Dans une correspondance adressée, le 20 avril
2013, au ministre des Médias, M. Lambert Mende Omalanga,
Journaliste en danger (JED) lui a exprimé son profond dépit, à la suite de
l’interdiction, le 09 avril 2013, du film-documentaire intitulé « Sankuru,
enfer ou paradis oublié ? » réalisé par Jean-Paul Kayembe, un
journaliste-reporter indépendant congolais.
Dans cette lettre, dont plusieurs
copies ont été transmises, notamment au Président de la République, au Premier
Ministre et aux Présidents des deux chambres du Parlement, JED dénonce, dans le
chef du ministre Mende, un certain état d’esprit hostile à la liberté et à la
démocratie, et une propension à vouloir régenter la république selon ses
humeurs.
En effet, dans une correspondance
adressée, le 9 avril 2013, au Gérant de l’hôtel Sultani à Kinshasa, le Ministre
lui a signifié l’interdiction de la projection de ce film-documentaire prévue
pour le 20 avril 2013, évoquant « des conséquences néfastes liées à
l’exacerbation des tensions ethniques surannées et déstabilisatrices ».
« Sur le plan de la forme, vous ne
mentionnez nulle part, ni une décision de justice, ni les références d’une
décision qui aurait été prise par le Gouvernement pour interdire la diffusion
de ce film , ni les dispositions d’une quelconque loi de la République qui
vous autorise à vous, en votre qualité de Ministre des médias, de
censurer préalablement ce film documentaire réalisé par un journaliste,
dans un pays où il existe pourtant une « Commission Nationale de
Censure » dépendant du Ministère de la Justice, et là où il existe une
institution publique de régulation des médias, en l’occurrence, le Conseil
Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) », peut-on lire dans la lettre de
protestation de JED.
Sur
le fond, JED considère que
le film documentaire « Sankuru : Enfer ou Paradis oublié ? »
dresse un reportage objectif, impartial et précis de la situation qui
prévaut dans le district de Sankuru. A aucun moment, le documentaire
n'attise les tensions entre les différentes ethnies. Bien au contraire, Kayembe
diffuse un message de paix, de coopération et de respect mutuel entre les
filles et fils de district de Sankuru, message relayé par les différents
protagonistes et personnalités de ce coin du pays, qui ont été approchés
et interrogés par le journaliste, dont le ministre Mende lui-même.
D’où,
JED exige des explications sur
cette interdiction dont la rentabilité politique est désastreuse pour un pays
dont le ministre est censé défendre l’image en sa qualité de Ministre des
médias et porte parole du gouvernement.
Dans
la même correspondance, JED rappelle d’autres
cas graves de censure et d’attaques contre la presse, dont le Ministre a été
souvent le chef d’orchestre. Il s’agit, notamment :
- De la
fermeture depuis le 28 novembre 2011 jusqu’à ce jour, de Canal Futur Télévision,
une chaine privée de télévision proche de l’opposition, initialement,
« pour des raisons administratives », et ensuite au motif que
« l’un de principaux partenaires de cette chaine serait impliqué dans une
entreprise de déstabilisation de la République Démocratique du
Congo… ». Mais jusqu’à présent, monsieur le Ministre n’a
jamais signifié à cette chaine le nom de ce responsable incriminé.
- De la coupure du
signal, suivi de la fermeture définitive depuis le mois de septembre
2012 de la plus grande chaîne de Télévision proche de l’opposition,
la Radio Lisanga Télévision (RLTV) appartenant à M. Roger Lumbala, député de
l’opposition, au motif qu’il a rejoint la rébellion du M23, la même qui
négocie depuis des mois, avec votre gouvernement à Kampala, capitale de
l’Ouganda.
- De l’interdiction
de parution du quotidien « Le Journal » depuis le mois de juin 2012 jusqu’à ce
jour, par le même ministre des Médias, en violation des
prérogatives dévolues à l’instance de régulation des médias, le CSAC, sous un
motif fallacieux « d’incitation de la population à la haine
tribale et raciale».
- De l’expulsion du territoire congolais du
cinéaste belge Thierry Michel, auteur du film intitulé « L’affaire Chebeya, un
crime d’Etat ? », ainsi que l’interdiction de la diffusion de son
film sur l’ensemble du pays.
« A quelques jours de la célébration, le
03 mai prochain, de la journée mondiale de la liberté de la presse placée
sous le thème, comme par hasard, de « Parler sans crainte : Assurer
la liberté d’expression dans tous les médias », comment ne pas considérer
votre décision de censurer un reportage d’un journaliste, comme un affront à la
liberté d’expression et un outrage à la démocratie ? A l’ère de ces
nouvelles technologies de l’information et de la communication, où aucune
barrière ne peut empêcher la circulation de l’image et du son, votre
démarche ressemble, à s’y méprendre, à une lutte contre des moulins à
vent », conclut
JED.
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