De fin novembre 2014 à début février 2014, le Dr Brice
Daverton a travaillé avec MSF à l’hôpital général de référence de Rutshuru,
dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC). Il
revient sur le pic de paludisme sans précédent dont il a été témoin ainsi que
sur ce que nos équipes médicales ont entrepris pour soigner les enfants,
premières victimes de cette pathologie.
« Il y avait des enfants hospitalisés partout, jusqu’à trois par lit. Nous
avions en moyenne 200 patients hospitalisés, surtout des petits, âgés de moins
de cinq ans, parfois plusieurs membres d’une même fratrie.
Au total, en novembre et décembre, nous enregistrions plus de 700
admissions par semaine. Nous tournions à près de 300 % de taux d’occupation des
lits. Le personnel congolais n’avait jamais connu ça, c’était, selon eux, le
plus important pic de paludisme auquel ils aient jamais eu à faire face, à la
fois en termes de gravité, mais aussi de nombre des cas et de durée du pic.
C’est pour cette raison que je suis parti sur place, afin de renforcer les
équipes.
Bien sûr, je n’avais jamais vu cela auparavant, ni au cours de ma
précédente mission avec MSF à Paoua, en République centrafricaine (RCA), et
encore moins en France*. Nous « perdions » des patients tous les jours. Nous ne
sommes pas habitués à cela, ce n’est pas ce pourquoi on s’engage dans la
médecine ou l’humanitaire. Pour un soignant, c’est très dur à vivre. Ca non
plus, je ne l’avais jamais connu en occident, c’est très rare, alors qu’à
Rutshuru, c’était malheureusement quotidien...
C’était d’autant plus impressionnant que nous étions en plus confrontés à
des pathologies qui compliquaient encore la prise en charge des cas les plus
sévères. Nous faisions ainsi face à de nombreuses infections respiratoires et
des états septiques sévères. Les enfants souffrant de malnutrition étaient
soignés dans le département spécialisé. Chez les moins de cinq ans, les
carences protéiniques affaiblissent énormément les organismes et les défenses
immunitaires. Ces patients sont les plus fragiles.
Quand leur état de santé le permettait, les enfants souffrant d’un
paludisme « simple », étaient traités par voie orale, avec des dérivés «
d’Arthéméther » ; les cas sévères recevaient un autre traitement («
l’Artésunate ») en intraveineuse. Pour les enfants les plus à risque, ceux qui
convulsaient ou étaient fortement déshydratés nous mettions en place une
réhydratation et, si nécessaire, des antibiotiques. C’était une chance d’avoir
des traitements efficaces et diversifiés.
Quatre médecins congolais travaillaient en pédiatrie et deux autres aux
urgences. Pour les cas les plus graves, il fallait faire vite, on n’avait ni le
temps ni les moyens de multiplier les examens médicaux complémentaires. Sur le
terrain, l’examen clinique prime et c’est une grande différence aussi avec la
France. Cela va d’ailleurs certainement influencer la façon dont je vais
désormais m’occuper de mes patients ici.
Je me souviens d’un petit qui m’a vraiment marqué car son cas était très
grave. Ce garçon de huit ans faisait une crise de paludisme sévère, il
convulsait à son arrivée et était en détresse respiratoire. Nous l’avons
rapidement admis en soins intensifs. Je l’ai retrouvé trois jours après, dans
la salle de pédiatrie où il se rétablissait. Je n’oublierai jamais son petit
sourire et celui de sa maman qui m’a dit : « Il va bien docteur. Il est guéri
maintenant. » Là, on est vraiment content, on sait que ce que l’on fait sert à
quelque chose.
En plus de ce pic de paludisme sans précédent, MSF gère le « pôle chaud »
de l’hôpital général de Rutshuru, à savoir : chirurgie, soins intensifs,
urgences, grands brûlés et prise en charge des victimes de violences sexuelles.
Fin 2014, chaque jour, près de 450 personnes étaient hospitalisées dans cette structure
qui ne compte que 287 lits en temps normaux. Du coup, des tentes ont dû être
montées dans la cour afin de faire face à cet afflux de patients.
De ces deux mois à Rutshuru je garderai ces images d’une pédiatrie pleine à
craquer, avec tous ces lits, moustiquaires, perfusions, Je n’oublierai pas non
plus le bruit, comme celui d’une ruche, les cris, les pleurs aussi... C’était
impressionnant, surtout la nuit, quand on était de garde, même si à force, il
faut bien le dire, on s’habitue. »
*Le Dr Brice
Daverton est médecin généraliste. Originaire de l’Allier, dans le centre de la
France, il a fait ses études de médecine à Toulouse, puis son internat à Lyon.
Depuis, il exerce comme médecin remplaçant dans le secteur hospitalier
français.
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