La Voix des Sans Voix pour les Droits de l’Homme (VSV) qui a été très choquée par le massacre, mercredi 30 août 2023 à Goma, dans la province du Nord-Kivu a mené, avec le concours de ses partenaires locaux une enquête pour avoir des informations sur ce que d’aucuns qualifient de crime contre l’humanité et de crime de génocide relevant de la compétence de la Cour Pénale Internationale.
En effet, aux fins du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le meurtre commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile est constitutif de crime contre l’humanité. De même, aux fins du même Statut, le meurtre de membres du groupe et l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale des membres d’un groupe commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux sont suffisants pour parler de crime de génocide.
La gravité de ce crime ne pouvait pas permettre à la VSV de réagir très rapidement sans qu’elle dispose des informations crédibles ou fiables. La VSV suit avec une attention toute particulière le déroulement du procès des militaires présumés auteurs du massacre de plus de cinquante-cinq personnes, adeptes de la secte mystico-religieuse « Foi Naturelle Judaïque et Messianique vers les Nations » bien connue sous le nom de Wazalendo.
La VSV espère que ce procès permettra à l’opinion publique de savoir ce qui s’est réellement passé la nuit du 30 août 2023 à Goma et de connaître les vrais auteurs de ce massacre pour qu’ils répondent de leurs actes criminels. La VSV exprime sa profonde consternation et condamne fermement la répression brutale, meurtrière et disproportionnée ayant causé ce carnage au mépris des droits à la vie, au respect de l’intégrité physique des personnes, à la propriété en ce que des maisons des personnes et une église ont été incendiés et/ ou détruites sans oublier l’extorsion des biens des personnes par des militaires qui se sont livrés selon de nombreux témoignages à une vraie chasse à l’homme à cette date.
La VSV condamne et dénonce la mort par lynchage d’un élément de la Police Nationale Congolaise par les adeptes de Wazalendo du « Prophète » Ephraïm Bisimwa. Ce policier avait aussi droit à la vie et à la sécurité de sa personne et surtout au respect de son intégrité physique. Les auteurs de ce lynchage ne doivent pas non plus rester impunis.
La VSV s’insurge contre la réaction disproportionnée des militaires avec l’utilisation des armes létales contre les adeptes non armés et en prière dans leur église. De même, la VSV dénonce avec la dernière énergie la manière dont les corps des victimes ont été jetés dans un véhicule comme s’il s’agissait des marchandises avariées destinées à être incinérées. Cet acte a révolté et choqué la conscience de tout être humain et terni l’image de la RD Congo.
Elle espère que le procès en cours permettra d’éclairer l’opinion publique sur le Bilan de ce massacre et d’en identifier les auteurs intellectuels, commanditaires et exécutants pour que tous répondent effectivement de leurs actes criminels sans distinction due à leurs différents rangs. Il ressort des résultats de notre enquête et compte tenu des circonstances dans lesquelles le carnage a eu lieu, qu’il sera difficile de connaître le nombre exact des personnes tuées sans une enquête indépendante et très approfondie.
En effet, selon les informations recueillies par la VSV, les militaires avaient mis en place une stratégie consistant à effacer les traces en ramassant les corps sans vie pour les faire disparaître. Des corps sans vie auraient été jetés dans le Lac Kivu pour atteindre cet objectif. Dans la nuit 30 août 2023, des centaines de personnes qui seraient venues de Uvira, Walungu, Kabare, Bukavu, Kalehe, Masisi, Goma et Nyiragongo se seraient réunies dans l’église messianique pour la prière avant de participer à la manifestation.
Par ailleurs, la VSV salue positivement la réaction du Gouvernement de la RD Congo qui a décidé d’envoyer à Goma quelques jours après le massacre une délégation interministérielle de haut rang composée notamment des Vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur et Sécurité, du Vice-premier Ministre, Ministre de la Défense et Anciens Combattants, du ministre des Droits Humains, du Vice-Ministre de la Justice et Garde des Sceaux et de l’Auditeur Général des FARDC pour s’enquérir de la gravité de la situation liée à ce massacre et prendre des mesures nécessaires qui s’imposent.
Aussi, la VSV salue le rappel à Kinshasa du gouverneur militaire Constant Ndima Kongba pour consultation sur les événements de Goma et espère que ce dernier aidera la justice à mieux avancer dans cette affaire. La VSV salue le démarrage du procès où comparaissent les présumés auteurs des événements survenus à Goma et souhaite en même temps que ce dernier aille jusqu’au bout pour que les responsabilités des uns et des autres soient réellement établies en vue de prévenir la commission des crimes similaires en RDCongo.
Du Contexte et des circonstances du massacre selon les témoignages recueillis : La secte mystico-religieuse « Foi Naturelle Judaïque et Messianique vers les Nations à annoncer la tenue d’une marche pacifique en date du 30 août 2023 dans la ville de Goma. L’objectif de cette marche pour les organisateurs était celui d’exiger le départ de la MONUSCO ainsi que des troupes de la East African Community (EAC).
Entre 3h et 6 h du matin, la radio Sauti y a Neno de la secte mystico-religieuse a reçu la visite des militaires cagoulés qui y sont entrés par effraction en escaladant la clôture. Dans la station radio, ces militaires arrêtent deux personnes dont Ephraïm Bisimwa et la journaliste Dorcas Tabita. Les deux personnes sont acheminées à l’extérieur de la clôture sur le lieu où il y avait deux jeep de l’armée et y sont ligotées par terre et gardées par des militaires. D’autres militaires sont entrés dans la station de la radio pour la piller systématiquement tout en demandant aux voisins de la station radio de rester enfermer dans leurs maisons.
A leur sortie de la station radio avec les effets pillés, ces militaires trouvent les membres de l’église messianique au lieu où Ephraïm Bisimwa et la journaliste étaient assis par terre sous la garde de leurs frères d’armes. Sur ces entrefaites, les militaires tentent de faire monter les deux personnes dans la jeep mais la journaliste Dorcas refuse d’y monter. Sur le champ, un militaire va tirer à bout portant sur elle. C’est là que les altercations vont commencer et plusieurs autres personnes vont être tuées par balles parmi les jeunes de l’église. Les corps sont transportés dans la jeep des militaires et plusieurs personnes sont blessées par balles.
Vers 6h00, les militaires vont quitter le lieu avec les corps sans vie pendant que des jeunes s’occupent des personnes blessées qu’ils vont acheminer à l’hôpital CBCA Ndosho situé à quelques mètres du lieu du massacre. Sur leur trajet vers la ville, les militaires tuent d’autres personnes et en blessent bien d’autres. Selon plusieurs témoignages, une équipe des militaires étaient chargés de ramasser les corps sans vie et une autre était là pour tuer sans pitié. Un journaliste sauvé de justesse par un policier non autrement identifié a déclaré que ce dernier lui aurait dit de faire attention car les militaires tueurs n’aimaient pas voir des journalistes sur leur passage.
Le policier aurait déclaré qu’il ne comprenait pas la mission réelle de ces militaires et leur vrai mobile en tuant ainsi la population. Pour certaines personnes, le bilan pourrait même atteindre cent personnes tuées et pour d’autres il pourrait être de deux cents. Des véhicules lourdement armés et des dizaines des militaires dont certains en cagoule ont été aperçus non loin de la secte Wazalendo dont l’église avait reçu près de 1.000 personnes la nuit du 29 au 30 août 2023 pour la prière et la manifestation.
Recommandations
Au regard des circonstances encore non élucidées sur le nombre exact des victimes du massacre du 30 août 2023 et compte tenu du caractère gravissime de nombreuses violations des droits de l’Homme perpétrées par certains militaires des FARDC et dans le but de prévenir la commission d’autres violations similaires des droits humains en RD Congo, la Voix des Sans Voix pour les Droits de l’Homme formule les recommandations suivantes :
1. Aux Autorités congolaises en générale et au Gouvernement en particulier :
- De diligenter une enquête approfondie et indépendante pour faire la lumière sur le nombre réel des victimes de ce massacre
- De lancer rapidement un appel à toutes les familles qui ont constaté la disparition ou la perte des leurs depuis le 30 août 2023 en vue de procéder à leur identification.
- De tout mettre en œuvre y compris tous les moyens nécessaires pour que le procès en cours à Goma se fasse en toute indépendance la lumière sur les circonstances et toutes les personnes impliquées dans le massacre des adeptes de de la secte Wazalendo et le lynchage du policier pour que les auteurs répondent effectivement de leurs actes.
- De procéder à la réparation des préjudices subis par toutes les victimes du massacre du 30 août 2023.
2. A la population Congolaise en général et celle du Nord-Kivu en particulier :
- De bien collaborer avec les autorités judiciaires ainsi que les défenseurs des droits humains aux fins de bien documenter les circonstances de ce massacre et d’identifier toutes les victimes.
3. A la Cour Pénale Internationale :
- De suivre de près le déroulement du procès en cours à Goma sur le massacre des adeptes de la secte Wazalendo et le cas échéant de s’autosaisir de ce dossier au cas où la justice congolaise n’allait pas jusqu’au bout dans la lutte contre l’impunité des auteurs de ce massacre qui ne constitue pas moins à la fois un crime de génocide et un crime contre l’humanité.
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