Excellence Monsieur le Président de la République,
(Avec nos sentiments respectueux et déférents)
M’adressant au premier citoyen de la République et
magistrat suprême, l’honneur m’échoit préalablement de justifier et de préciser
l’objet de ma démarche dont le point de focalisation n’est autre que la crise
de la justice, laquelle surdétermine toutes les autres crises que connaît le
pays.
En effet, qu’elle s’inspire de la conception naturelle
de l’équité, de la loi ou du droit positif, la justice constitue partout à travers
le monde et au sein des nations ou des Etats modernes, une valeur humaine
fondamentale qui légitime tout édifice social.
Il se trouve que chez nous l’univers de la justice
connaît une situation de crise profonde et généralisée. Celle-ci explique le processus
débridé de la faillite aussi bien de l’Etat, de la démocratie que du régime.
Voilà qui pose la question cruciale du rapport de l’Etat à la société. En
effet, son impuissance face à la criminalité qui gagne tous les domaines de la
vie ne peut nullement favoriser la «Révolution de la modernité» ainsi que le
développement économique et social.
Par engagement patriotique mais aussi et surtout par
conscience nationale, il m’est apparu de mon devoir citoyen de vous entretenir
humblement de cette collective impasse existentielle, en votre qualité de
symbole de l’unité nationale, arbitre du fonctionnement régulier des
institutions et de la continuité de l’Etat.
Pour bien appréhender le déficit de la justice et ses
conséquences désastreuses sur l’état de la Nation, j’ai pris en compte quelques
indicateurs significatifs pour asseoir ma démarche.
1. Dimensions de la crise de la justice
1. Dimensions de la crise de la justice
1.1. De la
distribution de la justice
Comme introduction à ce point relatif à la
distribution de la justice en RDC, je mets en exergue cet adage : « A tout
seigneur tout honneur ». En effet, le peuple congolais reconnait que c’est sous
votre haute direction qu’une vaste réforme de la justice a été mise en chantier
à travers la politique sectorielle de la justice. Toute une série des mesures
prises durant votre premier mandat ont posé les bases d’une nouvelle justice
notamment la nouvelle Constitution qui affirme les droits et libertés
fondamentaux et restructure le système judiciaire en réorganisant le Conseil
supérieur de la magistrature et en instituant une Cour de cassation, un Conseil
d’Etat et une Cour constitutionnelle, sans oublier d’autres lois particulières,
décrets et règlements modifiant et complétant le Code pénal. Ainsi la loi
n°005/006 modifiant et complétant le Livre II du Code pénal congolais introduit
en matière de corruption, les principales innovations par rapport aux
dispositions en vigueur :
-(i) la distinction entre la petite corruption et la
grande corruption ; cette dernière visant principalement : (a) les actes de
corruption commis dans le cadre de la passation des marchés publics et de
travail, des fournitures et des services, de l’octroi des droits miniers, des
carrières et des concessions forestières ou du processus de privatisation ou de
désengagement de l’Etat dans les entreprises publiques ; (b) les actes de
corruption ayant pour but l’entrave à la bonne administration de la justice et
; (c) les actes de corruption commis dans le cadre d’une organisation
criminelle;
- (ii) les actes de corruption visant aussi bien un
agent public qu’un particulier;
- (iii) la réaffirmation du rôle du pouvoir judiciaire
dans la prévention, la détection et la répression de la corruption et des
infractions similaires;
- (iv) la protection des dénonciateurs des actes de
corruption (témoins, experts et victimes et leurs familles) contre les actes de
représailles ou d’intimidation et leur absolution de toute poursuite pénale
pour dénonciation faite de bonne foi devant l’autorité judiciaire compétente
agissant dans le cadre d’une procédure judiciaire;
- (v) l’introduction des mécanismes d’entraide
judiciaire et d’extradition en matière d’enquêtes, de confiscation et des
poursuites judiciaires contre les actes de corruption commis hors du territoire
national ou dans le cadre d’une organisation criminelle et enfin ;
-(vi) la réévaluation des taux d’amende devenus très
modiques.
La réforme du secteur de la justice s’est étendue dans
le secteur privé avec la promulgation de nouveaux codes des investissements et
du travail, un nouveau code minier avec ses principaux décrets portant mesures
d’exécution, un nouveau code forestier. Dans le domaine de la régulation des
télécommunications, l’Autorité de régulation des postes, téléphones et télécommunications
(ARPTC) a été créée sur pied d’une loi-cadre édictée à cet effet.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Excellence Monsieur le Président de la République,
L’histoire reconnait donc que dès le début de votre
mandat, les instruments normatifs ont été mis en place, avec pour objectif
global de rapprocher la justice du justiciable tant en ce qui concerne la
facilitation de l’accès aux services judiciaires dans leur ensemble qu’en ce
qui concerne l’amélioration qualitative de l’offre de justice. Ce volet a
induit un certain nombre d’activités concrètes, à savoir: l’implantation
progressive des tribunaux de paix, le recrutement et la formation des
magistrats, la réduction du coût de la justice ...
Aujourd’hui, avec pertinence, l’histoire s’interroge:
pour quels résultats ? Question d’autant fondamentale qu’il apparait clairement
que l’échec du pouvoir judiciaire et la mauvaise distribution de la justice
traduisent la responsabilité et l’impuissance même de l’Etat, son incapacité à
assurer la sécurité commune, à subvenir aux besoins des citoyens dont il a
pourtant la responsabilité du destin collectif.
1.2. Justice - sécurité nationale, intégrité du territoire et gouvernance politico-administrative
1.2. Justice - sécurité nationale, intégrité du territoire et gouvernance politico-administrative
Excellence Monsieur le Président de
la République,
Depuis près de deux décennies, la RDC est victime des
guerres d’agression et mutineries récurrentes qui ont mis en mal la sécurité
collective, la souveraineté nationale et l’intégrité de notre territoire. Si la
non professionnalisation de l’armée et l’obsolescence de son équipement constituent
la cause cardinale de nos débâcles militaires, on reconnait aussi que les
détournements des soldes des militaires, la vente des armes par la hiérarchie
militaire ainsi que d’autres trahisons ont fini par émousser la combativité de
nos soldats sur le champ de batailles. Ceci est d’autant préjudiciable à la
souveraineté nationale que ceux qui avaient commis ces crimes se retrouvent,
par d’inexplicables et répétitives amnisties, entrain de jouir d’une liberté
qu’ils ne méritent pas.
Et, dans un pays où l’armée elle-même est un corps
dont la cohérence a été fragilisée par d’innombrables mixages et brassages, on
doit pouvoir affirmer sans l’iota d’un doute que l’impunité a été à la base de
la liquéfaction de notre armée, avec pour conséquences majeures nos déboires
sur les champs de bataille et l’instabilité politique de la RDC. Il est donc
regrettable de relever que dans un pays doté d’instruments normatifs et de
textes pour punir les coupables, la non application de ces règles et l’impunité
soient à la base de la déstructuration de toute la puissance de l’Etat. Ainsi
la lame de fond qui gangrène toute la gouvernance nationale porte sur le non
respect des lois et règlements de la République.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Excellence Monsieur le Président de la République,
Du point de vue de l’expérience de la démocratisation,
il y a lieu de faire état d’un certain nombre de ratés. A titre d’exemple, le
contrôle du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif, tant au niveau central
que provincial, demeure biaisé faute d’un contrôle parlementaire objectif et
responsable qui soit conforme à la lettre et à l’esprit des textes en vigueur,
tant et si bien que l’institution parlementaire ne bénéficie pas d’un large
crédit au sein de l’opinion nationale et internationale.
Ici, apparaissent, dans leurs grandeurs
incommensurables, l’injustice, les iniquités, les incuries et l’inefficacité de
l’architecture institutionnelle de notre pays. En effet, doit-on s’interroger,
lorsqu’un citoyen congolais veut dénoncer une incurie imputable à l’Etat, lorsqu’il
veut s’insurger contre la mal-gouvernance du pays, lorsqu’il veut se plaindre
d’une violation révoltante des droits de l’homme, ... Auprès de qui
va-t-il s’adresser? Peut-être au pouvoir législatif, quand il s’agit de
scélératesses posées par une autorité du pouvoir exécutif ! Mais quelle suite
heureuse attendre des élus, pour peu que l’opinion nationale s’imagine que la
majorité parlementaire est le pouvoir exécutif au parlement et que le
gouvernement serait l’instrument exécutif de la majorité parlementaire ! Et la
justice ? Les juges, les magistrats et les avocats seraient des électrons
libres! Qui dit le droit et qui sert l’intérêt général, l’intérêt du peuple ?
Pour quelles raisons l’arbitre, le garant institutionnel, serait-il devenu
impuissant ?
En vérité, les pouvoirs législatif, exécutif, et
judiciaire demeurent encore consubstantiels. Entre eux, la séparation des
pouvoirs est dans le texte, la connivence des institutions dans les faits.
Montesquieu a pensé que : «Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que,
par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Cette célèbre
évocation, extraite de son œuvre, De l’esprit des lois, ne demeure-t-elle pas
un triste vœu pieux chez-nous? Parce qu’un tel transplacement des rôles et des attributions
ne peut que donner lieu au parlementarisme de façade et à la justice fortement
instrumentalisée. Encore une fois on doit pouvoir affirmer que la non
application des dispositions constitutionnelles et légales séparant les
pouvoirs classiques pour en assurer l’efficacité et l’humanité a conduit à la
confusion des pouvoirs, à l’inefficacité gouvernementale et à l’impuissance de
l’Etat.
1.3. Justice-économie et développement
1.3. Justice-économie et développement
Excellence Monsieur le Président de
la République,
Il est surprenant que la RDC, pays doté d’un arsenal
juridique et judiciaire abondant, tant civil que militaire, ait acquis la
réputation d’un pays où les investissements ne sont pas sécurisés et où le
climat des affaires est resté longtemps délétère !
En effet, les rapports de «Tranparency international»
de ces dix dernières années, classent systématiquement la RDC parmi les pays où
la corruption est très élevée. Ici le pillage des biens de l’Etat est un sport
national ! Les contrats miniers sont octroyés dans des conditions qui frisent
le hold-up financier, l’Etat étant spolié comme un bien sans maître ! Ainsi
s’explique ce paradoxe: la RDC produit et exporte actuellement plus de cuivre
qu’il y a trois décennies! Pourtant, plus qu’hier, la situation socio-économique
ne s’est guère suffisamment améliorée, les flux financiers vont dans les poches
des individus, nationaux et étrangers, tous liés dans des entreprises de
prédation, pillage, enrichissement illicite, délit d’initié; blanchiment
d’argent et diverses opérations maffieuses !
La conséquence de cet état des choses est que, malgré
les réformes et les lois attractives, très peu d’investisseurs se risquent en
RDC parce qu’ils savent que dans notre pays, il y a un hiatus entre les
lois, les parquets et les tribunaux ! Entre les lois et leur application,
s’intercalent de nombreux magistrats corrompus, des juges abusifs, des avocats
véreux et des politiciens inconscients, tous liés dans « une association pour
la violation volontaire des lois et règlements sur fond d’un clientélisme
antipatriotique». Ainsi l’absence de la justice dessert totalement le
Congolais, l’économie et le développement du Congo.
1.4. Justice, équité et droits socio-économiques
1.4. Justice, équité et droits socio-économiques
Excellence Monsieur le Président de
la République
S’agissant des droits socio-économiques et culturels,
c’est avec plaisir que nous nous rappelons que la RDC est signataire du «Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels », adopté à
New-York le 16 décembre 1966 par l’Assemblée Générale des Nations Unies dans sa
résolution 2200 A (XXI). Ce Pacte édicte des droits protégés auxquels tous les
peuples doivent accéder absolument, à savoir : droit au travail, à
l’orientation, à la formation (Art.6) ;droit aux conditions de travail justes
et favorables (art.7) ;droit à un niveau de vie suffisant pour soi-même et pour
sa famille, y compris une nourriture, un vêtement, et un logement suffisant
(art.11 par.1) ; droit d’être à l’abri de la faim et de l’insécurité
alimentaire( art.11 par.2) ; droit de jouir d’un meilleur état de santé,
sécurité sanitaire et couverture maladie universelle (art.12) ; droit à
l’éducation, y compris la gratuité progressive de l’enseignement secondaire et
de l’enseignement supérieur (Art.13) ; pleine application de la gratuité de
l’enseignement primaire pour tous (art.14),...
L’accès, par des peuples, à ces droits protégés, fonde
la quintessence de la politique sociale et économique de tout Etat moderne, en
référence à la notion de la Justice comme équité et de la justice sociale,
qu’elle soit distributive ou redistributive. Il est à déplorer que la RDC soit
devenue l’un des rares pays en Afrique où le social de la population est le
plus naufragé, faute d’une véritable politique assurancielle qui soit basée sur
des mécanismes concrets et efficaces de protection, de solidarité sociale et de
correction de trop grandes inégalités. En effet, dans notre pays, les salaires
des fonctionnaires, militaires, policiers et enseignants sont généralement très
microscopiques, c’est-à-dire ne permettant pas, comme disait Patrice-Emery
Lumumba dans son célèbre discours de 30 juin 1960 « … de prendre soin des êtres
qui nous sont chers, nos enfants, et de les envoyer à l’école,... ». La
pauvreté conduit le Congolais à des bizarreries comportementales suicidaires.
A ce sujet, il suffit de rappeler le phénomène bien
connu au sein de l’administration et des services publics, où le personnel
éligible à la retraite refuse d’aller en pension du fait que, pour la plupart,
celle-ci reflète le spectre de la mort et de la descente aux enfers. Parce que
la sécurité sociale, malgré des campagnes médiatiques pompeuses de certaines
entreprises congolaises, n’est que de la poudre aux yeux: ce qu’on paie à un
retraité qui a cotisé toute sa vie, ne lui permet, mensuellement, que de manger
médiocrement pendant quatre jours du mois, sans compter l’exclusion inhumaine
aux soins médicaux ! Faute d’une politique sociale, aucune statistique n’est
produite sous l’égide de l’Etat sur l’évolution du chômage dans notre pays. Par
ailleurs, l’Etat n’a pas déterminé le SMIG, laissant ainsi un vide qui profite
aux employeurs sans foi ni loi !
1.4.1. L’Accès à l’eau potable
1.4.1. L’Accès à l’eau potable
Excellence Monsieur le Président de
la République,
La RDC est considérée comme le château d’eau douce de
l’Afrique. Pourtant, malgré ces potentialités, notre pays présente un tableau
des plus tristes: 83% des Congolais n’accèdent pas à l’eau potable selon le
rapport du Renadhoc. Pourtant, dans ce secteur, l’Etat devrait avoir une
politique durable et cohérente.
Le Congolais a l’impression d’être victime d’une
véritable politique des inégalités avec pour objectif de précariser sa vie à
l’infini ! Cette anxiété existentielle est d’autant plus légitime qu’il
apparaît clairement, comme dans le cas de la justice en général, que même la
mise en exécution d’un vaste programme d’alimentation en eau initié bruyamment
ne produit pas les résultats escomptés faute de contrôle et de sanctions.
1.4.2. L’Accès à l’électricité
1.4.2. L’Accès à l’électricité
L’eau n’est pas la seule denrée rare en RDC, il y a
aussi l’électricité ! En effet, comme dans le cas de l’eau, il est
légitime de s’interroger: comment la RDC, dont le potentiel électrique est
parmi les plus élevés au monde et dont la capacité installée est suffisante
pour offrir du courant électrique à sa population, ne fournit du courant qu’à
moins de 1% de sa population, selon le dernier rapport du Renadhoc ? Une telle
situation traduit un discrédit de la politique mise en œuvre. D’autant plus
que, il y a dix ans, c’était plus de 9% de notre population qui accédait à
l’électricité.
Aujourd’hui faute d’électricité, nos enfants étudient
à la lampe tempête et à la bougie. Faute d’électricité, la RDC présente le taux
le plus faible d’accès à l’internet donc aux nouvelles technologies de
l’information! Sans électricité permanente, il y a impossibilité, pour les
entrepreneurs congolais, de mettre en place la petite industrie de base: la
meunerie, la menuiserie, la pâtisserie, la réfrigération. L’absence
d’électricité induit la recrudescence de l’insécurité.
Là aussi, entre les réformes annoncées, les
financements consentis et la réalité sur le terrain, il y a un hiatus. Il y a
10 ans, près de 10% des Congolais accédaient à l’électricité et aujourd’hui, il
y a moins de 1% ! Quels sont les problèmes insolubles qui se greffent, depuis
des décennies, sur l’eau et l’électricité au Congo ? La persistance de ces
problèmes traduit-elle l’incapacité du Congolais à gérer la SNEL ou la REGIDESO
? C’est la volonté politique qui manque pour placer l’homme qu’il faut à la
place qu’il faut, l’encadrer, le sanctionner, positivement ou négativement.
Nous sommes convaincus que ce ne sont pas les têtes ni les moyens qui manquent
!
Ici, tout partenariat étranger est appelé de tous les
vœux par la population. Laisser perdurer l’incurie des gestionnaires actuels
est une injustice et une violation du droit constitutionnel.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Excellence Monsieur le Président de la République,
Vos Compatriotes ne sont pas seulement privés d’eau et
d’électricité, ils accèdent aussi très difficilement à la nourriture! Ainsi, le
rapport FAO révèle que 75% de vos compatriotes accèdent très difficilement à un
repas par jour ! Comment peut-on, en effet, penser que ce grand pays, jouissant
du soleil et de la pluie toute l’année, puisqu’à cheval sur l’Equateur, puisse
manquer de nourriture pour son peuple si ce n’est que par l’absence d’une
justice distributive?
Depuis plusieurs décennies, le projet «Agriculture,
priorité des priorités» n’a produit aucun fruit parce que les moyens financiers
et matériels ont été gaspillés ! Alors que dans d’autres parties du monde
l’Agriculture constitue le socle de tout développement, au Congo, l’agriculture
n’est pas suffisamment soutenue par une politique agricole durable fondée sur
une quotité budgétaire suffisante dans le cadre d’un projet national à court,
moyen et long terme. Ce faisant, l’Etat consacre ses faibles recettes à
l’importation des denrées de consommation de base ! C’est franchement
contre-productif.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Excellence Monsieur le Président de la République,
Depuis les dernières élections, votre vision de
développement émaille l’espace politique Congolais. C’est la « Révolution de la
modernité ». Et chaque jour qui passe, on voit des ministres et des PDG
inaugurer des tronçons routiers par ici et par là! Pourtant le dernier rapport
Mo Ibrahim sur les infrastructures classe la RDC juste au dessus de la Somalie!
Et pour cause ? Comme dans tous les autres secteurs de la vie nationale, la
magouille, la tarification fantaisiste du kilomètre routier, les commissions et
retro-commissions, les marchés de gré à gré, ... gangrènent la construction des
routes et d’autres infrastructures en RDC ! La conséquence est qu’aujourd’hui,
quelques semaines à peine après leur livraison, apparaissent déjà des nids de
poule et autres vices d’aménagement ! Comme nous l’avons dit, le non respect de
la loi, la corruption et l’impunité gangrènent aussi ce secteur de grande
visibilité pour votre quinquennat.
Comme autres retombées sociales de la crise de la
justice et des droits de l’homme, l’on peut épingler les fléaux des enfants de
la rue, du phénomène Kuluna, de la dépravation des mœurs, de la faiblesse du
taux d’accès à l’enseignement primaire, de la faible réussite dans
l’enseignement secondaire, de l’exclusion au service, de santé etc. .... A en
croire ces quelques indicateurs, il s’avère impossible que la RDC atteigne tous
les OMD (Objectifs millénaires pour le développement) d’ici deux ans.
En définitive, il y a lieu d’affirmer qu’à l’allure où
sévit la crise de la justice, le principal danger que court le pays est celui
de voir l’Etat produire et reproduire une société de l’individualisme, de
l’ethos du moi, de l’inculture et de l’inhumanité qui n’est autre que la
société HOBESIENNE ou d’animalité, celle où chacun cherche à se débrouiller
pour soi, où le sens de service public s’évanouit, et où l’homme devient un
loup pour son semblable !
2. Vers quelles voies de sortie?
2. Vers quelles voies de sortie?
Excellence Monsieur le Président de
la République,
Le principal enseignement qui se dégage des
développements ci-haut, est que la faillite de la justice est à l’origine de la
faillite de l’Etat et de la société congolaise toute entière. Un tel contexte
de profonde désintégration sociétale rend impossible la moindre cohésion entre
Congolais, chacun prenant conscience de l’écart qui se creuse entre la classe
des riches et celle des pauvres. Voilà qui contribue à l’effritement de la
puissance publique de l’Etat, avec comme conséquence le refuge dans sa
province, sa tribu ou dans les activités illicites afin d’échapper ou
d’atténuer la misère sociale.
Pour sortir d’une situation aussi gravissime, il
incombe à la plus haute autorité, qui incarne le pouvoir d’Etat et sa légalité,
d’en prendre toute la mesure, d’en scruter les voies d’éradication avant qu’il
ne soit trop tard, au lieu de laisser chacun de nous réduire le pays à sa
famille, à son groupe d’intérêts !
Les voies de sortie à préconiser postulent de nouveaux
retournements en profondeur, moyennant l’élaboration et la mise en œuvre d’une
véritable politique de sauvetage judiciaire destinée à combattre la maladie
dans toute sa métastase. Cette politique est à bâtir sur le postulat selon
lequel, seule la justice est capable de réguler la société et l’Etat, de redonner
l’espoir à tous, de favoriser la cohésion et l’unité nationales, d’impulser
l’économie et le bien-être de la population. Elle devra s’articuler autour de
quelques idéaux:
1. Viser une véritable justice transitionnelle qui
induit le devoir de mémoire et d’équité pour les six millions de morts ainsi
que de nombreuses victimes des viols et violences humaines;
2. Briser le cycle des inégalités, de la pauvreté et
de la misère sociale en canalisant et en capitalisant toutes les frustrations
de la masse autour du projet de la justice distributive et redistributive de la
richesse nationale;
3. Réfléchir en profondeur sur la manière dont la RDC
entend, au regard des intérêts fondamentaux du peuple et de ses valeurs de
justice et de liberté, se projeter dans la sous-région, dans le reste de
l’Afrique et dans le monde, moyennant des choix stratégiques;
Refonder l’Etat et la République sur base de «l’esprit
des lois», ouvrant ainsi le plus grand chantier de la justice, de la loi et du
droit, condition de la grandeur de la Nation, un challenge auquel chaque
Congolais est appelé à compétir, sous votre impulsion directe et votre haute
gouverne.
Cette politique devra avoir comme finalité :
construire un pays, un Etat et une société bâtis sur le sens et le respect des
normes, de la loi, du droit, de la justice et de l’équité en tant que valeurs
d’humanité et conditions de la grandeur de tout peuple et de toute la nation.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Excellence Monsieur le Président de la République,
Que des commentateurs trop zélés et antipatriotiques
ne viennent pas auprès de vous déformer le sens de mon propos. Je ne cherche
pas le pouvoir. Rapporteur du Sénat, je suis au pouvoir avec vous. Dans
le même bateau. Je suis convaincu qu’avec l’action judiciaire, en toute
équité, à travers les Cours et les tribunaux, notre crédibilité
s’en retrouverait accrue. Nous redonnerons espoir au peuple, nous
rassurerons davantage les entrepreneurs et les investisseurs dans l’effort
d’amélioration du climat des affaires.
Excellence Monsieur le Président de
la République,
En vous remerciant de tout cœur de l’attention que
vous aurez à porter à la présente, je vous prie de bien vouloir agréer,
Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute
considération.
Fait à Kinshasa, le 30 mars 2013
Modeste Mutinga
Sénateur
Modeste Mutinga
Sénateur
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