Sigles
et abréviations ACGT : Agence Congolaise des Grands Travaux
ASADHO
: Association Africaine de Défense des Droits de l'Homme
FC
: Franc Congolais
FCFA
: Franc des communautés Financières d'Afrique
KM
: Kilomètre ONL : Office National de Logement
ONATRA
: Office National de Transport
OVD
: Office des voies et drainage
RDC
: République Démocratique du Congo
SADC
: Southern African Develpment Community
UPN
: Université Pédagogique Nationale
US
: United States
Remerciements
Au moment où nous rendons public ce rapport, l’Association Africaine de Défense
des Droits de l’Homme « ASADHO » tient à adresser ses remerciements à l’équipe
de recherche composée de ses membres et de collaborateurs extérieurs ci-après
Jean Claude MUKUNA, Felly DIENGO, Nicole IFLANKOY , Léonie KANDOLO, Alven’s KABENGELE,
Godé KALONJI, Christelle IYAYESA, Billy KAMPOS, Cyrille MILANDOU et Justin
NDABA SANDJI pour leur engagement et efforts fournis dans la collecte des
données qui ont servies à la rédaction dudit rapport. Nous remercions aussi
l’équipe de coordination de la recherche et de la rédaction du présent rapport
composée de Maîtres Jean Claude KATENDE et Jean KEBA KANGODIE pour leurs
apports qui ont donné une forme à ce travail. Nos remerciements s’adressent
également à l’équipe du Centre Carter composé de Jean Pierre OKENDA, Me
Fabien MAYANI, Baby MATABISHI, Elisabeth CAESENS et Manon AUBRY pour d’abord,
leur appui technique en collaboration avec le staff de l’ASADHO depuis la
préparation méthodologique de l’équipe de recherche jusqu’à l’analyse des données
et, ensuite l’appui financier sans lequel ce travail n’aurait pas été possible.
L’ASADHO remercie aussi toutes les personnes de bonne volonté qui s’étaient
montrées disponibles pour fournir des informations à son équipe.
Résumé
Dans le souci de remise en état, de développement et de modernisation des
infrastructures de base, le Gouvernement de la République Démocratique du Congo
avait conclu le 17 septembre 2007, le protocole d’accord avec le groupement
d’entreprises du droit chinois. Cet accord au départ secret avait suscité
beaucoup de débats avec l’intervention des bailleurs des fonds traditionnels de
la RDC via le Fond Monétaire International, de la société civile congolaise et
de la représentation nationale. Ce qui a eu pour effet, le retardement du
financement des travaux d’infrastructures avant la révision du volume du prêt
convenu de 6.000.000.000 à 3.000.000.000 $ US. De ce protocole d’accord, la
convention de collaboration suivie de trois avenants a été signée entre les
deux parties en 2008 et la joint-venture dénommée Sicomines avec 68 parts du
capital pour le groupement d’entreprises chinoises et 32 pour la partie
congolaise, a été créée pour gérer le projet minier d’une part, et recueillir
les prêts destinés au financement des travaux d’infrastructures, d’autre part.
L’étude organisée par l’ASADHO sur l’exécution des infrastructures identifiées
dans le cadre de cet accord à Kinshasa, a enregistré plusieurs défis liés
notamment à la transparence dans la passation de marchés des ouvrages à exécuter,
dans le recrutement des cabinets d’audit des travaux, dans l’évaluation et la
détermination des coûts d’infrastructures réalisées et dans l’accès à
l’information publique sur les différentes interventions. La garantie de la
qualité et de la durée de vie des infrastructures réalisées ainsi que la
gestion des impacts des travaux sur les droits humains demeurent une des
préoccupations majeures.
Qualité
et coût des infrastructures
Ǽ
L’inexistence de contrôle systématique indépendant et transparent des coûts et
qualités des infrastructures entraîne la surévaluation de certains projets
d’infrastructures ;
Ǽ
Inexécution de certains travaux quoique décrits comme réalisés à l’instar de
l’avenue Lutendele ;
Ǽ L’absence des études de faisabilité, des
devis des travaux, de la détermination des matériaux de construction à
utiliser, des caractéristiques techniques et de la durée des ouvrages ne permet
pas l’évaluation et la justification des coûts très élevés constatés.
Consultation
des populations et violations des droits humains
Ǽ Absence de consultation des
citoyens concernés dans la sélection et la priorisation des infrastructures, en
particulier les victimes des démolitions et expropriations illégales des
parcelles et logements ;
Ǽ Le développement des infrastructures entraîne de
graves violations des droits humains dues aux expropriations qui ne respectent
ni les lois de la RDC, ni les traités internationaux en la matière ; Ǽ La non
prise en compte de l’approche basée sur les droits humains dans l’exécution des
travaux explique le nombre élevé des violations des Droits Humains et la non
prise en charge de la majorité des victimes enregistrées comme c’est le cas sur
l’avenue de tourisme. Sur ce, il est indispensable de mettre en place ou de
renforcer les mécanismes systématiques de contrôle indépendant et transparent,
pour auditer l’existence physique des infrastructures ainsi que la
correspondance entre la qualité et le coût d’une part, la consultation des
populations riveraines dans la sélection et la priorisation des
infrastructures, d’autre part. Les résultats de ces évaluations indépendantes
devront être rendus publics en vue d'accroître la responsabilité tant des
entreprises exécutantes que des institutions publiques concernées. Ce qui devra
conduire à plus de responsabilité et de sérieux dans la gestion du potentiel
offert par ce projet dans l’intérêt de la RDC. Car les fonds débloqués
pouvaient permettre de réaliser plusieurs infrastructures que celles qui sont
réalisées à Kinshasa.
1. Contexte
Située au cœur de l’Afrique avec une superficie de 2.345.000 km², la RDC est
l’un des pays les plus riches en ressources naturelles. Le pays est souvent
qualifié de ‘scandale géologique’ suite à l’abondance et la diversité de ses
ressources naturelles. Malgré toutes ces richesses et les atouts que lui
offrent sa position géostratégique, la RDC est confrontée à de graves
difficultés en matière d’infrastructures de base. La plupart des
infrastructures existantes remontent à l’époque coloniale et sont à ce jour
dans un état de délabrement très avancé, faute d’entretien et de modernisation.
L’absence de politique cohérente de développement et d’entretien des
infrastructures avec des objectifs clairs et évaluables à court, moyen et long
termes explique en grande partie le déficit d’infrastructures de base en RDC.
Le déficit d’infrastructures adéquates ne favorise pas le développement du pays
si bien que la République Démocratique du Congo figure parmi les pays les plus
pauvres de la planète suivant l’Indice du Développement Humain. En 2013, la RDC
a été classée dernière soit 186ème avec le Niger par le PNUD en termes
d’indices de développement humain avec 87,7 % de la population vivant en dessous
du seuil de pauvreté1. Les différents gouvernements qui se sont succédé depuis l’accession
du pays à l’indépendance n’ont pas réussi à développer les infrastructures de
la RDC. Et ce, malgré les financements régulièrement reçus des institutions
financières internationales (Banque Mondiale, Banque Africaine de
développement, la coopération bilatérale…) à cette fin. Dans certains cas, ces
fonds ont été mal gérés avec pour conséquence l’aggravement de l’endettement
extérieur du pays. A titre d’exemple, on peut citer le financement des travaux
de réhabilitation de l’avenue de l’Université par la Banque Mondiale dont la
gestion avait été décriée. Chaque fois que l’on remet en cause l’efficacité du
programme de réhabilitation de la voirie urbaine de la ville de Kinshasa, l’on
voit directement l’avenue de l’Université à Kinshasa. En effet, adjugé au
départ à l’entreprise « House Construct » pour plus de 4.000.000 $ US, le
chantier de l’avenue de l’Université long de 9,8 Km même inachevé aura coûté à
l’Etat congolais sur les fonds empruntés auprès de la Banque Mondiale plus de
8.000.000 $ US. Réputée maître dans l’art de « la bonne gouvernance », la
Banque Mondiale, par le truchement de ses agences gouvernementales notamment le
Bureau Central de Coordination (BCECO), s’est sérieusement compromise dans le
marché de l’avenue Université. Le critère de sélection de l’Entreprise House Construct a démontré la légèreté avec laquelle sont gérés, certes en complicité
avec certains cadres de la Banque Mondiale (à Kinshasa comme à Washington) les
crédits mis à la disposition de la RDC… a écrit Freddy MULUMBA KABUAYI².
(1
PNUD : Rapport sur le Développement humain 2013, p. 186 disponible sur le site
www.undp.org/french 2 Freddy MULUMBA KABUAYI Article publiés en avril 2006 sur
le site « mediacongo.net »).
Ainsi,
à l’occasion de sa campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2006,
le candidat Joseph KABILA, actuel chef de l’Etat avait présenté le programme
dénommé « Cinq chantiers de la République ». Les cinq chantiers de la
République sont un programme quinquennal de développement qui couvre cinq axes
: 1. Les infrastructures ; 2 La création de l’emploi ; 3. L’éducation ; 4. L’eau
et l’électricité ; 5. La santé.
Dans le but de réaliser une partie de ce
programme de développement des infrastructures, le Gouvernement de la RDC,
formé à l’issue de ces élections remportées par le Président Kabila, avait
conclu la convention de collaboration avec le groupement des entreprises
chinoises relative au développement d’un projet minier et d’un projet
d’infrastructures en RDC. Cet accord d’une nature assez particulière avait
suscité beaucoup de débats auprès des bailleurs des fonds traditionnels de la
RDC, des milieux financiers internationaux, des parlementaires congolais et de
la Société civile qui avaient exigé sa publication et un débat public sur son
contenu.
2. Choix du cas d’étude
La hauteur du financement alloué à la
construction et la réhabilitation des infrastructures ne peut laisser les
citoyens indifférents. L‘ampleur des travaux à entreprendre est de nature à
affecter les droits humains. Comment l’autorité congolaise garantit-elle la
sauvegarde des droits Humains dans l’exécution des travaux de ces
infrastructures ? L’intérêt suscité par les infrastructures (routes, écoles,
ponts, hôpitaux,…) en cours de réalisation à Kinshasa a été accompagné de
plusieurs plaintes venant des populations directement affectées par ces
différents projets.
En effet, l’ASADHO a enregistré plusieurs plaintes de
certains citoyens, victimes de plusieurs abus en relation avec l’exécution des
travaux d‘infrastructures : démolition des maisons, inondations, expropriations
irrégulières, pollution de l’air par la poussière… L’ASADHO avait déjà eu à
publier un rapport sur les conditions des travailleurs dans les entreprises
chinoises1.
En dehors de ces plaintes, plusieurs débats ont été engagés
relativement à la qualité des travaux réalisés, à la surfacturation des travaux
exécutés et au manque de transparence dans la gestion de ces différents
ouvrages2. Compte tenu des expériences antérieures dans la gestion des
emprunts reçus des partenaires, il est impérieux pour la Société civile de
veiller à la transparence et la bonne gouvernance dans la gestion des
ressources venant de cet accord. Ces faits ont poussé l’ASADHO à initier avec
le soutien technique et financier du Centre Carter, une étude d’évaluation sur
le degré de transparence, les coûts et la qualité ainsi que l’impact sur les
droits humains des infrastructures exécutées à Kinshasa dans le cadre de
l’accord sino-congolais. (1 Rapport circonstancié/ASADHO/ N° 001/2010/janvier 2010
: Les conditions de travail des congolais au sein de l’entreprise chinoise Grec
sont inacceptables. 2 A titre d’exemple, Moise NYARUGABO, sénateur et membre
du parti politique RCD a dénoncé publique à la télévision le fait le coût du
Boulevard triomphal dans ses dimensions initiales telles que réalisées par
l’Office des Routes s’élevait à 800.000 $ US, et qu’il était inconcevable que son
prolongement ait coûté plus de 20.000.000$ US).
2. Objectifs
L’objectif global de cette étude est de contribuer à accroître la transparence
et la redevabilité des gouvernants dans la gestion de la chose publique. Cette
étude vise les objectifs spécifiques ci-après : Accroitre la transparence et
l’accès à l’information dans l’exécution du programme d’infrastructures du projet
de collaboration entre la RD Congo et les entreprises chinoises; Rendre
comptables les institutions chargées de la mise en œuvre et du contrôle du
programme d’infrastructures, en stimulant le débat public sur les coûts et la
qualité des infrastructures déjà réalisées dans le cadre de la convention
sino-congolaise à Kinshasa ; Evaluer les impacts des travaux de réalisation des
infrastructures sur les droits humains dans la Ville-Province de Kinshasa ;
Donner lieu à une exécution plus responsable des infrastructures qui prend en
compte la dimension du respect et de la protection des droits humains des
communautés affectées.
4. Méthodologie de recherche.
Pour parvenir à la
réalisation de la recherche et atteindre les objectifs ci-dessus, l’équipe a
fait recours à quelques méthodes et techniques d’enquête dans un processus qui
a connu quatre étapes.
4.1. Du recrutement des enquêteurs.
Pour ce faire
l’ASADHO a commencé par définir le profil des enquêteurs à impliquer dans le
processus d’enquête avant leur recrutement. L’équipe d’enquêteurs a été
constituée de membres de l’ASADHO et des collaborateurs extérieurs répondant au
profil défini.
4.2. De la formation des enquêteurs. Avant le lancement de
l’étude, l’équipe ainsi constituée a été renforcée avec les modules sur
l’introduction aux droits humains avec un accent sur les droits économiques,
sociaux et culturels, la convention de collaboration sino-congolaise et, les
méthodes et techniques retenues de commun accord avec les enquêteurs dans le cadre
de cette étude. Sous la conduite de l’ASADHO avec l’appui technique du Centre
Carter, l’équipe qui a été divisée en trois sous- groupes à savoir les groupes
de la Cartographie, du Coût et qualité et de l’Impact sur les droits humains, a
élaboré et adopté le questionnaire à utiliser durant l’enquête avant d’arrêter
l’agenda y relative.
4.3.
Le processus de la recherche L’étude a commencé en mi-janvier pour se terminer
en fin juin 2014. Elle a commencé par la cartographie des acteurs qui
interviennent dans la réalisation des infrastructures dans le cadre de la
convention sino-congolaise (entreprises, responsables, communautés, élus,
services publics impliqués…) et des infrastructures retenues à Kinshasa.
Ensuite, la recherche documentaire sur ces infrastructures a été faite.
L’équipe de recherche a procédé par les méthodes historique, comparative et
déductive dans cette recherche. Les techniques d’enquêtes ci-après ont été
utilisées : l’échantillonnage, le prélèvement des coordonnées cartographiques
par GPS, l’observation, les interviews à l’aide du questionnaire adopté par
l’équipe, la recherche documentaire et la prise des photos.
4.4. Processus de
rédaction du rapport
La rédaction du rapport a commencé par l’analyse suivie de
la compilation des données collectées par les trois équipes déployées sur
terrain. Les résultats de ces deux opérations ont abouti à la mise sur pied du
comité de rédaction du rapport. Le draft du rapport produit par le comité a
fait l’objet de discutions et des observations de l’ASADHO et de l’équipe du
Centre Carter.
5. Difficultés rencontrées
La difficulté majeure rencontrée tout
au long de cette enquête était celle liée à l’accès à l’information auprès de
certaines structures tant publiques que privées, qui interviennent dans la
réalisation des infrastructures à Kinshasa et des hommes politiques auteurs de
certaines déclarations relatives à la joint-venture Sicomines et à la qualité
et coût des travaux exécutés. Les enquêteurs dépêchés sur le terrain par
l’ASADHO n’ont pas été reçus par les entreprises chinoises en charge de
l’exécution des infrastructures. Les services de gardiennage de ces entreprises
ont même refusé de recevoir le questionnaire d’enquête destiné à ces
entreprises. Ce fut également le cas pour certains services publics qui
concourent à la surveillance de travaux comme l’Office des Voiries et Drainage
(OVD). Certains responsables qui ont accepté de répondre aux questions des
enquêteurs ont requis l’anonymat pour des raisons liées à leur sécurité.
II.
Description du projet Sicomines
Sous ce point, nous nous limiterons à la brève
présentation du projet Sicomines dans le cadre global de la convention de
collaboration entre la République Démocratique du Congo et le groupement
d’entreprises chinoises. Nous allons également procéder à la description des
infrastructures prévues par ce projet pour la ville de Kinshasa avec le
potentiel de développement qu’il offre et les risques de mauvaise gestion de ce
potentiel. La description de ces infrastructures sera suivie de l’analyse du
coût et de la qualité des infrastructures qui seront retenues à titre
d’échantillon.
1.
Présentation du projet Sicomines
En date du 17 septembre 2007, un protocole
d’accord a été signé entre le Gouvernement de la République Démocratique du
Congo et le groupement des entreprises chinoises qui ont accepté d’octroyer des
prêts pour réaliser les travaux d’infrastructures planifiés par le Gouvernement
de la RDC. De ce protocole d’accord une convention de joint-venture a été
signée en décembre de la même année entre la Gécamines et le consortium des
entreprises chinoises pour modifier, compléter et apporter des précisions audit
protocole. Une autre convention de collaboration a été signée par la RDC en
janvier 2008 et le groupement des entreprises chinoises. Trois avenants ont été
apportés en date du 22 avril 2008 après concertation entre parties. Aux termes
de cette convention de collaboration, le regroupement d’entreprises chinoises
s’est engagé à mobiliser les ressources financières nécessaires pour financer
les travaux d’infrastructures en République Démocratique du Congo. Le coût des
infrastructures sera remboursé par les revenus issus de l’exploitation minière
de gisements cupro-cobaltifères de DIKULUWE, MASHAMBA Ouest, JONCTION D,
CUVETTE DIMA, CUVETTE MASHAMBA, SYNCLINAL DIKULUWE COLLINE D propriété de la
Gécamines situés à Kolwezi1 dans la province du Katanga. Ces réserves sont
estimés à environ : 10.616.070 tonnes de cuivre et 626.619 tonnes de cobalt ².
(1 Kolwezi est une des villes à vocation minière de la partie Sud de la
République du Congo dans la province du Katanga. 2 Article 4 de la convention de
convention de collaboration entre la République Démocratique du Congo et
Sinohydro Corporation relative au développement d’un projet minier et d’infrastructures
en RDC de janvier 2008).
Au
même moment que les parties procédaient à la signature de la Convention de
Collaboration, une société de joint-venture appelée la Sino-Congolaise des
Mines (« Sicomines ») a été mise sur pied, principalement pour gérer le projet
minier mais aussi pour servir d’entité encaissant les prêts d’infrastructures
et les décaissant aux entreprises effectuant les infrastructures. Le groupement
d’entreprises chinoises détient 68 % des parts sociales de la Sicomines, alors que
la partie congolaise composée de la Gécamines (société minière appartenant à
l’Etat congolais) et de la société immobilière du Congo Sprl, détient 32 %1. En
ce qui concerne le projet d’infrastructures, il a été convenu que chaque
infrastructure à réaliser devra faire l’objet d’un projet à part pour lequel
Sinohydro et CREC devront chercher le financement. Le Maître d’ouvrage est le
Ministère des Travaux Publics Congolais, l’exécutant Sinohydro ou une de ses
sociétés affiliées. Pour d’autres détails sur le volet infrastructures,
veuillez lire la convention de collaboration disponible sur les sites web du
Centre Carter www.congomines.org et du Ministère des mines www.mines-rdc.cd.
Plusieurs
sources ont fait état en mai 2013 du retrait de la Banque chinoise Eximbank de
la convention. Le motif de ce retrait serait justifié par le risque trop élevé
que comporte le contrat après le retrait de la garantie de l’Etat opérée en
2008 suite aux recommandations des institutions de Brettons Wood. Selon
monsieur EKANGA 2 interrogé par Mme Johanna, c’est le refus de la RDC de
céder les trente-deux pour cents de la Gécamines qui serait la cause3. Selon un
correspondant cité dans l’article de madame Johanna de juillet 2013, cette
Banque chinoise était revenue dans le cadre cette convention4. (1 Avenant à la
convention de collaboration sino-congolaise du 22 avril 2008, 2 Secrétaire
exécutif du bureau de coordination et de suivi du programme sino congolais, 3
Mining News Magazine N° 074 de mai 2013. 4 Review of African Political Economy,
The Sicomines agreement revisited : prudent Chinese banks and risktaking
chinese companies, P. 157, Mortimer House, 37-41, Mortimer street, London W1T,
3JH, UK.)
1.1. Potentiel
offert par le projet de collaboration
Nous considérons ce potentiel uniquement
en ce qui concerne le volet infrastructures du projet de collaboration entre la
RDC et le groupement d’entreprises chinoises sans aborder la partie relative au
projet minier. En effet, le potentiel qu’offre ce projet pour le développement des
infrastructures de la RDC est énorme en considération du volume de financement
prévu et, de la variété des infrastructures à prendre en charge : les routes,
hôpitaux, universités, ponts… Le financement initial était arrêté à la valeur
de 6.000.000.000 $ US a été rabattu à un maximum de 3.000.000.000 $ US à la
suite de l’intervention du Fond Monétaire International.
C’est la première fois
de son histoire que la RDC accède à un financement d’infrastructures de cette
hauteur sans que le pays soit soumis aux contraintes budgétaires de
remboursement direct du capital et des intérêts vis-à-vis des bailleurs des
fonds, le remboursement devant être pris en charge par la joint-venture
minière, qui bénéficie d’exonérations fiscales à cet effet. Bien géré, le crédit
alloué au financement des infrastructures, contribuerait certainement au
changement du visage de la RDC par le développement des infrastructures. Ce qui
exige une gestion responsable et transparente de ce potentiel.
1.2. Risque de
mauvaise gestion du potentiel du projet de collaboration par le Gouvernement de
la RDC
Il y a lieu de relever ici que, malgré ces potentiel et avantages que
présente ce projet, la RDC peut être replongée dans un endettement profond aux
conséquences incalculables en application des dispositions de l’article 7 de
l’avenant 3 de la convention de collaboration entre les deux parties. En effet,
l’Etat congolais devra assurer le remboursement des prêts au cas où la
Joint-venture serait dans l’incapacité de rembourser intégralement la valeur
des infrastructures. Et ce, malgré l’apport par la RDC de nouveaux gisements miniers1.
Ce qui ramènerait le pays dans l’endettement classique avec la malchance de
perdre ses droits et titres miniers. 1.3. Description des infrastructures
prévues pour la ville de Kinshasa. Dans le cadre de cette recherche, les
infrastructures financées par le projet sino-congolais à Kinshasa dont les
détails ci-dessous feront l’objet du présent rapport.
Les infrastructures
identifiées concernent certaines routes principales de la ville de Kinshasa, de
ponts sur certaines de ces routes, l’hôpital moderne et l’embellissement de
certains espaces publics de la Capitale de la RDC. (Article 7 dernier alinéa de
l’avenant 3 à la convention de collaboration entre la RDC et le groupement des
entreprises chinoises : « La partie congolaise accepte que la JV minière puisse
disposer de tous ses biens y compris les Droits et Titres Miniers pour
rembourser les prêts qu’elle aura conclu y compris les intérêts »).
Les informations
ci-dessous relatives à la présentation des infrastructures réalisées à Kinshasa
dans le cadre de la mise en œuvre de la convention de collaboration entre la
République Démocratique du Congo et le groupement des entreprises chinoises,
sont tirées principalement du site de l’Agence Congolaise des Grands Travaux (www.acgt.cd).
- La route Lutendele
La
route Lutendele est située dans la Ville Province de Kinshasa, Commune de
Mont-Ngafula, Quartier Mbudi. La charge de réhabilitation et construction de
cette route a été confiée à l’entreprise Crec8. L’objectif de cet ouvrage
était de relier ce coin désenclavé avec les quartiers, Kintambo Magasin, UPN,
Kimwenza-Gare jusqu’à l’aéroport international de N’djili et de contribuer au
développement des aspects touristiques de la Ville de Kinshasa. Pour une
longueur de 2.8 Km, les travaux prévus sur la route Lutendele consistaient en
la construction de la chaussée à 2x1 voie avec des trottoirs, construction des
ouvrages d’assainissement (caniveaux) avec des ouvrages d’art (dalots et
buses), la construction du pont de 58m de portée sur la rivière Binza,
l’éclairage public et la signalisation routière.
Le contrat de
réalisation de cet ouvrage fut signé le 28 juin 2008 pour une durée de 18 mois
pour le terme à intervenir le 15 août 2011 pour le coût total de 21.010.000 $
US 1. La mission de contrôle fut confiée à l’A.E.C.
Sur le net et à la
télévision, il avait été communiqué que le projet avait été finalisé. Par
ailleurs, la presse chinoise faisait état de l’achèvement des travaux et la
réception de ceux-ci par le Gouvernement congolais2. Le constat fait par les
enquêteurs de l’ASADHO lors de la descente sur le terrain en avril 2014 pour
l’identification de cet ouvrage était tout autre. A part un pont de 58m
construit sur la rivière Mbinza, une centaine de mètres d’asphaltage, de la
terre jaune et des caillasses jetées sur cette route, les travaux ne se sont
pas encore terminés. A ce jour, il n’y a que des motos qui y circulent. Le
Journal : Congo Opportunités a écrit dans son article « Des taxis motos à la
rescousse de la périphérie de Kinshasa : zoom sur Lutendele » ce qui suit : «
Fort malheureusement, l’approvisionnement en produits commerçables est rendu
possible grâce à l’entrée en jeu de taxis motos qui d’ailleurs comportent
beaucoup des risques d’accident. Question de disposer de quelques 1.000 FC pour
effectuer le trajet allant de Mbudi à Lutendele3. » Si ces travaux sont jugés
achevés, il pourrait s’agir là d’un cas de détournement des fonds alloués à ce
projet si ceux-ci ont été entièrement dépensés. C’est ce que soutient
curieusement l’ACGT à travers le tableau N° 12 du rapport annuel ACGT 2011
point 5.1 intitulé aperçu sur les interventions de l’ACGT en déclarant que les
travaux sur l’avenue Lutendele ont été achevés en août 2011 (1) alors que les
travaux ont été arrêtés en attendant les expropriations à intervenir le long de
cette avenue.
- L’avenue Tourisme
L’avenue Tourisme est située à Kinshasa, dans
la commune de Ngaliema. Elle commence au rond-point Kitambo, et passe derrière
le Camp Tshatshi, jusqu’à la Station Cohydro (Société SAFRICAS), Quartier
MBUDI. Les travaux de réhabilitation et de modernisation ont été exécutés par
l’entreprise chinoise « CREC 8 ». L’objectif poursuivi par ces travaux était de
relier les quartiers Kitambo Magasin, U.P.N., Kimwenza-Gare jusqu’à l’aéroport
international de N’djili, assurer la continuité du trafic sur l’avenue en
partant de l’avenue Nzolama pour déboucher sur l’avenue Mondjiba, atteindre le
Centre-Ville et désengorger les avenues Laurent-Désiré KABILA et Nguma, réduire
le coût d’exploitation des véhicules et le temps de parcours. Pour une longueur
de 7,25Km les travaux prévus consistaient en la stabilisation de 2Km de talus,
la construction de la chaussée à 2x1 voie avec couche de roulement en béton
bitumineux, la construction des trottoirs, la construction des ouvrages
d’assainissement et des ouvrages d’art (ponts, dalots et buses), la pose de
conduites d’adduction d’eau, l’éclairage public et signalisation horizontale et
verticale.
Le contrat de l’exécution de ces travaux fut signé le 28 juin 2008
pour le terme à intervenir le 10 juin 2009 soit pour la durée de 18 mois. Le
coût prévu était de 24.400.000 dollars américains et la mission de contrôle a
été confiée à l’A.E.C. Le constat sur le terrain est que les travaux de
réhabilitation et de modernisation de l’Avenue Tourisme ne sont pas encore
achevés. La construction d’un marché de Cent places (100 places) au niveau de Pompage et de Soixante places (60 places) au niveau du quartier Mbudi n’a pas
été réalisée jusqu’à présent comme prévu.
- L’hôpital du Cinquantenaire
L’Hôpital du Cinquantenaire est situé sur l’avenue de la Libération (ex-24
Novembre) à côté du quartier ONL (Office National de Logement), dans la commune
de KASA-VUBU, en face du camp militaire KOKOLO. Les travaux ont été exécutés par
l’entreprise chinoise SinoHydro2. Les travaux prévus consistaient en la
réhabilitation des vieux bâtiments datant des années soixante (23880 m 2) et la
construction des nouveaux bâtiments (trois nouveaux bâtiments : Administratif
(2915 m 2) Centre d’Energie (4380 m 2), Centre de Rééducation (3312m 2) sur une
surface de 40.000m 2 pour abriter un hôpital ultra moderne du niveau tertiaire
avec une capacité d’accueil de 450 lits. Prévus pour 20 mois, les travaux
devaient aller du 28 juin 2008 au 2 mai 2009 pour un total de 99.873.757,77 $
US. Et la mission de contrôle a été confiée à Huatong. (1 Site de l’ACGT,
consulté le 28 juin 2014. 2 Covec: China Overseas Engineering Group Co, Ltd
publié sur le net. 3 Congo Opportunities Média consulté en ligne le 18 juillet
2014 à 15h23. - 1 Rapport Annuel ACGT 2011, P. 32).
- L’Esplanade du Palais
du Peuple
L’Esplanade du Palais du peuple est un espace situé à Kinshasa, dans
la commune de KASA-VUBU, en face du siège du Palais du Peuple qui abrite les
deux Chambres du Parlement congolais. Les travaux de construction et
d’aménagement de l’Esplanade du Palais du Peuple ont été exécutés par
l’entreprise chinoise SinoHydro dans le but de créer un site touristique et un
espace à même de recevoir les manifestations publiques et de rencontres
d’échanges entre citoyens. Les travaux prévus sur cette Esplanade devaient
couvrir le bétonnage et le pavage de 24.300 m2, le montage de la tribune
provisoire de 2.000 places, la construction de deux fontaines et l’aménagement
du jardin, l’éclairage public et le raccordement en eau et en électricité. Le
contrat couvrant ces travaux a été signé le 6 décembre 2009 pour une durée de
six mois au coût de 19.655.299,14 $ US.
Et la mission de contrôle n’a pas été
prévue pour cet ouvrage. Les travaux de construction et d’aménagement de
l’Esplanade du Palais du peuple n’ont pas été achevés. Initialement, il était
prévu la construction d’une tribune définitive. Jusqu’à présent selon certains
acteurs de l’ACGT interviewés 1, c’est celle provisoire qui demeure en place et
dont la dégradation est visible. Elle venait d’être réaménagée pour le défilé
marquant les festivités du Cinquante quatrième anniversaire de l’indépendance
de la RDC.
- Le Boulevard Triomphal
Le Boulevard Triomphal est situé dans la
commune de KASA-VUBU. Il part du pont Gabi pour chuter sur l’Avenue de
Libération. Les travaux ont été exécutés par l’entreprise CREC 8 2. Les travaux
de réhabilitation et de modernisation du boulevard Triomphal consistaient à
améliorer les conditions de trafic (fluidité, sécurité et confort) sur les deux
axes (Sendwe et triomphal) en les reliant à trois autres artères modernisés qui
sont Lumumba, Huileries et Libération, à réduire le coût d’exploitation des
véhicules et le temps de parcours tout en contribuant au développement des
aspects touristiques de la ville. Et ce, par l’élargissement de la chaussée à 2
x 4 voies d’une longueur de 2,165 Km, le pavage des trottoirs, la construction
des ouvrages d’assainissement (caniveaux) et ouvrages d’art, l’éclairage public
et la signalisation routière. Durée prévue pour les travaux : du 24 décembre
2009 jusqu’en fin septembre 2011. Le tout pour le coût de 29.234.927,99 $ US.
Le contrôle a été assuré par le BIC/TCE. Les travaux de construction et de
modernisation du Boulevard Triomphal n’ont pas été achevés tels que prévus
selon le constat fait sur terrain. (1 Entretiens avec sept cadres de l’ACGT en
mars et avril 2014 2 ACGT, Rapport annuel 2012, P. 34).
- Le Boulevard SENDWE
Le
Boulevard Sendwe relie le Boulevard Triomphal au Boulevard Lumumba. Les travaux
ont été exécutés par l’entreprise chinoise CREC 8 pour améliorer les conditions
du trafic, réduire le coût d’exploitation des véhicules et le temps de parcours
et contribuer au développement des aspects touristiques par l’élargissement du
Boulevard Sendwe à 2x3 voies d’une longueur de 1,5 Km, le pavage des trottoirs,
la construction des ouvrages d’assainissement (caniveaux) et des ouvrages
d’arts (dalot, buses), l’éclairage public et la signalisation routière. Le
contrat a été signé le 09 décembre pour quinze mois soit du 24 décembre 2009 au
septembre 2011 pour le coût de 29.234.927,99 $ US. Mission de contrôle : B.I.C.
et T.C.E.
Les prévisions n’ont pas été respectées : pas de trottoirs pour les
piétons où d’arrêt pour le stationnement des véhicules. Tel a été le constat
fait sur terrain par l’équipe de l’ASADHO 1.
- Le Boulevard du 30 Juin lots 1 et
2
Le Boulevard du 30 Juin se trouve dans la ville de Kinshasa, dans la commune
de la Gombe. Les travaux de cet ouvrage ont été exécutés par l’entreprise CREC
8. L’avenue Colonel Mondjiba, constituait un goulot d’étranglement occasionnant
des embouteillages permanents dans la circulation sur l’axe Kintambo Magasin –
Gare centrale. Nature des travaux prévus : la modernisation et l’élargissement
du Boulevard. Le premier lot d’une longueur de 5,32 Km qui part de la Gare
centrale jusqu’au rond-point Socimat comprenait en outre, la construction des
ouvrages d’assainissement (caniveaux) couverts avec des buses pour le coût de
49.959.559,82 US dollars répartis comme suit : programme Relais RDC
25.841.000,00 US dollars et le programme infrastructure Sino-congolais
24.118.559,82 US dol. La signature du contrat remonte au 20 janvier 2009. Le
démarrage des travaux fut fixé au 1er janvier 2010 pour se terminer en septembre
2011. La mission de contrôle a été confiée à la maison d’audit Gauff Ingenieur.
(1 Descente sur terrain au mois de février 2014).
Le deuxième lot a porté
sur le tronçon allant du rond-point Socimat jusqu’à Kintambo Magasin avec en
plus, la construction d’un pont mitoyen (Dag Hammarskjöld) de 40 mètres de
portée et 56 tonnes à 3 travées avec poutres préfabriquées en béton précontraint,
l’éclairage public et la signalisation routière pendant une durée de 18 mois
soit du 08 février 2011 jusqu’au 30 octobre 2011 pour un contrat signé le 09
décembre 2009. Le montant de 19.341.204,19 US dollars était prévu pour
l’élargissement d’une chaussée à 2X3 voies sur une longueur de 2,5 Km.
- La
boucle du 30 Juin ou la Place du 30 Juin
La boucle du 30 juin ou Place du 30
Juin représente le point de chute du Boulevard du 30 Juin qui relie ce tronçon
aux avenues de Poids lourds et du Flambeau à Kinshasa. Son aménagement procède
d’une suite logique de la modernisation du boulevard du 30 Juin. L’objectif
poursuivi par ce projet est de réduire le coût d’exploitation des véhicules, de
contribuer au désenclavement de la ville et de développer les aspects
touristiques de la ville de Kinshasa. Les travaux prévus visaient
l’élargissement de la chaussée à 2 voies x 2, la construction des ouvrages
d’assainissement (buses), la construction des trottoirs, l’éclairage public et
la signalisation verticale et horizontale. La signature du contrat remonte au
22 décembre 2010 pour une période allant du 27 décembre 2010 jusqu’en mars 2011
soit trois mois pour une valeur de 1.932.876,00 $ US. Les travaux étaient
confiés à l’entreprise chinoise Crec7 et la mission de contrôle à l’ACGT 1 .Il
ressort des constats sur le terrain que les travaux ne sont pas totalement
achevés étant donné que les trottoirs du côté du chantier de l’immeuble Rakeen
ne sont pas réalisés.
- Le Boulevard Lumumba
Le
Boulevard Lumumba est situé dans la ville province de Kinshasa. Il traverse la
commune de Limete et passe entre les communes de Matete, N’djili, Masina et
Kimbanseke en passant par l’aéroport international de N’djili jusqu’à la
commune de la N’sele. Les travaux furent exécutés par les entreprises chinoises
Crec 7 et 8. Le contrat a été signé le 27 mai 2011 pour une durée de 30 mois
devant commencer à courir à partir du 06 juillet 2011 pour le coût de
148.000.000 de dollars américains. La mission de contrôle revenait à l’ACGT.
Ces travaux étaient relatifs à la modernisation et l’élargissement de la
chaussée, à la construction de ponts Musoso (à la Première rue Limete), Mayi ya
Nsanga et l’élargissement des ponts Ndjili et Matete, la construction des
trottoirs et passerelles, l’éclairage public et le parking. (1 ACGT, Rapport
annuel 2012, P. 35).
Toutes les prévisions
du projet n’ont pas été réalisées : il manque les passerelles, une partie des
trottoirs, l’arrangement du parking… Néanmoins les travaux sont encore en
cours.
2. Analyse des infrastructures : Quels coûts pour quelle qualité ?
Après
la description des infrastructures identifiées à Kinshasa par l’équipe de
recherche dans le cadre de la convention sino-congolaise, nous avons pris un
échantillon de quatre infrastructures en vue de procéder à l’analyse
approfondie de leur coût et qualité. Le choix de quatre infrastructures a été
opéré sur base des critères ci-après; les coûts élevés pour chacune de ces
infrastructures au regard des prévisions décrites ci-dessus; le degré de débat
public engagé autour de ces infrastructures avant, pendant et après leur
réalisation ; la disponibilité des informations sur ces infrastructures, leur
durée de vie, leur fonctionnalité ainsi que le niveau d’exécution des travaux.
Nous commencerons par présenter ces infrastructures avec leur coût,
caractéristiques et les entreprises exécutantes des travaux avant de procéder à
l’analyse de ces coûts sur bases d’informations reçues des experts interviewés.
Pour permettre une meilleure localisation géographique des infrastructures
choisies à travers la ville de Kinshasa, nous les avons présentées dans la
carte ci-dessus.
2.1. Un coût surestimé ?
2.1.1. Projet de construction et de
modernisation des Boulevards Sendwe et Triomphal
La préoccupation de l’ASADHO
consiste à savoir si les coûts prévisionnels correspondent aux travaux réalisés
au regard du constat fait par les enquêteurs de l’ASADHO et des avis recueillis
auprès des experts. A titre de rappel, le montant de 29.243.927,99 US dollars
était prévu pour l’élargissement du boulevard Sendwe à 2X3 voies sur une
longueur de 1,5Km et du boulevard Triomphal à 2X4 voies sur 2,165 Km soit un
total de 3,665Km. Ce qui fait 2x3x1, 5 km + 2x4x2, 165km=9+17,32=28,32 d’une bande.
29.243.927 divisés par 28,32 km= 1.03 millions d’une bande. Qu’est ce qui peut
bien justifier ce coût?
Aucune publication de l’ACGT d’où nous avons tiré les
éléments descriptifs des infrastructures présentées supra n’indique la nature
des matériaux convenus avec l’entreprise pour ces travaux dont l’évaluation
peut expliquer ou justifier ce coût. Il nous revient également de faire
observer que le Boulevard Sendwe existait déjà et, a juste connu une
réhabilitation et un élargissement à 3 voies x 2. Le Boulevard Triomphal
existait déjà dans son tronçon allant du pont Ngabi jusqu’à l’avenue Assossa.
Avant d’être prolongé par l’élargissement de l’avenue qui partait de l’avenue
Assosa jusqu’à l’avenue du 24 novembre qui est passée d’une voie x deux à deux
fois quatre voies devant le Palais du Peuple. La première partie du Boulevard
Triomphal a juste reçu un revêtement d’une couche de goudron. Dans une
interview accordée à la radio Liberté Télévision en 2010 Monsieur le Sénateur
Moïse NYARUBAGO avait soutenu que : « la construction du Boulevard Triomphal
par l’Office de Route sous le Président Laurent-Désiré KABILA [avant les
travaux de rénovation du projet Sicomines], avait coûté 800.000 $ US, le
prolonger et le réhabiliter à 20.000.000 $ US était exagérément excessif ».
Pour les experts membres de la cellule d’infrastructures de la société de
construction Safricas interviewés par l’équipe de l’ASADHO, les normes
internationales pour la construction d’une chaussée à 2X2 voies par Km varient
entre 800.000 et 1.000.000 US dollars. Ce point de vue qui est proche de
l’opinion exprimée par le Sénateur NYARUGABO nous a poussés à étendre notre
raisonnement plus loin pour comprendre ce coût. Cet état des choses a été
confirmé par d’autres experts interrogés à ce sujet. L’ASADHO fait observer eu
égard au coût de ces infrastructures que le contrat relatif à la réalisation de
ces deux infrastructures n’indique pas le volume de la chaussée, la durée de
vie de ces deux infrastructures, le type des matériaux utilisés, la structure
de la chaussée…, car ce sont ces différents éléments qui devaient nous aider à
évaluer objectivement et comprendre la hauteur du coût arrêté quant à ce 1 .
En
outre, durant la recherche, l’équipe de l’ASADHO n’a pas identifié le devis de
chacun des projets d’infrastructures visés ou encore le résultat de l’étude
relative à chacune de ces infrastructures. Les agents de l’ACGT et de l’OVD
interviewés à ce sujet avaient conclu en leur inexistence2. Pour les travaux de
réhabilitation, d’extension et de modernisation, le coût présenté paraît
exagéré et excessif d’autant plus que, les entreprises exécutantes de ces travaux
bénéficient de l’exonération fiscale 3 et, exploitent les carrières qui
produisent les moellons et caillasses destinés à ces travaux. Avec autant
d’avantages qu’est ce qui peut bien justifier ce coût exorbitant? Alors que ces
facilités auraient dû contribuer à la réalisation des infrastructures à des
coûts relativement moindres. Après l’analyse des infrastructures qui suivent,
nous aurons à comparer ce coût avec celui de la route Pointe Noire -
Brazzaville dans les lignes qui suivent. (1 Association des constructeurs et
grands travaux du Québec, Les coûts comparatifs de la construction des routes
au Québec par rapport au Canada, Montréal Québec 2010, P. 7 et 11. 2 Entretiens
réalisés au mois de mai 2014 3 Le point 14.2.1. de la convention de collaboration
RDC-Sinohydro de janvier 2008 dispose : L’exonération totale de tous les
impôts, droits, douanes, redevances, directs ou indirects, à l’intérieur ou à
l’import et export payables en RDC et ceux liés aux activités minières et au
développement des infrastructures.)
2.1.2. Projet
de modernisation du Boulevard du 30 Juin lot 1 Gare Centrale Rond-Point
Socimat
La durée du projet était de 18 mois allant du premier janvier 2010
jusqu’en septembre 2011. En 2012 l’activité majeure a été l’achèvement de la
pose des pavés sur les trottoirs 1. Ce projet a connu un dépassement de 18 mois
par rapport aux prévisions. La question qui reste posée consiste à savoir si ce
dépassement n’a pas entraîné des coûts supplémentaires. Tous les représentants
des services publics (ACGT, OVD, Cellule d’infrastructures du Ministère des
travaux publics) chargés du suivi de la réalisation des travaux de cette
infrastructure que l’ASADHO a interrogé n’ont pas pu donner de réponse claire à
cette question. Toutefois, en nous basant sur les avis et considérations des
experts interrogés au cours de cette recherche, le montant de 49.959.559,82 US
dollars pour une chaussée à 2X4 voies sur une longueur de 5,32 Km paraît
excessif. En effet, en confrontant ce coût au prix unitaire de 1.000.000 US dollars
pour la construction d’une chaussée à 2X2 voies par Km fourni par les experts
de SAFRICAS, on arriverait à un montant de 1.000.000 US x 2 x 5,32 = 10.640.000
US dollars, près d’un cinquième du prix. Même en tenant compte du coût des
travaux d’aménagements [pavage des trottoirs, construction de caniveaux,
éclairage public, signalisation verticale] le coût reste excessif. Ce coût
exorbitant n’est pas soutenu par des éléments d’appréciation objective pouvant
conduire à sa justification. La durée de vie de l’infrastructure qui fait
varier les coûts n’est pas renseignée. Le type et qualité des matériaux
utilisés ainsi que leur provenance ne sont pas non plus indiqués. Sur quoi
alors repose ce coût élevé pour une route existante qui n’a connu qu’élargissement
et revêtement de la chaussée?
2.1.3. Projet de modernisation du Boulevard du 30
juin lot 2 Rond-Point Socimat-Kitambo Magasin. L’exécution de ce projet prévue
pour une durée de 18 mois, les travaux sont allés du 8 février 2009 au 5
octobre 2012 soit un dépassement de 26 mois. Ce dépassement est-il resté
indifférent sur le coût? Comme pour les infrastructures précédentes et avec les
mêmes éléments, le montant de 19.341.204,19 US dollars pour l’élargissement
d’une chaussée à 2X3 voies sur une longueur de 2,5 Km est excessif. Car le Km
par bande s’élève à 2x3x2, 5 = 15 km. 19.341.204,19 $ US divisés par 15 km =
1.289.413,61. Les mêmes sources citées ci-haut (experts interviewés) ont
confirmé sur les mêmes bases cet état des choses. (1 Rapport annuel 2012 ACGT
p. 24).
Analyse comparative des
coûts du projet de construction de la route Pointe Noire Brazza Ville à ceux
des infrastructures réalisées à Kinshasa Nous allons procéder ici à la
comparaison du coût de la route Pointe Noire Brazza Ville avec celui des
infrastructures que nous venons de passer en revue. Pour ce faire, nous allons
commencer par présenter cette infrastructure avant de discuter de son coût en
comparaison avec les coûts des infrastructures réalisées à Kinshasa.
2.1.4.1.
Présentation de la route Pointe Noire-Brazza Sous ce point, nous allons
brièvement présenter le projet d’infrastructure réalisé en République du Congo
par une entreprise chinoise avec le financement du Gouvernement chinois, pour
enfin parvenir à la comparaison des coûts avec les travaux de route exécutés à
Kinshasa.
La route Pointe noire
Brazzaville est une auto route de 530 Kilomètres de la chaussée
bidirectionnelle de 2x2 voies de circulation de 6 m de largeur chacune séparées
par une bande médiane de 0.50 mètre marquée au sol subdivisée en 4 lots
suivants : M 1 er lot de Pointe-Noire à Dolosie : 186 Km ; M 2ème lot de Dolosie
à Madingou : 114 Km ; M 3ème lot de Madingou à Mindouli : 111 Km ; M 4ème lot
de Mindouli à Brazza ville 190 Km avec un échangeur à l’entrée de Pointe-Noire
et des passages supérieurs pour enjamber le chemin de fer. Ouvrages connexes :
des bases de villes, des stations-services tous les 100 m dotés des airs de
repos pour tous usagers, des postes de péages et centres de santé intégrés dans
les grands villages situés sur l’axe, des bretelles pour assurer la liaison
avec les villes de Dolosie Madingou, Loutete et de Mindouli, deux accotements
de 1.25 de largeur chacun, des ouvrages d’assainissement, bretelles d’accès en
zones urbaines de Pointe noire et Dolosie avec une chaussée de 13m de largeur
comprenant une bande de circulation de 9m et de deux bandes d’arrêt de 2m
chacune, le trottoir de 2m de largeur chacun, deux bandes végétalisées de 10m
chacun de part et d’autre. Le corps de la chaussée correspondra à la structure
d’une route lourde avec un revêtement de 7 centimètres d’épaisseur en béton
bitumineux. Financement : l’accord-cadre de coopération économique et
commerciale conclu le 19 juin 2006 entre la République du Congo et la Chine.
2.1.4.2. Coût du projet
Le coût de la construction de cette route avec ses
annexes ci haut énumérées est de 172.450.000.000 F CFA pour une durée de 30
mois. Au taux de 482,450 F CFA pour un dollars ce coût total représente en USD
la somme de 357.446.367,499 pour les 530 Km soit 2x2x530 km = 2120 km.
357.446.367,49 $ US divisés 2.120 km = 168.606,77 $ US par kilomètre d’une
bande. L’exécution de ces travaux a été confiée à l’entreprise chinoise « China
State Construction and Equipement Corporation »
1. 2.1.4.3. Comparaison avec le
coût des travaux exécutés à Kinshasa dans le cadre de la convention sino
congolaise
Les travaux exécutés de part et d’autre de deux Congo ont en commun
l’origine des capitaux de financement des travaux, des équipements utilisés,
des entreprises exécutantes et de l’expertise. Et la différence réside dans le
fait que pour la route Pointe noire-Brazza, il s’agit de l’accord d’Etat à Etat
tandis que pour les infrastructures de Kinshasa, l’accord lie le Gouvernement
congolais aux entreprises chinoises. En principe, mise à part cette différence
au niveau de la nature et des acteurs de deux accords, les prix devraient se
rapprocher en considération d’autres éléments qui sont similaires. Pour la
route Pointe noire Brazza le coût de 530 km est de 357.446.367,499 $ US. Et par
km d’une bande 168.606,77. Les mêmes calculs faits pour les infrastructures
concernées par notre étude à Kinshasa ont donné par bande pour le lot 1 du
Boulevard du 30 Juin 1.173.861,83 $ US (par Km d’une bande), pour le lot 2 du
même Boulevard 1.289.413,61 $ US par Km et pour le Boulevard Sendwe et
Triomphal 1.111.091,48 $ US par Km d’une bande. (1 www.investing.com consulté
le 07 juillet 2014 à 14heures 32’).
Cette comparaison entre
les travaux effectués dans ce deux pays voisins par les entreprises en
provenance d’un même pays, avec la même technologie ressort un écart très
considérable au niveau du coût. Ceci laisse penser que les travaux effectués à
Kinshasa ont été surfacturés.
2.1.4. Projet de construction et aménagement de
l’Esplanade du Palais du Peuple1
Ce projet dont le coût s’élève à
19.655.299,14 US dollars n’échappe pas aux constats ci-haut signalés quant aux
coûts très élevés des travaux. Ce coût initial a été revu à la hausse au moyen
d’un avenant de l’ordre de 4.800.000 $ US qui l’a porté à 24.455.299,14 $ US2. Des experts interviewés nous ont informés à titre comparatif que, le Stade des
Martyrs qui comprend plusieurs tribunes avait coûté 19.000.000 US dollars.
L’esplanade du Palais du Peuple comprend principalement la tribune érigée pour
les défilés et l’espace aménagé avec les jeux d’eau et de lampes. De l’autre
côté le stade des martyrs, situé à quelques mètres de là, comprend plusieurs
tribunes en son sein d’une grande capacité et qualité qui n’ont rien avoir avec
celle érigée en face du Palais du peuple. Et ce, sans compter les salons,
restaurants, parking, pistes et autres complexes et leur hauteur et l’étendue
de l’espace. Il peut être possible que, les prix des matériaux aient changé
depuis la construction du stade des Martyrs (1990). Mais malgré cette
éventualité, les éléments de cet ouvrage ne peuvent justifier le coût avancé.
Un cadre travaillant à la Présidence de la République qui a requis l’anonymat a
livré à un de nos enquêteurs que la facture pro format de cette esplanade
présentée au Chef de l’Etat avait repris le coût de 32.000.000 $ US pour les
travaux. Et que, c’est l’étonnement du Chef de l’Etat au vu de ce document qui
a fait que ce coût puisse être revu à la baisse tout en demeurant excessif.
De
ce qui précède, l’ASADHO pose plusieurs questions notamment celles-ci : A qui
profite le surplus des coûts réels des travaux de cette esplanade ? Pourquoi le
silence de ceux qui ont la charge du contrôle de ces travaux? En plus, l’état
des installations de cet ouvrage à ce jour prouve la faible/mauvaise qualité
des matériaux utilisés: M la tribune construite n’est pas en matériaux durables
et commence déjà à s’abîmer. Pour le dernier défilé marquant le
cinquante-quatrième anniversaire de l’accession de la RDC à la souveraineté
internationale, la tribune a dû être réhabilitée;
- L’espace de repos de
rencontre et d’échange n’a pas été aménagé;
- Le jardin n’a pas été
aménagé;
- Les matériaux utilisés pour l’éclairage et les fontaines ne sont pas
de grande qualité; Devant cette réalité d’où est venu ce coût exagéré et qui
paiera la facture de cet endettement? (1 www.acgt.cd 2 Annexe N°1 tableau des
projets pilotes Sicomines, rapport ITIE-RDC 2011, P. 35).
2.1.5. Projet de
construction de l’Hôpital du Cinquantenaire
Les travaux de cet ouvrage ont
été lancés le 2 mai 2009 pour une durée de vingt mois. Et la réception
provisoire des travaux est intervenue le 05 décembre 2012 avec un dépassement
de vingt-trois mois avant l’ouverture au public en 2014. Le bâtiment qui a
servi pour la réhabilitation de l’hôpital du Cinquantenaire est un bâtiment
dont la construction date des années 1960 et, qui avait été abandonné durant
près de cinquante ans parce que, le terrain sur lequel il était érigé semblait
marécageux. L’évaluation du coût de cet hôpital qui s’élève à 99.873.757,77 US
dollars est très difficile à déterminer, car il comprend à la fois la
réhabilitation du bâtiment principal de 23.880 m 2 et la construction de trois
nouveaux bâtiments, un bâtiment administratif de 2.916 m 2 , un centre de
rééducation de 3.312 m 2 et un centre d’énergie de 4.380 m 2 , l’espace à
construire représente 10.608 m 2 soit environ 1/3 de l’ouvrage et environ
33.291.252,59 US dollars.
Il y a lieu de relever que la source de l’ACGT consultée
ne donne aucune indication sur le coût des équipements de l’hôpital. Voila
pourquoi nous nous sommes limités à l’analyse de la valeur du bâtiment indiqué
dans le contrat. En nous référant aux standards internationaux de construction
qui sont de 1.650 US dollars le m 2, (ces chiffres fournis par la cellule des
infrastructures de quelle institution du Ministère des Travaux Publics et de
SAFRICAS), nous pouvons estimer la construction à environ 33.291.252.59 $ :
10.608=3.138 US dollars le m2 Nous remarquons que le coût de construction est
très élevé. Le coût de la réhabilitation peut être estimé à : 66.582.505, 18$
:23.880 m2= 2.788.22 US$ le m 2. L’Agence Congolaise des Grands Travaux a
conduit l’évaluation suivante pour la construction de l’Hôpital du Cinquantenaire
: coût au m 2 = 2.496, 84 US$ et coût par lit = 221.941,68 US$ 2. L’un des
experts interrogés par les enquêteurs de l’ASADHO qui travaille pour une grande
entreprise de construction en RDC a indiqué que : ‘l’hôpital n’a pas été validé
par des experts du domaine hospitalier, le système anti incendie n’a pas été
validé, la construction d’un incinérateur n’est mentionnée nulle part, le coût
de fonctionnement est très élevé’. Beaucoup d’autres experts interrogés par
l’ASADHO s’accordent pour dire qu’il aurait coûté moins cher de construire un
nouveau bâtiment. (1 www.acgt.cd 2
Rapport annuel 2012 de l’Agence Congolaise des Grands Travaux P. 40.)
2.2. Une qualité à la
hauteur ?
La hauteur de coûts relevés ci-haut pour les quatre infrastructures
sélectionnées dans le cadre de cette étude a conduit l’ASADHO à s’interroger
sur la qualité de ces ouvrages, car nous avions pu penser que ce sont les
exigences de la qualité qui ont justifié la hauteur de ces coûts. Dans cette
recherche de la compréhension des coûts, l’ASADHO a eu à examiner les
procédures de recrutement des entreprises en charge des travaux et les cabinets
d’audit pour mesurer le niveau de transparence dans la gestion des marchés de
ces infrastructures.
2.2.1. De la procédure de passation des marchés des
travaux d’infrastructures et de contrôle
Pour s’assurer de la transparence dans
l’exécution du volet infrastructures de l’accord sino congolais, l’ASADHO s’est
intéressée à la procédure de passation des marchés publics dans le choix des entreprises
qui ont exécuté ou exécutent encore les différents travaux d’infrastructures à
Kinshasa. La même démarche a été observée en ce qui concerne les cabinets ou
bureaux de contrôle de l’exécution de ces marchés. Cadre légal sur la passation
des marchés publics. Pour ce qui est du cadre légal relatif à la procédure de
passation des marchés publics en République Démocratique du Congo, il existe
depuis le 27 avril 2010 la Loi N° 10/ 010 du 27 d’avril 2010 1 relative aux
marchés publics. Les infrastructures concernées par cette recherche sont
antérieures à la loi relative aux marchés publics de 2010. Les marchés passés
dans le cadre de ces infrastructures relevaient de l’Ordonnance loi de 1969 et
de la loi N° 78-019 du 11 juillet 1978. Non-respect du cadre légal sur la
passation des marchés publics Il ressort des informations recueillies par
l’ASADHO auprès de l’autorité de régulation des marchés publics qu’aucune
procédure prévue par les deux textes susmentionnés n’a été observée dans le
cadre de l’exécution des travaux d’infrastructures à Kinshasa.
Aucun dossier
n’a été ouvert à ce sujet au niveau de ce service. Pour l’exécution des travaux
d’infrastructures à Kinshasa, aucun appel d’offre ou adjudication n’a été lancé
pour la sélection des entreprises chinoises précitées. Aucun des responsables
congolais interrogés n’a été en mesure de donner une explication à l’ASADHO sur
les raisons de cette absence d’appel d’offre ou d’adjudication dans la
sélection des entreprises qui ont réalisé les travaux de ces infrastructures.
L’ASADHO pense que l’absence de procédures objectives d’attribution des marchés
dans la réalisation des travaux de ces infrastructures pourrait être à la base
de surfacturations et de l’opacité qui caractérisent l’exécution des travaux d’infrastructures
du projet Sicomines dans la ville de Kinshasa. Car l’appel d’offre aurait dû
mettre les entreprises spécialisées en compétition pour choisir celles qui
présentent beaucoup plus de compétences et expertise et, offrent suffisamment
des garanties pour des coûts raisonnables et justes. L’appel d’offre aurait
permis à la fois d’assurer la transparence sur le choix des entreprises mais
également sur le coût et la qualité des infrastructures. Le non-respect de la
procédure en vigueur en matière de passation des marchés publics est lié aux
clauses du contrat sino congolais qui a prévu d’avance que les travaux seront
exécutés par la société chinoise Sinohydro ou ses affiliées 1 . Ce qui a déjà
exclu le respect de la procédure en matière de passation des marchés publics. (1
Journal Officiel de la RDC, N° spécial du 30 avril 2010.)
2.2.2. Recrutement de
cabinets d’audit des travaux
Le site de l’Agence Congolaise des Grands Travaux
« ACGT » en sigle renseigne que le cabinet de contrôle chinois HUATONG est
chargé du recrutement des cabinets de contrôle des travaux d’infrastructures.
Tous les efforts fournis par l’ASADHO pour localiser le siège ou le bureau de
ce Cabinet à Kinshasa ont été voués à l’échec. Ce cabinet est donc introuvable
dans la ville de Kinshasa. Des renseignements reçus de l’ACGT, nous avons noté
l’existence de deux autres cabinets congolais recrutés à la demande du
Ministère des Infrastructures, Travaux Publics et Reconstruction par
adjudication avec une liste restreinte uniquement pour les cabinets de contrôle
congolais qui sont DELTA ENGERING et AEC 2. Le cabinet de contrôle GAUFF
Engineering (société allemande) a été recruté en 2011 3.
Ce recrutement s’est
fait sous l’empire de la nouvelle loi relative aux marchés publics en RDC. Nos
enquêteurs n’ont pas pu accéder au dossier de recrutement de ce cabinet pour
s’assurer du respect de la loi en la matière. Le cabinet de contrôle chinois
HUATONG a été directement amené par les entreprises chinoises 1. L’ACGT a
également fait une mission de contrôle sur le Projet de modernisation du
Boulevard du 30 juin à Kinshasa Lot 1 et 2 : Gare Centrale-Socimat et sur le
Projet de modernisation et construction de la Boucle de la place du 30 juin.
Sur le Projet de l'Esplanade du Palais du Peuple aucune mission de contrôle
n’est signalée 2. Pour le Projet de construction de l’Hôpital du Cinquantenaire
seule la mission de contrôle chinoise HUATONG est reprise. Le manque de
transparence ressort également de l’indisponibilité des rapports de ces
différents cabinets de contrôle. Selon deux experts qui ont requis l’anonymat,
le contrôle de cabinets congolais qui avait abouti aux constats accablants
avait été interrompu sans explication à la suite de l’intervention d’un
conseiller à la Présidence de la République à la demande de l’entreprise
chinoise visée.
Les membres de cabinets concernés n’ont pas voulu mettre à la
disposition des enquêteurs de l’ASADHO leurs rapports d’audit et se sont
réservés de faire des commentaires sur les allégations faisant état des coûts
exorbitants des travaux exécutés et de faible qualité de ceux-ci.
Cet état des
choses et le manque de transparence dans la gestion de ces travaux
d’infrastructures pour des montants aussi importants peut être à la base des
débats autour de la mauvaise gouvernance du financement issu de l’accord Sino-congolais par les autorités de la RDC. Les opérateurs chinois mettant en œuvre
les projets, bénéficieraient directement des éventuelles surfacturations. Le
fait que les responsables des entreprises chinoises en charge de l’exécution
des travaux d’infrastructures à Kinshasa aient refusé de recevoir les
enquêteurs de l’ASADHO et le questionnaire de recherche leur adressés pour
information empêche d’avoir plus de clarté sur les chiffres avancés en termes de
coûts réels de ces infrastructures. (1 L’article 10 de la convention de
collaboration révisée en janvier 2008 : Chaque projet des travaux
d’infrastructures fera l’objet d’un contrat spécifique entre le maître d’ouvrage,
la JV minière et Synohydro ou ses sociétés affiliées qui seront autorisées et
appelées à les réaliser. 2 Les dispositions de l’’article 3 de l’Ordonnance Loi
N° 69-054 du 05 décembre 1969 et 02 de la loi N° 78-019 du 11/07/1978 fixent les
conditions dans lesquelles, il peut être fait recours à la procédure
d’adjudication restreinte. 3 Rapport Agence Congolais des Grands Travaux 2011,
P. 39.).
2.2.3. Qualité des
travaux non garantie
Sans minimiser l’ampleur ni l’importance des travaux
exécutés à Kinshasa dans le cadre de la Sicomines, un regard sur la qualité de
ces infrastructures peut aider à comprendre si ce sont les exigences de la
bonne qualité qui justifient leurs coûts élevés. Nous commençons par relever
que les informations disponibles sur le site de l’ACGT relatives aux
différentes infrastructures recensées à Kinshasa sont muettes sur les
différents matériaux utilisés dans la construction de ces infrastructures. Ce
sont ces éléments qui pouvaient, de part leur définition, provenance,
composition, efficacité et durée de vie aider à juger de la qualité des
infrastructures réalisées.
La clause de garantie de qualité n’est pas
mentionnée non plus comme condition du contrat pour la partie en charge de
l’exécution des travaux. La non disponibilité de rapports d’audit techniques
par des cabinets spécialisés et indépendants sur ces travaux ne permet pas non
plus de mieux apprécier la qualité des travaux dont question. Cependant, malgré
le manque de ces données techniques d’appréciation, l’équipe de recherche a eu
à observer certaines failles ou insuffisances dans les travaux exécutés à
Kinshasa. Il s’agit notamment de la dégradation rapide de la chaussée de
certaines routes réhabilitées juste après les travaux, de la stagnation des
eaux de pluie sur certaines parties du Boulevard du 30 Juin après la pluie, des
retouches sur la chaussée…
A titre d’exemple, le pavement du trottoir devant le
bâtiment administratif de l’ACTP s’est dégradé juste un mois après les travaux
avec les premières pluies. Avant les manifestations de la célébration du
cinquante-quatrième anniversaire de l’accession de la RDC à la souveraineté
nationale et internationale, une bonne partie du Boulevard Triomphal qui avait
connu une sérieuse dégradation a été revêtue de la couche de goudron. Tous ces
faits attestent que la qualité des travaux n’a pas été une exigence
particulière et à même de justifier un coût particulier. (1 Voir le site de
l’ACGT 2 Le site de l’ACGT ne renseigne aucune mission de contrôle pour le
projet de l’esplanade du palais du peuple).
3. De l’impact des
travaux d’infrastructures sur les droits humains
3.1. Des impacts positifs
Bien
que cette étude ait été au départ motivée par les plaintes des victimes
enregistrées par l’ASADHO de la part des populations directement affectées par
les travaux d’infrastructures à Kinshasa, il y a lieu de relever que l’équipe
déployée par l’ASADHO a recueilli auprès d’autres membres des communautés visées,
le témoignage d’impacts positifs de ces travaux d‘infrastructures. Au nombre de
ceux-ci, nous avons enregistré les témoignages ci-dessous. Pour un conducteur
de taxi bus interviewé en mai 2014 et exploitant la ligne Pompage marché
central entre les communes de Ngaliema et de la Gombe (centre-ville), avant les
travaux, il connaissait beaucoup des difficultés : crevaisons régulières des
pneus, amortissement rapide du véhicule à la suite des pannes consécutives
liées au mauvais état de la route. Depuis la réhabilitation, non seulement le
nombre des rotations a été multiplié par trois mais les pannes ont sensiblement
diminué. Les embouteillages sont devenus rares, ce qui permet une circulation
aisée. Trois dames propriétaires des maisons avec appartements à louer dans le
quartier Kinsuka dans la commune de Ngaliema ont signifié à l’équipe que depuis
la réhabilitation de l’avenue du tourisme, la demande d’appartements à louer a
augmentée. Ce qui fait une très bonne affaire pour leur business.
Cinq travailleurs dont
deux dames habitant le quartier Pompage ont relevé que depuis la réhabilitation
de cette avenue, les difficultés de transport ont sensiblement diminué au point
qu’ils arrivent à l’heure au lieu de travail et que la sécurité s’est améliorée
la nuit…
3.2. Impacts négatifs des travaux d’infrastructures sur les droits
humains
Les membres de l’équipe d’enquête déployés par l’ASADHO pour documenter
les cas d’impacts des travaux d’infrastructures exécutés à Kinshasa ont eu à
identifier plusieurs droits humains négativement impactés par ce projet. Et ce,
malgré les impacts positifs ci-haut relevés. Au nombre des droits humains
négativement impactés, figurent les droits ci-après : le droit au travail,
droit à la santé, droit à une rémunération égale pour un travail égal, droit à
la propriété, droit au logement, droit à une protection égale, droit à
l’indemnité pour expropriation pour cause d’utilité publique, droit à l’information
et à la consultation, droit à un environnement sain, droit à la sécurité, droit
à former le syndicat et à adhérer à un syndicat de son choix…
Ne pouvant pas
analyser tous ces droits impactés pour toutes les infrastructures identifiées
supra, nous allons limiter cette étude à deux droits humains parmi ceux
identifiés à savoir : le droit à l’information et à la consultation et le droit
à l’indemnisation juste et préalable pour cause d’expropriation ou expulsion
forcée dans l’exécution des travaux de cette infrastructure. C’est
l’infrastructure Avenue Tourisme qui va servir du cadre pour cette étude. Ce
choix est justifié par le nombre de plaintes parvenues à l’ASADHO relatives aux
expropriations opérées pour cause d’utilité publique non précédées d’informations
préalables et non suivies de juste indemnisation à l’occasion de début des
travaux de réhabilitation de l’avenue Tourisme à Kinshasa, le nombre des
bénéficiaires de l’infrastructure, l’ampleur des expulsions observées et les
conséquences des expulsions sur plusieurs autres droit fondamentaux.
Concernant
ces deux droits, nous aurons à identifier le cadre légal y relatif, vérifier le
respect de la procédure des droits des victimes et la prise en compte de la
dimension droits humains dans la conception et l’exécution de ce projet par les
autorités publiques.
3.2.1. Analyse du cadre légal
La République Démocratique
du Congo a déjà ratifié un certain nombre d’instruments juridiques
internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme. Certains d’entre
eux ont prévu et, consacrent les droits humains retenus dans le cadre de cette
analyse, à savoir le droit à l’accès à l’information et le droit à
l’indemnisation suite à l’expropriation pour cause d’utilité publique ou à la
spoliation des propriétés, logements et autres lieux de commerce.
Parmi ces instruments
figurent : la Déclaration universelle de droits de l’homme, le pacte
International relatif aux Droits Civils et Politiques, la Convention des
Nations Unies contre la corruption et la Charte Africaine des Droits de l’Homme
et des Peuples 1. A ces instruments nous pouvons aussi ajouter certains avis,
recommandations et observations émanant des organes de traités. Tel est le cas
de l’Observation générale n°7 du Comité de droits économiques, sociaux et
culturels relative aux expulsions forcées. La RDC a également ratifié la
Convention des Nations Unies Contre la Corruption depuis 23 septembre 2010. Les
dispositions de l’article 10 de cette dernière imposent aux Etats signataires
l’obligation de prendre des mesures appropriées pour assurer l’accès des
citoyens à l’information publique. La Charte Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples ratifiée par la RDC 2 consacre le droit de toute personne à
l’information dans ses dispositions de l’article 9. Cette même exigence
relative au droit à l’information est reprise par la convention de la SADC
contre la corruption dont la RDC est signataire. Au niveau national, la
constitution de la RDC du 28 février 2006 consacre dans les dispositions de
l’article 24 le droit à l’information pour toute personne. Cette disposition
renvoie la mise en œuvre de ce droit à la loi qui n’est pas encore votée.
Le
même constituant prévoit dans les dispositions de l’article 34, le droit à une
juste et préalable indemnité pour toute personne privée de son droit de
propriété conformément à la loi pour cause d’utilité publique. La loi N° 77-001
du 22 février 1977 3 sur les expropriations pour cause d’utilité publique
prévoit la procédure à suivre en cas d’expropriation pour cause d’utilité
publique et consacre aussi le droit à l’information en faveur des expropriés à
l’article 7 : « la décision d’expropriation est publiée au journal officiel et,
portée à la connaissance des personnes exposées à l’expropriation par lettre
recommandée à la poste avec accusé de réception ou remise en mains propres par
un messager contre récépissé daté et signé ». Les mesures d’expropriation pour
cause d’utilité publique décidées dans le cadre de l’exécution des travaux
d’infrastructures dont l’étude entraînent automatiquement le droit à une juste
indemnité pour les expropriés (c’est-à-dire toutes les personnes affectées par
ces mesures : les propriétaires, les personnes qui ont perdu leur logement,
leurs petits commerces...)
A côté de ce droit que
nous considérons comme principal, plusieurs autres droits se trouvent être
affectés tels que les droits de propriété, de jouir de son habitation, le droit
au logement… L’article 14 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples consacre le droit à la propriété et, l’article 21 alinéa 2ème de la
même charte prévoit le droit à la récupération et à une indemnisation adéquate
en cas de spoliation. Par l’Observation Générale N° 7 paragraphe 3, le Comité
des Droits Economiques, Sociaux et Culturels met en exergue l’obligation pour
les Etats de procéder aux indemnisations préalables avant toute exploitation du
milieu ciblé. La Constitution de la République Démocratique du Congo prévoit
dans ses dispositions de l’article 34 le droit à une juste et préalable indemnité
pour toute personne privée de son droit de propriété conformément à la loi pour
cause d’utilité publique. C’est la loi N° 77-001 du 22 février 1977 qui définit
la compétence en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique et, en
donne la procédure.
Aux termes des dispositions de l’article 4 de cette loi, le
Président de la République peut ordonner l’expropriation par zones, des biens
destinés à servir l’exécution de ces travaux ou à être mis en vente ou concédés
au profit de l’Etat. L’article 6 point b de la même loi reconnait aussi au
Ministre des Affaires foncières la compétence pour une expropriation ordinaire
ou par périmètre, par voie d’arrêté. L’article 12 du même texte exige que la
proposition d’indemnisation soit transmise aux intéressés à l’expiration du
délai imparti. La question qu’il convient de se poser est de savoir si le
Gouvernement congolais avec son administration et les entreprises commises à
l’exécution des travaux s’étaient conformées à toutes ces exigences de droit. (1
Articles 19 de la déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Pacte
International relatif aux Droits Civils et Politiques, 9 de la Charte Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples 2 Journal Officiel du Zaïre, N° spécial du
30 juin 1987, P. 7. 3 Journal Officiel du Zaïre N° 7 du 1 er avril 1977, P. 197).
3.2.2. Accès à
l’information & consultation
L’équipe de l’ASADHO a cherché à savoir sur
le terrain, si les membres de communautés visées par ces mesures
d’expropriation et démolition avaient eu accès à l’information publique sur les
travaux à entreprendre, les décisions de démolition et d’expropriation, sur
l’autorité qui avait pris la décision, la procédure suivie et, sur les
indemnisations arrêtées à cet effet conformément aux dispositions pertinentes
rappelées ci-haut. Il ressort des informations obtenues par les enquêteurs de
l’ASADHO lors de treize descentes sur terrain à travers les quatre-vingt-cinq
interviews réalisées par l’équipe de recherche que, la population riveraine de
l’avenue Tourisme, était sans information précise sur le travail de
réhabilitation de cette artère.
C’est par rumeur de bouche à l’oreille que la
nouvelle intéressante pour elle, relative à la réhabilitation de cette avenue a
été portée à sa connaissance. La même rumeur faisait aussi état des démolitions
envisagées sur la même avenue à la hauteur de C.P.A. qui est le prolongement de
l’avenue Tourisme au-delà du rond-point Pompage. En effet, c’est par le fait de
la surprise générale pour la population et, en l’absence de toute information
officielle émanant des autorités publiques provinciales et nationales que les
actes des expulsions et démolition avaient eu lieu le long de l’avenue
Tourisme. Le 1er juin 2009, cette population a vu le Gouverneur de la ville de
Kinshasa arriver à l’improviste avec une impressionnante délégation : le
commandant de la Police du district de Lukunga avec ses éléments armés en leur
tenue officielle, quelques travailleurs de l’entreprise chinoise en charge des
travaux de la réhabilitation de l’avenue Tourisme, les engins de démolition...
Devant une police armée, la population a assisté impuissamment à la démolition
des parcelles situées le long de l’avenue Tourisme par les bulldozers de
l’entreprise chinoise de construction devant exécuter les travaux de
réhabilitation de cette voie de communication.
Toutes les personnes visées par
cette mesure interrogées par l’ASADHO ont confié et soutenu ce qui suit : Qu’il
n’y avait pas eu de contacts entre les préposés de l’Etat congolais, les
représentants de l’entreprise et la population riveraine à titre d’information
sur tout ce qui s’est passé; Qu’aucune information officielle n’avait été
portée à leur connaissance sur le projet Sicomines ; Qu’aucune consultation ni
avec les autorités et encore moins l’entreprise n’avait eu lieu sur ce qui
allait être fait. Comment cela allait-il se faire ? Quelles allaient être les
conséquences des travaux à entreprendre ? Pas de réunion publique ni avec le
gouvernement ni avec l’entreprise chinoise ; Aucune information sur le
bien-être de l’ouvrage par rapport au besoin de la communauté locale ; Aucune
idée sur les biens à démolir ou espace à exproprier ; Aucune participation de
la population à la planification de l’infrastructure ; Aucune idée sur le jour,
l’heure de la démolition ; Aucune idée exacte sur l’instance qui devait
recevoir leurs recours. A titre d’exemple, sieur BBMG, victime de la démolition
d’une partie de sa maison a confié à l’ASADHO ce qui suit : « … à notre grande
surprise, le matin du 1er juin 2009, un Bulldozer est passé en détruisant nos
maisons commerciales sans que nous soyons informés ».
Face à tous ces faits,
il y a lieu de conclure que le droit à l’information des habitants de l’avenue
Tourisme a été violé par le Gouvernement et ses services. L’entreprise
bénéficiaire du marché de cette avenue a adopté la même attitude que le
Gouvernement congolais.
3.2.3. Droit à l’indemnisation juste et préalable
Comme souligné dans l’analyse du cadre légal, les expropriations ou les
expulsions forcées exigent au préalable une juste indemnisation et le respect
de la procédure légale y relative. Les enquêteurs descendus sur le terrain
avaient eu après le constat des expropriations et démolitions intervenues, à
interroger les occupants des lieux ciblés, afin de comprendre si la procédure
suivie par les autorités et l’entreprise était conforme aux instruments
juridiques présentés ci-haut. La même démarche a été engagée vis-à-vis des
autorités congolaises et de l’entreprise exécutante des travaux. Le constat fait
auprès des personnes affectées (victimes) est que les expropriations malgré la
rumeur qui circulait, étaient le fait de la surprise.
Aucune d’exigences
prévues par les instruments juridiques cités supra n’a été respectée : - le
respect de l’exigence de l’information préalable sur la décision
d’expropriation ; - l’évaluation conjointe et objective des biens à détruire,
entre les préposés de l’Etat et les propriétaires ; - offre de possibilité de
relocalisation ; - les propositions d’indemnisation appropriée ; - les
indemnisations des victimes ; - le préavis avec délai raisonnable pour
l’évacuation des lieux ; - fixation du jour de démolition. C’était contre toute
attente que le Gouverneur de la ville de Kinshasa, Monsieur André KIMBUTA
accompagné de l’Inspecteur de la Police du district de Lukunga, du Bourgmestre
de la commune de Ngaliema, ainsi que d’un groupe de policiers avec l’arsenal de
démolition de l’entreprise chinoise en charge des travaux débarquèrent dans les
quartiers. Contrairement à la rumeur selon laquelle la démolition devait se
limitait sur l’avenue C.P.A., le Gouverneur donna l’ordre à l’Inspecteur de
poursuivre l’opération de démolition jusqu’au niveau de l’avenue Tourisme.
Alors que d’après les responsables de l’A.C.G.T. interrogés par l’ASADHO, il
revenait à cette agence de préparer le terrain sur le plan administratif avant
le début des travaux de la réhabilitation de l’avenue. Jusqu’à ce jour, les
démarches entreprises au niveau de l’Agence des Grands Travaux par l’ASADHO
pour accéder à la décision ordonnant la démolition sont restées vaines. Ceci
nous a mis en difficulté pour nous assurer de la compétence de l’auteur de la
décision et de la régularité de cette dernière.
L’arsenal de démolition
de l’entreprise chinoise en charge des travaux débarquèrent dans les quartiers.
Contrairement à la rumeur selon laquelle la démolition devait se limitait sur
l’avenue C.P.A., le Gouverneur donna l’ordre à l’Inspecteur de poursuivre
l’opération de démolition jusqu’au niveau de l’avenue Tourisme. Alors que
d’après les responsables de l’A.C.G.T. interrogés par l’ASADHO, il revenait à
cette agence de préparer le terrain sur le plan administratif avant le début
des travaux de la réhabilitation de l’avenue. Jusqu’à ce jour, les démarches
entreprises au niveau de l’Agence des Grands Travaux par l’ASADHO pour accéder
à la décision ordonnant la démolition sont restées vaines. Ceci nous a mis en
difficulté pour nous assurer de la compétence de l’auteur de la décision et de
la régularité de cette dernière.
Nous avons identifié
cinquante maisons et parcelles non bâties sur l’avenue du Tourisme qui ont été
frappées par cette mesure. Il y a eu démolition des murs de clôture de
parcelle, de maisons de commerce, de maisons d’habitation, et destruction des
espaces de jardin : fleurs, arbres fruitiers et non fruitiers, vérandas… A
titre d’échantillon, voici les témoignages ci-dessous : ĈÅ Un habitant du
quartier interrogé par l’équipe de recherche , rentrant chez lui le soir du 1er juin 2013, avait trouvé le mur de clôture d’une longueur de 95 mètres
détruit, les 2 portails renversées, tous ses biens qu’il a toujours gardés hors
de la vue des passants et voisins exposés au public, avec le risque de voir son
chien agressif mordre les passants et aussi le risque de se faire voler ses
biens, un espace de 2 mètres de largeur. Il a évalué les pertes subies du fait
de cette destruction à la valeur de 42.400 USD.
La démolition a eu lieu entre
11 heures et midi. Une dame souffrante dont le mari était absent a entendu les
bruits des habitants sur l’avenue. Elle verra aussitôt après, son locataire
faire entrer leurs marchandises dans sa véranda à la hâte. Quelques minutes
après, l’engin fonça sur son complexe commercial en étage. Ce locataire lui
payait 180 USD par mois. Jusqu’à ce jour la garantie locative n’est pas encore
restituée parce qu’ils attendent l’indemnisation pour le désintéresser. Ce
complexe avait 3 pièces au rez-de-chaussée, et l’ensemble est estimé à 50.000
USD.
Un congolais installé à l’étranger apprendra que son mur de clôture de 25
mètres de longueur a été démoli et le portail endommagé sans qu’il y ait eu un
avertissement en ce sens. Il y a eu perte de barres de fer, et autres
instruments de travail. Les pertes subies sont évaluées à 25.000 USD. Une famille
qui était sur place a été surprise de voir la police et l’engin de démolition
détruire leurs maisons commerciales qu’elle avait mises en location : cinq
locaux abritant des boutiques ont été détruits. Elle s’attendait à ce que la
démolition soit faite sur l’avenue C.P.A qui serait par l’expropriation selon
la rumeur. Et elle attendait à son tour les préposés de l’Etat pour discuter
avec, étant donné que l’O.V.D. avait donné l’indemnisation aux victimes de CPA
avant la démolition.
Le coût de biens détruits est évalué à 57.448 USD. Les
victimes de cette expulsion forcée sur cette artère se sont constituées en
syndic avec lequel nous avons travaillé (voir en annexe les listes et
indication des biens détruits et leurs valeurs appréciées par les victimes). Ces
victimes sont au nombre de 481 personnes. Elles ont saisi plusieurs
institutions et personnalités du pays de leur recours : le Conservateur des
titres immobiliers, la Présidence de la république, le Ministère des affaires
foncières, le Ministère de la Justice, la Primature, la Vice-primature chargée
de la reconstruction, le Ministère des Infrastructures, travaux publics et
reconstruction, l’Agence congolaise des grands travaux, CREC 8, l’Hôtel de ville de Kinshasa,
Ministère de l’Intérieur, Ministère des Affaires sociales, … Face à ce tableau
sombre et malheureux, peut-on parler des expropriations pour cause d’utilité
publique ?
On ne peut parler de
l’expropriation pour cause d’utilité publique que lorsque celle-ci est faite
conformément aux prescrits de la loi et aux standards internationaux prévus par
les instruments juridiques internationaux cités plus haut. Pour l’ASADHO, les
faits tels que présentés constituent une violation des droits de l’homme. Comme
dit plus haut, c’est une série des droits fondamentaux qui se trouvent violés
dont principalement le droit à une juste et préalable indemnité.
3.2.4. De la
responsabilité
Au vu des éléments à la disposition de l’ASADHO, la
responsabilité dans les violations des droits humains identifiés ci-haut est
partagée par le Gouvernement de la République Démocratique du Congo et
l’entreprise chinoise Grec 8. Cette dernière a mis à la disposition des agents
publics les engins et personnels pour la démolition. L’Etat à travers ses
différents services intervenus sur terrain (ACGT, l’OVD, la Police Nationale,
le Gouvernorat de la Ville de Kinshasa, le Ministère des Infrastructures et
Travaux Publics) n’a pas veillé au respect des dispositions légales en matière
d’expropriation pour cause d’utilité publique et d’accès à l’information publique.
Les agents qui ont exécuté ces ordres d’expulsion et démolitions ont engagé,
outre la responsabilité du Gouvernement leur responsabilité personnelle 1.
Et
ce, pour avoir exécuté un ordre manifestement illégal. L’entreprise chinoise
commise à l’exécution de ces démolitions et des travaux de réhabilitation de
l’avenue Tourisme, a utilisé ses engins et procédé à des destructions des
propriétés privées sans se soucier de la régularité de cette opération. Ce qui
engage sa responsabilité dans les violations des droits humains décriés. Par
conséquent, les deux parties doivent solidairement procéder à la réparation des
préjudices causés à toutes les victimes.
III. Conclusion et recommandations
Après l’atteinte du point d’achèvement et l’effacement de la dette extérieure
de la République Démocratique du Congo, l’accord sino congolais constitue à la
fois une opportunité de développement pour la République Démocratique du Congo.
Il constitue en même temps un danger pouvant conduire le pays à un autre
surendettement si la gestion de cet accord n’est pas responsable et dès lors
aggraver la situation des congolais déjà très fragile. Durant l’enquête
entreprise par l’ASADHO relativement à l’exécution des travaux
d’infrastructures du projet Sicomines dans la ville de Kinshasa, il a été
constaté qu’au-delà de l’intérêt suscité dans l’opinion publique et de sa
contribution à la satisfaction de certains droits humains, la gestion du volet
infrastructures de ce projet à Kinshasa pose un certain nombre des problèmes
qui doivent interpeller les décideurs congolais.
La conception, l’étude et
l’exécution de ces travaux d’infrastructures à Kinshasa n’ont pas fait recours
à l’approche basée sur les droits humains. Ce qui a fait que l’exécution des
travaux de chantiers ouverts à Kinshasa ait donné lieu à plusieurs violations
des droits humains dont, les droit au logement, droit à la propriété, droit à
l’information et à la consultation, droit à une juste et préalable
indemnisation…1 . Les populations bénéficiaires de ces infrastructures et plus
particulièrement celles habitant le long de l’avenue Tourisme 2 n’ont pas été
ni informées et encore moins consultées sur les infrastructures à exécuter afin
d’identifier leurs priorités.
Le droit à l’indemnisation juste et préalable a
été bafoué étant donné que l’exécution de ces travaux a conduit à des
expulsions de plusieurs familles de leurs logements, maisons de commerce et
propriétés par des expropriations irrégulières décidées au mépris de la
législation nationale en la matière et des standards internationaux prévus par
les instruments juridiques internationaux ratifiés par la RDC à ce sujet.
Plusieurs familles ont été jetées dans la rue. S’il y a eu indemnisation pour
certains cas rares, celle-ci a été subjectivement sélective pour quelques
privilégiés. Les règles de transparence et de la bonne gouvernance ne sont pas
observées durant tous les processus d’exécution des travaux de ces
infrastructures dans la ville de Kinshasa. L’opacité qui a caractérisé le
processus du choix des entreprises chinoises ayant exécuté les travaux
d’infrastructures, l’absence de mécanismes indépendants de contrôle et
l’indisponibilité des rapports d’audit de ces travaux accréditent la thèse la
plus répandue de la surfacturation des coûts de ces infrastructures.
La qualité
des ouvrages exécutés n’a pas été garantie
L’ASADHO n’a pas pu accéder aux
études de faisabilité préalables pour les différents chantiers ouverts à
Kinshasa dans le cadre de cet accord. La détérioration rapide de certains de
ces ouvrages comme démontré dans ce rapport indique que ces infrastructures
n’offrent aucune garantie de bonne qualité et de durabilité. (1 Article 28
alinéa 1er de la Constitution de la RDC : Nul n’est tenu d’exécuter un ordre
manifestement illégal. Tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir
de l’obéissance lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte manifeste au
respect des droits de l’homme, des libertés publiques et des bonnes mœurs. - 1
Dans cette étude, l’accent a été mis sur deux droits : droit à l’information et
à la consultation ainsi que le droit à une juste et préalable indemnisation. 2
Infrastructure sélectionnée pour l’analyse de l’impact sur les deux droits
humains retenus)
De tout ce qui précède,
l’ASADHO recommande :
1. Au Président de la République :
- D’ordonner une
enquête indépendante sur tous les cas de violations de droits humains
intervenus à l’occasion de l’exécution des travaux de réhabilitation de
l’avenue Tourisme à Kinshasa dans le cadre de l’accord sino-congolais ; ¬
D’ordonner au Gouvernement de procéder à l’indemnisation de toutes les victimes
de démolitions de leurs propriété dans les meilleurs délais ; ¬ D’exiger à
l’avenir, la prise en compte de l’approche basée sur les droits humains à la
conception et exécution des futurs projets d’infrastructures en RDC ; ¬
D’exiger le recours à la procédure d’appel d’offre publique pour l’attribution
des marchés d’infrastructure et le recrutement des cabinets d’audit des travaux
exécutés ; ¬ D’ordonner au Gouvernement, l’organisation d’un audit indépendant
sur les coûts élevés et la qualité des travaux d’infrastructure exécutés à
Kinshasa dans le cadre de la convention de collaboration sino-congolaise ; ¬ De
rendre public les résultats de l’audit ;
2. Au Gouvernement :
¬ De diligenter
un audit indépendant de tous les travaux d’infrastructures exécutés à Kinshasa
dans le cadre de l’accord sino-congolais ; ¬ De procéder à l’identification de
toutes les victimes des violations des droits humains intervenues durant
l’exécution des travaux et procéder à leur juste indemnisation immédiate ; ¬
D’organiser des consultations des populations avant l’exécution des travaux
d’infrastructures ; ¬ De mettre en place des mécanismes de transparence et de
contrôle efficace dans la gestion du volet infrastructures de l’accord sino-congolais de la conception du projet jusqu’à la réception des travaux ; ¬ De
veiller à la prise en considération de l’exigence des droits humains dans la
mise en œuvre de futurs projets d’infrastructures ; ¬ De veiller à
l’information et consultation des communautés affectées par avant l’exécution
des travaux :
3. Aux entreprises
chinoises :
- De s’assurer du respect des droits des communautés riveraines
avant de procéder à toute démolition ; ¬ De procéder à la réparation des
préjudices causés par ses travailleurs aux membres des communautés ; ¬
D’accepter de recevoir et communiquer avec les organisations de la société
civile et les membres des communautés à la recherche des informations sur les
travaux exécutés ; ¬ De respecter les droits de l’homme dans l’exécution de
leurs tâches
Je possède maintenant une entreprise à moi avec l'aide d'Elegantloanfirm avec un prêt de 900 000,00 $ USD. au taux de 2%, au début, j'ai enseigné avec était une blague jusqu'à ce que ma demande de prêt soit traitée sous cinq jours ouvrables et que les fonds demandés me soient transférés. Je suis maintenant le fier propriétaire d'une grande entreprise avec 15 employés travaillant sous mes ordres. Tout cela grâce à l'agent de crédit Russ Harry, c'est un Dieu envoyé, vous pouvez les contacter pour améliorer votre entreprise sur ... email-- Elegantloanfirm@hotmail.com. / Numéro Whatsapp +393511617486
RépondreSupprimer