Après le boycott
des travaux parlementaires portant sur l’examen du projet de loi modifiant et
complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections
présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales
telle que modifiée par la loi n°11/003
du 25 juin 2011, par les députés nationaux de l’opposition et les
manifestations populaires contre ce projet de loi, la grande déception est de
constater que les parlementaires ont menti au peuple congolais que la
conditionnalité de recensement de la population n’est plus une condition à la
tenue des élections de 2016, et notamment celle présidentielle.
Cependant, en
parcourant la loi, objet des critiques telle qu’adoptée par la commission mixte
paritaire Assemblée Nationale-Sénat en séance du 25 janvier 2015, on constate
que malgré la suppression de l’alinéa 3 de l’article 8, beaucoup d’autres
dispositions de ladite loi maintiennent le recensement de la population comme
condition préalable d’abord à la répartition des sièges dans une
circonscription et partant, et ensuite à
l’organisations des élections.
Dans ce
contexte, le risque de glissement persiste en ce que, si la CENI tient à
coupler les élections présidentielle et législatives comme par le passé (2006
et 2011), elle connaîtrait un blocage dû à la non répartition des sièges dans
les circonscriptions électorales des députés nationaux, lequel blocage sera dû
à la non maîtrise du nombre d’habitants
dans une circonscription. Ce nombre
d’habitants ne peut être connu qu’à la suite des opérations de recensement
et identification de la population.
Ce raisonnement
nous le tenons à la suite de la compréhension des dispositions des articles
ci-après de la loi, objet des critiques en comparaison avec celles de la loi
n°06/006 du 9 mars 2006 telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011
:
I. DE L’ARTICLE 115 ALINEA 2 POINTS 1, 2 ET 4
DE LA LOI MODIFICATIVE DE JANVIER 2015
Cette
disposition est ainsi libellée : « le nombre de sièges à l’Assemblée
Nationale est de cinq cents. Chaque circonscription électorale a droit à un
nombre de députés égal au résultat des opérations suivantes :
1. Un quotient électoral est obtenu en divisant le nombre total d’habitants de la
République Démocratique du Congo par le nombre total des sièges à pourvoir à
l’Assemblée nationale ;
2. Le nombre de sièges à pourvoir dans chaque province est
obtenu par la division du nombre total
d’habitants de cette province par le quotient électoral ;
3. Le nombre de sièges à pourvoir dans chaque
circonscription est obtenu par la division du nombre total d’habitants de cette circonscription par le même
quotient électoral ; »
La fraude à la
loi et le risque de glissement contenus dans cette disposition peuvent être
ressortis en faisant une analyse comparative avec l’article 115 de la loi
n°06/006 du 09 mars 2006 telle que modifié par la loi n°11/003 du 25 juin 2011.
Ce texte est
ainsi conçu à son alinéa 3, litteras a, b et d : « chaque
circonscription électorale a droit à un nombre de députés égal au résultat des
opérations suivantes :
a. Un quotient électoral est obtenu en divisant le nombre d’électeurs enrôlés de la République Démocratique du Congo par le nombre total
des sièges à pourvoir à l’Assemblée Nationale ;
b. Le nombre de sièges à pourvoir dans chaque province est
obtenu par la division du nombre
d’électeurs enrôlés de cette province par le quotient électoral ;
d. Le nombre de
sièges à pourvoir dans chaque circonscription est obtenu par la division du nombre total d’électeurs enrôlés de
cette circonscription par le même quotient électoral ; »
Comme on peut
aisément se rendre compte, la fraude à la loi, donc à la volonté populaire, et
le risque de glissement ont consisté à remplacer les termes électeurs enrôlés par ceux de nombre d’habitants. Or ce nombre
d’habitants ne peut être connu qu’à la suite des opérations de recensement et
d’identification de la population.
II. DE L’ARTICLE 145 ALINEA 3 DE LA LOI DE
JANVIER 2015
Cette disposition est ainsi libellée : « il
(le nombre de sièges à pourvoir à chaque Assemblée Provinciale) est calculé
proportionnellement au nombre d’habitants de la province. » alors
que le texte de l’article 145 de la loi n°06/006 du 09 mars 2006 était conçu de
la manière suivante : « Le nombre de sièges à pourvoir pour chaque
Assemblée provinciale est de :
1. 48 députés provinciaux pour les provinces de plus
de 2.500.000 électeurs enrôlés;
2. 42 députés provinciaux
pour les provinces entre 2.000.001 et 2.500.000 électeurs enrôlés ;
3. 36 députés provinciaux pour les provinces entre
1.500.001 et 2.000.000 électeurs enrôlés ;
4. 30
députés provinciaux pour les provinces entre 1.000.001 et 1.500.000 électeurs
enrôlés ;
5. 24 députés provinciaux pour les provinces entre
500.001 et 1.000.000 électeurs enrôlés;
6. 18 députés provinciaux pour les provinces de
500.000 électeurs enrôlés et moins
On voit ici
également la volonté des parlementaires de janvier 2015, de soumettre
l’organisation des élections provinciales aux résultats de recensement et
d’identification de la population et non plus au nombre d’électeurs enrôlés.
III. DE L’ARTICLE 146 ALINEA 1ER
POINTS 1 ET 2 DE LA LOI DE JANVIER 2015
Cette
disposition est conçue comme suit : « Chaque circonscription
électorale a droit à un nombre de députés provinciaux égal au résultat des
opérations suivantes :
1. un quotient électoral par province est obtenu en
divisant le nombre total d’habitant de cette province par le
nombre de siège à pourvoir à l’Assemblée Provinciale ;
2. le nombre de sièges à pourvoir dans chaque
circonscription est obtenu par la division du nombre total d’habitants dans cette circonscription par le nombre
de sièges à pourvoir à l’Assemblée de la province ; »
Et l’alinéa 2 de
cette disposition dit que les dispositions de cet article s’appliquent mutatis
mutandis aux élections des conseillers municipaux de secteur ou de chefferie.
Alors que,
l’article 146 de la loi du 9 mars 2006 qui n’avait pas connu de modification en
2011 était ainsi conçu :
« Chaque circonscription électorale a
droit à un nombre de députés provinciaux égal au résultat des opérations
suivantes :
1. un quotient électoral par province est obtenu en
divisant le nombre d’électeurs enrôlés
dans la province par le nombre de sièges à pourvoir à l’Assemblée de la
province ;
2. le nombre de sièges à pourvoir dans chaque
circonscription et obtenu par la division du nombre total d’électeurs enrôlés dans cette circonscription par le
quotient électoral de la province ; ».
L’alinéa 2 de
cette disposition disait que les dispositions de cet article s’appliquaient
mutatis mutandis, aux élections des conseillers municipaux, de secteur ou de
chefferie.
Ici également,
les parlementaires de janvier 2015 ont remplacé les termes ‘‘ électeurs enrôlés ‘’ par ceux de ‘’ nombre total d’habitants ’’.
IV. DES ARTICLES 192 ALINEA 1er ET
208 ALINEA 1er DE LA LOI DE JANVIER 2015
Ces
dispositions, tout en constituant une répétition inutile, en ce que l’article
146 s’applique aux élections municipales, celles des conseillers de secteur ou
de chefferie. Nous notons également que les termes ‘‘ électeurs enrôlés ‘’ ont été remplacés par ceux de ‘‘ nombre
total d’habitants ’’.
V. DE L’ARTICLE 237 ter ALINEA 2 DE LA LOI DE
JANVIER 2015
Pour parachever
l’œuvre du glissement au-delà de 2016, l’article 237 ter dispose :
« les dispositions des articles 12 alinéa 4, 145 alinéa 3, 146, 192 alinéa
1er et 208 alinéa 1er ne s’appliquent pas aux scrutins
électoraux des cycles 2006 et 2011 non encore organisés ». Ce qui revient
à dire qu’on revient au schéma soutenu par l’autorité morale de la majorité
présidentielle, suivi en cela par l’Abbé MALUMALU, schéma consistant à
l’organisation d’abord des élections locales, municipales, urbaines et
provinciales avant celles législatives et présidentielle.
Or, on le
sait : ces scrutins ne peuvent pas prendre moins de deux ans pour leur
tenue. En conséquence, le schéma du glissement est bien tracé par trois
scénarios, sinon quatre : le recensement et l’identification de la
population ; La tenue des scrutins électoraux de 2006 et 2011 non encore
organisés pour prendre du temps, bloquer le financement des opérations
électorales, et le cas échéant, on pourrait imaginer le montage d’une fausse
rébellion.
De tout ce qui
précède, nous constatons avec grande déception que le législateur congolais de
janvier 2015 a maintenu le recensement et l’identification de la population
comme condition préalable à l’organisation des élections législatives,
provinciales, urbaines, municipales et locales de 2016. Cela ressort clairement
des dispositions de la loi que nous avons passées en revue.
Ainsi, en l’état
actuel de cette législation, les députés nationaux, sénateurs, députés
provinciaux, Gouverneurs et Vice-Gouverneurs
ne pourront être remplacés par une nouvelle législature qu’au-delà de
2016, et donc il y aura glissement.
Aussi, quand
bien même, l’alinéa 3 de l’article 8 a été élagué, le risque d’un glissement
n’est pas totalement exclu, car au cas où la CENI envisagerait de coupler les
élections présidentielle et législatives, elle serait tenue aux résultats du
recensement, en ce que pour la tenue de ces dernières, il faut compter pour la
répartition des sièges avec le nombre d’habitants exigé par la loi électorale
de janvier 2015 dans chaque circonscription, et donc avec les résultats du
recensement et d’identification de la population.
Dans ces
conditions, même si un nouveau Président de la République sera élu en 2016, il
sera tenu de gouverner avec la majorité parlementaire actuellement en place au
cas où les scrutins présidentiel et législatifs seraient séparés.
Ainsi, tout compte
fait, nous concluons que le législateur de janvier 2015 a trompé la vigilance
du peuple Congolais en supprimant l’alinéa 3 de l’article 8 alors que d’autres
dispositions du même texte retiennent l’esprit et la lettre de ladite
disposition prétendument supprimée. Il en est ainsi des articles 115, 145
alinéa 1er, 146, 192, 208 et 237 ter.
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