorance
par les femmes des enjeux de positionnement sur la liste électorale dans un
système proportionnel diminue d’autant plus leurs chances de victoire.
De manière générale, la
campagne des candidates est restée discrète, sauf exception notable à Kinshasa,
et elle a débuté tardivement. Elle s’est basée essentiellement à du
porte-à-porte et au bouche-à-oreille, sans être axée sur la promotion de la
femme et la problématique de la parité homme/femme. Des formations pour les
candidates se sont multipliées pendant la campagne électorale. Bien qu’elles
soient intervenues tardivement dans le processus électoral, ces initiatives
devront continuer à être soutenues dans la perspective des prochaines élections
municipales et provinciales.
La MOE UE a observé une
plus grande participation des femmes le jour du vote. Bien qu’une
saisie/ventilation des votants par sexe fût prévue par la CENI, l’application
de cette mesure n’a pas été homogène. Au moment de l’ouverture, il y avait au
moins une femme en tant que membre de BV dans 89 % des cas ; mais, il n’y avait
que 13% de présidentes de bureau de vote. Au moment du vote, le pourcentage est
tombé à 85 % (27 % de présidentes). La présence de femmes parmi les témoins des
partis politiques était plus nombreuse au niveau de BV qu’au niveau du CLCR et
très général parmi l’observation nationale.
3. Violence liée à la
participation des femmes au processus électoral
Les femmes sont
victimes de multiples exactions, notamment dans la partie Est du Congo (Kivu,
Ituri) en raison de la présence de groupes armés et du comportement des forces
de sécurité. Une campagne91 contre la violence faites aux femmes s’est étalée
du 25 novembre au 10 décembre 2011 mais son impact est resté minime. Elle s’est
basée sur des activités de sensibilisation, de dénonciation et de plaidoyer
contre l'impunité des violences sexuelles. La signature de la déclaration sur
l’élimination des violences sexuelles en RDC, proposé au sein du forum de
partis politiques le 1er novembre 2011 serait un pas en avant dans ce
domaine92.
X- RECOMMANDATIONS
La MOE UE R.D. Congo
souhaite que les recommandations formulées dans ce rapport puissent contribuer
au dialogue que l’ensemble des composantes de la société congolaise devront
entamer sans délai. Ces recommandations vont dans le sens d’améliorations
essentielles à la transparence et à la crédibilité des scrutins et sont
techniquement réalisables en amont des prochaines élections provinciales et
locales.
Listes détaillées des
circonscriptions électorales en RDC
Pour l’élection des
Députés nationaux, le territoire de la République Démocratique du Congo est
subdivisé en 169 circonscriptions reparties de la manière suivante :
1. Kinshasa : 4
circonscriptions dont Kinshasa I, Kinshasa II, Kinshasa III et Kinshasa
IV.
• La circonscription de
Kinshasa I regroupe les communes de Barumbu, Gombe, Kinshasa, Kintambo,
Lingwala, Mont-Ngafula et Ngaliema.
• La circonscription de
Kinshasa II regroupe les communes de Bandalungwa, Bumbu, Kalamu, Kasa-Vubu,
Makala, Ngiri-Ngiri et Selembao.
• La circonscription de
Kinshasa III regroupe les communes de Kisenso, Lemba, Limete, Matete et Ngaba.
• La circonscription de
Kinshasa IV regroupe les communes de Kimbanseke, Maluku, Masina, Ndjili et
N’sele ;
2. Bandundu : 20
circonscriptions dans les villes et les territoires de : • Bandundu, • Kikwit,
• Bagata, • Bolobo, • Bulungu, • Feshi, • Gungu, • Idiofa, • Inongo, • Kahemba
• Kasongo-Lunda, • Kenge, • Kiri, • Kutu, • Kwamouth, • Masi-Manimba, • Mushie,
• Oshwe, • Popokabaka • Yumbi.
3. Bas-Congo : 12
circonscriptions dans les villes et les territoires de : • Boma, • Matadi, •
Kasangulu, • Kimvula, • Lukula, • Luozi, • Madimba, • Mbanza-Ngungu, • Moanda,
• Sekebanza, • Songololo, • Tshela.
4. Equateur : 27
circonscriptions dans les villes et les territoires de : • Gbadolite, •
Mbandaka, • Zongo, • Basankusu, • Befale, • Bikoro • Boende, • Bokungu, •
Bolomba, • Bomongo, • Bongandanga, • Bosobolo, • Budjala • Bumba, • Businga, •
Djolu, • Gemena • Ikela, • Ingende, • Kungu, • Libenge, • Lisala, • Lukolela, •
Makanza, • Mobayi-Mbongo, • Monkoto, • Yakoma
5. Kasai-Occidental :
12 circonscriptions dans les villes et les territoires de : • Kananga, •
Tshikapa ville, • Dekese, • Demba, • Dibaya, • Dimbelenge, • Ilebo,• Kazumba, •
Luebo, • Luiza, • Mweka, • Tshikapa.
6. Kasai Oriental : 18
circonscriptions dans les villes et les territoires de : • Mbuji-Mayi, •
Mwene-Ditu, • Kabeya-Kamwanga, • Kabinda, • Kamiji, • Katako-Kombe, • Katanda,
• Kole, • Lodja, • Lomela, • Lubao, • Lubefu, • Luilu, • Lupatapata, • Lusambo,
• Miabi, • Ngandajika, • Tshilenge.
7. Katanga : 25
circonscriptions dans les villes et les territoires de : • Kolwezi, • Likasi, •
Lubumbashi, • Bukama, • Dilolo, • Kabalo, • Kabongo, • Kalemie, • Kambove, •
Kamina, • Kaniama, • Kapanga, • Kasenga, • Kipushi, • Kongolo,• Lubudi, •
Malemba- Nkulu, • Manono, • Mitwaba, • Moba, • Mutshatsha, • Nyunzu, • Pweto, •
Sakania, • Sandoa.
8. Maniema : 8
circonscriptions dans les villes et les territoires de : • Kindu • Kabambare, •
Kailo, • Kasongo, • Kibombo, • Lubutu,• Pangi, • Punia.
9. Nord-Kivu : 9
circonscriptions dans les villes et dans les territoires de : • Beni, •
Butembo, • Goma, • Beni, • Lubero, • Masisi, • Nyirangongo, • Rutshuru, •
Walikale.
10. Province Orientale
: 25 circonscriptions dans les villes et les territoires de : • Kisangani, •
Aketi, • Ango, • Aru, • Bambesa, • Bafwasende, • Banalia, • Basoko, • Bondo, •
Buta, • Djugu, • Dungu, • Faradje, • Irumu, • Isangi, • Mambasa, • Mahagi, •
Niangara, • Opala, • Poko, • Rungu, • Ubundu, • Wamba, • Watsa, • Yahuma.
11. Sud-Kivu : 9
circonscriptions dans les villes et les territoires de : • Bakuvu, • Fizi, •
Kabare, • Kalehe, • Idjwi, • Mwenga, • Shabunda, • Uvira, • Walungu.
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