ASADHO
B.P.16737
KINSHASA 1
R.D. Congo
Association Africaine de
Défense des Droits de l’Homme
African
Association for the Defense of Human Rights
Kinshasa, le 17 août 2015
A Monsieur le Premier Ministre
de la
République
Démocratique du Congo.
de et à KINSHASA
Concerne : Mise en œuvre de l’ITIE/RDC.
Monsieur
le Premier Ministre ;
L’Association
Africaine de défense des Droits de l’Homme, ASADHO en sigle, s’occupe des questions liées aux droits de
l’Homme et au développement démocratique en République Démocratique du Congo
depuis plusieurs années. En tant que
telle, l’ASADHO s’occupe aussi des questions touchant à la lutte contre la corruption et à la transparence des
industries extractives, car la corruption et l’opacité privent le Gouvernement
de moyens financiers nécessaires pour l’amélioration des conditions de vie
(droits fondamentaux) des populations
congolaises.
Monsieur
le Premier Ministre,
L’ASADHO
vous adresse la présente pour partager avec vous ses préoccupations au sujet de
la mise en œuvre de l’Initiative de Transparence des Industries
Extractives(ITIE) en République Démocratique du Congo.
Avant
de vous exposer lesdites préoccupations, objet de la présente, nous tenons à
vous féliciter pour tous les moyens financiers et matériels que le Gouvernement congolais met à la disposition du
Comité Exécutif (Groupe Multipartite) pour assurer une mise en œuvre effective de l’ITIE. Nous reconnaissons aussi
que c’est sous votre leadership que la
mise en œuvre de l’ITIE a pris de l’envol et que le pays a atteint la
conformité.
Raison
pour laquelle Madame Clare Short,
Présidente du Conseil d’Administration de l’ITIE, lors de son dernier séjour en
République Démocratique du Congo, avait félicité fortement votre Gouvernement
pour tous ces efforts qui sont consécutifs à votre volonté de rendre
transparente la gestion des ressources naturelles. A cette même occasion, vous
adressant aux membres du Conseil d’Administration, vous avez mis en exergue votre détermination à faire
profiter les retombées de l’exploitation des ressources naturelles à toutes les
populations congolaises, en mettant un accent particulier sur la transparence
et la bonne gouvernance dans le secteur extractif.
Ainsi,
nous considérons que l’ITIE est un des outils dont dispose le Gouvernement
congolais pour traduire cette détermination en des
investissements qui contribueraient au développement des secteurs prioritaires
pour la vie des populations congolaises.
Malgré
votre détermination et tous les atouts
dont dispose l’ITIE/RDC pour impulser la transparence du secteur extractif,
elle rencontre encore d’énormes obstacles dont les plus importants sont :
1.
La transparence de la dépense.
Le principe 5 de la Norme ITIE dispose
que «…la compréhension du public des revenus et des dépenses des
gouvernements sur la durée est susceptible de contribuer au débat
public et de faciliter le choix d’options appropriées et réalistes favorisant
le développement durable… ». Au regard de la mise en œuvre de l’ITIE en
République Démocratique du Congo, les rapports ITIE se focalisent
principalement sur la transparence des revenus, ce qui est un premier volet de
l’ITIE, mais ne font pas de
l’affectation desdits revenus, deuxième volet de l’ITIE, leurs préoccupations.
Le rapport ITIE 2010 avait fourni
beaucoup d’efforts en ce qui concerne les paiements reçus dans le cadre du
projet SICOMINES, en publiant non seulement les paiements reçus par le
Gouvernement mais aussi la manière dont ils ont été affectés ou utilisés. Un progrès qui avait été salué par les
organisations de la société civile impliquées dans l’ITIE mais qui n’a pas été
maintenu dans les rapports ITIE 2011, 2012 et 2013 ni étendu à d’autres projets
miniers ou pétroliers.
Ce qui est dommageable à votre
volonté d’assurer la transparence totale des revenus des industries extractives.
Si cet effort de rendre
transparents les paiements et les
dépenses a été possible pour le projet SICOMINES, ce qu’il peut être aussi possible
pour les autres projets miniers et pétroliers.
Nous savons que la transparence des
dépenses exigent des réformes importantes notamment de canaliser tous les
revenus extractifs sur un compte spécial tant sur le plan provincial que
national, mais de telles réformes sont nécessaires pour renforcer la
transparence et la lutte contre la corruption. Si dans certains pays un compte
spécial a été créé pour canaliser les revenus pétroliers(TCHAD), il est
possible de créer ce compte pour tous
les revenus extractifs en République Démocratique du Congo. Ceci permettrait de
suivre ce qui a été fait avec les revenus provenant d’une industrie extractive
X (cas de SICOMINES) en particulier, mais aussi du secteur extractif, en
général.
Les raisons qui ont été toujours alléguées
pour éviter de créer ce genre de compte participent à l’opacité de la dépense
et fragilisent les efforts du Gouvernement en matière de lutte contre la
corruption.
Nous vous prions, Monsieur le
Premier, de vous pencher sur cette question pour aider l’ITIE à impulser la
transparence.
2. Les
contentieux gérés par les régies
financières.
A ce jour, l’ITIE ne s’occupe que
des flux financiers qui sont effectivement payés. Or, il est connu de tous que
lesdits flux sont faibles par rapport à ce qui échappe au trésor public pour
plusieurs raisons (complaisance
dans la gestion des contentieux par les agences financières de l’Etat, coulage
des recettes publiques …).
Dans plusieurs contentieux relatifs au paiement des droits dus à l’Etat par
les industries extractives via les agences financières, plusieurs dossiers
seraient clos à cause de l’expiration des délais prescrits pour agir ou seraient soumis à des négociations où
les droits dus à l’Etat ne seraient pas protégés par les fonctionnaires véreux
qui négocieraient plus pour leurs intérêts que pour ceux de l’Etat.
Pour réduire ce genre des pratiques et
permettre à l’Etat d’avoir plus d’argent, il est important que l’ITIE- RDC
fasse, dans un rapport annuel, le monitoring de tous les contentieux qui sont
gérés par les régies financières et rendent compte de la manière dont les
dossiers ont été clôturés. Ce qui permettrait de retracer les contentieux et
les paiements qui ont été faits par les contribuables. Les contentieux dans lequel les industries
minières sont impliquées devenant de plus en plus grand, surtout au Katanga, il
est important que l’ITIE s’intéresse à la gestion de ces contentieux pour s’assurer que l’Etat reçoit ce qui lui est
réellement du et que tous les délais relatif au règlement du contentieux sont
respectés tant par les fonctionnaires que les contribuables.
En étendant son mandat à ce genre des
questions, l’ITIE RDC contribuerait à la meilleure collecte des droits dus à l’Etat par les industries
extractives.
Ce travail qui relève de la compétence des
inspecteurs des finances n’est pas réalisé, à ce jour, avec satisfaction pour
permettre à l’Etat d’avoir plus de moyens financiers.
Nous savons que ceux qui ne veulent pas de
la transparence ou de la traçabilité des paiements faits dans le cadre des
contentieux vont totalement s’opposer à cette proposition aux motifs que ce
n’est pas dans le mandat de l’ITIE ou que cela empiète sur les attributions des
inspecteurs des finances. Mais, ils ne doivent pas oublier que l’ITIE est mise
en œuvre pour résoudre les problèmes de gouvernance, d’une part, et que malgré
l’existence de l’inspection des finances, les paiements dus à l’Etat
n’augmentent pas sensiblement, d’autre part.
Une remise en
question de ce service s’impose en ce moment où le Gouvernement a besoin de moyens pour réaliser ses politiques et
programmes.
Quelles que soient les raisons qui peuvent
être avancées pour réfuter cette proposition, il nous semble important de réfléchir à comment associer
l’ITIE- RDC à l’amélioration de la collecte des droits dus à l’Etat et de lui permettre, annuellement de
rendre compte aux citoyens de la manière dont les contentieux relatifs aux industries
extractives sont gérés et liquidés par les agences financières de l’Etat.
3. Les documents de gouvernance du
groupe multiparité.
Monsieur le Premier Ministre,
La qualité des débats au sein du
Groupe Multipartite dépend en grande partie du respect de l’article 8 du
Règlement intérieur de l’ITIE qui exige que les documents de travail soient
envoyés aux membres 8 jours avant la tenue des réunions du Comité Exécutif. Ce
délai permet aux membres de lire les documents et de les discuter au sein de
chaque collège (Institutions publiques, société civile et industries
extractives..).
Pour la société civile, le respect
de ce délai est crucial car, il lui permet de recueillir les contributions de
toutes les organisations non gouvernementales impliquées dans la mise en œuvre
l’ITIE à travers tout le pays. La
contribution effective et qualitative de la société civile à l’ITIE dépend en
grande partie du respect de ce délai.
Depuis un certain temps, ce délai
n’est plus respecté. Les documents de travail sont souvent envoyés deux jours
avant la réunion. Plus d’une fois, les documents ont été déjà remis pendant la
réunion, ce qui compromet le débat au sein du Comité Exécutif.
Au mois de juillet dernier, lors de
l’adoption du Rapport ITIE 2013, la société civile avait soulevé plusieurs préoccupations concernant
ledit rapport.
La société civile avait fait remarquer que le rapport ne devait pas
être adopté parce que sa version finale n’avait pas été envoyée aux membres du Comité Exécutif pour
lecture et commentaires. Malheureusement
les interventions de plusieurs membres sont allées dans le sens de considérer
que ceux qui exigent le respect de la Norme et des documents de gouvernance de
l’ITIE/RDC sont considérés comme de « non patriotes », des personnes
qui veulent bloquer le processus, donc le pays.
Monsieur le Premier Ministre,
« La politisation » des
débats au sein du Comité Exécutif et le fait de considérer que tous ceux qui
disent OUI à toutes les propositions sont des patriotes, et que ceux qui disent
NON quand la norme n’est pas respectée sont des non patriotes risque de nuire
aux débats démocratiques dans la mise en œuvre de l’ITIE. La conséquence sera
que nous mettrons en œuvre une ITIE de mauvaise qualité, incapable d’impulser
les réformes nécessaires pour renforcer la transparence.
Les considérations politiques vont
affaiblir le Comité Exécutif dont le travail est plus technique que politique.
Nous sollicitons votre intervention
pour que ces mauvaises pratiques qui nuisent à l’image de la République
Démocratique du Congo, pays considéré
comme un des modèles dans la mise en œuvre de l’ITIE de qualité, cessent.
- Les documents de
Gouvernance de l’ITIE/RDC.
Monsieur
le Premier Ministre,
L’ITIE/RDC
fonctionne sur base du Décret 09/28 du 16 juillet 2009 portant création,
organisation et fonctionnement du Comité National de l’l'Initiative pour la Transparence des Industries
Extractives en République Démocratique
du Congo.
Ce Décret n’est plus aligné ni sur le fonctionnement
actuel du Comité Exécutif (la composition du Comité Exécutif a déjà été changé, des nouvelles structures comme
antennes ITIE ont été mises en place...) ni sur la Norme ITIE. Il parait donc urgent d’adapter ce Décret aux
mutations indiquées ci-dessus.
Le Comité Exécutif de l’ITIE vous avait proposé le
draft d’un nouveau Décret pour examen et signature depuis le début de l’année
2014.
Fort malheureusement plus d’une année après, ce décret
n’a jamais été signé et le Comité Exécutif fonctionne encore sur base du Décret
dépassé.
Pour la société civile, le nouveau décret est
nécessaire pour permettre aux organisations non gouvernementales au niveau des
provinces de participer à la gestion des antennes ITIE et à la mise en œuvre de
l’ITIE.
Pourrions-nous vous prier, Monsieur le Premier
Ministre, d’examiner la possibilité de rendre public le nouveau Décret qui vous
a été proposé.
Monsieur le Premier,
Nous n’allons pas aborder dans la présente, les
intimidations et frustrations dont les acteurs de la société civile sont
victimes de la part de certains animateurs de l’ITIE/RDC. Nous y reviendrons
dans un autre courrier.
Tout compte fait, nous croyons avoir partagé avec vous
nos préoccupations relatives à la transparence et à la mise en œuvre de l’ITIE
en République Démocratique du Congo. Nous croyons que vous en tiendrez compte.
Avec nos sentiments de profonde considération.
Maître
Jean Claude KATENDE
Président National
C.I :
- A Monsieur le
Président de la République Démocratique du Congo ;
- A Monsieur le
Président de l’Assemblée Nationale ;
- A Monsieur le Président du Sénat ;
- A Monsieur le Ministre du Plan, Président du Comité Exécutif de
l’ITIE/RDC ;
- A Monsieur le Chef du Secrétariat International de
l’ITIE ;
- A Monsieur le
Coordonnateur National de l’ITIE/RDC ;
- Aux
partenaires au développement(Tous)
- Aux
ONG(Toutes)
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