(Kinshasa, le 11 août 2015) – Les meurtres et le déplacement
généralisés de civils par des milices ethniques dans le nord du Katanga, au
sud-est de la République démocratique du Congo, montrent la
nécessité pour le gouvernement de protéger les civils de toute urgence, a
déclaré Human Rights Watch. Le gouvernement devrait prendre des
mesures pour combattre l’origine des violences dans la région.
Human Rights Watch a mené des entretiens auprès de survivants
de l’un des pires incidents récents, le 30 avril 2015, lorsque des combattants
appartenant à l’ethnie Luba ont attaqué un camp de personnes déplacées près de
la ville de Nyunzu. Les assaillants ont réduit le camp en cendres et tué au
moins 30 hommes, femmes et enfants appartenant à la communauté marginalisée
Batwa, dite « Pygmée », à coups de machette, de flèches et de hache.
Des dizaines d’autres personnes sont portées disparues et il est à craindre
qu’elles soient mortes.
« Les luttes
interethniques dans le nord du Katanga ont un coût terriblement élevé pour les
civils », a déclaré Ida Sawyer, chercheuse senior sur l’Afrique à
Human Rights Watch. « Les
autorités congolaises, avec le soutien de l’ONU, devraient améliorer la
protection des civils, mener des enquêtes et des poursuites contre tous les
individus responsables des atrocités, et répondre aux tensions
intercommunautaires et discriminations qui semblent avoir déclenché les combats. »
Depuis que des combats à grande échelle ont éclaté en 2013
entre les membres de l’ethnie Luba et Batwa, les Nations Unies ont fait état de
centaines de civils tués, de dizaines de villages incendiés et de dizaines de
milliers de personnes déplacées contraintes de quitter leurs foyers.
Les combats au Katanga ont peu retenu l’attention nationale et internationale, et selon Human Rights Watch, le calvaire des communautés Batwa en RD Congo, des groupes indigènes qui sont depuis longtemps l’objet de discriminations de la part des autorités locales et d’autres communautés, est souvent ignoré.
Les combats au Katanga ont peu retenu l’attention nationale et internationale, et selon Human Rights Watch, le calvaire des communautés Batwa en RD Congo, des groupes indigènes qui sont depuis longtemps l’objet de discriminations de la part des autorités locales et d’autres communautés, est souvent ignoré.
Les conclusions de Human Rights Watch s’appuient sur deux
missions de recherche effectuées dans des zones reculées du nord du Katanga et
sur une recherche menée dans l’ancienne capitale du Katanga, Lubumbashi, entre
mai et juillet 2015. Human Rights Watch a conduit des entretiens auprès de plus
de 60 victimes, témoins, travailleurs humanitaires, activistes des droits humains,
autorités locales et provinciales, membres de l’armée, de la police, des
services de renseignement et des forces de maintien de la paix de l’ONU.
Les tensions latentes entre les Batwa et les Luba au
Katanga ont provoqué des combats violents durant la mi-2013 sur le territoire
de Manono, à la suite des exigences Batwa quant au respect de leurs droits
fondamentaux, notamment l'accès à la terre et la fin du travail forcé présumé
ou d’une forme d'esclavage. Les deux communautés ont formé des milices plus ou
moins organisées et les combats se sont propagés aux territoires de Kabalo,
Kalemie, et dans le sud du territoire de Nyunzu.
En janvier 2015, plus de 3 500 familles fuyant la violence
dans les territoires du sud de Nyunzu et de Manono se sont rassemblées à
l'extérieur de la ville de Nyunzu. Le site, alors connu sous le nom de camp
Vumilia 1, était principalement occupé de Batwa. Les Lubas qui avaient fui la
violence ont quant à eux, en grande partie, cherché refuge dans des familles de
la communauté environnante.
Au cours des premiers mois de 2015, les combattants Batwa appelés « Perci », armés d'arcs et de flèches, ainsi que de machettes, ont attaqué
brutalement les Lubas dans le sud du territoire de Nyunzu et le nord du
territoire de Manono, tuant et enlevant des civils, et incendiant des villages
entiers. Un garçon Luba de 12 ans a déclaré à Human Rights Watch que des
combattants Batwas avaient tué sept membres de sa famille lors d'une attaque
lancée au début de l’année 2015.
Après que les nouvelles de ces attaques soient parvenues à la
ville de Nyunzu, les combattants Luba ont organisé une attaque contre les
Batwas dans le camp Vumilia 1. Les combattants Lubas, appelés « Éléments »,
étaient armés de machettes, de haches, d'arcs et de flèches, portaient des
amulettes et d'autres symboles de sorcellerie, et auraient coupé les organes
génitaux de certaines victimes.
« Les gens ont commencé à fuir sans savoir que les
Éléments étaient partout dans le camp », a
expliqué une femme Batwa à
Human Rights Watch. « Ils ont commencé à nous tirer dessus
avec des flèches. Nous n’avions pas d’armes pour nous protéger. Ils nous ont
massacrés. Ils ont tué tellement de Pygmées. Ils nous ont tués comme des
animaux, comme des choses sans valeur. »
Tous les logements de fortune dans le camp ont été réduits en cendres, a constaté Human Rights Watch lors d'une visite effectuée au camp quelques semaines plus tard. Après l'attaque, les autorités ont déplacé plusieurs milliers de survivants dans une usine abandonnée appelée Cotanga, dans la ville de Nyunzu, à environ deux kilomètres de Vumilia 1. Le 3 mai, des combattants Luba ont également attaqué le site de Cotanga, blessant au moins deux personnes Batwas.
Tous les logements de fortune dans le camp ont été réduits en cendres, a constaté Human Rights Watch lors d'une visite effectuée au camp quelques semaines plus tard. Après l'attaque, les autorités ont déplacé plusieurs milliers de survivants dans une usine abandonnée appelée Cotanga, dans la ville de Nyunzu, à environ deux kilomètres de Vumilia 1. Le 3 mai, des combattants Luba ont également attaqué le site de Cotanga, blessant au moins deux personnes Batwas.
Les Batwas n’ont pas pu quitter le site de Cotanga pour
chercher leurs proches disparus depuis le 30 avril ou pour participer à des
enterrements organisés par les travailleurs de la Croix-Rouge congolaise, de
peur d'être la cible des milices Lubas encerclant le site. Au début du mois de
mai, deux hommes Batwas qui avaient quitté le site de Cotanga pour visiter la
ville de Nyunzu ont été blessés par des combattants Luba.
Les autorités locales ont mis en garde les travailleurs
humanitaires et les militants locaux des droits humains contre le fait de
parler de l'attaque ou du nombre de personnes tuées. Lors d'entretiens avec
Human Rights Watch, des responsables de l'armée et du gouvernement local et
provincial – dont beaucoup sont des Luba – ont cherché à minimiser les
meurtres de Vumilia 1. Sans étayer leurs affirmations, ils ont déclaré que le
nombre de Batwa tués allait d’aucun à quatre.
Dans les semaines qui ont suivi l'attaque, l'armée et la
police congolaises ont envoyé des renforts pour accroître la sécurité autour de
la ville. Le ministre de l'Intérieur de la province, Juvénal Kitungwa, a visité
la région les 18 et 19 mai, accompagné de Martin Kobler, chef de la mission de
maintien de la paix de l'ONU en RD Congo (MONUSCO). La mission avait déployé
une vingtaine de soldats des forces de maintien de la paix dans la ville au
début du mois d’avril. Après l’attaque, elle a envoyé une quarantaine de
renforts supplémentaires, lesquels ont depuis été retirés.
Au début du mois de mai, les autorités ont arrêté trois
Batwas, dont un chef de milice présumé, et un chef présumé de milice Luba.
Aucun n'a été officiellement inculpé, et nous ne savons pas si les personnes
arrêtées ont été effectivement impliquées dans les attaques.
Le 16 juillet, la province du Katanga a été divisée en quatre provinces dans le cadre du « découpage » : la subdivision des 11 anciennes provinces de la RD Congo en 26 provinces. Le territoire de Nyunzu fait partie de la nouvelle province du Tanganyika, dans le nord du Katanga, une région isolée et sous-développée qui n'a pas bénéficié de la grande richesse en ressources du sud du Katanga, notamment en cuivre et en cobalt.
Le 16 juillet, la province du Katanga a été divisée en quatre provinces dans le cadre du « découpage » : la subdivision des 11 anciennes provinces de la RD Congo en 26 provinces. Le territoire de Nyunzu fait partie de la nouvelle province du Tanganyika, dans le nord du Katanga, une région isolée et sous-développée qui n'a pas bénéficié de la grande richesse en ressources du sud du Katanga, notamment en cuivre et en cobalt.
« Protéger les civils de toutes les communautés qui
sont en grave danger doit être la priorité du gouvernement dans le nord du
Katanga », a conclu Ida
Sawyer. « Mais les problèmes
sous-jacents à la violence ne seront pas résolus tant que les droits
fondamentaux des Batwas, longtemps opprimés, ne seront pas respectés. »
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