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mercredi 25 avril 2012

RDC : Lancement d’une campagne de distribution de 13.7 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticide


Lubumbashi, République Démocratique du Congo, 25 avril 2012 – La République Démocratique du Congo (RDC) et ses partenaires avancent dans la lutte contre le paludisme en République Démocratique du Congo. En effet, le Gouvernement a procédé ce jour, à Lubumbashi, Province du Katanga, au lancement d’une importante campagne de distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action (MILD). Plus de 24.660.000 millions de personnes, parmi lesquelles 4.500.000 d’enfants de moins de 5 ans et 1.250.000 millions de femmes enceintes, bénéficieront de la distribution qui aura couvert jusqu’en début juin les provinces du Katanga, du Bandundu, ainsi que du Nord et Sud-Kivu.
«La distribution universelle des MILD va nous permettre de protéger nos familles et de réduire significativement la mortalité des enfants de moins de 5 ans et des femmes enceintes. Le paludisme est la première cause de morbidité pour ces populations vulnérables dans notre province», a affirmé Moise Katumbi, Gouverneur de la province du Katanga, lors du coup d’envoi de la campagne.
La réalisation de cette vaste opération a été rendue possible grâce au fonds transférés a l’UNICEF par la Banque Mondiale à travers les projets PARSS et PURUS/UCOP pour une valeur de 71.9 millions de dollars américains, et PMI-USAID pour une valeur de 12,2 millions dollars américains. Le Programme Alimentaire Mondial et l’ONG ALBA, ainsi que d’autres ONG partenaires ont apporté un appui logistique dans le transport.
Grâce à ce partenariat, 13,7 millions de MILD seront gratuitement distribuées à plus de 4.650.000 de ménages à raison d’une à quatre moustiquaires par famille, selon la taille du ménage.
Selon le Rapport de l’OMS sur le paludisme 2010, cette maladie est responsable de 216 millions d’épisodes palustres dans le monde, dont 81% en Afrique subsaharienne, soit 174 millions de cas. Le nombre des décès dus au paludisme est estimé à 655 000 pour l’année 2010, dont 91 % en Afrique. À l’échelle mondiale, 86 % des décès imputables au Paludisme, ont frappé des enfants de moins de 5 ans. En République Démocratique du Congo, où le taux de la mortalité infantile est l’un des plus élevés au monde avec 158 pour 1.000 naissances vivantes, on a compté en 2011, 8.757.011 cas et 180.358 décès (MSP/RDC 2011), parmi les enfants de moins de cinq ans.
L’utilisation quotidienne des moustiquaires est un moyen simple et efficace pour éviter les piqûres de moustiques qui transmettent le paludisme. Depuis que la RD Congo a adopté la distribution universelle des MILD comme une des stratégies majeures de lutte contre le paludisme, des progrès notables ont été enregistrés. En effet, l’enquête à indicateurs multiples (MICS 2010) a montré une nette progression des ménages en possession d’une MILD. Leur nombre est passé de 10 % en 2007 à 51 % en 2010. Durant la même période la prévalence de la fièvre, symptôme principale de la malaria a diminué de 31 % à 27 %.
« La réduction du paludisme en RDC est capitale. EIle a un impact positif sur la survie et le développement des enfants congolais, et représente un pas vers l’éradication de cette maladie du continent africain », a affirmé Barbara Bentein, Représentante de l’UNICEF en RDC. «Tous les enfants ont le même droit à la santé. Ensemble nous pouvons faire de ce droit, une réalité en RDC. »
Les partenaires de l’UNICEF tels que La Banque Mondiale et l’USAID, l’OMS, ont joint leurs efforts à ceux du Gouvernement de la RDC dans cette campagne qui vise la protection de la population contre le paludisme afin de sauver la vie des enfants congolais.
Au cours des prochaines semaines, le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) poursuivra avec ses partenaires, les activités de sensibilisation sur l’utilisation correcte de la moustiquaire imprégnée d’insecticide à l’intention de tous les ménages dans les provinces bénéficiaires (Bandundu, Katanga, Nord et Sud-Kivu). Les principales confessions religieuses de la RDC collaboreront avec l’UNICEF, afin de transmettre à toutes les familles, les messages clés, relatifs aux pratiques adaptées pour l’amélioration de leur santé.
A propos de Roll Back Malaria (RBM)
Le Partenariat RBM est le cadre mondial pour une action coordonnée contre le paludisme. Il fournit une plate-forme neutre pour le consensus et l’élaboration des solutions aux défis en suspens dans la mise en œuvre des interventions de lutte antipaludique et les stratégies y relatives. Il maintient le paludisme en haut de l'agenda mondial en permettant d'harmoniser et d'amplifier les initiatives de plaidoyer des partenaires. Fort de l'expertise, des ressources et de l'engagement de plus de 500 organisations membres, la direction politique de ce partenariat sécurise un soutien financier et technique pour les efforts de lutte dans les pays.

mardi 24 avril 2012

20 km de Kinshasa: Ilunga Mande de nouveau champion


Pour la deuxième fois consécutive, l’athlète Ilunga Mande vient de remporter les 20 km de Kinshasa, un semi-marathon organisé par le centre sportif Pro-Fitness et sponsorisé principalement par la boisson énergisante XXL de la Bracongo. Il a parcouru la distance en une heure une minute, laissant derrière lui plus de 5.000 participants.
La course a été lancée le dimanche 22 avril à 9 heures du matin à la Place du Cinquantenaire sur le boulevard Triomphal. C’était en présence des organisateurs, des différents sponsors, des officiels ainsi que du public venu nombreux assister à la plus grande manifestation sportive, hors football, organisée en Rd Congo.
La cérémonie de remise des prix a été organisée au point de chute de la course au terrain Okal sur l’avenue Kabinda dans la commune de Lingwala. Le champion Ilunga Mande qui l’a remporté chez les hommes a reçu un chèque de 2.500 dollars américains. Il était suivi d’Okoueke Anael venu de Brazzaville qui, lui, a été récompensé avec 1.500 dollars américains. Il a fait une heure trois minutes. Le troisième homme arrivé après une heure cinq minutes s’appelle Yav Magita. Venu du Katanga, il a reçu 1.000 dollars. 
Chez les femmes, c’est Marcelat Sakobi qui l’a remporté en une heure trente minutes. Elle a reçu 1.000 dollars tandis qu’Amisi Princillia qui l’a suivie une minute après a, elle, reçu un réfrigérateur Samsung. Les organisateurs ont également pensé récompenser le doyen de tous les participants en lui remettant un téléviseur écran plat Samsung. Plusieurs autres prix ont été remis aux participants parmi lesquels des lecteurs Dvd, des téléphones portables, etc. 
La Bracongo, sponsor principal de l’événement, a pris l’engagement d’encadrer les deux premiers de la course - un homme et une femme - dans leur préparation pour le marathon des Jeux Olympiques de Londres en juillet prochain. La brasserie citoyenne, qui fait la promotion du sport congolais depuis de longues années, n’est pas à son premier geste du genre. Le dernier en date a eu lieu il y a quelques mois. La Bracongo a envoyé en stage professionnel, en France et au Kenya, le champion Ilunga Mande en prévision des Jeux Olympiques 2012. 
Ilunga Mande était en France du 17 décembre 2011 au 21 janvier 2012. Sur place, il a remporté à Vannes la « Corrida de la Saint-Sylvestre » en parcourant 8,75 km en 29’15’’. A cause du froid et des blessures, il s’est envolé pour le Kenya. Sur place, le coureur congolais s’est entraîné en pleine forêt, sur une région montagneuse, avec des professionnels kenyans. La préparation était assurée par le Centre d’entraînement de haute performance - Eldoret - géré conjointement par la Fédération Internationale d’Athlétisme Amateur - IAAF - et la Fédération Kenyane d’athlétisme.
 Le double champion des 20 Km de Kinshasa reste reconnaissant à l’égard de la Bracongo : « C’est une entreprise qui est gravée dans ma carrière. Grâce à elle, j’ai connu les réalités de l’athlétisme professionnel dans plusieurs nations. La Bracongo m’a permis d’être ce que je suis en me permettant d’être formé dans des grands centres internationaux », a-t-il dit.
Ilunga Mande vise être parmi les trois premiers aux Jeux Olympiques de  Londres 2012.

Journée mondiale du paludisme – 25 avril 2012 : Forte recrudescence du paludisme


Kinshasa / Bruxelles 24 Avril 2012 – Une importante flambée de cas de paludisme en République démocratique du Congo (RDC) a dépassé toutes les capacités de prévention et de traitement du pays. Pour MSF, cette situation alarmante requiert d’urgence une réponse renforcée et pérenne.
La plupart des centres de soins et hôpitaux de l’organisation en RDC ont observé une augmentation marquée des cas de malaria, plus particulièrement sous la forme la plus grave de la maladie. Dans presque tout l’est du pays, l’augmentation du nombre de cas de malaria traité par l’organisation atteint plus 250% depuis 2009. Avec une augmentation encore plus claire ces derniers mois. Cette flambée de paludisme inquiète également par le nombre très élevé de cas de paludisme grave nécessitant une hospitalisation urgente et bien souvent une transfusion sanguine pour cause d’anémie.
 «Il est inquiétant de voir une si grande proportion de cas de paludisme sévère» indique le Dr Jorgen Stassijns, spécialiste du paludisme pour MSF. «La gravité de cette situation s’explique par le fait qu’en dehors des villes, l’accès aux traitements reste difficile, en raison de leur prix et d’un problème d’accès géographique. Dans certaines zones, les soins sont tout simplement inexistants. Et quand les traitements sont disponibles, il n’est pas rare qu’ils soient inadaptés ou périmés. »
Face à cette flambée, MSF a déployé des équipes médicales d'urgence supplémentaires dans quatre provinces, soit environ la moitié de cet immense pays. En 2009, les équipes de MSF avaient traité plus de 45.000 personnes. En 2011, elles étaient plus de 158.000 à avoir été prises en charge. Cette année, plus de 85.000 personnes ont déjà été soignées en seulement trois mois.
 Si les causes exactes de cette flambée sont encore incertaines, cette nouvelle crise s’inscrit dans le contexte d’un système de santé manquant cruellement de moyens à tous les niveaux. Il y a un manque de médicaments adéquats, d’approvisionnement médical et de personnel médical correctement formé, mais aussi un manque de moyens de dépistage et de prévention.
Dans les Kivu et, depuis plus récemment, dans le nord de la province du Katanga,  l’insécurité croissante et la reprise des combats représentent un obstacle supplémentaire qui empêche les populations d’obtenir des soins de santé. Dans les provinces du Maniema oriental, de l’Equateur et du Katanga, on peut clairement déplorer un système sanitaire débordé et la présence très limitée d’autres acteurs médicaux. Une situation qui rend la population d’autant plus vulnérable à la malaria.
Si les interventions d'urgence de MSF permettent de sauver des vies à court terme,  elles ne peuvent, à long terme et à elles seules, résoudre cette crise. MSF appelle d’autres organisations actives dans la santé ainsi qu’au gouvernement congolais à prendre des mesures rapides et pérennes de prévention et de lutte contre ce fléau.
En RDC, la malaria reste la première cause de mortalité, tuant chaque année environ 300.000 enfants de moins de 5 ans. MSF est présent en RDC depuis 1981 et  délivre des soins de santé primaire et spécialisés en hôpitaux, dans des centres de santé ou dispensaires mobiles à travers le pays.

dimanche 22 avril 2012

Dans la splendeur de la philosophie africaine


Une lecture éthique et sociopolitique du nouveau livre de Jean-Baptiste Malenge Kalunzu : Philosophie africaine, philosophie de la communication (Kinshasa, Editions Baobab, 2011)
Par Kä Mana
Dans l’abondante littérature philosophique et sociopolitique qui s’épanouit actuellement selon de multiples orientations en République démocratique du Congo, un livre a vigoureusement frappé mon attention et profondément marqué mon esprit. Il s’intitule : Philosophie africaine, philosophie de la communication. Son auteur, Jean-Baptiste Malenge Kalunzu, est un prêtre catholique, membre de la Congrégation des Pères Oblats de Marie Immaculée (OMI) et correspondant de Radio Vatican en R.D Congo. Il enseigne actuellement à l’Institut africaindes sciences de la Mission et à l’Institut théologique Saint Eugène de Mazenod à Kinshasa.
Philosophe et spécialiste des sciences de la communication et de l’information, il s’est placé au carrefour de ces champs du savoir et dans leur inter fécondation pour proposer un livre original et novateur, un livre riche en réflexions et digne d’être un socle pour penser à nouveau frais les problèmes de l’Afrique dans le monde d’aujourd’hui.
 
Un livre sur le destin de l’Afrique dans les temps actuels 
Au cœur de l’ouvrage de Jean-Baptiste Malenge Kalunzu vibre une question essentielle pour la philosophie africaine : la question de la manière dont il convient de penser actuellement le destin de l’Afrique dans le monde et la façon dont il faut nouer les liens entre la société africaine dans sa particularité et la pluralité des civilisations contemporaines dans leur vitalité, dans leurs pulsations intimes et dans leurs quêtes de valeurs pour construire l’avenir.
Aux yeux du penseur congolais, ces relations entre l’Afrique et le monde sont dominées par un tropisme manifeste du point de vue philosophique : la confrontation avec l’Occident. La confrontation avec un univers dont la trajectoire humaine a rencontré celle de l’Afrique dans un choc frontal catastrophique. Ce choc, les Africains ne s’en remettent pas encore parce qu’il fut le choc de la défaite, de l’humiliation et de la domination sans appel.
Dans sa substance la plus profonde, la philosophie africaine s’est essentiellement élaborée dans le vertige de cette défaite. Elle est comme un effet tonitruant de ses traumatismes et de ses déterminismes face à la manière dont est considéré l’être africain dans sa particularité devant une modernité occidentale tentée par l’illusion de se présenter comme l’universel englobant et indépassable. C’est la confrontation entre cette particularité et cette universalité que Malenge Kalunzu a décidé d’analyser, de saisir dans ses enjeux, de
décortiquer dans ses significations et de penser dans ses perspectives. Cela à partir de la façon dont les philosophes d’Afrique configurent leur problématique de fond dans le monde actuel.
Le souci de Malenge Kalunzu est, comme l’écrit le philosophe Célestin Dimandja Eluy’a Kondo dans sa présentation liminaire de l’ouvrage, de dégager et de fertiliser «la logique de fond qui préside au développement» de la philosophie africaine contemporaine. La logique essentielle de l’articulation du particulier et de l’universel pour l’invention de l’Afrique nouvelle dans le cadre actuel de l’ordre mondial. La logique, tout aussi essentielle, d’imaginer et de donner corps à un monde nouveau des relations entre les peuples, entre les
cultures, entre les civilisations.
Si le problème de fond est celui-là, il faut fixer comme point de départ de la philosophie africaine contemporaine ce que le Béninois Paulin Hountondji a appelé «l’effet Tempels». Entendons par cette expression l’onde de choc et l’effet boomerang produits par la publication du livre de Placide Tempels, La Philosophie bantoue, juste après la deuxième guerre mondiale.
On le sait : l’ambition de Tempels était de mettre en lumière la vision du monde globale des Bantu selon un schéma théorique faisant de la force vitale et de la hiérarchie ontologique des forces les concepts centraux d’une philosophie spécifique des Nègres. De cette matrice tempelsienne surgiront des œuvres philosophiques africaines qui, soit s’inscriront dans cette dynamique de la spécifique négro-africaine, soit refuseront de s’inféoder dans une construction théorique dont l’intention majeure était de livrer «l’âme noire» à la domination
spirituelle du christianisme et à l’oppression coloniale des nations européennes. La vision du particulier africain est ainsi placée, dès le départ, dans un contexte de violence et de négation de l’humain du côté occidental et dans un contexte de conquête de la liberté et de la dignité du côté africain. Malgré les théorisations de Tempels qui paraissent s’intéresser aux Bantu avec sollicitude et volonté de les comprendre, la réalité est qu’elles valorisent plutôt la supériorité
de l’Europe comme vision du monde, de l’homme blanc comme volonté de conquête, comme sommet dans la hiérarchie des êtres et comme représentation infériorisante de l’homme noir dans sa spécificité caricaturée.
La riposte philosophique africaine à cette dynamique d’oppression destructrice, Malenge Kalunzu n’a pas voulu en faire l’histoire, au risque de répéter ce que tout le monde connaît de la philosophie africaine contemporaine depuis Tempels jusqu’à nos jours. Notamment : la gloire du tempelsianisme à l’africaine avec des hommes comme Alexis Kagame, Vincent Mulago, John Mbiti ou Tshiamalenga Ntumba, tous les philosophes africains qui doivent au missionnaire belge l’impulsion de leurs analyses du spécifique africain, ce particulier à partir duquel ils ont organisé leur pensée.
L’avalanche antitempelsienne de la philosophie critique exaltée par l’impétuosité des philosophes caustiques comme Paulin Hountondji, Marcien Towa ou Fabien Eboussi Boulaga, ces penseurs de la liberté comme force du refus de laisser l’Afrique se définir selon des critères dits ethnophilosophiques et comme énergie de confronter les pays africains aux exigences d’une révolution scientifique, technologique et socioculturelle dans une modernité à prendre à
bras-le-corps en tant que défi et fureur de nouveaux enjeux pour le destin africain.
Le diorama des recherches philosophiques afrocentristes et néopharaonistes qui, avec la galaxie des personnalités comme Alphonsine Bouya, Bilolo Mubabinge, Massonssa Wa Masonssa, Matungulu Kaba, Ramsès Boa, Kabongo Malu ou Muamba Cabakulu, remontent aux sources africaines de la civilisation et construisent une dynamique vitale nouvelle fondée sur l’impératif de maîtriser le présent et d’inventer l’avenir par les pouvoirs de la spiritualité, de la gouvernance communautaire, de la conscience historique créatrice, du génie des langues africaines et du pouvoir de l’éducation à une nouvelle structuration de l’esprit humain.
Les préoccupations de réinvention de l’Afrique, comme dirait Mudimbe, ou d’invention de l’Afrique nouvelle dans une philosophie d’inservitude (Kasereka Kavwahirehi), dans une révolution radicale de l’imaginaire (Kalamba Nsapo) ou dans de nouvelles rationalités politico-culturelles susceptibles de libérer définitivement l’homme africain (Ngoma Binda, Jean-Claude Djeréké, Dimandja Eluy’a Kondo, Axelle Kabou, Daniel Etounga Manguelle).
Les nouvelles pistes et les nouveaux horizons que les générations montantes ouvrent avec de nouvelles problématiques comme celles de l’ouverture de l’Afrique aux nouvelles technologies (Pascal Tuayem), de la découverte de nouvelles puissances politiques dans le monde par les pays africains (Emile Kenmogne) ou de la construction de nouvelles utopies écologiques et socioculturelles sans commune mesure avec l’univers imaginaire des générations précédentes (Jean-Blaise Kenmogne).

Pour une voie novatrice dans la construction d’un monde nouveau
Sur toutes ces orientations philosophiques, de bons travaux existent, depuis les recherche historiques de A.J. Smet à Kinshasa dans les années 1970-1980 jusqu’aux récentes considérations de J.G. Bidima à Paris. Malenge Kalunzu connaît à fond ces travaux et il les utilise à bon escient. Il connaît minutieusement les publications philosophiques qui ont précédé sa propre recherche et il les exploite à merveille, sans pourtant s’enfermer dans leurs a priori théoriques qu’il critique, ni se déterminer par rapport à leurs visées de monde dont il s’enrichit. Son souci n’étant pas de reprendre le déjà-connu dont se délectent les historiens de la philosophie africaine, il s’emploie à penser la question de la particularité africaine et de sa relation à l’universel dans le monde contemporain sous un nouveau jour.
Pour laisser poindre la lumière de ce nouveau jour, il s’attelle avant tout à repérer, parmi les philosophes africains, ceux qui se sont consacrés explicitement à penser la question de particulier et de l’universel dans les relations entre l’Afrique et l’Occident. Les œuvres de Fabien Eboussi Boulaga, de Melchior Mbonimpa et de Kä Mana se sont alors imposées à lui et il les analyse avec attention, clarté, rigueur et patience, dans une impressionnante maîtrise théorique de leurs problématiques et avec une maestria admirablement lumineuse pour dégager leurs enjeux essentiels. Creusant leurs sillons de l’intelligence et sarclant leur champ conceptuel avec un intérêt passionnant, il parvient à mettre en lumière leur force structurante comme volonté de construire un autre monde possible. Celui dont le projet pour l’Afrique, ainsi que l’écrit Eboussi Boulaga, est «d’être pour et par soi-même, par l’articulation de l’avoir et du faire, selon un ordre qui exclut la violence et l’arbitraire». Pour Melchior Mbonimpa, c’est un monde des identités ouvertes, inter-agissantes, inter enrichissantes et inter-fécondatrices, construisant des personnalités riches de toutes les diversités du monde et de tous les souffles des particularités sociales et culturelles. Ce monde, Kä Mana en rêve l’avènement dans une philosophie de l’humain irriguée par la soif du bonheur partagé, loin des fureurs des violences, même révolutionnaires, à la Fanon ou des terreurs de pensée, même verbalement destructrices, à la Césaire.
Si toutes ces philosophies voient bien quelle direction devrait être prise par l’Afrique pour sortir de l’univers de la violence, de la domination, de l’oppression, des injustices et des humiliations dont le continent est victime dans l’ordre mondial, elles souffrent, d’un point de vue spécifiquement philosophique, des limites et de l’étroitesse du paradigme à l’intérieur duquel elles ont évolué et qui structure leurs a priori. C’est ce paradigme que Malenge Kalunzu met en lumière et remet en question. C’est face à lui qu’il définit l’innovation conceptuelle et méthodologique conforme à sa propre démarche comme nouveau cadrage théorique. Cette nouvelle orientation, il cherche à la promouvoir par son livre dans l’immense champ de la pensée africaine contemporaine. Un champ dont la philosophie, les sciences humaines, la recherche politique et les réflexions économiques sont des dimensions importantes pour l’invention de l’avenir.
A ses yeux, il n’est pas possible de réussir cet avenir sans sortir de la logique des antagonismes sectaires entre le particulier africain et l’illusion d’universalité qui caractérise le monde occidental dans sa condescendance. Cette morgue qui n’est pas seulement de l’orgueil mal placé, dirais-je, mais vraiment un lieu où l’on conserve les morts avant de les ensevelir et de les enterrer calmement.
Dans le langage philosophique, cette nouvelle perspective est définie par Malenge Kalunzu lui-même de la manière suivante, pour casser l’a priori actuel de la confrontation entre l’Afrique et l’Occident : «On ne peut, écrit-il, obtenir de gage par la mort ontologique de l’un ni de l’autre, il faut réconcilier les deux pôles antagonistes. Commentcomprendre le nouvel enjeu et comment le faire au niveau de la pensée? Un nouveau paradigme de pensée est depuis longtemps attendu dans la société africaine. »
En quoi consiste ce paradigme ? « Nous soutenons que la philosophie de la communication est le nouveau paradigme qui inaugure la renaissance de la pensée philosophique africaine », répond sereinement l’auteur, conscient de la force de son innovation théorique.
La majeure partie de l’ouvrage de Malenge Kalunzu s’attelle à définir ce paradigme, ou plutôt à le construire comme boussole, comme outil d’analyse et comme principe de pensée. Pour ce faire, l’auteur s’épanouit dans une éblouissante érudition, vraiment éblouissante, à la limite assourdissante et assommante, à travers un voyage prodigieusement riche parmi les penseurs de la communication aujourd’hui. Notamment : Francis Jacques et sa théorie du dialogisme comme cadre de pensée, Jürgen Habermas et son éthique de l’agir communicationnel, Jean-Marc Ferry et ses logiques de la narration, de l’argumentation, de l’interprétation et de la reconstruction. Il n’oublie ni Jakobson et sa linguistique structurale, ni Levinas et sa philosophie du visage, ni Martin Buber dans ses nœuds théoriques du Je et du Tu. Un véritable pays de merveilles et d’éblouissements théoriques s’ouvre ainsi aux yeux du lecteur, sous la conduite d’un guide sûr et maître de son savoir.
J’aurais personnellement voulu trouver dans la liste de penseurs qui ont inspiré Malenge Kalunzu un philosophe africain comme Tshiamalenga Ntumba et son énergétique du bisoïsme, cette philosophie du primat du biso («nous», dans la langue lingala) sur le ngaï («moi», toujours dans la même langue). J’aurais aussi aimé retrouver chez Malenge Kalunzu l’évocation de la sagesse initiatique africaine comme l’a développée Amadou Hampâté Bâ dans sa pensée de l’unité du monde, ce tout qui est dans le tout, dans une ontologie de l’universalité anthropologique, cosmique et écologique dont tous les humains devraient se nourrir.
Si le philosophe congolais ne s’est pas tourné vers cette pensée africaine à ce point précis de sa recherche, c’est sans doute parce que les auteurs occidentaux qu’il a choisis comme socle lui permettaient de casser les ressorts de la dichotomie Afrique-Occident en lui-même. En outre, il avait déjà, au fil de ses analyses, parlé abondamment de la philosophie africaine pour en dégager la logique de fond dans son livre. Il lui fallait un nouveau cadrage qu’il le définit très clairement : «Entre la prétention à l’universalité du paradigme occidental de l’homo sapiens faber dévastateur du monde et de l’humanité (l’expression est de Jean-Marc Ela), de cette Europe qui n’en finit pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, comme dit Fanon, et le paradigme symétrique suicidaire de l’africanisme, de l’originalité et de la différence africaine s’épuisant à perte de vue sur le procès de l’inhumanité de l’Europe, nous n’avons qu’un choix. C’est pourquoi, nous proposons de rencontrer l’universel au cœur du particulier dans la nouveauté d’un rendez-vous où il s’agit de s’apercevoir enfin de la solidarité qui précède jusqu’à l’essence et à la pensée de la solidarité».

Un projet philosophique, un projet politique, un projet éducatif
Nous sommes ici au cœur du projet de Malenge Kalunzu et de ses enjeux fondamentaux. Le projet est manifestement philosophique. Il est aussi puissamment politique. Et il est radicalement éducatif, à mes yeux.
C’est pour en déployer la fécondité philosophique que le philosophe congolais déploie toute l’érudition nécessaire pour enrichir le lecteur non seulement dans sa connaissance des courants de pensée au sein des sciences de la communication et de l’information, mais surtout dans une nouvelle interprétation de la philosophie africaine, une fois qu’on la considère sous l’angle de ces sciences et selon les grilles de lecture qu’elles permettent de construire.
Avec les penseurs comme Francis Jacques, Jean-Marc Ferry ou Jürgen Habermas dont on découvre chez Malenge Kalunzu une extraordinaire puissance de penser l’humain, on se rend compte que la dynamique de la communication est un socle de solidarité fondamentale. Elle porte des valeurs, configure des enjeux et suscite des espérances qui donnent aux personnes et aux peuples le pouvoir de dépassement, de transcendance, pour fonder une logique d’humanité fertile. Une humanité où l’on prend conscience que le particulier est dans l’universel comme l’universel est dans le particulier. Le seul fait de se parler les uns aux autres, d’échanger des informations et de débattre sur de multiples sujets à partir de la grammaire de nos langues ou des récits de nos vies implique une solidarité essentielle, un corps solide de règles rationnelles, de normes éthiques et de principes spirituels qui sont le fondement d’une nouvelle destinée dans les relations entre les humains, entre les ethnies, entre les pays, entre les civilisations.
S’il en est ainsi, il faut en induire un projet politique planétaire : une dynamique de solidarité mondiale bâtie sur le pouvoir humain de la communication, de l’interlocution, comme dirait Francis Jacques. On ferait ainsi de ce pouvoir un socle politique pour un être-ensemble, pour un vivre-ensemble, pour un croire-ensemble, pour un rêver-ensemble et pour un agir-ensemble respectueux de l’humain comme un universel construit, développé au cœur des particularités dans leurs fibres profondes et dans leur souffle intime. Cette politique-là est une tâche de civilisation qui incombe à tous les peuples aujourd’hui. C’est un devoir d’humanité.
D’où, l’importance de l’impératif d’éducation. Cet impératif m’apparaît, à la lecture de Jean-Baptiste Malenge Kalunzu comme l’enjeu le plus radical de sa pensée (Lire à ce sujet mon livre : Eduquer l’imaginaire africain, Bandjoun, Presses de l’Université Evangélique du Cameroun, 2012). Celui qui conditionne la réussite du nouveau paradigme et du nouveau cadrage théorique proposés par l’auteur à la philosophie africaine dans une perspective mondiale. Il faut enseigner ce paradigme, il faut promouvoir ce cadrage et en faire le limon d’un nouvel imaginaire dont l’humanité a besoin pour une nouvelle force d’universalité, pour une nouvelle puissance de mondialité solidaire.
Si j’en arrive à ces perspectives éducatives au bout de ma lecture de Philosophie africaine, philosophie de la communication, c’est parce que je sens que la force de ce grand livre philosophique congolais n’est pas seulement dans sa dynamique de connaissances et de richesses théoriques qu’il offre et partage. Elle est surtout dans une fertilité qui donne lieu aux possibilités des prolongements pratiques importants : ceux que chaque lecteur pourra imaginer pour l’avènement d’un autre monde possible, dans tous les domaines où se noue concrètement la communication humaine, ce lieu créateur de liens vitaux.
L’ouvrage est à mes yeux une invite à penser autrement pour agir autrement, dans l’urgence d’une philosophie de la communication comprise comme «théorie et pratique émancipatrice, qui réconcilie l’être de l’homme avec son visage, qui surmonte à la fois et du même coup la dévastation du monde, l’anéantissement d’autrui et la haine de soi». C’est un ouvrage de construction de l’humain, véritablement, un chemin d’humanité profonde, une voie pour un autre monde possible.
N’est-ce pas dans ce souci du nouveau monde possible que réside la vraie éthique pour notre temps, grâce au pouvoir de la philosophie comme amour de la sagesse ? Sans aucun doute. Nous devons être reconnaissants à Malenge Kalunzu de nous avoir proposé cette sagesse dans un monde qui en a plus que jamais besoin dans ses réalités vitales, dans ses rêves rayonnant comme et dans la splendeur de ses nouvelles espérances.

Kä Mana, président de Pole Institute, Goma (RDC)