Le Parlement européen,
- vu
ses résolutions précédentes sur la République démocratique du Congo, notamment
celle du 12 septembre 2013, ainsi
que la résolution de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE sur le sujet,
- vu les déclarations du porte-parole du
Service européen pour l'action extérieure sur la situation en République
démocratique du Congo, et notamment celle du 21 janvier 2015,
- vu
les déclarations de la délégation de l'Union européenne en République
démocratique du Congo sur la situation des droits de l'homme dans le pays, et
notamment celle du
11 février 2015,
- vu le rapport annuel de
l'Union européenne sur les droits de l'homme et la démocratie, adopté par le
Conseil le 22 juin 2015,
- vu les conclusions du Conseil du 19 janvier 2015 sur la République démocratique du Congo,
- vu la déclaration des
envoyés internationaux pour la région des Grands Lacs du 22 janvier 2015 sur la situation en République démocratique du Congo,
- vu le communiqué de presse conjoint de
la rapporteure spéciale de l'Union africaine sur les défenseurs des droits
de l'homme et du rapporteur spécial de l'Union africaine sur les prisons et les conditions de détention en Afrique, du 12
février 2015, sur la situation des droits de l'homme à la suite aux événements
intervenus après l'introduction du projet de loi relatif à la modification de
la loi électorale en République démocratique du Congo,
- vu l'accord de partenariat de Cotonou signé en juin 2000,
- vu les orientations de l'Union
européenne concernant les défenseurs des droits de l'homme et les orientations
de l'Union européenne dans le domaine des droits de l'homme relatives à la
liberté d'expression en ligne et hors ligne,
- vu la déclaration universelle des
droits de l'homme de 1948 et le pacte international relatif aux droits civils et
politiques de 1966,
- vu la charte africaine des droits de
l'homme et des peuples, qui a été ratifiée par la République démocratique du
Congo en 1982,
- vu la constitution de la République
démocratique du Congo, et notamment ses articles 22, 23, 24 et 25,
- vu l'appel à la libération des
activistes de Filimbi lancé le 15 juin 2015 par plus de 200 groupes de défense des droits de l'homme,
- vu l'article 135, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant qu'entre le 19 et le 21 janvier 2015, des manifestations ont éclaté dans tout le pays pour
protester contre un projet de loi
électorale qui aurait permis la prolongation du mandat présidentiel, en
violation de la constitution, et qui aurait nécessité un recensement sans doute
très long avant de pouvoir organiser des élections nationales;
B. considérant que, selon les autorités, 27 personnes ont perdu la vie lors des manifestations, alors
que d'autres sources font état de 42morts, et que 350 personnes ont été arrêtées, certaines d'entre elles étant
toujours en détention sans avoir été jugées ou ont été victimes de disparitions forcées;
C. considérant que lors des
manifestations de janvier 2015, les services internet et les services d'envoi de messages
par téléphone portable ont été interrompus par les autorités;
D. considérant que, finalement, la loi
électorale adoptée par le
Parlement ne reprenait pas la disposition incriminée;
E. considérant que dès le début des
manifestations, les autorités s'en sont prises aux militants des droits de
l'homme et aux membres de l'opposition qui avaient manifesté pacifiquement
contre cette disposition, et notamment à Christopher Ngoyi, à Jean-Claude Muyambo,
à VanoKiboko et à Cyrille
Dowe, qui sont toujours détenus pour des motifs apparemment politiques;
F. considérant que le 15 mars 2015, l'Agence nationale de renseignements (ANR) de la République
démocratique du Congo a arrêté et placé en détention sans inculpation plus de 30 personnes lors du lancement du mouvement de jeunes
prodémocratique Filimbi, dont des participants étrangers et des militants, des
musiciens, des hommes d'affaires et des journalistes congolais;
G. considérant que la plupart des
militants et des partisans du mouvement ont été libérés et que les étrangers
ont été expulsés du pays, mais que Yves Makwambala et Fred Bauma sont toujours
en détention à la prison de Makala à Kinshasa et qu'ils sont inculpés d'appartenance à une
association formée dans le but d'attenter aux personnes et aux biens,
de complot contre
le chef de l'État et d'avoir tenté de détruire ou de changer le régime
constitutionnel ou incité des personnes à
s'armer contre l'autorité de l'État; que
les autorités ont également accusé Fred Bauma d'avoir troublé l'ordre public et Yves Makwambala d'avoir
publiquement offensé le chef de l'État alors qu'ils exerçaient leur liberté
d'expression, de réunion pacifique et d'association;
H. considérant que le mouvement Filimbi a
été créé pour encourager les jeunes congolais à s'engager dans une action
civique pacifique et responsable;
I. considérant qu'en mars et en avril 2015, à Goma (dans l'est du pays), les autorités ont arrêté puis remis
en liberté au moins 15 activistes du mouvement de jeunes Lucha qui manifestaient pacifiquement pour réclamer la libération
de leurs collègues détenus à Kinshasa; que
quatre de ces activistes doivent répondre de l'accusation d'incitation à la désobéissance à l'autorité
publique;
J. considérant que le 27 mars 2015, l'Assemblée nationale congolaise a mis en place une mission
d'information parlementaire pour recueillir desinformations et faire rapport
sur les arrestations; que la
mission a conclu dans son rapport qu'aucun indice n'établissait que les
dirigeants de Filimbi ou les participants aient planifié ou été impliqués dans
un quelconque délit de nature terroriste ou violente et qu'elle a appelé à une
solution politique en vue de leur libération immédiate;
K. considérant que le 15 juin 2014, 14 organisations internationales et 220 organisations de la de défense des droits de l'homme de la
République démocratique du Congo ont
appelé à la libération immédiate et inconditionnelle des deux militants;
L. considérant, dans ce contexte,
qu'une fosse commune contenant quelque 421 corps a été découverte à Maluku, à 80 km environ du centre
de Kinshasa;
M. considérant que le ministre de
la justice a récemment admis que le système judiciaire congolais connaissait de
nombreux problèmes, dont le clientélisme, le trafic d'influence, la corruption,
l'impunité et l'iniquité des décisions de justice;
N. considérant que la liberté de la
presse est limitée par les menaces et les attaques contre les journalistes et
que de nombreux médias ont été illégalement fermés ou censurés;
O. considérant que les prochaines
élections nationales sont prévues pour novembre 2016 et que des difficultés sont à prévoir pour leur
organisation et leur financement;
P. considérant que la société
civile a joué un rôle important en République démocratique du Congo lors de la
transition politique de 2003, des élections de 2006 et de 2011, de la révision des contrats miniers, de la suspension du
pays de l'Initiative pour la transparence des industries extractives en 2013 ou
de la rédaction de la loi électorale de 2013 et de la loi contre les violences
sexuelles;
Q. considérant que la réaction du gouvernement à l'engagement de la société civile a pour but de
traiter les activistes et les organisations militantes comme l'opposition
politique afin de les anéantir;
R. considérant qu'en juin 2014, l'Union européenne a envoyé une mission de suivi électoral
qui a souligné la nécessité d'actualiser les listes électorales, de créer les conditions d'une concurrence loyale entre les candidats et
de renforcer la protection des libertés publiques,
le mécanisme de règlement des litiges électoraux et la lutte contre l'impunité;
S. considérant que le programme
indicatif national 2014-2020 pour la République démocratique du Congo, qui bénéficie
d'un financement de620 millions d'EUR du 11e Fonds
européen de développement, donne la priorité au renforcement de la gouvernance
et de l'état de droit, et notamment à la réforme de la justice, de la police et
de l'armée;
1. déplore la perte en vies humaines, la
violence arbitraire contre les manifestants et les arrestations qui ont eu lieu
lors des manifestations de janvier 2015, ainsi que la répression
à l'encontre des activistes et des opposants politiques, notamment lors des
événements intervenus lors du lancement du mouvement Filimbi en mars 2015;
2. appelle les autorités congolaises à
libérer immédiatement et sans
conditions Yves Makwambala et Fred Bauma ainsi qu'à abandonner toutes les
accusations à leur encontre, à l'encontre des autres dirigeants de Filimbi
ainsi qu'à l'encontre de tout autre militant, prisonnier d'opinion ou opposant
politique arbitrairement arrêté et détenu pour ses seules opinions politiques
ou pour avoir participé à des activités pacifiques;
3. soutient l'appel de l'Assemblée
nationale congolaise en vue d'une solution politique rapide permettant aux
membres de Filimbi et d'autres associations pacifiques de la société civile
d'exercer leur liberté d'expression et d'association sans crainte d'être
poursuivis ou persécutés;
4. demande instamment aux autorités de
veiller à ce que les détenus n'aient pas fait l'objet ou ne fassent pas l'objet
d'actes de torture ou de mauvais traitements ainsi que de garantir leur
protection pleine et entière et de faire en sorte qu'ils aient accès à leurs
familles et à leurs avocats;
5. estime
que le fait que l'ANR ait maintenu les prisonniers en détention sans inculpation
pendant plus de 48 heures, en leur refusant tout recours à une assistance
juridique et sans les présenter à une autorité judiciaire compétente, constitue une violation flagrante des droits garantis par la constitution
congolaise;
6. demande
à ce que le gouvernement
congolais effectue, avec des partenaires internationaux, une enquête exhaustive, approfondie et transparente sur les événements de janvier et de mars 2015 et à ce que toute action illégale et tout déni de droits ou
de libertés soient identifiés;souligne que tout fonctionnaire soupçonné d'être
à l'origine de violations des droits ou des libertés garantis par les textes
nationaux ou internationaux soit traduit en justice;
7. se dit vivement préoccupé par les
tentatives permanentes de limitation de la
liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association ainsi que par les violations de plus en plus nombreuses de ces libertés par les autorités, étant donné qu'il faut un climat politique
propice au bon déroulement du cycle électoral qui doit s'ouvrir l'an prochain
en République démocratique du Congo;
8. estime particulièrement
regrettable que ces violations portent spécifiquement sur des dirigeants de
l'opposition et des mouvements de jeunes;
9. appelle les autorités congolaises à
faire en sorte que ces libertés
soient respectées sans délai et sans conditions, en particulier en période
électorale, comme le garantissent la
constitution congolaise et le droit
international en matière de droits de l'homme;
10. rappelle que le respect de la diversité et de l'opposition
politique, un débat politique ouvert et pacifique ainsi que l'exercice plein et
entier des libertés constitutionnelles d'expression, de réunion pacifique,
d'association et d'information sont indispensables pour garantir des élections démocratiques crédibles,
inclusives, pacifiques et rapides; souligne
que ces garanties sont essentielles dans une région des Grands Lacs
particulièrement instable et qu'elles dépendent également de la bonne
application de l'accord d'Addis-Abeba pour
la paix, la sécurité et la coopération; soutient,
dans ce cadre, l'action des envoyés internationaux pour la région des Grands
Lacs;
11. encourage le Parlement, le Sénat et le
Président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, à mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour
consolider la démocratie et assurer la participation réelle à la gouvernance du
pays de toutes les forces politiques, de la société civile et des mouvements prodémocratiques qui expriment la volonté de la nation
congolaise, selon les règles constitutionnelles et légales et le principe
d'élections libres et équitables;
12. encourage la création de mouvements
tels que Filimbi, qui permettent aux forces prodémocratiques de se faire entendre, et se dit
favorable à la participation des jeunes au processus électoral, dont ils ont
été injustement exclus;
13. rappelle les engagements pris par la
République démocratique du Congo en vertu de l'accord de Cotonou de respecter les principes de démocratie, d'état de droit
et de respect des droits de l'homme, parmi lesquels la liberté d'expression, la
liberté des médias, la bonne gestion des affaires publiques et la transparence
des mandats politiques; demande
instamment au gouvernement congolais de respecter ces dispositions conformément
aux articles 11b, 96 et 97 de l'accord de Cotonou et, dans le cas contraire, demande à la Commission
d'engager la procédure prévue aux articles 8, 9 et 96 de l'accord de Cotonou;
14. souligne que la nature et le montant de l'aide supplémentaire de
l'Union européenne au processus électoral en République démocratique du Congo
doivent dépendre des progrès accomplis dans la mise en œuvre des
recommandations de la mission d'observation électorale de l'Union européenne de 2011 et de la mission de suivi de 2014, le respect du calendrier électoral et la présentation d'un
budget crédible;
15. demande instamment à la
délégation de l'Union européenne de suivre l'évolution de la situation et
d'utiliser tous les outils et instruments appropriés, notamment l'instrument
européen pour la démocratie et les droits de l'homme, afin de soutenir les
défenseurs des droits de l'homme et les mouvements prodémocratiques;
16. demande instamment aux
autorités judiciaires congolaises d'affirmer leur indépendance à l'égard de
toute instrumentalisation politique et d'assurer la protection des droits
reconnus par les instruments juridiques, comme l'accès à la justice ou le droit
à un procès équitable;
17. demande instamment aux
autorités congolaises de cesser de minimiser l'importance des fosses communes à
proximité de Kinshasa et se fait l'écho de l'Union européenne et des Nations
unies pour demander une enquête urgente, transparente et crédible afin de
rassurer les familles des personnes disparues et de mettre un terme aux diverses rumeurs;
18. dénonce la fermeture
illégale et la censure abusive des médias ainsi que l'arrêt temporaire
des télécommunications;
19. charge son Président de transmettre la présente résolution
au Conseil, à la Commission, à la
vice-présidente de la Commission européenne et haute représentante de l'Union
pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, à l'Union africaine,
aux gouvernements des pays de la région des Grands Lacs, au Président, au
Premier ministre et au Parlement
de la République démocratique du Congo, au Secrétaire général des Nations
unies, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies ainsi qu'à
l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE.
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