Kinshasa, le 17 octobre 2013- l’Association congolaise pour l’accès à la
justice (ACAJ) demande à la justice militaire de cesser des poursuites engagées
contre des personnes civiles, surtout pour des faits de droit commun, et de les
renvoyer devant les juridictions civiles.
Le 13 septembre 2013, le Tribunal de
Garnison de Lubumbashi a, à la suite d’un procès organisé suivant la procédure
de flagrance, condamné quatre personnes civiles, tous étudiants, à la peine de
mort aux motifs qu’ils se seraient rendus coupables des infractions de
détention d’arme de guerre et d’association de malfaiteurs. Il s’agit de MM. Ngonga
Kanku Jean, Mongwelega Nyakwako Eric, Lokoba Lwasondela et Kigana Lukisa.
Le procès a été organisé en plein
air, sur la place de la SNCC, dans la commune de Lubumbashi, en présence des
autorités politico administratives locales dont le Ministre provincial de l’Intérieur,
l’inspecteur provincial de la police et le Maire de la Ville. Les condamnés ont
été privés du droit de se faire assister de conseil de leur choix. Ceux dont
ils ont eu, leur ont été commis d’office par le tribunal sans possibilité d’en
apprécier leur compétence et expérience par rapport à la gravité des faits leur
imputés.
Des mesures d’instruction
supplémentaires qu’ils avaient sollicitées- la descente sur terrain et
comparution de témoins à décharge - ont été écartées par le Tribunal sans
aucune motivation objective. Deux de condamnés ont déclaré à ACAJ avoir été
torturés lors de leur garde à vue à la police, du 9 au 10 octobre 2013, pour
les contraindre à avouer les faits mis à leur charge. Le Tribunal avait
arbitrairement refusé de procéder à toutes mesures utiles pour la manifestation
de la vérité et des preuves pouvant conduire au non-lieu ont été arbitrairement
écartées. Ils sont malades jusqu’à ce jour, mais sans droit aux soins de santé
appropriés. Les auteurs de torture n’ont jamais été interpellés.
L’ACAJ note qu’étant tous de
personnes civiles et que les chefs d’inculpation mis à leur charge relevant du
droit commun, ils ne pouvaient pas être déférés devant un tribunal militaire,
et surtout, sur base des dispositions légales qui n’attribuent pas à ce dernier
une compétence exclusive.
« La justice militaire ne répond pas aux standards internationaux
notamment en ce qui concerne la garantie d’un procès équitable. Plusieurs
éléments laissent planer un doute quant à leur aptitude à offrir les mêmes
garanties qu’une juridiction civile », a déclaré Me Georges KAPIAMBA,
Président de l’ACAJ. La composition de ces juridictions, l’absence
d’indépendance vis-à-vis de la hiérarchie et du pouvoir exécutif, l’esprit de
corps de l’institution militaire, les procédures d’exceptions qui les
caractérisent, sont autant d’éléments qui permettent d’assurer aux justiciables
quant à leur capacité à garantir les Droits de l’Homme dans une procédure
pénale », a-t-il ajouté.
L’ACAJ est profondément préoccupée
par l’application récurrente de la peine de mort par les juridictions civiles
et militaires en dépit de l’existence du moratoire décrété par les autorités
congolaises. « Aux termes du
point 9, d des directives et principes sur le droit à un procès équitable et à
l’assistance judiciaire en Afrique, la Commission Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples prescrit aux Etats qui appliquent encore la peine de
mort de décréter un moratoire sur les exécutions, et de réfléchir
sur la possibilité d’abolir la peine de mort », a déclaré Me Didier
Kalemba, Chargé de protection à l’ACAJ.
« La RDC doit se conformer à ses obligations internationales en la
matière », a-t-il ajouté.
L’ACAJ recommande vivement au Premier Président de la Haute Cour Militaire
d’interdire, par voie de circulaire, aux juridictions militaires
d’instruire des faits qui engagent la responsabilité pénale des personnes
civiles; et de ne plus prononcer la peine de mort. Elle recommande aux quatre condamnés, d’exercer toutes
les voies de recours et exiger le respect des droits fondamentaux leur garantis
par les instruments juridiques nationaux et internationaux.
Elle recommande aux Avocats et autres acteurs de la justice,
de contester la constitutionnalité des dispositions du code de procédure pénale
militaire qui fondent encore des poursuites des personnes civiles devant les
juridictions militaires.
Fait à Kinshasa, le 17 octobre 2013
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