La
Coalition Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) de la RD Congo, la Plateforme
des Organisations de la société civile intervenant dans le Secteur Minier (POM)
et la Ligue Congolaise de Lutte Contre la Corruption (LICOCO) sont profondément
préoccupées par l’opacité qui caractérise le processus de vente des parts
sociales de la Gécamines dans la société minière Kamoto Copper company (KCC).
La Gécamines a entrepris cette opération à l’insu du Gouvernement de la RD
Congo, son unique actionnaire.
Les
Organisations de la société civile signataires de la présente se disent
également très inquiètes des informations faisant état de la création en toute
discrétion par la Gécamines d’une filiale qui enregistrée à l’Île Maurice et
s’interrogent sur son opportunité.
La Gécamines
doit suivre des procédures transparentes en cas de cession de ses actifs
Lors de la
conférence sur la Bonne Gouvernance et la Transparence dans le Secteur Minier
tenue à Lubumbashi en janvier 2013, le gouvernement a pris le ferme engagement
de « promouvoir le recours aux procédures transparentes pour la cession
des actifs miniers de l’Etat et des entreprises du Portefeuille ». Cet
engagement fut renforcé par les propos du Premier Ministre : « nous
devons éviter des situations dans lesquelles l’Etat n’est pas informé de ce qui
se passe dans les entreprises minières du portefeuille ».
Les médias
rapportent que le conseil d'administration de la Gécamines Sarl a décidé de la
vente de ses 20 % dans KCC, selon une procédure qui va à l’encontre de
l’engagement du gouvernement. Quatorze sociétés auraient été contactées, alors
que le Ministère des Mines et encore moins le public ont pu prendre
connaissance des détails financiers de l’actif à vendre, des critères qui
serviraient à la sélection des candidats, ou encore du contenu des offres
reçues. L’unique identité révélée est celle de Dan Gertler.
Ces
dernières années, l’homme d’affaire israélien Dan Gertler a été impliqué dans
une série controversée de cessions d’actifs de la Gécamines, l’une, d’entre
elles ayant mené à l’arrêt d’un prêt de 225 millions USD octroyé par le Fond
Monétaire International à la RDC.
Si
l’Etat estime nécessaire de vendre les parts de la Gécamines dans KCC, il
faudrait au préalable :
· Effectuer
et publier une évaluation indépendante préalable pour connaître la valeur
présente nette de l’actif à céder
· Effectuer
un appel d’offre véritablement ouvert, avec publication d’un dossier complet
relatif à l’actif à vendre et les critères de sélection de l’acheteur éventuel
· Faire
approuver la décision finale par le Conseil des Ministres, comme prévu dans la
loi sur le désengagement de l’Etat de 2008 et dans la circulaire y relative
datée de Mai 2011.
Le
Gouvernement doit réévaluer l’opportunité de céder un actif aussi important que
KCC
En réponse
aux contestations soulevées par cette procédure de vente, M. Albert Yuma,
président du conseil d'administration de la Gécamines Sarl a déclaré que
« la décision prise par le Conseil d’Administration est conforme à
nos plans stratégiques de développement et répond à la nécessité de lever les
financements nécessaires pour mettre en œuvre ces plans ».
PCQVP/RDC,
POM et LICOCO ne sont pas convaincus que la vente de ces parts sociales apporte
à la Gécamines des revenus substantiels susceptibles de financer son plan
d’investissement, dont les besoins s’élèvent à USD 2,8 milliards. Les trois
Organisations, sont préoccupées par plusieurs facteurs dont les principaux sont
les suivants :
o Aucune
allusion n’est faite à la réalisation d’une évaluation préalable et
indépendante de la juste valeur de l’actif à céder ;
o Aucune
précision n’est fournie sur les revenus potentiels attendus au terme de cette
vente. Dans sa déclaration à la presse, M. Yuma a estimé que la valeur de KCC
est négative, sans toutefois en fournir de plus amples détails. Si tel est le
cas, il est peu probable que la vente parvienne à lever les fonds nécessaires à
une relance de l’entreprise paraétatique ;
o Aucune
estimation n’est faite sur l’endettement actuel et futur que représentent les
20 % dans KCC. Aux termes de la Convention de juillet 2009 entre les
actionnaires de KCC, la Gécamines s’est engagée à apporter des réserves
supplémentaires d’environ 4 millions de tonnes de cuivre et 205.000 tonnes de
cobalt en juillet 2015 au plus tard. A défaut, la Gécamines devra payer 285 millions
USD en juillet 20015. La
Gécamines a accepté que ses royalties et dividendes futurs soient retenus par
KCC au titre de paiement jusqu’à ce que KCC ait récupéré le total de la
compensation financière ;
o Aucune
information n’est fournie sur l’allocation spécifique des fonds éventuels
provenant de la vente de cet actif. La Gécamines indique qu’elle utilisera ces
fonds pour sa relance. Toutefois, les revenus issus des actifs que l’Etat
détient directement ou indirectement devraient en principe être versés au
compte spécial du trésor conformément à la loi sur le désengagement de l’Etat
et de la circulaire interministérielle des Ministres des Finances et du
Portefeuille de mai 2011.
La thèse de
lever les financements nécessaires en vendant les parts sociales demeure donc
complexe, voire hypothétique et requiert de la prudence. Afin d’éviter les
mauvaises expériences du passé, le Gouvernement devrait s’assurer des
conditions essentielles suivantes :
· Evaluer
si la vente d’actifs aussi stratégiques que les intérêts dans KCC corresponde
effectivement à la meilleure piste de relance de la Gécamines
· S’accorder
sur des règles claires quant à la destination des recettes provenant des ventes
d’actifs
Le
Gouvernement doit contrôler la mise en place d’éventuelles filiales de ses
entreprises étatiques dans des régimes légaux aux exemptions fiscales totales
et où l’identité des bénéficiaires est secrète
En outre,
les trois Organisations ont appris de sources concordantes que la Gécamines
a crée une filiale non autrement identifiée basée à l’Ile Maurice dont
l’objet social consisterait à gérer les recettes des partenariats. Dans une
correspondance adressée aux investisseurs privés partenaires, en début du mois
de septembre 2013, la Gécamines a annoncé le transfert de la « totalité
de ses participations minoritaires dans des JV à une filiale en propriété basée
à l’Île Maurice », soit disant dans le cadre de sa nouvelle stratégie sans
donner les détails sur le bien fondé de cette politique.
Les
organisations signataires de ce communiqué craignent que cette filiale ne serve
à blanchir les fonds qui pourraient être détournés par les responsables
de la Gecamines car il sera difficile aux autorités Congolaise de mener
des actions de contrôle sur cette filiale.
Les trois
organisations craignent également que l’Ile Maurice, l’un des paradis fiscaux
les plus en vogue de par ses exonérations fiscales et sa culture du secret
bancaire, ne serve de rempart aux pratiques de corruption et de mauvaise
gouvernance des gestionnaires de la Gécamines. La bonne gestion des entreprises publiques transformées en société
commerciales est indispensable afin de s’assurer que la transformation atteigne
les objectifs visés, notamment sa rentabilité au profit de la République
Démocratique du Congo et du peuple congolais.
Face à cette situation, PCQVP, POM et LICOCO recommandent au
parlement national de la RDC de (d’):
· Exiger du Premier Ministre et de ses Ministres concernés des
explications détaillées sur l’opportunité de la cession ainsi que le processus
de cession des parts sociales de la Gécamines dans KCC ;
· Exiger du gouvernement une évaluation préalable de la juste valeur
de 20 % des parts sociales de la Gécamines avant toute procédure de cession et
rendre ses conclusions publiques et accessibles aux tiers ;
· Exiger l’ouverture d’appel d’offres à toutes les sociétés
intéressées et recommander un degré élevé de transparence tout au long du
processus ;
· Exiger du gouvernement la divulgation de l’identité de 14 groupes
impliqués dans la transaction, la preuve écrite de leur soumission ou
renonciation, ainsi que l’identité réelle des propriétaires de ces
groupes ;
· Demander des explications sur l’opportunité de la création de la
nouvelle filiale de la Gécamines basée à l’Îles Maurice, le cas échéant, de
proposer les mécanismes de transparence et redevabilité ;
· Exiger la restructuration de la composition du Conseil
d’Administration de la Gécamines en incluant les délégués des ministères des
Mines et des Finances, par conséquent de limiter le pouvoir discrétionnaire du
ministère de Portefeuille.
Fait à Kinshasa, le 24
octobre 2013
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire