Des familles craignent qu'elle ne contienne les cadavres de
victimes des forces de sécurité
(Kinshasa, le 8 juin 2015) – Les autorités de la République démocratique du Congo devraient sans tarder et de manière appropriée exhumer les corps enterrés dans une fosse commune qui pourrait contenir les cadavres de victimes de disparitions forcées ou d’exécutions commises par les forces de sécurité congolaises, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le 5 juin 2015, les familles de 34 victimes ont déposé une plainte publique auprès du Procureur général de la République, réclamant justice et l'exhumation des corps inhumés dans cette fosse, située à Maluku, dans une zone rurale à environ 80 kilomètres de la capitale, Kinshasa.
Des habitants de cette zone, des dirigeants de l'opposition, la mission de maintien de la paix des Nations Unies en RD Congo (MONUSCO) et des organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, ont exprimé leur préoccupation au sujet de l’inhumation massive effectuée de nuit le 19 mars à la lisière du cimetière de Fula-Fula à Maluku, à laquelle des membres des forces de sécurité gouvernementales ont participé. Le gouvernement n'a ni exhumé les dépouilles ni révélé les identités des personnes enterrées.
« Deux mois après la découverte de la fosse commune à Maluku, les autorités congolaises n'ont toujours pas fait la lumière sur l'identité des personnes qui y sont enterrées », a déclaré Ida Sawyer, chercheuse senior sur l'Afrique à Human Rights Watch. « Les familles de victimes de violations des droits humains ont le droit de savoir si leurs proches sont parmi les personnes ensevelies dans cette fosse. »
(Kinshasa, le 8 juin 2015) – Les autorités de la République démocratique du Congo devraient sans tarder et de manière appropriée exhumer les corps enterrés dans une fosse commune qui pourrait contenir les cadavres de victimes de disparitions forcées ou d’exécutions commises par les forces de sécurité congolaises, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le 5 juin 2015, les familles de 34 victimes ont déposé une plainte publique auprès du Procureur général de la République, réclamant justice et l'exhumation des corps inhumés dans cette fosse, située à Maluku, dans une zone rurale à environ 80 kilomètres de la capitale, Kinshasa.
Des habitants de cette zone, des dirigeants de l'opposition, la mission de maintien de la paix des Nations Unies en RD Congo (MONUSCO) et des organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, ont exprimé leur préoccupation au sujet de l’inhumation massive effectuée de nuit le 19 mars à la lisière du cimetière de Fula-Fula à Maluku, à laquelle des membres des forces de sécurité gouvernementales ont participé. Le gouvernement n'a ni exhumé les dépouilles ni révélé les identités des personnes enterrées.
« Deux mois après la découverte de la fosse commune à Maluku, les autorités congolaises n'ont toujours pas fait la lumière sur l'identité des personnes qui y sont enterrées », a déclaré Ida Sawyer, chercheuse senior sur l'Afrique à Human Rights Watch. « Les familles de victimes de violations des droits humains ont le droit de savoir si leurs proches sont parmi les personnes ensevelies dans cette fosse. »
Les autorités devraient effectuer immédiatement une opération
d'exhumation en bonne et due forme, avec l'aide d'experts internationaux, a
déclaré Human Rights Watch. Des gouvernements étrangers, ainsi que les Nations
Unies, devraient appuyer cette investigation, y compris en fournissant des
experts en médecine légale qui seraient chargés d'aider à exhumer les corps et
d'effectuer des analyses d'ADN. Les circonstances inhabituelles de cet
enfouissement de masse a accentué la crainte que ce cimetière soit utilisé pour
dissimuler les corps de victimes d'abus commis par le gouvernement, a souligné
Human Rights Watch. Une femme de Maluku a déclaré à Human Rights Watch que le
19 mars vers 2h00 du matin, alors qu'elle rentrait chez elle à pied d'une
veillée de nuit dans son église, elle a vu un gros camion à benne entrer dans
le cimetière de Fula-Fula. Elle a affirmé que plus d'une dizaine d'hommes en
uniforme militaire se trouvaient à bord du camion, ainsi que d'autres en tenue
civile, et qu'une grande bâche blanche recouvrait le contenu du camion.
Le propriétaire d’un champ situé à côté du cimetière a
déclaré que le 19 mars vers 5h00 du matin, il a vu un gros camion à benne et
des hommes qui pelletaient de la terre à la limite du cimetière. Quand il est
retourné à son domicile ce matin-là, des hommes qui lui ont paru appartenir aux
services de renseignement l'ont accosté et lui ont demandé ce qu'il avait vu au
cimetière. Au cours des jours et des semaines suivants, des hommes non
identifiés se sont présentés à son domicile à au moins quatre reprises, puis
sur son lieu de travail, où ils l'ont accusé d'avoir « divulgué le secret »
au sujet de la fosse commune. Début avril, il a reçu un appel téléphonique d'un
inconnu qui lui a dit: « Toi,
attends. Tu vas mourir. »
La découverte de la fosse commune est survenue dans un
contexte de tensions politiques croissantes et d'une répression de plus en plus
sévère à l'encontre d'activistes, de dirigeants politiques et d'autres
personnes qui se sont opposées aux tentatives visant à permettre au président
congolais, Joseph Kabila, de se maintenir au pouvoir au-delà de la limite de
deux mandats imposée par la constitution, son second mandat se terminant fin
2016.
Le 3 avril, Évariste Boshab, vice-Premier ministre et
ministre de l'Intérieur de la RD Congo, a annoncé, lors d'une réunion avec
d'autres officiels de haut rang du gouvernement et des forces de sécurité, des
représentants de Human Rights Watch et de la MONUSCO ainsi que des journalistes
congolais, que 421 corps avaient été inhumés dans la fosse commune. Il a
affirmé que cette inhumation était une « procédure
normale » et que les dépouilles étaient celles d'indigents dont les
familles n'avaient pas les moyens de financer un enterrement classique, de
personnes décédées non identifiées et de bébés mort-nés.
Toutefois, des responsables de la Croix-Rouge congolaise
ainsi que des employés d'hôpitaux et de morgues ont affirmé à Human Rights
Watch que cet enterrement massif n'était pas une procédure normale. Ils ont
indiqué que la pratique habituelle concernant les bébés mort-nés était de les
enterrer le même jour ou dans les deux jours suivant le drame, soit souvent
dans des endroits réservés dans l'enceinte de l'hôpital, soit par les familles
elles-mêmes dans un cimetière. Les corps de personnes indigentes et les
cadavres non identifiés sont habituellement inhumés de jour dans des cercueils
bon marché lors d'un enterrement digne dans l'un des cimetières de Kinshasa, si
personne ne réclame le corps après l'annonce publique de sa découverte.
Évariste Boshab a affirmé, lors de la réunion du 3 avril, que
si des doutes subsistaient sur les identités des personnes enterrées dans la
fosse, les corps seraient exhumés. Le ministre de la Justice, Alexis Thambwe
Mwamba, qui participait à cette réunion, s'est fait l'écho de l'engagement de
son collègue de faire exhumer les corps en cas de tels doutes. Ghislain Mwehu Kahozi, un procureur de
la république qui dirige une enquête judiciaire sur la fosse commune, a déclaré
le 11 mai à Human Rights Watch que 12 familles de personnes présumées tuées ou
victimes de disparitions forcées aux mains des forces de sécurité en 2013 et
2014 avaient individuellement déposé des plaintes en justice réclamant
l'exhumation des corps. Il a indiqué que son équipe s'efforçait d'obtenir
confirmation des allégations avant de prendre une décision.
Le procureur a affirmé que le site était bien protégé.
Cependant, Human Rights Watch s'est rendu sur place dans l'après-midi du 11 mai
et a trouvé le site désert et non gardé. Le site était délimité par une clôture
de bois rudimentaire et un cordon de police, peu susceptibles de décourager
quiconque aurait l'intention d'altérer les lieux. « Le nombre croissant de
plaintes en justice déposées par des familles dont certains membres ont disparu
souligne qu'il est urgent d'exhumer le contenu de cette fosse commune », a affirmé Ida Sawyer. « Le gouvernement congolais
devrait honorer sa promesse d'exhumer les corps et donc protéger adéquatement
la fosse en attendant. »
Le décès dans des conditions suspectes, la nuit de
l'inhumation de masse, d'un infirmier responsable d’une morgue de Kinshasa,
soulève selon Human Rights Watch des préoccupations supplémentaires. Dans la
soirée du 18 mars, Claude Kakese, qui avait fini une formation en thanatologie
et qui était chargé de la morgue de la clinique Ngaliema, l’un des principaux
hôpitaux de Kinshasa, est décédé dans des circonstances suspectes dans ce qui a
été présenté comme un accident de la route à quelques kilomètres de l'aéroport
de Ndjili, sur la route de Maluku. Un de ses collègues a déclaré à Human Rights
Watch que Kakese avait la réputation de fournir des informations exactes sur
les causes des décès des personnes dont les corps étaient apportés aux morgues
de Kinshasa. Sa famille pense que sa mort est liée à l'inhumation de masse à
Maluku.
Le lendemain, une station locale de télévision a affirmé que
Kakese était mort dans un accident causé par la conduite en état d'ivresse et
qu'une bouteille de whisky avait été trouvée dans sa voiture. Mais un témoin
arrivé sur les lieux peu après l'accident a affirmé à Human Rights Watch que
des militaires de la Garde républicaine avaient entouré la voiture de Kakese et
qu'il n'y avait pas de bouteille d'alcool. Ce témoin a précisé que les
militaires avaient donné des versions contradictoires des causes de l'accident.
Il a affirmé avoir vu le corps de Kakese gisant sur les deux sièges à l'avant
de la voiture, avec ce qui ressemblait à une blessure par balle sous le menton.
Des membres de la famille de Kakese ont affirmé avoir constaté une blessure
similaire lorsqu'ils ont vu son corps à la morgue.
Les autorités congolaises devraient faire effectuer une
enquête indépendante et impartiale sur les circonstances de la mort de Kakese
et poursuivre en justice quiconque pourrait en être responsable, a affirmé
Human Rights Watch. La plainte conjointe déposée par des familles le 5
juin concernait des familles de personnes qui ont été exécutées sommairement ou
victimes de disparitions forcées aux mains des forces de sécurité, lors de
manifestations à Kinshasa en janvier 2015 visant à protester contre des
propositions de modifier la loi électorale congolaise. Parmi les autres
signataires de la plainte conjointe figuraient des membres des familles de
personnes exécutées sommairement ou disparues de force lors de l'« Opération Likofi », une
campagne abusive de la police de Kinshasa en vue de neutraliser des bandes
criminelles organisées, de novembre 2013 à février 2014.
« Le
climat politique en RD Congo à l'approche des élections de 2016 devient de plus
en plus répressif », a conclu Ida Sawyer. « Les
partenaires internationaux de ce pays devraient s'efforcer d'empêcher de
nouvelles escalades de la violence et insister pour que les responsables de
violations des droits humains soient amenés à rendre des comptes devant la
justice. »
Les manifestations de janvier 2015
Les manifestations de janvier 2015
Selon des recherches effectuées par Human Rights Watch, au
moins 38 civils ont été tués par balles par la police et par des membres de la
Garde républicaine, le service de sécurité de la présidence, lors de
manifestations à Kinshasa du 19 au 21 janvier. De nombreuses victimes ont reçu
des balles dans la tête ou dans la poitrine et semblaient avoir été visées
délibérément. Dans certains cas, les forces de sécurité ont emporté les
cadavres et les familles n'ont pas pu les retrouver pour les enterrer. Dans
d'autres cas, les forces de sécurité ont empêché les familles de récupérer les
corps à la morgue.
Human Rights Watch a également documenté cinq cas dans
lesquels des personnes arrêtées par la police ou par les Gardes républicains
pendant les manifestations ont disparu. Leurs familles n'ont pas été en mesure
de les retrouver, que ce soit dans les prisons de Kinshasa, dans d'autres
centres connus de détention ou dans les morgues. Un employé d'une des
principales morgues de Kinshasa, qui travaille comme garde et qui nettoie aussi
les corps avant qu'ils soient rendus aux familles, a affirmé à Human Rights
Watch que des responsables des services de sécurité l'avaient empêché, ainsi
que d'autres employés civils, d'entrer dans la morgue pendant la semaine du 19
janvier et qu'ils avaient été remplacés dans leurs tâches quotidiennes par des
agents de police. Il a ajouté que des militaires de la Garde républicaine
arrivaient à la morgue toutes les nuits vers minuit ou plus tard.
« Ils
entraient [dans la morgue] la nuit, puis repartaient, sans que nous sachions
exactement ce qu'ils faisaient», a indiqué cet employé. « Quand nous essayions de
regarder de loin, nous pouvions voir qu'ils apportaient des cadavres dans des
sacs qui ressemblaient à des bâches. Nous devions regarder discrètement car,
s'ils vous surprennent, vous ne savez pas comment cela va se terminer pour vous. »
Un chirurgien opérant dans un hôpital auquel est affiliée une
autre morgue à Kinshasa a affirmé que pendant la semaine du 19 janvier, les
responsables de cette morgue avaient « changé
l'équipe » y travaillant, et remplacée par un groupe d’agents de
police ou des services de renseignement: « On
nous a dit que des agents de police apportaient des corps [à la morgue] toutes
les nuits entre 2h00 et 4h00 du matin pendant la semaine du 19 janvier. Le
vendredi de cette semaine-là, la police est venue avec de gros camions et a
emporté des corps, probablement pour cacher des preuves. »
Une mère qui a signé la plainte conjointe a déclaré que son
fils sourd et muet de 22 ans, qui était cireur de chaussures, a été tué par des
militaires de la Garde républicaine pendant les manifestations du 20 janvier.
Lorsque ses amis ont tenté d'emporter le cadavre de son fils après qu'il eut
été tué, les Gardes républicains les en ont empêchés en tirant en l'air et ont
eux-mêmes emporté le corps, a-t-elle dit. Elle n'a pas été en mesure de
localiser le corps depuis lors.
« Sa mort a été un coup très dur pour moi et je veux que justice soit rendue », a-t-elle ajouté. « Ma famille a été incapable d'organiser un deuil. Il n'était pas parmi les manifestants mais il se trouvait là parce que c'est là que lui et ses amis travaillaient comme cireurs de chaussures. Mon enfant a été tué comme ça, pour rien, et puisqu'il ne pouvait pas parler, je suppose que cela a été difficile pour lui de savoir ce qu'il se passait ce jour-là et qu'il devrait quitter les lieux à temps …. Je veux qu'ils me rendent son corps pour qu'il puisse au moins avoir un enterrement. »
Le père d'un autre jeune homme qui aurait été tué pendant les manifestations à Kinshasa le 20 janvier, a affirmé que son fils avait été tué par balles par un agent de police qui a emporté son corps. Ce père a lui aussi signé l'appel conjoint pour la justice. Quand la famille de la victime s'est rendue à la morgue de l'hôpital général de Kinshasa pour tenter de retrouver son corps, un membre de la police militaire leur a ordonné de s'asseoir par terre et de donner leur argent, leurs téléphones et leurs ceintures. Le père a affirmé que le policier leur avait alors dit: « Nous allons vous laisser partir mais ne revenez jamais ici car ces corps, c'est l'État qui s'en occupe. Oubliez-le comme quelqu'un qui a perdu ses clés. Partez et ne vous retournez pas. »
« Sa mort a été un coup très dur pour moi et je veux que justice soit rendue », a-t-elle ajouté. « Ma famille a été incapable d'organiser un deuil. Il n'était pas parmi les manifestants mais il se trouvait là parce que c'est là que lui et ses amis travaillaient comme cireurs de chaussures. Mon enfant a été tué comme ça, pour rien, et puisqu'il ne pouvait pas parler, je suppose que cela a été difficile pour lui de savoir ce qu'il se passait ce jour-là et qu'il devrait quitter les lieux à temps …. Je veux qu'ils me rendent son corps pour qu'il puisse au moins avoir un enterrement. »
Le père d'un autre jeune homme qui aurait été tué pendant les manifestations à Kinshasa le 20 janvier, a affirmé que son fils avait été tué par balles par un agent de police qui a emporté son corps. Ce père a lui aussi signé l'appel conjoint pour la justice. Quand la famille de la victime s'est rendue à la morgue de l'hôpital général de Kinshasa pour tenter de retrouver son corps, un membre de la police militaire leur a ordonné de s'asseoir par terre et de donner leur argent, leurs téléphones et leurs ceintures. Le père a affirmé que le policier leur avait alors dit: « Nous allons vous laisser partir mais ne revenez jamais ici car ces corps, c'est l'État qui s'en occupe. Oubliez-le comme quelqu'un qui a perdu ses clés. Partez et ne vous retournez pas. »
un autre homme signataire de l'appel conjoint a affirmé que
le 19 janvier, la police de Ndjili, à Kinshasa, avait arrêté son frère cadet,
qui portait le drapeau d'un parti politique d'opposition, l'Union pour la
Nation Congolaise (UNC), lors d'une manifestation contre les propositions de
changements dans la loi électorale. Sa famille n'a pas pu le retrouver, ni dans
les prisons, ni dans les morgues de Kinshasa. Une
semaine après la disparition de son jeune frère, le frère aîné a reçu un appel
téléphonique d'un inconnu qui lui a dit: « C'est
toi qui veux trahir le pays. Il faut arrêter ça. Attention. »
« Quand
j'ai vu l'information à la télévision [sur la fosse commune], j'ai eu un
sentiment vraiment affreux »,
a ajouté le frère de la victime. « J'y
ai beaucoup pensé, parce qu'ils ont dit que ces corps n'étaient pas identifiés.
Cela a été vraiment dur pour moi. Je ne sais pas si je reverrai jamais mon
petit frère … Plus les jours passent, plus je désespère. Mon souci est que je
veux le revoir. Il aurait pu devenir un grand homme dans sa vie. »
L'Opération Likofi
Lors de l'« Opération Likofi », menée de novembre 2013 à février 2014, la police de
Kinshasa qui y a participé a tué extrajudiciairement au moins 51 jeunes hommes
et garçons et en a fait disparaître de force au moins 33 autres, selon des
recherches effectuées par Human Rights Watch. La police a passé à tabac et
humilié de nombreuses victimes devant la foule avant de les tuer, tandis que
d'autres victimes ont été traînées de force hors de leur domicile et abattues
sous les yeux de leur famille et de leurs voisins. La police a mis en demeure
les témoins et les membres des familles des victimes de ne pas parler
publiquement de ce qui s'était passé et, dans de nombreux cas, elle a emporté
les cadavres des victimes et empêché les membres de leurs familles de récupérer
les corps ou d'organiser des obsèques.
Human Rights Watch, des familles de victimes, ainsi que d'autres ont appelé
à l'époque le gouvernement congolais à faire rendre des comptes aux
responsables de ces abus, notamment au général Célestin Kanyama, le commandant
principal de cette opération. Il est maintenant commissaire provincial de la
police pour la ville-province de Kinshasa. Le
gouvernement a annoncé en novembre 2014 qu'il avait ouvert une enquête sur les
crimes commis durant l'Opération Likofi, et que son rapport sur l'opération
serait rendu public avant la fin de 2014. Mais ce rapport n'a toujours pas été
rendu public et aucun policier de haut rang n'a été arrêté ou tenu responsable
de ces crimes.
Un homme dont le fils a été tué par des policiers qui participaient
à l'Opération Likofi, et qui a signé l'appel conjoint, a déclaré à Human Rights
Watch qu'il craignait que son fils ne figure parmi les personnes enterrées dans
la fosse commune. La police a emporté le corps de son fils et il n'a pas pu le
retrouver dans aucune des morgues de Kinshasa, ni organiser des obsèques. « Si mon fils a fait du mal,
ils auraient dû nous le dire »,
a-t-il dit. « Mais
pourquoi l'ont-ils tué comme ça? Ils ont tué à coup de fusil mon fils aîné.
L'État est censé nous protéger mais qu'est-ce que cette chose-là est devenue? »
Une mère dont le fils, âgé de 22 ans, a été victime d'une
disparition forcée aux mains de policiers qui participaient à l'Opération
Likofi, et qui a aussi signé l'appel conjoint, a déclaré: « Quand
j'ai eu la nouvelle de Maluku, j'étais hors de moi. J'ai pensé que c'était mon
fils qu'ils avaient enterré là-bas. Je me suis mise à penser qu'ils l'avaient
caché, puis qu'ils avaient jeté là-bas [dans la fosse]. Quand je suis rentrée à
la maison [après avoir appris les nouvelles concernant la fosse commune de
Maluku], je me suis mise à pleurer, et la tension en moi n'a fait que monter. »
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